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Conclusions Romieu sur CE 17 nov. 1905, Syndicat de l’île de la Barthelasse c. dame Giovanna

Citer : Jean Romieu, 'Conclusions Romieu sur CE 17 nov. 1905, Syndicat de l’île de la Barthelasse c. dame Giovanna, ' : Revue générale du droit on line, 1905, numéro 69224 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=69224)


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De temps immémorial, des travaux de défense, chaussées ou digues, ont été exécutés pour assurer la conservation de l’île de Barthelasse, près d’un pont d’Avignon, qui dépendait autrefois de la commune de Villeneuve (Gard), et qui, depuis une loi du 10 juil. 1856, fait partie de la ville d’Avignon. Une ordonnance du 19 déc.1841 a créé un syndicat forcé, pour la conservation de ces ouvrages, par application de la loi du 16 sept. 1807. Les chaussées, qui sont en terre, forment un système de défense assez incomplet ; elles servent en même temps de chemin de desserte ; elles sont submersibles en temps de grandes crues ; on n’a pu songer à les transformer en digues insubmersibles à raison des dépenses que ce travail aurait entraînées ; on n’a cherché qu’à conserver à l’île sa forme et ses rives, sans empêcher sa submersion, et en la protégeant seulement contre les courants du dehors pour éviter que les rives, qui constituent l’ossature même de l’île, ne soient pas attaquées. Au moment d’une grande crue, les digues sont submergées, l’île est envahie par les eaux ; la cure passée, la commission syndicale fait réparer les brèches qui se sont produites dans la ceinture de chaussées, pour assurer la conservation des rives de l’île.

En 1896, une grande crue du Rhône ouvrit une brèche dans les digues au droit de la propriété de la damne Giovanna ; la commission syndicale la fit réparer. En 1900, une nouvelle crue perça deux brèches, dont l’une était au même point que celle constatée en 1896. La dame Giovanna a intenté contre le syndicat une demande d’indemnité, en exposant que les eaux avaient envahi sa propriété, qu’elles avaient démoli des bâtiments et ravagé ses jardins et pépinières. Le conseil de préfecture saisi de cette demande ordonna une expertise, qui fut faite par un seul expert. Du rapport de cet expert, il ressort que les chaussées ne sont pas percées par l’action directe des courants du fleuve ; on a fait à leur face extérieure un bétonnage qui suffit pour protéger les chaussées contre les courants directs ; mais lorsque les eaux ont submergé les digues, elles s’ouvrent par la crête, un chemin sur tel ou tel point de digues qui, étant en terre, sans revêtement intérieur de béton, ne sont pas en état de résister. Elles ne pourraient résister que s’il existait une cuirasse de béton ou de maçonnerie sur la crête et à l’intérieur. L’expert a cependant estimé qu’une faute pourrait être relevée à la charge du syndicat : au point où une brèche s’était produite, en 1896, on aurait dû refaire les chaussées avec un revêtement intérieur, ce qui était le seul moyen d’empêcher l’enlèvement des chaussées. À la suite de cette expertise, le conseil de préfecture a condamné le syndicat à payer à la dame Giovanna une somme de 10 250 F en préparation des dommages causés. Le syndicat vous défère cette décision.

Il expose que ce n’est point lui qui a élevé les digues ; elles existent de temps immémorial, il les entretient telles qu’elles lui ont été remises ; il n’a point les ressources suffisantes pour transformer le système des digues ; d’ailleurs, ce n’est pas pour cela qu’un syndicat forcé a été constitué ; on l’a créé pour assurer la protection des rives de l’île de la Barthelasse, pour assurer le maintien de cette île et non point pour améliorer la situation des propriétés au point de vue de la submersion. Les digues existent, elles sont maintenues en bon état et le syndicat n’a rien fait pour aggraver la situation. Aucune faute ne peut même lui être reproché ; il a réparé la brèche ouverte en 1896, dans les mêmes conditions où i1avait réparé les brèches antérieures. Les digues n’ont pas un revêtement intérieur en béton, et on ne saurait établir un pareil revêtement sur un seul point ; ce serait protéger spécialement une propriété, le point faible serait reporté ailleurs et on pourrait trouver que le syndicat sort de sa mission. Il faudrait un revêtement intérieur en béton ou en maçonnerie sur toute la longueur des digues ; la dépense s’élèverait à 500 000 F au moins ; ce serait la ruine du syndicat et on n’aurait plus qu’à le dissoudre.

