457.-8 juillet. Bastide frères c. Falgayrolles et autres.-MM. Ballot-Beaupré, rap.; Romieu, c. du g.; Robiquet et Barry, av.
Vu l’arrêté, du 25 mars 1893, par lequel le préfet du département de l’Hérault a élevé le conflit d’attribution dans l’instance engagée, devant la Cour d’appel de Montpellier, entre les sieurs Bastide frères, domiciliés à Saint-André-de-Sangonis, d’une part, et, d’autre part, le sieur Achard, directeur de l’association syndicale autorisée, et messieurs Falgayrolles, Prat et Giraud, entrepreneurs du canal de Gignac, déclaré d’utilité publique par la loi du 13 juil. 1882.
Vu… (Assignation des sieurs Bastide frères, analysée dans l’arrêt) ;
Vu le jugement du 10 mars 1892, par lequel le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande, sur le chef relatif à l’attribution définitive de l’indemnité éventuelle, par le motif qu’Alphonse Dulaurier, auteur des frères Bastide, figure sur la liste des souscripteurs ayant adhéré à l’acte originaire constitutif de l’association syndicale, daté du 4 févr. 1877 et enregistré le 19 juin 1891, d’après lequel les associés déclaraient céder, d’ores et déjà, au syndicat, les terrains nécessaires à la construction du canal, moyennant un prix qui serait fixé, non par le jury, mais par expert dans des conditions déterminées ; que, selon les défenseurs, l’engagement, ainsi contracté par Alphonse Dulaurier, a suivi l’immeuble aux mains des frères Bastide ; que les difficultés, soulevées de part et d’autre, ont leur cause initiale dans l’exécution du canal de Gignac ; que leur solution exige l’examen et l’appréciation des faits et actes relatifs à un travail public ; que la connaissance des contestations de cette nature appartient au cons. De préf. (art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8);
Vu… (Appel principal de Bastide frères ; déclinatoire du préfet de l’Hérault ; appel incident du syndicat de Gignac, qui, reconnaissant la compétence de l’autorité judiciaire pour statuer au fond sur la demande, s’est bornée à soutenir que la solution du litige était subordonnée à l’examen de questions préjudicielles nécessitant un sursis ; arrêt du 10 mars 1893, par lequel la Cour de Montpellier a rejeté le déclinatoire du préfet et les conclusions de l’appel incident, et, évoquant, a passé outre un jugement du fond ; arrêt de sursis, du 12 mai 1893 ; extrait du registre de mouvement tenu au greffe de la Cour d’appel de Montpellier ; dépêche du Min. de l’agric. estimant qu’il y a lieu de confirmer l’arrêté de conflit) ;
Vu la loi des 16-24 août 1790, celle du 16 fruct. an 3, l’art. 4 de la loi du 28 pluv. an 8, la loi du 21 juin 1865 et celle du 13 juil. 1882, les lois du 21 mai 1836 et du 3 mai 1841 ;
Vu les ordonnances du 1er juin 1828 et du 12 mars 1831 ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Considérant que les frères Bastide, – propriétaires du domaine de « Mas-Auverny », qu’ils ont acquis du sieur Alphonse Dulaurier par acte authentique du 22 oct. 1881, transcrit le 8 novembre suivant, – ont formé, devant le tribunal civil de Lodève, une demande tendant à l’attribution définitive, en leur faveur, d’une indemnité de 8,420 francs, allouée par le jury, éventuellement, pour la valeur de parcelles qui dépendaient de leur domaine, et dont l’expropriation a été prononcée le 14 mai 1891, à la requête de l’association syndicale elle-même du canal de Gignac, déclaré d’utilité publique par la loi du 13 juil. 1882 ;
Cons. que le litige, ayant pour objet un droit de propriété immobilière, était, au fond, de la compétence de l’autorité judiciaire ; mais que, – selon l’arrêté de conflit, – la solution en était subordonnée à la question préjudicelle de savoir, si, d’une part, Alphonse Dulaurier n’avait pas adhéré et souscrit à l’acte du 4 fév. 1877, qui a ordinairement constitué l’association syndicale de Gignac, et si, d’autre part, en vertu d’engagements contractés par lui dans cet acte, les parcelles nécessaires à la construction du canal ne se trouvaient pas cédées au syndicat moyennant un prix, dont la fixation devait, sur des bases déterminées, être faite par expert ;
Cons. que, dans l’hypothèse où Alphonse Dulaurier se serait, comme souscripteur, ainsi obligé en 1877, il est constant que, par le contrat de vente de 1881, l’accomplissement de son obligation n’a pas été imposée aux frères Bastide, qui ne sont ni ses héritiers, ni ses ayants-cause universels ; que, relativement aux aliénations non transcrites, consenties par le vendeur, l’acheteur, qui a fait transcrire, est un tiers, d’après le principe général édicté par l’art. 3 de la loi du 23 mars 1855 ; et qu’en absence d’une disposition législative formelle, les engagements pris dans un acte d’association syndicale pour la cession partielle d’un immeuble ne peuvent être assimilés aux charges réelles accessoires qui, inhérentes à l’immeuble lui-même, le suivent entre les mains de tout détenteur, comme l’a décidé spécialement, pour les taxes d’arrosage et les frais d’administration ou d’entretien, l’art. 9 de la loi du 13 juil. 1882.
Cons., dès lors, que les clauses de la convention à laquelle aurait adhéré Alphonse Dulaurier était juridiquement sans influence sur la solution du litige, d’où il résulte qu’il n’y avait pas lieu de les faire préjudiciellement interpréter par l’autorité administrative ; que si donc c’est à tort qu’au vu du déclinatoire adressé par le préfet, la Cour de Montpellier, statuant sur la compétence comme si elle était uniquement saisie par les conclusions des parties en cause, a passé outre au jugement du fond, contrairement aux prescriptions des art. 6 et 7 de l’ordonnance du 1er juin 1828, c’est à tort, également, que le conflit a été élevé… (Arrêté de conflit annulé.)