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You are here: Home / Accès par revues / BJCL / Les élus n’appartenant pas à la majorité municipale peuvent-ils avoir un espace réservé sur la page Facebook de la commune ou sur son compte Twitter ? – Conclusions sous TA Cergy-Pontoise, 13 décembre 2018, M. Buchet, n° 1611384

Les élus n’appartenant pas à la majorité municipale peuvent-ils avoir un espace réservé sur la page Facebook de la commune ou sur son compte Twitter ? – Conclusions sous TA Cergy-Pontoise, 13 décembre 2018, M. Buchet, n° 1611384

Extrait du Bulletin juridique des collectivités locales, décembre 2018, p. 859.

Citer : Marc Fremont, 'Les élus n’appartenant pas à la majorité municipale peuvent-ils avoir un espace réservé sur la page Facebook de la commune ou sur son compte Twitter ? – Conclusions sous TA Cergy-Pontoise, 13 décembre 2018, M. Buchet, n° 1611384, Extrait du Bulletin juridique des collectivités locales, décembre 2018, p. 859. ' : Revue générale du droit on line, 2025, numéro 68253 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=68253)


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Décision(s) commentée(s):
  • TA Cergy-Pontoise, 13 décembre 2018, M. Buchet, requête numéro 1611384

Le requérant, ancien maire de Fontenay-aux-Roses, a vu sa gestion vivement critiquée dans une lettre du maire de cette commune du 15 septembre 2016, versée dans la boîte aux lettres des habitants.

Il a par un courrier du 21 septembre 2016 sollicité du maire :

–          un droit de réponse ;

–          un espace pour les élus d’opposition dans la lettre du maire ;

–          un espace réservé à l’opposition sur le site internet ;

–          un espace réservé sur Facebook et twitter ;

–          « de respecter » le jugement du 28 mai 2015 de notre tribunal annulant tout ou partie des articles 21, 26 et 34 du règlement intérieur de l’assemblée, en accordant un espace suffisant pour l’opposition dans le magazine municipal.

Ces demandes étaient rejetées par décision du maire de Fontenay-aux-Roses du 10 novembre suivant.

C’est l’acte attaqué par M. Buchet, par une requête en annulation, assortie de conclusions à fin d‘injonction et en réparation du préjudice causé par l’illégalité de cette décision.

L’interprétation de ces conclusions n’est pas toujours évidente et certaines doivent d’ores et déjà être rejetées au stade de la compétence ou de la recevabilité.

I. En premier lieu, certaines conclusions se heurtent à l’incompétence du juge administratif

Sans anticiper sur l’analyse au fond, il faut très clairement signaler que le droit d’expression des élus de l’opposition fixé à l’article L. 2121-27-1 du CGCT, est distinct du droit de réponse assurée par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de presse. Le champ d’application des deux droits ne peut être confondu, dès lors qu’ils s’appliquent dans des cadres juridiques séparés1.

Or, il ressort de l’article 13 que le juge pénal est seul compétent pour statuer sur les « crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication », au sens du chapitre IV de ladite loi sur la liberté de la presse. Ainsi, les conclusions tendant à assurer ce droit se heurtent à l’incompétence du juge administratif pour statuer sur des conclusions. C’est l’analyse retenue par l’arrêt du Conseil d’État, notamment par un arrêt Élections municipales de Saint-Remy-L’Honore (Yvelines) du 3 juin 20152.

II. En second lieu, certaines conclusions ne franchiront pas le stade de la recevabilité

Tel est le cas des conclusions indemnitaires, puisque vous ferez droit à la fin de non-recevoir tirée de ce que le requérant ne justifie pas de la décision préalable liant le contentieux.

Ensuite, la défense critique les conclusions à fin d’injonction, en opposant une fin de non-recevoir tirée de ce que le juge administratif ne peut faire office d’administrateur. Toutefois, la requête a été présentée sans l’aide d’un conseil et nécessite donc une lecture souple. Dans ce contexte, nous considérons qu’en dépit de maladresses évidentes le requérant ne présente pas de conclusions à fin d‘injonction à titre principal. Celles-ci apparaissent découler de ses conclusions à fin d’annulation.