La dame Giovanna répond que si la digue n’existait pas, les terrains de l’île ne seraient submergés que lentement ; aucun dégât ne serait causé les terrains ne seraient point emportés. Les brèches qui se produisent en temps de grande crue amènent l’irruption de l’eau en véritable trombe : ce sont les digues qui sont la cause de ce fait. Enfin, après ce qui était survenu en 1896, le syndicat devait se rendre compte qu’un revêtement intérieur des digues s’imposait. Tels sont les arguments développés par les parties.

Vous savez que l’État ou les personnes publiques sont responsables de l’aggravation des dommages due à leur fait, aux ouvrages établis par eux, au mode de construction ou d’entretien de ces ouvrages, et cela soit dans les circonstances ordinaires, soit en cas de force majeure. En matière de dommages causés par les eaux, par exemple, on comparera l’état antérieur à l’établissement des ouvrages, avec l’état actuel, au point de vue du préjudice dû à une crue. Mais si la personne publique est responsable de l’aggravation du dommage due à l’existence de l’ouvrage en cas de crue, il faut tenir compte de la plus-value générale due à cette même existence de l’ouvrage en temps normal ; il y aura à faire une compensation totale ou partielle, si les propriétés privées ont profité des travaux exécutés dans un intérêt public.

C’est ce que vous avez décidé le 27 juin 1902 (D. P. 1903.5.745), dans une affaire d’Arnoux (2e affaire) : des travaux d’endiguement avaient été exécutés par l’État sur le Rhône ; avant les travaux, les terrains du sieur d’Arnoux étaient continuellement envahis par les eaux du fleuve et aucune culture n’était possible ; grâce aux travaux effectués, les terrains ont pu être cultivés, mais, en temps de crue, les effets de la crue sont plus violents qu’auparavant ; vous ayez admis la compensation. « Considérant, porte votre décision, qu’en admettant même que le préjudice qui a été causé au requérant (le sieur d’Arnoux) eût été moins considérable si l’État n’eût point apporté, en 1862, des modifications au régime de ce fleuve (le Rhône), il est établi que les travaux exécutés à cette date ont procuré aux parcelles dont le sieur d’Arnoux est propriétaire, une plus-value de nature à être compensée avec les dommages dont il a demandé réparation ». Mais, même dans ce dernier cas, la personne publique est responsable de sa faute personnelle. C’est, ce que vous avez décidé à l’égard du même sieur d’Arnoux dont nous venons de parler, alors que les conséquences de l’inondation de ses terrains avaient été notablement aggravés par le mauvais état des digues construites par l’État et dont les brèches, remontant à une crue antérieure, n’avaient pas été réparées, et vous avez alloué une indemnité (1re affaire). En résumé, l’Administration, quand elle crée un ouvrage public, n’est pas tenue de le faire pour améliorer la situation des propriétés privées et elle n’est responsable des dommages causés que déduction faite de la plus-value qui est résultée de ces travaux pour ces propriétés ; on a à dresser, en quelque sorte, un compte des profits et pertes. Mais, l’ouvrage une fois créé, elle est tenue de l’entretenir conformément aux conditions dans lesquelles il a été établi ; les particuliers sont en droit de compter sur l’ouvrage, tel qu’il a été construit. Il en serait ainsi au cas où une voie publique serait mal entretenue et les deux décisions que nous avons cités vous fournissent des exemples très nets pour les cas de dommages causées par les crues d’une rivière.

