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L’interdiction d’accéder aux locaux et l’obligation de rendre les clés sont-elles des mesures d’ordre intérieur ? – Conclusions sous CE 10 décembre 2021, Mme Redjimi, n° 440458

Extrait du Bulletin juridique des collectivités locales, décembre 2021, p. 889.

Citer : Émilie Bokdam-Tognetti, 'L’interdiction d’accéder aux locaux et l’obligation de rendre les clés sont-elles des mesures d’ordre intérieur ? – Conclusions sous CE 10 décembre 2021, Mme Redjimi, n° 440458, Extrait du Bulletin juridique des collectivités locales, décembre 2021, p. 889. ' : Revue générale du droit on line, 2025, numéro 70452 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=70452)


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Décision(s) commentée(s):
  • CE 10 décembre 2021, Mme Redjimi, requête numéro 440458

« Notion sans théorie » et « à réviser » pour certains commentateurs1, entachée par la jurisprudence récente de « dénaturation »2, ou encore « à bout de souffle » et allant vers « une mort annoncée » pour d’autres((Benjamin Defoort, RFDA 2016, p. 75.)), les mesures d’ordre intérieur font partie de ces concepts souvent maniés, anciens, ayant certes subi au fil du temps un certain délitement, mais ayant la vie dure nonobstant les critiques qui leur sont adressées.

Rappel de la jurisprudence

Nous ne tenterons ni d’en brosser un tableau d’ensemble, ni de répondre aux contradictions pointées par la doctrine et tenant notamment à un décalage entre, d’un côté, les explications traditionnelles et la dénomination même des mesures d’ordre intérieur (que R. Odent définissait comme « celles qui, d’une part, ont un caractère exclusive ment interne à l’administration qui les prend, d’autre part, n’ont aucun effet sur la situation juridique de ceux qui la subissent et, enfin, sont purement discrétionnaire ») et, de l’autre, la réalité de leur traduction jurisprudentielle.

Nous nous contenterons de partir de la définition la plus récente donnée par la décision de Section Mme Bourjolly du 25 septembre 20153, suivant laquelle « les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours », et précisant qu’il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent perte de responsabilités ou de rémunération. Vous avez jugé que le recours contre une telle mesure, à moins qu’elle ne traduise une discrimination, est irrecevable, alors même que la mesure de changement d’affectation aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l’agent public concerné.

Même si votre décision n’en fait pas un critère et si la doctrine souligne que leur dimension tournée vers l’ordre interne des administrations ne permet pas, à elle seule, de rendre compte et de justifier de la catégorie des mesures d’ordre intérieur, ces vases clos que sont l’école, la caserne ou la prison et ces univers administratifs soumis au pouvoir hiérarchique que sont les services pour les agents qui y travaillent, constituent le terrain unique de naissance et de déploiement de ces mesures se rattachant à leur gestion et leur police intérieures.

En définissant, pour les agents publics, les mesures d’ordre intérieur uniquement par leurs effets, votre décision de Section laisse délibérément à la porte de votre prétoire la résolution des conflits nés, à l’intérieur de ces sphères administratives, de certaines mesures qui, par leurs effets minimes, sont regardées comme ne faisant pas suffisamment grief aux personnes qu’elles visent et qui, pour le dire crûment, ne méritent pas que soit mise en branle la machine de la justice. Ces mesures, dont « la faible importance pratique et la minceur juridique », pour reprendre les termes de René Chapus, « justifient qu’elles ne puissent faire l’objet de débat devant la juridiction », ne peuvent ainsi trouver que dans l’ordre intérieur au sein duquel elles sont nées leur résolution.

Eu égard à cette dimension finaliste, la qualification de mesure d’ordre intérieur, qui se prête mal aux systématisations, procède d’une approche pragmatique. Les « effets » à l’aune desquels votre décision de Section invite à raisonner pour caractériser la justiciabilité d’une mesure sont appréciés en tenant compte des circonstances concrètes du litige et peuvent être tant juridiques que matériels. Ainsi, telle mesure dont les effets, dans les circonstances d’une espèce donnée, ne dépasseront pas le seuil de justiciabilité sera susceptible, dans une autre affaire, de se voir reconnaître des effets suffisants pour ouvrir au requérant les portes d’un tribunal.

