Le Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux d’Edouard Laferrière est traditionnellement considéré comme l’oeuvre marquant l’entrée du droit administratif français dans la modernité. Les ouvrages qui le précèdent n’ont pas atteint le niveau de systématisation qui est le sien et manquent probablement de ce qui assurera au droit administratif français sa puissance constructive : la lecture exhaustive de la jurisprudence du Conseil d’Etat en sa présentation en un ensemble ordonné.
Le Traité a connu deux éditions. La première est parue en deux tomes chez Berger-Levrault en 1887 et 1888. La seconde édition est parue en 1896.
La première édition a été rééditée par la LGDJ en 1989. Roland Drago, dans la présentation qu’il en fait, explique avoir choisi la première édition car les apports de la seconde ne sont pas déterminants et que cette première édition a la fraîcheur brute (les mots sont les nôtres) d’une oeuvre nouvelle.
Nous avons au contraire choisi de rééditer la seconde édition et nous ajouterons que cette réédition est une « vraie » réédition. Notons qu’un reprint existe de cette seconde édition, réalisé par la BNF avec Hachette Livres, et parue en 2012.
La version du Traité ici proposée est celle de la seconde édition. Plusieurs raisons militent pour ce choix. La première tient au fait que si la LGDJ a choisi de rééditer la première édition, il est logique dans un certain esprit systématique de rééditer la seconde. Deuxième raison, si l’on peut apprécier la valeur d’une oeuvre nouvelle, la version plus affinée ou raffinée présente probablement l’avantage d’une présentation plus complète, réfléchie et systématique. Troisième raison, et Edouard Laferrière l’indique lui-même dans sa préface, la seconde édition est plus complète et a été largement remaniée et mise à jour, dans son premier tome, sur la « législation comparée ».
C’est l’un des aspects moins connus de l’oeuvre d’Edouard Laferrière que d’être consacrée au droit public comparé. Avant son Traité il avait avec Anselme Batbie publié Les Constitutions d’Europe et d’Amérique (Paris, Ed. Cotillon, 1869, 816 p), oeuvre à peu près unique en son genre pour qui veut connaître les constitutions anciennes de l’Europe, traduites en langue française !
La présente réédition est une « vraie » réédition. Très loin de nous l’idée de contester l’importance de l’oeuvre réalisé depuis deux siècles par les grands éditeurs ayant accompagné le droit public français et sa doctrine. Nous ne nous permettrons pas de qualifier de « fausses » les rééditions des auteurs anciens entreprises par la LGDJ ou par Dalloz, notamment. Ces maisons proposent dans un format agréable et surtout accessible, des ouvrages qui sont les copies des anciens ouvrages, dans un format adapté mais en réalisant des reproductions des pages originales. Elles en conservent à la fois le charme mais également la police, la mise en page et, d’une certaine manière, les imperfections d’époque. La Mémoire du droit va souvent plus loin que ces simples formats de reprint en proposant un texte retranscrit et donc plus lisible. C’est un saut qualitatif considérable, qui ouvre également la porte à des diffusions sous d’autres formats (rééditions de livres, diffusions numériques, formats Kindle, etc…).
Il est évident que la Revue générale du droit, proposant une réédition des grands auteurs, ne peut le faire que dans le plus pur format numérique. La transcription du texte original permet une réédition au sens plein du terme (si tant est que le terme soit clairement défini) c’est-à-dire, allant plus loin que le reprint, une édition totalement nouvelle dans son format .
C’est la tache à laquelle nous nous sommes attelés et qui a abouti à la mise en ligne intégrale de la seconde édition des deux tomes du Traité de la juridiction administrative et des recours contentieux d’Edouard Laferrière. Nous allons maintenant procéder à l’impression papier à travers nos Editions juridiques franco-allemandes et à la mise en ligne au format Kindle.