La seule la question est délicate concerne la demande d’injonction de modifier de l’article 34 du règlement intérieur du conseil municipal. En effet, M. Buchet n’a pas contesté la légalité du nouvel article 34, adopté par Conseil municipal, ni même sollicité l’abrogation. Rappelons, en ce sens, que le maire est maître de l’ordre du jour, mais que l’obligation d’inscription de l’abrogation d’un acte réglementaire à cet ordre est conditionné à son illégalité3. Vous pourrez retenir, dans cette mesure, la fin de non-recevoir.

Cependant, comme nous le verrons en détail, l’application de l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales passe nécessairement par le règlement intérieur qui fixe les modalités d’applications de cet article. Ainsi, à l’instar du jugement tribunal administratif de Melun4, qui sera longuement évoqué ci-après, vous pourrez être amené à enjoindre à amender le règlement intérieur.

III. Sur le fond, nous vous proposerons une solution d’annulation partielle

Pour mémoire, les droits dont disposent les conseillers municipaux qui leur permettent d’exercer effectivement et utilement leurs fonctions se composent, d’une part, du droit à l’information et d’autre part, le droit d’expression5.

Le droit d’expression des conseillers municipaux se manifeste tout d’abord à l’occasion des séances de l’assemblée délibérante, dans le cadre réglementé des droits de proposition, d’amendement et de débattre.

En revanche, la liberté d’expression dont disposent les conseillers municipaux en dehors des séances du conseil municipal n’est spécifiquement encadrée, que lorsqu’elle se manifeste publiquement et ouvertement.

Le législateur est ainsi intervenu en ce domaine afin d’attribuer des droits spécifiques aux élus n’appartenant pas à la majorité municipale, par la loi « démocratie de proximité » du 27 février 20026.

L’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales résultant de cette loi, prévoit la garantie, pour les commune de + de 3 500 habitants, d’un espace réservé aux élus qui ne sont pas membres de la majorité, aux bulletins d’information générale. À charge, comme le prévoit le texte, pour le règlement intérieur d’en définir alors les modalités d’application. L’idée était que les journaux municipaux traditionnels, pouvaient constituer le terreau de propagandes diffusées par la majorité.

Néanmoins, dès cette époque, le législateur ne se fermait pas les portes à toutes formes de communication assimilables à ces bulletins, le texte évoquant la diffusion, « sous quelque forme que ce soit ».

La question contemporaine qui se pose, notamment dans notre affaire, consiste à l’adaptation de ce droit aux nouveaux modes de communication résultant d’internet et, en particulier, le phénomène des réseaux sociaux.

Cette problématique apparaît avoir été d’ores et déjà intégré par le législateur, en raison de la réécriture très récente de l’article L. 2121-27-1 par la loi NOTRE du 7 août 20157. Outre le passage du seuil à 1 000 habitants, le texte remplace la notion de bulletin d’information municipale à celle, plus large, « d’informations générales ».

Néanmoins, il faut ici préciser que ce nouveau texte entrera en vigueur après le prochain renouvellement des conseillers municipaux.

En attendant des questions délicates se posent, pas tant en raison de la nature même de ces réseaux sociaux, mais plutôt eu égard aux conditions techniques de publications spécifiques de ces réseaux sociaux.

Jurisprudence relative à l’article L. 2121-27-1 du CGCT

Pour nous guider dans notre analyse, il convient de considérer que la jurisprudence a conféré un effet des plus larges aux dispositions de l’article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales. Ceci en raison de la rédaction même du texte, mais également par une interprétation du juge gouvernée par le droit d’expression des élus.

Le juge administratif a ainsi, d’abord, accepté d’étendre l’exercice de ce droit, au-delà du bulletin d’information traditionnel, à tout support d’information et de communication. Les exemples sont extrêmement divers et variés, mais il suffit ici de se référer à deux arrêts de la cour administrative d’appel de Versailles, M. Gérard Bellebeau8 et Ville de Versailles9. Les décisions les plus récentes et notamment celle de la cour administrative d’appel de Lyon n° 16LY04102, analysée par la suite, confirment cette logique. Plus encore, la jurisprudence est ainsi indifférente à des éléments tels que la périodicité ou la nature électronique ou non du support. Le législateur est venu intégrer cette analyse jurisprudentielle en modifiant récemment l’article L. 2121-27-1, par la loi NOTRE qui sera donc applicable au prochain renouvellement des conseillers.