Les rares décisions relatives aux mesures par lesquelles l’autorité demande à un agent de lui rendre les clés d’un bureau et le prive de l’accès à certains locaux en sont l’illustration.

Ainsi, vous avez jugé que constituaient des mesures d’ordre intérieur des décisions demandant à un agent ayant cessé son service par suite d’une incarcération de remettre certaines clés et lui interdisant de pénétrer dans certains locaux4, ou encore les décisions ayant pour objet de limiter l’accès d’un fonctionnaire à certains bureaux de son administration où son service ne l’appelait pas normalement5, de même que les lettres par lesquelles le directeur d’un centre hospitalier invite un chef de service à libérer les locaux affectés dorénavant à une unité indépendante6. Dans ces trois précédents, les locaux dont l’agent était prié de rendre les clés et auxquels l’accès lui était limité ou interdit étaient des locaux dans lesquels l’agent n’avait pas ou plus vocation à se rendre pour effectuer son service – soit qu’il n’eût en pratique plus de possibilité d’accomplir son service du fait de son incarcération, soit que ce service s’accomplît ailleurs. L’effet pratique de ces mesures était dès lors quasi-inexistant, ou à tout le moins trop faible pour que l’agent pût être regardé comme suffisamment lésé par elles pour justifier qu’il y eût place pour un débat judiciaire. En revanche, vous avez implicitement écarté la qualification de mesure d’ordre d’intérieur s’agissant d’une mesure prise sur le fondement de l’article 7 du décret du 31 juillet 1985 relatif à l’ordre dans les enceintes et locaux des universités, interdisant à un professeur l’accès à ces enceintes et locaux jusqu’à l’intervention de la décision définitive du juge disciplinaire sur sa situation7. Était en cause, dans ce précédent, une mesure de police, d’une résonance particulière eu égard au principe d’indépendance des professeurs d’université et qui faisait obstacle à tout enseignement par le professeur concerné, ayant les mêmes effets pratiques qu’une interdiction d’enseigner.

Rappel de la procédure

Dans la présente affaire, Mme Redjimi, contrôleuse principale des finances publiques qui était affectée au sein de la direction spécialisée des finances publiques (DSFP) pour l’AP-HP, a demandé l’annulation de la décision, contenue par une lettre du 1er août 2017, par laquelle le chef de ce service, après avoir constaté qu’une altercation avec un agent lui avait rapportée, lui a interdit, pour prévenir de nouveaux troubles, de se présenter dans les locaux de la direction à compter du 2 août 2017 et lui a demandé de rendre la clef du local syndical et du panneau d’affichage syndical, ainsi que son badge, dans les meilleurs délais. Ayant constaté que Mme Redjimi était en congé tout le mois d’août et ayant jugé qu’en raison de sa mutation au 1er septembre dans un autre service, elle n’avait plus vocation à accéder aux locaux en cause, même pour l’exercice de ses activités syndicales, pour lesquelles elle n’établissait ni même n’alléguait qu’elle aurait eu l’intention d’interrompre ses congés du mois d’août pour entreprendre quelque action que ce soit nécessitant l’accès aux locaux ou la possibilité d’affichage, la cour administrative d’appel de Paris a considéré que la mesure contestée ne portait aucune atteinte aux droits ou prérogatives professionnelles de Mme Redjimi, pas plus qu’à l’exercice de ses activités syndicales, et revêtait ainsi le caractère d’une mesure d’ordre intérieur, insusceptible de recours.

Liberté d’accès aux locaux d’un agent public

Contrairement à ce que soutient la requérante, la liberté d’accès aux locaux du service et de circulation dans ces locaux ne saurait être considérée comme un droit fondamental de l’agent en position d’activité : l’aménagement des règles d’accès au service fait partie des mesures d’organisation du service susceptibles de constituer, comme en témoigne la jurisprudence précitée, de simples mesures d’ordre intérieur. Or à la lumière de cette même jurisprudence, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en tenant compte, pour apprécier les effets concrets que la décision attaquée était susceptible d’avoir, des circonstances de l’espèce et notamment, de ce que la fonctionnaire était en congé lors de son édiction puis devait rejoindre un autre service.

