À la date du 13 août 1900, le maire de Beauvais a pris un arrêté, modifiant, un arrêté antérieur et réglementant à nouveau la taxe du pain. Les sieurs Lefort, Picard et autres boulangers ont déféré cet arrêté au préfet de l’Oise en lui demandant de modifier plusieurs de ses dispositions. Le 26 oct. 1900 le préfet rejeta leur demande. Les sieurs Lefort, Picard et autres saisirent alors le ministre de l’Agriculture qui, à la date du 8 déc. 1900 se déclara incompétent pour statuer sur la réclamation portée devant lui. Vous êtes saisis de deux recours, l’un, sous le nº 2235, dirigé contre l’arrêté du maire de Beauvais et la décision du préfet, l’autre, sous le nº l0292, dirigé contre la décision du ministre de l’Agriculture. Nous examinerons d’abord ce second recours qui soulève uniquement une question de compétence.
Le pouvoir de fixer la taxe du pain a été conféré, aux municipalités par la loi des 19-22 juil. 1791. L’art. 31 de cette loi dispose que les réclamations, auxquelles la taxe donnera lieu, seront portées devant le directoire du département qui prononcera sans appel. Le ministre de l’Agriculture s’est fondé sur ce texte pour se déclarer incompétent ; il a estimé que le préfet était la plus haute autorité hiérarchique, à laquelle il appartient de « se prononcer sur les questions de taxe du pain ».
Nous pensons que le ministre a commis une erreur. En 1791, les règles relatives aux recours hiérarchiques n’étaient ni bien précises, ni bien établies ; le directoire du département était un corps élu et il n’y avait en réalité aucune hiérarchie. En l’an VIII, les attributions administratives passent au préfet qui agit toujours sous l’autorité des ministres. Enfin, le décret-loi du 25 mars 1852 pose dans son art. 6 une règle fondamentale. Il est ainsi conçu : « Les préfets rendront compte de leurs actes aux ministres compétents… Ceux de ces actes, qui seraient contraires aux lois et règlements ou qui donneraient lieu aux réclamations des parties intéressées pourront être annulés ou réformés par les ministres compétents ». Ainsi, le recours hiérarchique existe d’une manière générale, en toutes matières ; il portera soit sur des questions de droit, soit sur des questions de fait et le ministre compétent pourra toujours modifier l’acte de son subordonne. Reste à déterminer quel est le ministre compétent pour statuer en matière de taxe du pain. Tout le monde est d’accord pour admettre que c’est le ministre de l’Agriculture et avec raison. Sans doute, à l’origine, c’était au ministre de l’Intérieur qu’il appartenait de prononcer sur les questions relatives à la taxe du pain, mais parce que les ministères de l’Intérieur, du Commerce et de l’Agriculture, aujourd’hui distincts, étaient réunis. L’ordonnance du 16 déc. 1844 créa un ministère de Commerce et de l’Agriculture, avec une direction de l’Agriculture comprenant un bureau « des subsistances » qui avait dans ses attributions notamment, l’examen des règlements des maires sur la boulangerie et la boucherie. Un décret du 18 févr. 1882 a organisé le ministère de l’Agriculture ; il y a rattaché le service des subsistances. Enfin, d’après une pratique constante on a toujours attribué compétence au ministre de l’Agriculture : c’est ainsi que le décret du 22 juin 1863 sur la boulangerie a été rendu sur la proposition du ministre du Commerce et de l’Agriculture, et que divers projets de loi présentés au Parlement dans ces dernières années l’ont été par le ministre de l’Agriculture. En résumé, nous estimons que le ministre de l’Agriculture s’est à tort déclaré incompétent pour statuer sur le recours dont il était saisi et nous concluons à l’annulation de sa décision.
Examinons maintenant le pourvoi contre l’arrêté du maire et la décision du préfet de l’Oise, pourvoi formé directement devant vous pour excès de pouvoir. Ici, il ne se pose pas de question de fait, il ne s’agit pas du taux de la taxe, il ne se pose que des questions de droit. Le recours vise trois dispositions de l’arrêté du maire de Beauvais, que nous passerons successivement en revue :
1º Les requérants vous défèrent l’art. 3 § 2 de l’arrêté ainsi conçu : « Les pains devront être bien cuits et de qualité loyale et marchande ». Ils soutiennent que cette disposition est étrangère à la taxe du pain. C’est très exact. Mais le maire n’en avait pas moins le pouvoir d’édicter une semblable prescription ; il l’avait en vertu de l’art. 97, § 5 de la loi du 5 avr. 1884, qui lui confie le soin de veiller à la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids et sur la salubrité des comestibles exposés en vente.