Plus dans le détail, le juge fait application de deux critères qui suffisent à qualifier de bulletin d’information, à savoir la diffusion à un large public, le traitement par le support de questions tenant aux réalisations et la gestion du conseil municipal. Le juge s’attache ainsi aux deux versants du support de communication, à savoir son contenu et sa destination.

Sur le premier point, le bulletin doit s’adresser avant tout aux habitants et pas seulement à une catégorie de ceux-ci10. Sur le second, le bulletin doit rendre compte de réalisations de la commune, sans constituer un simple compte rendu d’événement et sans respecter par lui-même le droit d’expression des élus11.

Cette application libérale ne se retrouve pas seulement dans la notion de « bulletin d’information générale », mais aussi dans celle d’« élu ».

Ainsi, les arrêts de notre juge d’appel précités, témoignent également d’une conception large de l’élu, dont le droit d’expression ne saurait être conditionné à l’appartenance à un groupe, ou aux résultats des élections. La garantie offerte par le texte est même ouverte aux élus de la majorité12.

Dès lors que le mode de communication entre dans le champ de l’article L. 2121-27-1, la jurisprudence en a tiré toutes les conséquences. Cela, au moins à trois titres.

D’abord, lorsque l’obligation est opposable sur le support, le maire ne peut se comporter en directeur des publications sur l’encart réservé à ces élus. La jurisprudence prévoit les exceptions tenant à ce que le contenu engage la responsabilité pénale du directeur de la publication, notamment si l’article est manifestement diffamatoire, injurieux ou outrageant. Le principe a été posé par une première décision CE 7 mai 2012, Élections cantonales de Saint-Cloud13, et repose sur l’idée qu’une décision ne peut placer une personne en situation de commettre une infraction pénale14. Ses contours ont été précisés par un second arrêt fiché B du 20 mai 2016, Commune de Chartres15. Ce dernier arrêt confirme le contrôle normal effectué par le juge sur les mesures prises par le maire en tant que directeur de la publication, mais plus encore, réduit le champ de l’exception puisqu’il doit ressortir, à l’évidence du contenu que l’article présente un caractère manifestement outrageant, diffamatoire ou injurieux au regard des dispositions de la loi du 29 juillet 1881.

Cette interprétation restrictive de l’exception a été confortée par un arrêt fiché en B du 27 juin 2018, Mme Colomer16, rappelant que les conditions tenant à ce que la violation de la loi de 1881 soit manifeste et qu’elle ressorte à l’évidence de l’article sont bien cumulatives. Comprenez que le maire ne pourra agir dans ce contexte, que si elles sont réunies. Cet arrêt doit être également pris dans le contexte d’un récent arrêt de la CEDH du 7 septembre 2017, Lacroix17, qui repose sur une conception extrêmement large de la liberté d’expression des élus, qui s’exerce sous l’œil attentif du citoyen.

Ensuite, ce contrôle normal de l’intervention du maire, se double d’un contrôle juridictionnel restreint quant au caractère suffisant de l’espace laissé aux élus de l’opposition sur le support18.

Enfin, l’exercice de ce droit suppose d’accorder un délai de remise des articles suffisant en vue de leur publication. Nous retrouvons, de nouveau, un contrôle normal tenant compte des contraintes matérielles de publications19.

Tant l’évolution de la jurisprudence, que celle du texte, permettent d’adopter des solutions relativement simples, tant en ce qui concerne les supports papiers, que les outils de communication internet.

Application de la jurisprudence aux réseaux sociaux

Reste que cet état du droit peut poser quelques difficultés en ce qui concerne son application aux réseaux sociaux, qui renouvellent totalement les termes du débat.

Entrons plus amplement dans celui-ci.

Les réseaux sociaux sont des domaines virtuels situés à la lisière des espaces strictement privés et des espaces publics ou encore privés ouverts au public. Nous le verrons, la qualification de cet espace est délicate.

Qu’en est-il plus précisément pour Facebook et Twitter, seuls réseaux en cause dans ce litige ?