Toutefois, si ces circonstances auraient pu permettre de conclure à l’injusticiabilité de la mesure à l’égard d’un agent ordinaire, au regard de votre jurisprudence précitée, dès lors que les locaux dont l’accès lui était ainsi fermé étaient constitués de bureaux dans lesquels elle n’avait plus vocation normalement à se rendre et que cette interdiction d’accès n’affectait aucunement, compte tenu de son placement en congé puis de sa mutation, l’exercice de ses responsabilités professionnelles, il nous semble qu’il en va différemment lorsqu’est en cause, comme en l’espèce, un fonctionnaire ayant des responsabilités syndicales.

Prise en compte des fonctions syndicales

Dans la prise en compte des circonstances de l’espèce, les fonctions de représentante syndicale de Mme Redjimi constituaient en effet, selon nous, un élément essentiel.

Avant d’examiner plus en détail les conséquences de ces fonctions sur la question de l’accès aux locaux, nous relèverons, à l’observation de votre jurisprudence, que dès lors qu’est en cause une décision touchant à l’exercice de droits ou prérogatives syndicales, vous écartez la qualification de mesure d’ordre intérieur. Ainsi, alors que vous avez jugé qu’une décision refusant une autorisation d’absence pour commodité personnelle sans retenue sur traitement est une mesure d’ordre intérieur8, constituent en revanche des actes susceptibles de recours la décision d’un maire rejetant une demande de congé pour formation syndicale9, la décision de refus d’une décharge de service pour activité syndicale10, mais aussi la décision refusant la tenue d’une réunion syndicale11, la décision d’un maire de transférer le local syndical d’un bâtiment à un autre12 ou encore la décision implicite refusant l’installation de panneaux d’affichage syndical au siège du rectorat13.

En effet, lorsqu’une mesure affecte l’exercice de droits et prérogatives syndicaux prévus par les textes, elle touche non seulement à des droits que l’agent tire du statut (l’article 8 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 dispose que le droit syndical est garanti aux fonctionnaires et les décrets n° 82-447 du 28 mai 1982, n° 85-397 du 3 avril 1985 et n° 86-660 du 19 mars 1986 relatifs à l’exercice du droit syndical respectivement dans la fonction publique de l’État, dans la fonction publique territoriale et dans les établissements publics hospitaliers, ainsi que les articles 100 de la loi n° n° 84-53 du 26 janvier 1984 et 96 à 98 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 pour les seules FPT et FPH, en précisent les conditions d’exercice), mais elle peut en outre se rattacher plus largement à la question des droits et libertés fondamentaux14. Par suite, eu égard aux effets de telles décisions et compte tenu de la définition énoncée par votre décision de Section Mme Bourjolly du 25 septembre 2015, elles font grief aux personnes qu’elles visent et il importe que le prétoire soit ouvert à leur contestation afin qu’un juge puisse, le cas échéant, se prononcer sur leur légalité. L’entrave à l’exercice du droit syndicat est d’ailleurs un délit pénal.

Atteinte aux droits d’un représentant syndical ?

En l’espèce, la décision attaquée porte-t-elle atteinte à des droits que l’intéressée tirerait de ses fonctions syndicales ? En ce qui concerne les délégués syndicaux et les élus du personnel régis par le code du travail, les articles L. 2143- 20 et L. 2315-14 de ce code consacrent leur droit, tant durant les heures de délégation que, depuis la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 dite « loi Auroux », en dehors de leurs heures habituelles de travail, de circuler librement dans l’entreprise et y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, sous réserve de ne pas apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail des salariés. Cette liberté de circulation, reconnue par la jurisprudence avant même sa consécration par la loi comme nécessaire pour l’exercice de leurs fonctions par les délégués syndicaux15 a été récemment qualifiée, par la Cour de cassation, de principe d’ordre public, qui ne peut donner lieu à restrictions qu’au regard d’impératifs de santé, d’hygiène ou de sécurité ou en cas d’abus16.