2º Les requérants vous déférent l’art. 4 de l’arrêté ainsi conçu : « Le pain blanc de 1re et de 2e qualité porté à domicile n’est pas soumis à la taxe ». Ils soutiennent que la taxe devrait porter sur le pain livré à domicile. Nous avouons ne pas comprendre l’intérêt que les boulangers peuvent avoir à critiquer cette disposition, qui leur donne une facilité pour échapper à la taxe et à toute réglementation. En tout cas, le droit qui appartient au maire de taxer le pain implique pour lui le pouvoir de ne taxer que tel ou tel pain. Les deux premières dispositions de l’arrêté qui vous sont déférées nous paraissent donc légales.
Arrivons à la 3e question qui est plus délicate. Les requérants vous défèrent l’art. 3 § 1 de l’arrêté du maire ainsi conçu : « Les boulangers seront tenus d’avoir leurs boutiques constamment garnies de chaque espèce de pain soumis à la taxe ». Peut-on imposer aux boulangers l’obligation d’avoir un assortiment des deux qualités de pain qui sont taxées ? Le ministre de l’Intérieur, dans ses observations sur le pourvoi, estime que le maire à ce pouvoir; le ministre de 1’Agriculture, au contraire, considère la disposition qui vous est déférée comme illégale, mauvaise et dangereuse en fait.
Nous sommes ainsi amenés à rechercher sur quels textes sont fondés les pouvoirs des maires en matière de boulangerie, nous pourrions ajouter « et de boucherie ». Ces textes sont les suivants : 1º L’art. 97 § 5 de la loi du 5 avr. 1884, reproduisant l’art. 3 § 3 du titre XI de la loi des 16 au 24 août 1790 qui donne au maire le pouvoir de veiller à la salubrité des comestibles mis en vente ; 2° le même article, même paragraphe, qui confie au maire le soin de veiller à la fidélité du débit des denrées se vendant au poids ou à la mesure. L’art. 3 de l’arrêté du maire de Beauvais porte, par application de ce texte, que l’exactitude du poids du pain livré à domicile devra être vérifiée à toute réquisition de l’acheteur et l’art. 4 dispose que les boulangers devront, en le livrant, peser le pain qu’ils vendront dans leurs établissements ; 3º la loi des 19-22 juil. 1791, dont l’art 30 est ainsi conçu : « La taxe des subsistances ne pourra provisoirement avoir lieu dans aucune ville ou commune du Royaume que sur le pain et la viande de boucherie, sans qu’il soit permis en aucun cas de l’étendre sur le vin, sur le blé, les autres grains, ni autre espèce de denrées ». Cet art. 30 trouve une sanction pénale particulière dans l’art. 479 § 6 du Code pénal qui punit d’une amende de 11 à 15 F inclusivement : « les boulangers et bouchers qui vendront le pain ou la viande au delà du prix fixé par la taxe légalement faite et publiée ». La loi du 5 avr. 1884 ne rappelle pas, il est vrai, à propos des pouvoirs des maires, l’art. 30 de la loi des 10-22 juil. 1791 mais, au cours de la discussion, de la loi de 1884 devant la Chambre des députés, on a rejeté un amendement présenté par M. Gatineau et tendant à faire comprendre l’art. 30 de la loi de 1791 au nombre des dispositions abrogées par l’art. 168 de la loi du 5 avr. 1884 (v. séance de la Chambre des députés du 6 nov. 1883). Ainsi l’art. 30 de la loi des 19-22 juil. 1791 est encore en vigueur.
Il semble résulter de ce qui précède que les pouvoirs du maire sont nettement fixés : le maire a les pouvoirs nécessaires pour assurer la salubrité du pain vendu, pour exiger que le poids du pain vendu soit exact et en fin pour fixer la taxe du pain. Mais il ne peut obliger les boulangers à avoir un approvisionnement de telle ou telle catégorie de pain taxe ; ce serait lui permettre de réglementer le commerce de la boulangerie, ce serait contraire au principe de la liberté du commerce et de l’industrie et d’ailleurs l’art. 479 § 6 du Code pénal ne punit que la vente du pain au déjà du prix fixe par la taxe.