S’agissant de Facebook, d’abord, la difficulté résulte des paramétrages à la carte de l’utilisateur, qui peut ouvrir le site à tous, ou encore qu’aux intervenants préalablement admis comme « amis » ou encore paramétrer les accès au sein même des groupes d’« amis ». Cette ouverture décidée par l’utilisateur, permet, le cas échéant, aux intervenants d’écritures des commentaires sur un « mur » regroupant toutes les publications. Enfin, l’utilisateur peut paramétrer d’autres outils de confidentialité : bloquer des intervenants, paramétrer ce qui est notifié aux « amis »…

Au niveau de la jurisprudence judiciaire, les cours d’appel se sont opposées sur le caractère public ou privé de ce réseau20, mais la chambre civile de la Cour de cassation est venue préciser les conditions dans lesquelles un mur Facebook, a priori public, pouvait être considéré comme un espace privé, par un arrêt de sa première chambre civile du 10 avril 201321. Ainsi, il ne doit être accessible qu’à des personnes agréées par le titulaire du compte, dont le nombre doit être très « restreint » Autrement dit, le mur ne doit pas être ouvert à tous.

Dans un arrêt du 20 décembre 2017, la Cour de cassation revenait sur le caractère public ou privé d’un compte Facebook en estimant qu’à partir du moment où un salarié a réservé l’accès de son compte Facebook uniquement à certaines personnes, les informations qui y sont stockées relèvent de sa vie privée et ne peuvent être recueillies par l’employeur22.

S’agissant de la jurisprudence administrative, le Conseil d’État a adopté une analyse assez proche en estimant qu’un message diffusé sur un compte Facebook ouvert à tous et comportant 753 membres, constituait une violation de l’article L. 49 du code électoral23.

Mieux encore le Conseil a jugé dans un arrêt fiché B du 6 mai 2015, M. Laurent Pagny24 qu’un site Facebook au statut « public » au sens des règles de confidentialité de ce réseau social et portant un intitulé évoquant la commune, se rapprochait d’un bulletin municipal.

Vous l’aurez compris, la question du rapprochement de Facebook aux dispositions de l’article L. 2121-27-1 n’est pas évidente, bien que la nouvelle rédaction de l’article L. 2121-27-1 issue de la loi NOTRE simplifiera sans doute l’analyse et que l’arrêt du Conseil d’État M. Laurent Pagny donne d’une orientation de la jurisprudence naissante.

Il n’y a donc pas de surprise à souligner l’absence d’unanimité absolue parmi les tribunaux administratifs et cours administratives d’appel.

Dans un arrêt du 26 juin 2018, M. Da Silva c/ Commune de Migennes25, la cour administrative d’appel de Lyon a considéré que le réseau Facebook pouvait constituer une publication d’information générale, pour lequel le respect des droits des élus d’opposition n’était pas empêché pour des motifs techniques et par la circonstance qu’ils peuvent s’exprimer qu’au travers des commentaires sur le mur. Les conclusions de M. Deliancourt, publiées récemment26, apportent un éclairage important tant sur la réglementation applicable, que sur la position adoptée par la cour. La cour confirme ainsi la position qu’avait adoptée le tribunal administratif de Dijon dans son jugement M. Da Silva c/ Commune de Migennes du 29 septembre 201627.

Pour sa part, le tribunal administratif de Melun, dans un jugement très motivé M. Jacques-Édouard Gree du 30 novembre 2017 Nos 1605943 et 1605947 : fiché C+.)), rappelle, d’abord, les critères classiques tenant à la nature des informations diffusées sur ce Facebook, ainsi que sa diffusion aux habitants. Ensuite, il relève également l’absence d’impossibilité technique prouvée en défense à ce que l’opposition dispose de son espace. Enfin, il juge que la possibilité d’écrire sur le mur et de détenir sa propre page Facebook, ne sont pas de nature à justifier d’une possibilité pour les élus d’opposition d’exercer leurs droits d’expressions. Le tribunal motive son jugement sur ces derniers points en relevant que l’administrateur de la page pourrait agir sur les publications apposées sur le mur et que celles-ci n’apparaissent que si le visiteur demande à les voir.