Toutefois, les dispositions régissant l’exercice du droit syndical dans la fonction publique, qui ne contiennent pas, à la différence de l’ancienne ordonnance du 4 février 1959, de renvoi au code du travail, ne comportent pas l’équivalent des articles précités du code de travail et ne prévoient pas pareille liberté de circulation, que votre jurisprudence n’a par ailleurs à ce jour pas eu l’occasion de consacrer. Faudrait-il voir dans les articles du code du travail l’expression d’un principe, plus général et dépassant le champ d’application de ce code, de liberté absolue de circulation des représentants syndicaux dans les locaux de l’administration ne pouvant être restreinte que pour des impératifs de santé, d’hygiène ou de sécurité ou en cas d’abus?

Outre qu’il pourrait sembler quelque peu disproportionné de trancher une question d’une telle ampleur pour les seuls besoins d’un litige ne portant, en cassation, que sur la qualification de mesure d’ordre intérieur, il nous semble que vous n’aurez pas besoin de consacrer formellement une liberté générale de circulation pour vous prononcer sur le pourvoi, dès lors que la mesure litigieuse ne se borne pas à faire obstacle à la libre accès aux locaux et à leur libre circulation dans ceux-ci, mais interdit tout accès à ces locaux et ne peut dès lors, selon nous, qu’être regardée comme affectant nécessairement l’exercice de l’ensemble des droits reconnus expressément par les textes aux représentants syndicaux dans la fonction publique.

En effet, un point nous semble sûr : comme l’avait relevé la jurisprudence judiciaire dès 1973, une interdiction générale de circuler fait obstacle à l’exercice par les délégués syndicaux de leurs fonctions syndicales, lesquelles impliquent de pouvoir se rendre dans les locaux pour y prendre tous contacts nécessaires à l’accomplissement de leur mission, observer les conditions de travail et s’entretenir avec les membres du personnel.

Plus spécifiquement, le décret n° 82-447 du 28 mai 1982, tout comme ses pendants pour les fonctions publiques territoriale et hospitalière, prévoient au bénéfice des organisations syndicales l’attribution d’un local syndical, le droit de tenir des réunions mensuelles d’information pendant les heures de service, le droit d’affichage sur des panneaux réservés à cet usage, le droit de distribution de documents d’origine syndicale ou encore le droit de collecte des cotisations syndicales dans l’enceinte des bâtiments administratifs. En ce qui concerne les représentants syndicaux, l’article 6 du décret dispose que « tout représentant mandaté à cet effet par une organisation syndicale a libre accès aux réunions tenues par cette organisation à l’intérieur des bâtiments administratifs, même s’il n’appartient pas au service dans lequel une réunion se tient. / Le chef de service doit être informé de la venue de ce représentant avant le début de la réunion ».

Or si le fait de ne pas disposer d’un badge d’accès aux locaux du service ne fait pas par lui-même obstacle à l’exercice de ces droits mais a seulement pour effet de soumettre l’accès de l’intéressée aux locaux pour les besoins de ses fonctions syndicales à une action positive d’ouverture des portes par un tiers, la mesure litigieuse va beaucoup plus loin. D’une part, elle exige de l’intéressée qu’elle rende la clé du local syndical et du panneau d’affichage, faisant ainsi obstacle à ce qu’elle puisse mettre en œuvre, au nom de et pour son syndicat, le droit d’affichage consacré par le décret. D’autre part et surtout, la lettre en litige fait formellement interdiction à l’intéressée, à compter du 2 août 2017, de se rendre dans les locaux de la DSFP – la demande de remise des clés et du badge n’étant présentée que comme la conséquence de cette interdiction définitive d’accès.

Or une telle interdiction générale, de surcroît sans limitation de durée, fait obstacle au libre accès de l’intéressée, consacré par l’article 6 et dont la mise en œuvre n’est subordonnée pour les personnes extérieures au service qu’à une simple information préalable du chef du service, aux réunions syndicales ayant vocation à se tenir à l’intérieur des bâtiments administratifs. Elle fait également obstacle à ce que l’intéressée puisse, le cas échéant, procéder à la collecte des cotisations, à l’affichage d’informations syndicales ou, plus généralement, à ce que l’intéressée puisse entretenir les contacts ou procéder aux observations rendues nécessaires par ses responsabilités syndicales.

À cet égard, le placement en congés – qu’il s’agisse de congés annuels ou de congés de maladie – ne suspend pas l’exercice du mandat syndical17, pas plus, d’ailleurs, que la mutation au sein d’un autre service ou même la révocation18.