Mais on vient ici nous opposer une jurisprudence, très extensive des pouvoirs du maire, qui aurait été admise par la Cour de cassation et on invoque la nécessité de reconnaître au maire des pouvoirs étendus pour lui permettre d’assurer l’application de la taxe. Nous sommes ainsi conduits :
1° à refaire devant vous l’historique de la réglementation du pain et de la jurisprudence de la Cour de cassation en cette matière et à rechercher si, d’après cette jurisprudence, on devrait reconnaître la légalité de La disposition qui vous est déférée ;
2° à rechercher quels pouvoirs la loi des 19-22 juil. 1791 a conférés au maire ;
3° à vous exposer comment les pouvoirs publics ont interprété ce texte et quelles sont leurs tendances actuelles.
La loi des 2-17 mars 1791 a bien proclamé la liberté du commerce et de l’industrie, la loi du 14 juin 1791 a bien supprimé les corporations, notamment la corporation des boulangers que l’édit d’août 1776 avait rétablie, mais il n’en a pas moins subsisté toute une réglementation pour assurer la salubrité du pain vendu, la fidélité du débit et pour fixer la taxe du pain. Des confusions étaient dès lors possibles ; à la fin de la période révolutionnaire les anciennes pratiques tendaient d’ailleurs à réapparaître, le système corporatif essayait de revivre. Et nous nous en apercevons bien vite au commencement du XIXe siècle. En effet, nous trouvons des décrets du gouvernement impérial rendus pour certaines villes, en 1812 pour Marseille et Bordeaux, en 1813 pour Lyon, puis des ordonnances en Conseil d’État sous la Restauration, qui imposent l’obligation d’obtenir du maire, ayant un pouvoir discrétionnaire, l’autorisation pour ouvrir des boulangeries, qui admettent l’organisation de syndicats de boulangers, ne comprenant qu’un nombre de membres limite et jouissant ainsi d’un véritable privilège, qui reconnaissent aux maires, aux préfets et même aux syndicats, dont nous venons de parler, des pouvoirs absolus pour tout réglementer, pour fixer les conditions de fabrication et de vente du pain, pour imposer l’obligation d’avoir un certain approvisionnement de farine.
Tous ces décrets et ordonnances étaient évidemment illégaux. La Cour de cassation n’osa pas le dire : elle fut impressionnée par ces actes émanant du chef de I’État, sur l’avis du Conseil d’État lui-même et peut-être aussi les souvenirs des anciennes corporations subsistaient-ils encore dans bien des esprits. La Cour de cassation chercha alors à donner à ces actes un fondement de légalité. Elle le trouva dans les pouvoirs généraux des maires, soit, pour rassurer la salubrité des denrées vendues et la fidélité du débit, soit pour fixer la taxe du pain et de la viande ; elle appliqua tantôt l’art. 471 § 15 du Code pénal et tantôt l’art. 479 que nous vous avons rappelés. Elle reconnut ainsi par divers arrêts jusqu’en 1860 que l’on avait pu imposer aux boulangers l’obligation d’avoir un approvisionnement de farine, que l’on avan pu exiger une autorisation avant d’ouvrir une boulangerie. Cette jurisprudence conduisait naturellement à reconnaître la légalité d’arrêtés, par lesquels les maires avaient fait une réglementation analogue à celle que l’on trouvait dans les décrets impériaux et les ordonnances de la Restauration, et la Cour de cassation l’admit en effet (v. notamment un arrêt, rendu toutes. Chambres réunies le 16 juill. 1840, Sirey, 1840.1.746. V. encore le rapport de M. le conseiller Poutet sur une affaire jugée le 11 jan. 1889, Sirey, 1889.1.91.).