Néanmoins, le tribunal administratif de Montreuil, dans un jugement également en M. Hacène Chibane du 29 juin 201728 a estimé que ce site en statut « public » au sens des règles de confidentialité et donc, ouvert à tous, permet, eu égard à la particularité de ce support, de réagir et d’échanger, notamment de manière quasi instantanée, à tout message ou commentaire, sans autre limitation de place ou de contrainte que celles découlant du respect de la loi et de l’ordre public. Il en déduit que cela permet, en soi, l’expression de toutes les tendances représentées au conseil municipal, sans qu’il soit nécessaire de prévoir un espace dédié ou supplémentaire au profit de l’opposition. Que tirer de tout ceci ? Il est possible de fixer une grille d’analyse applicable à l’ensemble des réseaux sociaux. Il n’existe pas de solution générale et absolue, mais une analyse qui pourrait se fonder sur quatre éléments :

1)         Plus la page Facebook est ouverte au public, plus elle se rapprocherait du bulletin d’information générale ou d’une « information générale » au sens de la loi NOTRE. Cependant, même en cas de « présélection » des « amis », cette confidentialité pourrait être relativement flasque, eu égard aux destinataires qui sont visés diffusion. Il est des cas ou l’on peut imaginer une « sélection » d’« amis » par trop flexible, pour considérer qu’une catégorie d’habitant serait, in fine, seule visée.

2)         plus la page traite de la gestion communale et plus nous nous rapprochons d’une telle information. Il faut ici s’attacher au contenu, mais le titre de la page peut assurément constituer une aide à l’analyse.

3)         L’application d’un nouveau critère décelé par la jurisprudence naissante, relatif à l’impossibilité technique, qui doit être prouvé par la commune et qui, a priori, n’existe pas pour Facebook. C’est un point qui ne remet pas en cause la qualification du support, mais qui se rapporte plutôt à l’idée d’impossibilité d’appliquer une règle29. À ce titre, l’utilisateur du réseau social n’a qu’une emprise que sur des points de paramétrages, mais en aucun cas sur les grandes caractéristiques du support.

4)         Il y a enfin le critère du respect par le réseau, par lui-même, du droit d’expression des élus. Ce critère aura, toutefois, une portée limitée, dès lors que, d’une part, la collectivité pourra avoir une emprise en sa qualité d’administrateur et, d’autre part, que le site ne réserve pas un espace dédié et identifié à l’expression des élus.

Au cas présent, les captures d’écran de la page Facebook de la commune de Fontenay-aux-Roses diffusaient des informations sur réalisations et la gestion du conseil municipal et notamment la mise en œuvre des projets portés par le maire et élus de la majorité. Il n’est pas contesté que les publications étaient accessibles à un large public, sans être réservé à quelques personnes.

La défense reprend les arguments tenant à ce que les élus de l’opposition avaient leur page et pouvaient s’exprimer sur le mur, que nous vous proposons de réfuter.

Sur ce dossier, l’impossibilité technique est également évoquée, mais non démontrée.

Vous donnerez donc raison à M. Buchet en ce qui concerne l’annulation du refus de garantir un espace sur cette page.

Solution pour Twitter

S’agissant de Twitter, nous vous proposons une même grille d’analyse, mais son usage vous amènera à écarter les prétentions de M. Buchet sur ce point.

Twitter est un réseau destiné à l’information de l’actualité en temps réel, qui met des utilisateurs en relation grâce à des informations qu’ils postent eux-mêmes, les « tweets », limités à 280 caractères. Chaque compte Twitter est personnalisé et permet de poster des informations, de suivre des informations ainsi que d’en relayer. Chaque membre se suit (en s’« abonnant » à la personne ou à l’institution) et peut réagir aux informations délivrées. Il n’y a pas de pré-sélection en « amis ». Autrement dit, c’est du Micro Blogging ouvert à tous les inscrits sur Twitter.

Par le jugement et arrêt précités, la cour administrative d’appel de Lyon et le tribunal administratif de Dijon ont écarté l’application de l’article L. 2121-27-1 sur Twitter eu égard au nombre limité de caractères et aux modalités de son fonctionnement.

Nous comprenons la solution, mais nous la partageons partiellement.

Il nous semble que la circonstance que le réseau social consiste à délivrer dans un espace restreint des informations ou une pensée, en temps réel, n’est pas un obstacle rédhibitoire à ce qu’il en résulte une information générale de la gestion commune (même si nous convenons qu’elle l’a limitée). En 280 caractères, beaucoup de choses peuvent être dites. L’espace nous apparaît suffisant pour aller au-delà de simples comptes rendus d’événements. Si le site en était resté à 140 caractères, nous aurions pu, à la rigueur considérer que le réseau social est bien dédié à la « réaction ». Mais à 280, il ouvre la perspective d’une exposition de l’action municipale et, donc, un usage potentiellement ouvert à la propagande.