Il n’importe pas davantage que l’intéressée n’ait pas établi ni même allégué avoir la ferme intention, à la date de la décision, de venir pendant ses congés pour exercer ses droits syndicaux, ou qu’elle n’ait pas fait état de ce qu’une réunion syndicale avait été programmée : la décision attaquée fait en pratique obstacle à l’exercice de ses prérogatives et droits syndicaux et doit dès lors être regardée, quand bien même l’activité syndicale en août serait faible, comme emportant des effets suffisants pour faire grief à l’intéressée.

Par suite, la requérante est fondée à soutenir que la cour a inexactement qualifié les faits en jugeant que la mesure devait s’analyser comme une mesure d’ordre intérieur, insusceptible de recours. Vous renverrez l’affaire à la cour afin qu’elle examine le fond de la requête – étant précisé que la justiciabilité de l’acte ne préjuge pas de sa légalité ou de son illégalité.

Par ces motifs, nous concluons :

– à l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 5 février 2020 ;

– au renvoi de l’affaire à cette cour ;

– et à ce que l’État verse à Mme Redjimi 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. ■

  1. Clément Chauvet, AJDA 2015, p. 793. [↩]
  2. Charles Fortier, AJFP 2016, p. 39. [↩]
  3. N° 372624 : Rec., p. 322. [↩]
  4. CE 5 février 1958, Millot : DA 1958, n° 98. [↩]
  5. CE 10 février 1967, Dupré : Rec., T., p. 888. [↩]
  6. CE S. 8 janvier 1982, Lambert, n° 18237 : Rec., p. 17. [↩]
  7. CE 26 octobre 2005, Gollnisch, n° 275512 : Rec., p. 443. [↩]
  8. CE 11 mai 2011, Caisse des dépôts et consignations, n° 337280. [↩]
  9. CE 25 septembre 2009, Commune de Saint-Martin de Valgalgues, n° 314265 : Rec., T., p. 775-803-806. [↩]
  10. CE 17 mai 1991, Mlle Guignot, n° 108589 ; CE 1er décembre 1995, Syndicat CGT du personnel de l’hôpital Dupuytren, n° 105325 ; plus généralement, sur les décisions d’attribution ou de retrait d’une telle décharge aux personnes désignées par les organisations syndicales : CE 17 mars 2004, SDU/CLIAS 94, n° 262659 : Rec., T., p. 548. [↩]
  11. CE 19 juillet 1991, Syndicat national des personnels du service des transmissions de l’intérieur CGT, n° 95550 : Rec., T., p. 1017-1227. [↩]
  12. CE 4 juillet 1994, Section syndicale CFDT Interco de la mairie de Rouen, n° 126152 : Rec., p. 341. [↩]
  13. CE 25 mai 1988, Coiffier, n° 59574 : Rec., T., p. 858. [↩]
  14. V., regardant la liberté d’un représentant syndical d’exercer son mandat comme une liberté fondamentale : CE juge des référés, 5 février 2016, Mme Granero, n° 396431. [↩]
  15. V. Cass. crim. 8 mai 1973, n° 72-92.386 : Bull. crim. N 212, p. 502. [↩]
  16. Cass. soc. 10 février 2021, CHSCT Park Hyatt Vendôme, n° 19-14.021 : à publier. [↩]
  17. Rappr. Cass. ch. mixte 21 mars 2014, Société ISS Propreté, n° 12-20.002 12-20.003 : Bull. 2014, ch. mixte, n° 2, jugeant que l’exercice de son activité de représentation par un représentant syndical n’est pas interrompu par son arrêt de travail. [↩]
  18. V. par exemple, jugeant que les anciens fonctionnaires, ayant fait l’objet d’une révocation, désignés comme représentants d’une organisation syndicale ne sauraient se voir interdire de manière générale l’accès aux réunions tenues par cette organisation à l’intérieur des bâtiments administratifs : CE S. 28 juillet 1989, Halbwax, n° 55921 : Rec., p. 173. [↩]

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  • Rappel de la jurisprudence
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  • Prise en compte des fonctions syndicales
  • Atteinte aux droits d’un représentant syndical ?

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