Nous examinerons successivement les réformes législatives et les décisions jurisprudentielles qui sont intervenues en Allemagne au cours de l’année 1969 et qui méritent l’attention du juriste français 1.
I – Les principales réformes législatives
A — Les révisions de la Loi Fondamentale
Au cours de l’année 1969, la Grande Coalition a voté huit lois modifiant la Loi fondamentale.
1) Dix-neuvième loi modifiant la Loi fondamentale, promulguée le 29 janvier 1969 (B. G. B., 1, p. 97)
Cette loi a eu pour premier objet de compléter la liste des compétences du Tribunal constitutionnel fédéral (Bundesverfassungsgericht) en insérant un n° 4a et 4b au premier alinéa de l’article 93 de la Loi fondamentale. En effet, la liste arrêtée par le constituant en 1949 ne comprenait pas le recours constitutionnel (Verfassungsbeschwerde) qui est ouvert à toute personne prétendant avoir été lésée dans l’un de ses droits fondamentaux ainsi qu’aux communes défendant leur droit à l’autonomie. Ce recours n’avait été introduit en droit allemand que par la loi du 12 mars 1951 sur le Tribunal constitutionnel fédéral (§§.90 et 91). C’est pour interdire au législateur de supprimer un droit de recours auquel l’opinion allemande est très attachée que le constituant de 1969 a complété l’article 93 de la Loi fondamentale.
Cette même révision constitutionnelle a également ajouté une phrase à l’alinéa 2 de l’article 94 de la Loi fondamentale ; celle-ci autorise expressément le législateur à entourer de restrictions la recevabilité des recours constitutionnels (Verfassungsbeschwerden) des citoyens et des communes. En fait, dans le but d’éviter un encombrement du Tribunal de Karlsruhe, le législateur avait déjà édicté deux règles restrictives : principe de l’épuisement préalable des voies de recours ordinaires (§§ 90 et 91 de la loi) et procédure d’examen préalable des recours par une commission composée de trois juges (§ 93 a de la loi). Ce sont ces deux règles restrictives que le constituant a précisément autorisées.
2) Vingtième loi modifiant la Loi fondamentale, promulguée le 12 mai 1969 (B. G. Bl., I, p. 357)
Elle supprime le principe de l’annualité budgétaire : désormais le budget peut être établi pour plusieurs années afin que la politique budgétaire soit adaptée aux fluctuations de l’économie (art. 110, al. 2, nouveau de la Loi fondamentale). Elle autorise également les autorités budgétaires à emprunter non plus seulement pour couvrir des dépenses susceptibles de procurer des recettes futures à l’État, mais plus largement pour couvrir toutes les dépenses d’investissement (art. 115, al. I, nouveau de la Loi fondamentale). Enfin elle donne à la Fédération le pouvoir de poser les principes de droit budgétaire applicables aux Länder, ce que celle-ci a fait dans une loi du 19 août 1969 ((Loi relative aux principes de droit budgétaire applicables à la Fédération et aux Länder (Haushaltsgrundsätzegesetz), B. G. BL., 1, P. 1273. Elle abroge le Code budgétaire du Reich (Reichshaushaltsordnung) du 31 décembre 1922, dont le texte avait été remanié le 14 avril 1930 (R. G. BL, p. 693).)) et elle apporte des modifications mineures à la procédure parlementaire relative à l’adoption du budget. Cette réforme constitutionnelle a été suivie par la promulgation, le 19 août 1969, d’une loi relative au budget fédéral ((Bundeshaushaltsordnung, B. G. BL., I, P. 1284, qui se substitue également a l’ancienne loi du Reich.)).
L’innovation la plus spectaculaire consiste dans la suppression de la division du budget en un budget ordinaire et en un budget extraordinaire ; celle-ci est présentée comme la conséquence logique de la disparition de principe selon lequel les emprunts ne peuvent financer que des dépenses productrices de recettes (nouvel art. 115, al. I, de la Loi fondamentale)2.
3) Vingt et unième loi modifiant la Loi fondamentale, promulguée le 12 mai 1969 (B. G. B.., I, p. 359).
