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L’évolution du droit public allemand en 1968, RDP 1969, p. 197-224

RDP 1969, p. 197-224

Citer : Michel Fromont, 'L’évolution du droit public allemand en 1968, RDP 1969, p. 197-224, RDP 1969, p. 197-224 ' : Revue générale du droit on line, 2025, numéro 68342 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=68342)


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Cette première chronique de droit allemand sera complétée dans quelques mois par une seconde qui sera plus particulièrement consacrée à une présentation systématique des principales modifications du droit constitutionnel et du droit administratif allemand en 1968.

La révision constitutionnelle du 24 juin 1968 sur l’état de crise (Notstand) est la dix-septième révision constitutionnelle depuis le 29 mai 1949, jour où la Loi fondamentale (Grundgesetz) fut promulguée1.  Le juriste français ne manque pas d’être étonné par une telle succession de révisions constitutionnelles dans un pays qui est réputé pour sa stabilité politique. L’explication est pourtant simple. La Loi fondamentale est un texte extrêmement complet et détaillé ; il contient notamment des dispositions exhaustives sur les libertés publiques et la répartition des compétences entre la Fédération et les Länder. Ainsi les modifications antérieures ont eu pour objet la réorganisation du système juridictionnel2, la solution des problèmes financiers du fédéralisme allemand3,  l’extension des compétences législatives et administratives de la Fédération4, enfin le réarmement de l’Allemagne5.

Dans une certaine mesure, la dix-septième révision à laquelle nous consacrons cette étude est la conséquence directe du réarmement de l’Allemagne de l’Ouest ; en effet, c’est essentiellement pour organiser le pays en temps de guerre et pour permettre l’utilisation de l’armée en vue du maintien de l’ordre que le Gouvernement a eu l’idée, dès 1955, de faire compléter les dispositions de la Loi fondamentale. Il a fallu plus de 10 ans pour que le projet se réalise, car il s’est heurté à de grandes résistances en raison des restrictions importantes qui allaient être apportées en cas de crise aux libertés publiques, au contrôle parlementaire et au fédéralisme ; c’est-à-dire aux trois piliers de la démocratie allemande. C’est pourquoi nous décrirons tout d’abord les discussions qui ont précédé l’adoption du projet avant d’analyser les grandes lignes du système actuel.

I. LE PROBLÈME DE L’ÉTAT DE CRISE DE 1949 À 1968

A. – Le problème est esquivé en 1949.

Lors de l’élaboration de la Loi fondamentale, le comité de rédaction et l’assemblée parlementaire ad hoc avaient d’abord envisagé l’insertion de dispositions relatives à l’état de crise, mais ils y avaient renoncé sans discussion peu avant l’adoption du texte définitif. Le souvenir de la malheureuse République de Weimar et l’existence du statut d’occupation rendaient ces dispositions à la fois peu souhaitables et peu utiles.

Les seules armes que la Loi fondamentale donnait alors à la République fédérale pour se défendre étaient les suivantes : possibilité pour le Tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe d’interdire les partis politiques inconstitutionnels (art. 21) ou de prononcer la déchéance de  ceux qui abusent de leurs droits fondamentaux (art. 18), possibilité  pour le Gouvernement fédéral d’obliger un Land à remplir ses obligations (art. 37) ou de placer sous ses ordres les forces de police d’un ou plusieurs Länder lorsque la démocratie libérale est menacée dans un ou plusieurs Länder (art. 91), pouvoir des ministres de l’Intérieur d’interdire des associations dont les buts ou l’activité sont contraires à l’ordre constitutionnel (art. 9, al. 2).

B. – Le réarmement de l’Allemagne pose le problème de l’état de crise (1954-1961).

C’est seulement à partir de la reconstitution de l’armée allemande, à la fin de 1954, que s’est posé le problème des pouvoirs de crise. En effet, le protocole du 23 octobre 1954 mettait fin au régime d’occupation ; les trois anciennes puissances occupantes conservaient néanmoins les compétences qu’elles détenaient pour assurer la sécurité de leurs armées, du moins jusqu’à ce que les autorités allemandes compétentes aient reçu du législateur les pleins pouvoirs nécessaires pour faire face à toute atteinte à l’ordre public6.

Cette réserve des droits des alliés semble d’ailleurs être passée relativement inaperçue à l’époque et elle n’a servi d’argument aux partisans d’une législation sur l’état de crise qu’à partir des années 1960 : le fameux scandale des écoutes téléphoniques qui éclata en 19637 contribua évidemment à renforcer cet argument. Mais surtout le réarmement allemand posait la question de l’éventuelle utilisation de l’armée pour réprimer des troubles civils et le problème de l’organisation des pouvoirs publics en temps de guerre ou en période de tension.