Mais, en 1863, une importante modification fut apportée en toute cette matière. Sous empire des idées de liberté économique, des préoccupations commerciales, et agricoles qui se produisent à cette époque, intervint le décret du 22 juin 1863 qui assura la liberté du commerce de la boulangerie, en faisant disparaître toute réglementation de la profession de boulanger. Seule la taxe du pain, qui avait été établie par une loi, fut maintenue. La Cour de cassation se trouva alors fort embarrassée, lorsqu’elle eut à appliquer des arrêtés de maires. Les pouvoirs que sa jurisprudence antérieure avait, reconnus aux maires étaient fondés sur des textes de loi généraux, sur la loi des 16 au 24 août 1790 et sur celle des 19-22 juil. 1791 ; le décret du 22 juin 1863 n’avait pu modifier ces textes. Dans les premiers temps, la Cour de cassation sembla maintenir aux maires le pouvoir d’établir une certaine réglementation : elle admit notamment que le maire avait le droit d’interdire aux boulangers de fabriquer et de vendre à un prix supérieur à la taxe, du pain d’une qualité autre que celles prévues et taxées (v. Cass., 29 mai 1868, Sirey. 1869.1.286, v. le rapport de M. Accarias sous un arrêt de la Cour de cassation du 26 déc. 1895, Sirey, 1896.1.255). Pendant vingt ans, on ne trouve plus aucun arrêt de la Cour de cassation sur la question qui nous occupe. Mais, vers 1889, la Cour de cassation fut saisie de nouveau et elle changea alors complètement de jurisprudence. Elle admit que le maire avait bien toujours le droit d’établir une taxe du pain et qu’il pouvait graduer la taxe d’après les qualités du pain ( v. Cass., 9 nov. 1889, Sirey, 1890.1.187 ; 20 déc. 1889, Sirey. 1890.1.491). Mais elle refusa de reconnaître tout autre pouvoir au maire et notamment le pouvoir de défendre la vente d’un pain de qualité supérieure à celui taxé comme pain de première qualité (v. Cass., 12 déc. 1890, Sirey, 1891.1.95 ; 26 déc.1895, Sirey, 1896.1.255). La Cour de cassation admettait que l’art. 97 § 5 de la loi du 5 avr. 1884 ne pouvait servir de base à de telles prescriptions.
Que résulte-t-il de cet exposé de jurisprudence ? C’est que la jurisprudence de la Cour de cassation invoquée contre les requérants est antérieure au décret du 22 juin 1863 et qu’elle est contemporaine des décrets et ordonnances permettant une réglementation absolue du commerce de la boulangerie, que depuis 1863, un arrêt seulement, celui du 29 mai 1868, est conforme à cette jurisprudence et que la Cour de cassation est complètement revenue sur cette jurisprudence en 1889, 1890 et 1895. Ainsi, aujourd’hui, la Cour de cassation tend à admettre que le maire a seulement le pouvoir de fixer la taxe du pain, en vertu de la loi de 1791, et le droit de prendre toutes mesures pour assurer la salubrité de la denrée vendue et la fidélité du débit, en vertu de l’art. 97 § 5 de la loi du 5 avr. 1884. Très vraisemblablement à l’heure actuelle, la Cour de cassation estimerait que la disposition de l’arrêté du maire de Beauvais, qui vous est déférée, est illégale.
La jurisprudence de la Cour de cassation qui a été invoquée contre le recours étant ainsi écartée, nous avons à rechercher quelle interprétation doit être donnée à l’art. 30 de la loi des 19-22 juil. 1791. Pour soutenir que le maire a le pouvoir d’imposer aux boulangers d’avoir dans leurs établissements un approvisionnement des différentes espèces de pain taxés, on expose que la taxe ne peut avoir d’effet que si les boulangers doivent avoir un approvisionnement de pains de chaque catégorie, qu’en refusant au maire ce pouvoir, on permettrait aux boulangers de ne vendre que du pain de la première qualité et d’éluder la taxe, qu’il y a lieu de redouter une entente des boulangers qui préfèrent la vente du pain de première qualité et que les petits consommateurs seraient sacrifiés, qu’enfin, en cas de disette, il est nécessaire de pourvoir aux besoins des consommateurs.
Mais, dans le sens de la limitation des pouvoirs du maire, il est facile de répondre que l’obligation de l’approvisionnement constitue une véritable réglementation de la profession de boulanger, sans la contrepartie du privilège que reconnaissaient les décrets du premier Empire et les ordonnances de la Restauration. D’autre part, aucun texte n’attribue de pareils pouvoirs au maire, ni la loi des 19-22 juil. 1791, ni l’art. 97 § 5 de la loi du 5 avr. 1884, ni l’art. 479 du Code pénal. D’ailleurs, si l’on admettait que le maire a des pouvoirs aussi étendus que ceux que l’on veut lui reconnaître, il faudrait lui permettre de fixer la quantité de l’approvisionnement, sinon ses pouvoirs seraient illusoires : on devrait lui donner non seulement le droit d’exiger un approvisionnement de pain de la deuxième qualité, mais aussi celui d’exiger un approvisionnement de pain de la première qualité ; enfin, il deviendrait impossible d’ouvrir des boulangeries n’ayant que du pain de la deuxième qualité dans les quartiers pauvres et des boulangeries n’ayant que du pain de la 1re qualité dans les quartiers riches.