Elle a modifié les rapports financiers entre la Fédération et les Länder ; elle a été étudiée dans la précédente chronique ((Cette Revue, 1970, P. 535.)) à l’exception toutefois des règles applicables aux communes et aux groupements de communes. Les modifications apportées sur ce point particulier sont peu importantes : l’article 106, alinéa 6, attribue désormais aux communes le produit des impôts locaux sur la consommation ou la dépense; l’article 106, alinéa 7, prévoit que les Länder verseront aux communes une partie du produit des impôts sur le chiffre d’affaires ; enfin l’article 104 a autorisé la Fédération à accorder des aides financières aux communes qui font des investissements « particulièrement importants » dans le but «d’éviter la rupture de l’équilibre économique, de compenser les inégalités de développement économique sur le territoire fédéral ou encore de favoriser la croissance de l’économie » ((Sur cette question, voir PAGENDORF, Finanz- und Steuerpolitik in der 5. Legislaturperiode, A. ö. V., p. 299. )).
4) Vingt-deuxième loi modifiant le Loi fondamentale, promulguée le 12 mai 1969 (B. G. Bl., I, p. 307)
Elle a pour objet d’étendre les compétences législatives de la fédération. Désormais, celle-ci dispose d’une compétence concurrente pour légiférer sur les aides en faveur des étudiants (art. 74, n° 13), sur les tarifs hospitaliers et la gestion financière des hôpitaux (art. 74, n° 19 a), et sur la perception et la répartition des taxes sur l’utilisation des routes par les véhicules (art. 74, n° 22). De plus, elle est compétente pour édicter une loi-cadre relative à l’enseignement supérieur (art. 75, al. J) et une loi-cadre tendant à uniformiser les traitements des fonctionnaires de la Fédération et des divers Länder (art, 75, al. 2). Enfin, elle peut instituer des tribunaux disciplinaires fédéraux qui seront compétents à l’égard des fonctionnaires des Länder.
5) Vingt-troisième loi modifiant la Loi fondamentale, promulguée le 17 juillet 1969 (B. G. BI., I, p. 817).
Cette loi a simplement pour objet d’obliger le gouvernement à transmettre au Bundestag les propositions de loi du Bundesrat dans un délai de 3 mois.
6) Vingt-quatrième loi modifiant la Loi fondamentale, promulguée le 2 juillet 1969 (B. G. BI., I, p. 986).
Elle modifie la deuxième phase de l’alinéa I de l’article 120 relatif à la répartition des charges résultant de la guerre (Kriegsfolgelasten) entre la Fédération et les Länder.
7) Vingt-cinquième loi modifiant la Loi fondamentale, promulguée le 19 juillet 1969 (B. G. BI., p. 1241)
Elle modifie l’article 29 de la Loi fondamentale relatif au changement de frontières des Länder ou au regroupement de ceux-ci (Neugliederung des Bundesgebietes). Le nouvel article 29 prévoit notamment qu’un référendum devra avoir lieu avant le 1er juin 1970 en Bade-Wurtemberg ((Sur la question du Bade, voir le commentaire du Professeur Evers sur le nouvel article 29 de la loi fondamentale dans : Kommentar zum Bonner Grundgesetz, Hansischer Gildenverlag, Hamburg, 1970.))
8) Vingt-sixième loi modifiant la Loi fondamentale, promulguée le 26 août 1969 (B. G. BI., I, p. 1357)
En ajoutant un cinquième alinéa à l’article 96 de la Loi fondamentale, cette loi a permis la promulgation, le 8 septembre 1969, d’une loi introduisant la règle du double degré de juridiction en matière d’atteinte à la sûreté de l’État ((Gesetz zur allgemeinen Einführung eines zweiten Rechtszuges in Staatsschutzstrafsachen, B. G. Bl., I, p. 1582.)): désormais les Cours d’appel (Oberlandesgerichte) des Länder statueront en première instance au nom de la Fédération et leurs jugements pourront faire l’objet d’un pourvoi en révision devant la Cour fédérale (Bundesgerichtshof); auparavant, les procès étaient jugés en première et dernière instance par la Cour fédérale.
- Cette chronique repose essentiellement sur le dépouillement systématique de trois revues : Neue Juristische Wochenschrift (N. J. W.) avec son supplément Zeitschrift für Rechtspolitik (Z. R. P.), Deutsches Verwaltungblatt (D. V. BL.) avec son supplément trimestriel Verwaltungsarchiv (Verw. Arch.) et Die öffentliche Verwaltung (D.ö.V.) qui ont été adressées à la Revue [↩]
- Sur cette réforme, voir HENLE, Haushaltsordnung nach der Haushaltsreform, D. ö. V., 1970, P. 299 et PAGENDORF, Finanz- und Steuerpolitik in der 5. Legislatur-periode, D. ö. V. 1970, P. 299. Voir aussi ZUNDEL, Bericht aus Bonn, Z. R. P., 1969, P. 189. [↩]
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