C’est le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gerhard Schroeder qui, le premier, réclama une législation sur l’état de crise et, dans la mesure où cela était nécessaire, une modification de la Loi fondamentale ; il le fit dans un discours prononcé à la radio le 9 octobre 1955. Pour lui, le Gouvernement fédéral devait disposer d’un pouvoir législatif exceptionnel ; il devait pouvoir restreindre certaines libertés publiques ; enfin l’autorité du Gouvernement fédéral devait être renforcée au détriment des gouvernements des Länder.

Ces propositions rencontrèrent les objections de tous ceux qui se souvenaient de la façon dont l’article 48 de la Constitution de Weimar avait été appliqué. Rédigé de façon assez semblable à l’article 16 de la Constitution française du 4 octobre 19588, cet article permettait au Président de la République de prendre toutes les mesures nécessaires au rétablissement de l’ordre, si besoin en suspendant certains droits fondamentaux. En fait, ces pleins pouvoirs furent utilisés plus de 250 fois en 14 ans. Dès les premières années, le Président Ebert y eut recours 136 fois pour faire face aux troubles qui agitaient alors l’Allemagne, notamment Berlin et la Ruhr. Après une accalmie de 1924 à 1930, le nouveau Président, le Maréchal von Hindenburg, en fit de nouveau un usage répété non seulement dans le but de réprimer troubles et agitations, mais encore dans le but de résoudre les problèmes économiques sans l’aide d’une majorité parlementaire, qui d’ailleurs n’existait pas. Le Reichstag ne prenait même pas la peine de contrôler les ordonnances du Président et on peut dire que la République était morte avant même la loi de pleins pouvoirs de mars 1933. Le souvenir de ces tristes événements explique en particulier l’hostilité à ce projet du parti social-démocrate, alors dans l’opposition. Néanmoins, on observe dès cette époque une division de ce parti entre ceux qui étaient hostiles à tous pouvoirs exceptionnels9 et ceux qui admettaient un régime particulier en cas de crise extérieure10.

Malgré les critiques, le ministre G. Schroeder fit établir à la fin de 1958 un texte modifiant la Loi fondamentale et il le soumit à l’appréciation des ministres de l’Intérieur des divers Länder. Ce projet conférait au Gouvernement le droit de légiférer par ordonnance et surtout il ne distinguait pas nettement les cas de crise intérieure et de crise extérieure, ce qui ne manquait pas d’inquiéter de nombreux Allemands. Il fut transmis au Bundestag le 28 septembre 1960, mais il ne put être discuté avant les élections de 1961 ; il n’aurait d’ailleurs eu aucune chance d’être adopté, car le parti social-démocrate lui était nettement hostile et, sans lui, la majorité requise (2/3) ne pouvait pas être atteinte.

C. La querelle sur l’état de crise oppose les deux grands partis (1961-1965)

Après les élections de 1961, le projet Schröder fut abandonné par le Gouvernement et un nouveau Ministre fédéral de l’Intérieur, M. Höcherl, élabora un nouveau texte. Pour la première fois, le projet gouvernemental distinguait les cas de crise extérieure et de crise intérieure. Il fut transmis au Bundestag le 11 janvier 1963.

De mai 1963 à mai 1965, la Commission de la législation consacra 38 séances au projet gouvernemental ; la longueur de ces débats s’explique par la nécessité de rallier au projet une grande partie des sociaux-démocrates afin d’arriver à la majorité des deux tiers. Le projet gouvernemental sortit profondément transformé : pour éviter la suppression totale du contrôle parlementaire en temps de crise, il prévoyait la création d’une délégation permanente du Parlement (Notstandsausschuss)11 . Cette innovation, quoiqu’elle fût louable en son principe, fut néanmoins dénoncée comme un trompe-l’œil : en effet cette délégation permanente recevait le pouvoir de délibérer dès le temps de paix et dans le secret sur les lois applicables en temps de crise et elle pouvait donc être considérée comme un organe faussement parlementaire et comme un rival du vrai Parlement. Cette critique eut encore plus de poids lorsque le Gouvernement de la République démocratique allemande publia, à la suite de la trahison d’un fonctionnaire de Bonn, le texte, souvent imprégné des pires traditions autoritaires, des projets de lois qui avaient été préparés dans le secret par les ministères (Schubladengesetze) et qui auraient été soumis à ce Comité12.