Ces règles s’appliquent quand la personne publique est un syndicat. En effet, un syndicat est un établissement public, et il faut suivre les règles posées pour les travaux publics. Peu importe, la circonstance que celui qui a subi le dommage fasse partie du syndicat ; l’ensemble ne peut s’enrichir aux dépens d’un seul. Les travaux d’intérêt collectif causent-ils un dommage direct et matériel à l’un des syndiqués, celui-ci devient un tiers vis-à-vis du syndicat, lorsqu’il s’agit d’assurer la réparation du dommage. Quant au syndicat, il est responsable dans les conditions ordinaires des travaux publics ; il est responsable de son fait, soit de la création d’un état nouveau, par suite des ouvrages établis par lui, sauf compensation des plus-values, s’il y a lieu, soit des fautes qu’il peut commettre dans l’entretien des ouvrages existants, par exemple, du défaut de réparation des brèches d’une digue. Il en est ainsi spécialement d’un syndicat forcé (Conseil d’État, 9 juin 1882, Syndicat de la Durance).

Appliquons ces principes dans l’affaire actuelle. Deux questions se posent : 1) le syndicat est-il responsable, en dehors de toute faute concernant l’entretien des ouvrages, de l’aggravation des dommages en cas de crue due à la modification de l’état naturel des lieux, par suite de l’existence des digues dans l’état où elles ont été établies ? 2º le syndicat est-il responsable, à raison d’une faute grave dans l’entretien des digues (défaut de réparation suffisante de la brèche ouverte en 1896) ?

1º question. La première question que nous venons de poser nous paraît devoir être résolue complètement en faveur du syndicat. En effet, comment le déclarer responsable des dommages résultant du système même des digues ? Ce n’est point lui qui l’a organisé ; les digues ou chaussées existent de temps immémorial et le syndicat créé en 1841 est venu seu­lement remplacer d’anciens syndicats partiels. Si l’on se reporte à l’ordonnance du 19 déc. l841, qui l’a constitué, on voit qu’on n’a eu qu’un but : assurer l’entretien des digues et maintenir l’état de choses existant, en apportant de l’unité dans les mesures à prendre et en exécutant quelques travaux accessoires (voyez les art. 1, 10 et 12 de l’ordonnance). Pour établir la responsabilité du syndicat, il faudrait prouver qu’il y a eu une modification de l’état antérieur à la création du syndicat, modification du système des digues qui protègent l’île de la Barthelasse, ou tout au mains des ouvrages au droit de la propriete de la dame Giovanna, qui est devant vous. On ne l’allègue même pas. Mais, en admettant même que le système de digues, tel qu’il existe actuellement, constitue un état de choses nouveau il faudrait alors, en ce qui concerne la responsabilité du syndicat, en cas de crue, tenir compte de la plus-value qui est résultée de ce système pour la propriete Giovanna et cela non seulement pour les époques de crue, mais encore en temps normal. Si l’on faisait cette comparaison, nous crayons que l’on serait amené à admettre une compensation totale de plus-value, car, sans les digues, l’île de Ia Barthelasse aurait déjà disparu.

2e question. Peut-on reprocher au syndicat une faute grave qu’il aurait commise dans l’entretien des digues, notamment dans les travaux de réparation effectuées en 1897 ? Nous n’aurions aucune hésitation pour reconnaître la responsabilité du syndicat, si la brèche ouverte par la crue de 1896 n’avait pas été réparée ou bien s’il n’avait été exécuté qu’un travail mal fait en lui-même. Mais la brèche ouverte en 1896 a été réparée en 1897 ; d’autre part, les travaux ont été bien faits ; ils ont rétabli l’état antérieur, et ce qui le prouve bien, c’est que le conseil de préfecture a mis hors de cause l’entrepreneur qui en avait été chargé ; d’ailleurs, en 1900, il n’y a pas eu qu’une seule brèche, il y en a eu deux dont l’une était point à l’endroit où c’était produite celle constatée en 1896. En réalité, critiquer en eux-mêmes les travaux exécutés en 1897, ce serait critiquer d’une manière générale l’état des digues, tel qu’il a existé de tout temps.