Quant au remède contre les abus, nous le trouvons dans le droit du maire de fixer le prix de chaque qualité de pain, de calculer l’écart entre les prix d’après le prix de fabrication, pour que les boulangers n’aient pas intérêt à vendre du pain de la 1re qualité, plutôt que du pain de la 2e. Enfin, en cas d’urgence, en cas de nécessité publique, le maire et le conseil municipal ont tous les droits. D’une part, en vertu de l’art. 97 § 6 de la loi du 5 avr. 1884 le maire a les pouvoirs nécessaires pour prévenir par des précautions convenables et pour faire cesser par la distribution de secours, les accidents et les fléaux calamiteux, ce qui comprend évidemment les disettes, rares, il est vrai aujourd’hui ; dans ce cas, le maire aura un pouvoir de réglementation absolu, mais il ne pourra prendre que des mesures avant un caractère provisoire. C’est ce que la Cour de cassation a admis dans un arrêt du 7 déc. 1848 (Bull, crim.1848, p. 444), par application de la loi des 16 au 24 août. 1790, titre IV art. 8 § 4 et 5. D’autre part, le conseil municipal aurait, dans la même hypothèse, le droit d’organiser un service public pour assurer les subsistances dans la commune ; vous lui avez reconnu ce pouvoir pour des services médicaux (v. Cons. d’Et., 26 mars 1901, Casanova, p. 333) ; il aurait le droit de subventionner des boulangeries coopératives (v. Cons. d’Et., 1er févr. 1901, Descroix, p.· 105) ; il peut, en un mot, en présence de circonstances exceptionnelles prendre toutes les mesures nécessaires. Ainsi, en cas de disette, de besoins urgents des consommateurs, l’Administration est armée. Mais en temps normal, il n’a été porté atteinte au principe de la liberté du commerce et de l’industrie que par l’art. 97 de la loi du 5 avr. 1884, par la loi des 19-22 juil. 1791 et par l’art. 479 du Code pénal. En dehors de ces textes donc ce que fera le maire sera illégal, constituera une vexation inutile, la taxe bien calculée se suffisant à elle même sans qu’une réglementation soit nécessaire.
Il nous reste à dire un mot des idées actuelles des pouvoirs publics. En 1899, une proposition de loi a été présentée à la Chambre des députés par MM. Aynard, Pierre Richard, Trouillot, Zévaès, etc., proposition portant la suppression de la taxe du pain. Un projet de loi a été déposé le 24 janv. 1901 par M. Jean Dupuy, ministre de 1’Agriculture : il maintient la taxe, mais, loin d’étendre les pouvoirs des maires en cette matière, il édicte toute une série de mesures pour prévenir les abus. Un rapport a été présenté par M. Muzet sur cette proposition et ce projet de loi : il propose la création de commissions arbitrales et organise un recours devant le préfet et le ministre de l’Agriculture. Un nouveau projet de conforme à celui présenté le 24 janv. 1901, a été déposé le 6 nov. 1902 par M. Mougeot, ministre de l’Agriculture. Ainsi le gouvernement et les Commissions parlementaires sont d’accord pour interpréter, comme nous, les textes que nous vous avons rappelés au cours de nos conclusions et pour consolider la législation en vigueur aujourd’hui.
En résumé, nous concluons à l’annulation de la disposition de l’arrêté du maire de Beauvais en tant qu’il oblige les boulangers à avoir dans leurs établissements un approvisionnement de chaque espèce de pain soumis à la taxe et à l’annulation de l’arrêté du préfet de l’Oise en tant qu’il a rejeté sur ce point la réclamation des sieurs Lefort, Picard et autres, et nous concluons au rejet du surplus des conclusions de la requête. – Nous ajouterons que le projet de loi déposé par M. Mougeot, ministre de l’Agriculture, le 6 nov. 1902, a fait l’objet d’un rapport de M. Dujardin-Beaumetz au mois de févr. 1904. Voyez encore sur ces questions l’article de M. Rabany dans la Revue générale d’administration, févr. 1904, t. I, p. 164 et suivantes.