Preuve par l’exemple, reprenons, notre dernier paragraphe. Nous venons d’indiquer que : « Il nous semble que la circonstance que le réseau social consiste à délivrer dans un espace restreint des informations ou une pensée, en temps réel, n’est pas un obstacle rédhibitoire à ce qu’il en résulte une information générale de la gestion commune (même si nous convenons qu’elle l’a limitée). »

Cette longue phrase représente 252 caractères, ce qui signifie, dans l’absolu, que peut être inscrite sur Twitter une exposition relativement substantielle d’actes de gestion communale.

Il n’y a, ainsi, pas d’obstacle à ce que Twitter puisse être considéré comme un bulletin d’information générale.

En revanche, nous partageons le second motif retenu cour administrative d’appel de Lyon et le tribunal administratif de Dijon, en ce que réseau n’est techniquement pas adapté pour accueillir un espace dédié à l’expression des élus d’opposition. Ce site ne permet que des réponses au fil de l’eau et il n’est pas possible d’y insérer un espace.

Vous rejetterez donc les conclusions en tant qu’elles portent sur le réseau Twitter.

Les réseaux sociaux étaient le point le plus délicat. Les autres moyens soulevés ne poseront pas de difficulté.

D’abord, en ce qui concerne la lettre du 15 septembre 2016, elle porte incontestablement sur la gestion communale et avait été déposée dans chaque boîte aux lettres de la commune. Le refus du maire sur ce point sera annulé. Ensuite, s’agissant du site Internet, le requérant n’apporte aucun élément relatif à ses caractéristiques, alors que la défense produit une capture d’écran attestant qu’un encart y est réservé pour l’expression de l’opposition. M. Buchet n’a pas discuté cet élément. Ainsi, vous rejetterez dans cette mesure les prétentions du requérant.

Enfin, reste la question de l’exécution de votre jugement du 28 mai 2015 qui avait censuré l’article 34, faute d’espace suffisant laissé à l’expression de l’opposition, sur le journal municipal. Ainsi, une demi-page était accordée aux 4 groupes n’appartenant pas à la majorité, pour une demi-page accordée à cette majorité, sur un journal de 36 pages. Nous l’avons dit sur la recevabilité, M. Buchet ne sollicite pas l’annulation du nouvel article 34, qui a été adopté par la commune en « anticipation » de votre jugement d’annulation.

Néanmoins, le requérant prouve que la commune n’a tiré aucune conséquence de la chose jugée, puisque les espaces dédiés à l’expression des élus de la majorité ou de l’opposition sont restés identiques. Le refus du maire à la demande d’extension de l’espace dédié à l’opposition, seul acte attaqué devant vous, méconnaît la chose jugée qui s’attache aux motifs qui sont le support nécessaire au dispositif du jugement du 28 mai 2015.

Au final, vous annulerez donc partiellement la décision du maire en tant qu’elle refuse :

–          la création d’un espace réservé aux élus non-membres de la majorité sur le site Facebook ;

–          la création d’un espace réservé sur la lettre du maire du 15 septembre 2016 et des lettres à venir ;

–          l’extension de l’espace réservé aux élus de l’opposition sur le magazine municipal.

Ce jugement impliquera d’enjoindre au maire d’inscrire à l’ordre du jour l’insertion dans le règlement intérieur du conseil municipal d’un nouvel article tendant à réserver ou étendre ces espaces, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du jugement.