Le format choisi pour cette réédition permettra sa diffusion multisupports. Les pages de l’édition originale sont d’un volume de texte assez faible. Si chaque tome propose 700 pages, il n’en resterait guère que 400 dans un format moderne, qui est souvent plus économe du papier. La problématique est encore différente lorsque la réédition se fait au format électronique et est destinée à une publication multisupports (livres imprimés, Kindle, etc…). Il n’y a plus alors de véritables pages, ce qui n’est pas le moindre des problèmes de l’édition numérique dans ses rapports avec le « vieux monde ». Nous proposons donc un texte accompagné dans son corps des numéros des pages originales entre crochets.
Il sera ainsi toujours possible de citer l’oeuvre originale en faisant mine de ne pas avoir lu la Revue générale du droit dont le format n’apparaîtrait pas assez noble. Mais que le lecteur soit assuré que personne, désormais, ne croira sérieusement qu’une citation de la 2ème édition de Laferrière sera faite en référence à l’ouvrage original sans l’intermédiaire de la RGD, que cela soit justifié ou non.
De la même manière, les notes de bas de page dont la numérotation recommence à chaque page, sont intégrées dans le corps du texte et perdront, sinon le statut du moins le format habituel d’une note. Le procédé permet d’éviter de créer la confusion en proposant la numérotation continue de notes qui, dans l’oeuvre originale, étaient strictement attachées aux pages qui y renvoyaient. Là encore, citer l’oeuvre dans son format originel et original sera toujours possible, en étant le plus exact possible.
Permettez-moi enfin, alors que cette nouvelle aventure s’achève, de présenter des remerciements. C’est d’abord au Land de Sarre, à l’Université de la Sarre et à sa faculté de droit que mes remerciements sont adressés. A l’heure où il est de bon ton, même dans les milieux les plus cultivés, de brocarder la construction européenne et en particulier l’équilibre ou l’intérêt du « couple franco-allemand », rappelons que l’université de la Sarre oeuvre depuis plus de 70 ans, à l’amitié franco-allemande. Peu d’institutions ont tant fait. Les élus, les instances universitaires, les instances de la faculté, mes prédécesseurs et mes collègues actuels emploient des fonds publics sarrois, leur énergie et leur temps pour permettre à leurs collègues français de travailler dans des conditions optimales. Nous sommes là, à la direction du Centre juridique franco-allemand, pour former des étudiants des deux pays et des deux cultures. Il y a désormais plus de 2000 anciens élèves du Centre. Mais nous sommes également là pour accomplir notre oeuvre scientifique. Il prend parfois les formes les plus nobles. Il prend parfois des formes plus techniques et quotidiennes, comme l’administration de sites Internet. Mais les désormais quatorze millions de pages lues de la RGD me convainquent que je suis au moins aussi utile à la communauté universitaire à la tête de la Revue que dans de prestigieux colloques.
Si nous pouvons proposer, parmi les excellents articles, chroniques et actes de colloques publiés par nos collègues, des oeuvre aussi utiles que les manuels ou les rééditions d’auteurs anciens, c’est grâce aux assistants de la Chaire de droit public français de l’Université de la Sarre. Ceux qui ont des contrats d’assistants ou de collaborateurs scientifiques ont leur photographie dans la liste des personnels de ma Chaire. Ceux qui oeuvrent ponctuellement ne sont jamais cités. J’y remédie ici et voici les noms de neuf « assistants au carré » de l’année 2018-2019, les assistants-étudiants de mes collaborateurs et assistants scientifiques, étudiants de L2 et L3 du Centre juridique franco-allemand qui depuis des années intègrent les arrêts liés aux manuels de droit administratif et de contentieux administratif (3500 arrêts), numérisent les notes d’Hauriou, retapent le manuel d’Otto Mayer ou copient page à page le Traité de Laferrière. Ceux de 2018-2019 représenteront ici dignement leurs prédécesseurs : Eva BERNARD, Mathilde GUIRADO, Simon KAISER, Laure LAMARQUE, Dorian Lathuillière, Théo NISSOU, Salomé NOUVEL-MATHA, Frederic SCHAUER, Jeremy THUILLIER.
Simon KAISER a achevé le 28 mai 2020 à la mise en ligne de l’ouvrage mis en forme par ses camarades. Qu’il en soit ici remercié.