Toutefois si, en droit strict, la responsabilité du syndicat ne paraît pas directement engagée, on peut cependant reprocher peut-être au syndicat de n’avoir pas suffisamment renforcé le point où une brèche s’était produite en 1896, puisque la nouvelle brèche s’est ouverte au même endroit en 1897, ce qui conduirait à reconnaître, à la charge du syndicat, une responsabilité partielle du dommage pour défaut d’entretien ; il y aurait lieu, dès lors, de faire une ventilation. Nous estimons que, dans aucun cas, on ne saurait laisser à la charge du syndicat la totalité de l’indemnité, comme l’a fait le conseil de préfecture ; ce serait, en effet, ne tenir compte ni de la plus-value qui est résultée, pour la propriété de la dame Giovanna, de l’existence des digues, ni du fait que les travaux d’entretien ont été exécutés conformément à l’état antérieur et que le syndicat a pu les croire suffisants. Il faut donc reformer l’arrêt du conseil de préfecture. Nous vous proposerons de réduire l’indemnité, à laquelle a droit la dame Giovanna, de 10 250 F à 6 000 F ; nous crayons que vous ferez ainsi une exacte appréciation de la part du dommage qui doit être attribuée à la situation naturelle des lieux et de la part qui peut être imputée à une faute du syndicat.

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About Jean Romieu

L'auteur

Jean Romieu

Conclusions

  • Conclusion sur “CE 28 juin 1889, Compagnie des chemins de fer de l’Est”
  • Conclusion sur “CE 14 févr. 1890, Héritiers Guilloteaux “
  • Conclusion sur ”CE 13 nov. 1891, Commune d’Albias”
  • Conclusion sur “CE 8 avr. 1892, Sieur Trucchi”
  • Conclusion sur “CE 20 mai 1892, Sieurs Tessier et Beaugé, syndic de la faillite de la Societé du Casino de Nice c. ville de Nice”
  • Conclusion sur “CE 24 juin 1892, Ministre des travaux publics c. Garrigou”
  • Conclusion sur “CE 24 juin 1892, Sieur et dame de Quatrebarbes”
  • Conclusion sur “CE 8 août 1892, Sieur Bardot”
  • Conclusion sur “CE 8 août 1892, Compagnie lyonnaise des tramways c. consorts Piraud”
  • Conclusion sur “CE 8 août 1892, Sieur de Molembaix”
  • Conclusion sur “CE 2 dec. 1892, Sieur Mogambury”
  • Conclusion sur “CE 17 mars 1893, Compagnie du Nord et de l’Est et autres c. Ministre de la Guerre”
  • Conclusion sur “TC 8 juillet 1893, Bastide frères c. Falgayrolles et autres”
  • Conclusion sur “CE 17 nov. 1893, Commune de Quillebœuf”
  • Conclusion sur “CE 12 janv. 1894, Héritiers Dufourcq”
  • Conclusion sur “CE 9 févr. 1894, Sieur Brocks”
  • Conclusion sur “CE 21 juin 1895, Sieur Cames”
  • Conclusion sur “CE 17 janv. 1896, Fidon et fils”
  • Conclusion sur “CE 13 mars 1896, Ville de Paris c. Ministre de la guerre”
  • Conclusion sur “CE 5 mars 1897, 1er arrêt Verdier et Compagnie française de Kong c. Ministre des colonies, 2e arrêt Société commerciale, industrielle et agricole du Haut Ogooué (Daumas et Compagnie des héritiers Daumas) c. Ministre des colonies”
  • Conclusions Romieu sur CE 25 mai 1900, Commune de Lavault-Sainte-Anne, Sieurs Fayolle et autres
  • Conclusions Romieu sur CE 1er févr. 1901, Descroix et autres boulangers de Poitiers
  • Conclusions Romieu sur CE 9 mai 1902, Sieur Menut
  • Conclusions Romieu sur TC 2 déc. 1902, Société civile immobilière de Saint-Just 
  • Conclusions sur CE 25 mars 1904, Sieur Bouhier et autres [Commune de Lorient] (1re espèce), Sieur Loones et autres [Commune d’Hazebrouck] (2e espèce) et autres
  • Conclusions Romieu sur CE 10 févr. 1905, Sieur Tomaso Grecco
  • Conclusions Romieu sur CE 3 mars 1905, Lebourg c. Ville de Rouen

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