Par ces motifs, nous concluons

– à l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle refuse la création d’un espace réservé aux élus non-membres de la majorité sur le site Facebook, la création d’un espace réservé sur la lettre du maire du 15 septembre 2016 et des lettres à venir et l’extension de l’espace réservé aux élus de l’opposition sur le magazine municipal. Il sera enjoint au maire d’inscrire à l’ordre du jour l’insertion dans le règlement intérieur du conseil municipal d’un nouvel article tendant à réserver/étendre ces espaces, dans un délai de 2 mois à compter de la notification du jugement ;

– au rejet du surplus des conclusions de la requête. ■

  1. Voir, notamment, l’ordonnance de référé TA Dijon 19 octobre 2006, M. Stéphane Voisin et M. Olivier Bolot, n° 0602430, mais qui est fiché en B. [↩]
  2. N° 387142, fiché en C, ou encore un jugement fiché C+ du tribunal administratif de Dijon Section de Commune d’Antilly du 3 novembre 2005 (nos 0500714 et 0501248. [↩]
  3. CE 2 octobre 2013, Mme Vincent, n° 367023 : fiché en B. [↩]
  4. Nos 1605943 et 1605947. [↩]
  5. Sur ces points, voir les arrêts du Conseil d’État, CE Ass. 9 novembre 1973, Commune de Pointe-à-Pitre : Rec., p. 631, concl. J. Théry ; CE 1er mai 1903, Bergeon : Rec. p. 324 ; CE 25 mai 1988, Tête : Rec., p. 207. [↩]
  6. N° 2002-276. [↩]
  7. N° 2015-991. [↩]
  8. N° 06VE00383 : fiché en C+. [↩]
  9. 17 avril 2009, n° 06VE00222 : fiché en A. [↩]
  10. CA Versailles 12 juillet 2006, Département de l’Essonne : en C+. [↩]
  11. CE 28 janvier 2004, Commune de Pertuis, n° 256544 : Rec., p. 156. [↩]
  12. CAA Marseille 16 décembre 2010, Commune de Montpellier, n° 08MA05127. [↩]
  13. N° 353536 : Rec., p. 190 ; concl. D. Botteghi. [↩]
  14. CE 6 décembre 1996, Société Lambda, n° 167502 : Rec. p. 466 ; fiché en A. [↩]
  15. N° 387144, : Rec., T., p. 657. [↩]
  16. N° 406081. [↩]
  17. N° 41519/12. [↩]
  18. CE 28 janvier 2004, Commune de Pertuis, n° 256544, préc., éclairé par les conclusions de M. Séners sur ce point ; voir également CAA Paris 27 mars 2007, Commune d’Asnieres-Sur-Seine, n° 04PA03958 : en C+, ou encore l’arrêt CAA Versailles, M. Gérard Bellebeau, n° 06VE00383, précité. [↩]
  19. Voir, notamment, les jugements TA 26 décembre 2007, M. Philippe Guerin, n° 1502025, et TA Lille 5 mai 2007, M. Dequen, n° 1603776. [↩]
  20. Comparer CA Reims 9 juin 2010, n° 009-03209 et CA Bordeaux 1er avril 2014, n° 13-01992. [↩]
  21. N° 11-19530. [↩]
  22. Cass. soc. 20 décembre 2017, n° 16 19.609. [↩]
  23. CE 25 février 2015, Élections municipales de Voisins-le-Bretonneux (Yvelines), n° 385686 : Rec., T., p. 686 ; fiché en B. [↩]
  24. N° 382518 : Rec., T., p. 686. [↩]
  25. N° 16LY04102 : fiché en C. [↩]
  26. JCP A, 19 novembre 2018, n° 46, p. 15-21. comm. 2311. [↩]
  27. N° 1402816 : fiché en C+. [↩]
  28. Nos 1602417 et 1609194 : fiché en C+. [↩]
  29. Par exemple, CE 25 novembre 1992, Syndicat intercommunal à vocation unique de Boe-le-Passage et autre, nos 91786 et 91834 : Rec., T., p. 682 ; fiché B. [↩]

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Table des matières

  • I. En premier lieu, certaines conclusions se heurtent à l’incompétence du juge administratif
  • II. En second lieu, certaines conclusions ne franchiront pas le stade de la recevabilité
  • III. Sur le fond, nous vous proposerons une solution d’annulation partielle
    • Jurisprudence relative à l’article L. 2121-27-1 du CGCT
    • Application de la jurisprudence aux réseaux sociaux
    • Solution pour Twitter

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  • I. En premier lieu, certaines conclusions se heurtent à l’incompétence du juge administratif
  • II. En second lieu, certaines conclusions ne franchiront pas le stade de la recevabilité
  • III. Sur le fond, nous vous proposerons une solution d’annulation partielle
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