Quoi qu’il en soit, peut-être en raison de l’approche de nouvelles élections, les députés sociaux-démocrates refusèrent finalement de voter le projet qui ne recueillit que 238 voix contre 167 (sur 499). Ils y furent d’ailleurs poussés par les syndicats qui craignaient une utilisation des pouvoirs de crise dans le but de briser des grèves13.

Mais si le projet de révision constitutionnelle échoua, divers projets de loi qui l’accompagnaient furent néanmoins adoptés cette année-là à la majorité simple14. Leur constitutionnalité est d’ailleurs parfois douteuse. Les plus importantes sont : la loi du 12 août 1965 sur l’utilisation de la contrainte et l’exercice de certaines compétences par les soldats de la Bundeswehr15, la loi du 12 août 1965 sur le corps de protection civile16, la loi du 24 août 1965 sur la sécurité de l’approvisionnement en eau17, la loi du 24 août 1965 sur la sécurité de l’économie et de la monnaie18, la loi du 24 août 1965 sur la sécurité de l’approvisionnement en produits alimentaires et forestiers19, la loi du 24 août 1965 sur la sécurité de la circulation20, enfin la fameuse loi du 9 septembre 1965 sur l’autodéfense21. En particulier, les quatre lois du 24 août 1965 autorisent le Gouvernement fédéral à prendre les mesures réglementaires et individuelles permettant de soumettre l’ensemble de l’économie allemande à un dirigisme intégral et à un rationnement rigoureux. L’étendue du pouvoir réglementaire ainsi conféré à l’exécutif semble d’ailleurs peu compatible avec les exigences de l’article 80 de la Loi fondamentale ; selon ce texte, le législateur doit délimiter avec précision les cas dans lesquels le Gouvernement peut prendre des règlements d’application des lois22 ; en l’espèce, l’addition des habilitations consenties aboutit pratiquement à accorder les pleins pouvoirs au Gouvernement23. Il y eut d’autres projets de loi préparés par le Gouvernement, tel celui sur le droit de séjour et celui sur le service civil, mais ils n’aboutirent pas24. L’ensemble de ces lois permet néanmoins une mobilisation (les adversaires diraient : militarisation) totale du pays dès qu’il y a menace de guerre25.

D. La « Grande coalition » permet l’adoption de dispositions constitutionnelles sur l’état de crise (1965-1968).

Après les élections de 1965, la coalition traditionnelle des chrétiens-démocrates et des libéraux continue de soutenir le Chancelier Erhard, mais celle-ci se disloque à l’automne 1966 pour faire place à la « Grande coalition » unissant sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates. Les données du problème changent alors. Dorénavant le parti social-démocrate est dans le camp gouvernemental et il lui sera donc plus facile d’obtenir les atténuations qu’il souhaite voir apporter au projet sur l’état de crise. Lors du congrès de Cologne des 16-20 mai 1962, il avait posé les sept conditions suivantes :

1° on doit distinguer avec netteté les cas de crise intérieure (innerer Notstand), d’état de tension (Spannungsfall) et de crise extérieure (äußerer Notstand) ;

2° le parti au pouvoir ne doit pas pouvoir s’en servir pour écraser l’opposition ;

3° les pouvoirs exceptionnels doivent avoir pour but de faire face à la crise et non d’étouffer la démocratie et les libertés, notamment celle de l’information et de l’expression des opinions ;

4° ils ne doivent pas servir à diminuer ou étouffer la liberté du travail et les libertés syndicales26 ;

5° les compétences des Länder et les pouvoirs des assemblées législatives ne doivent pas être supprimés ;

6° le Tribunal constitutionnel fédéral doit pouvoir continuer d’exercer ses fonctions de contrôle ;

7° le Parlement doit en toute circonstance conserver ses responsabilités27.

Néanmoins, le parti social-démocrate ne parviendra pas à imposer toutes ses conditions et il devra composer avec les chrétiens-démocrates dont l’un des leurs est d’ailleurs Ministre de l’Intérieur28.

À la suite de longues négociations entre les deux partis, le Gouvernement fédéral transmit le 10 mai 1967 un nouveau texte. Proche du projet élaboré par la Commission de la législation du Bundestag, il en différait néanmoins sur certains points : réduction du nombre des libertés publiques susceptibles d’être limitées par les mesures de crise, rétablissement de certaines compétences du Parlement en cas de crise et surtout exigence d’une majorité des deux tiers au sein du Parlement, ou, en cas d’impossibilité, de la délégation permanente du Parlement, pour déclarer l’état de crise (dans le but d’éviter qu’un grand parti puisse en décider seul). Ces concessions faites par le parti chrétien-démocrate ne suffirent pas à faire cesser les critiques. Au sein même du parti social-démocrate, un nombre non négligeable de députés maintinrent leur hostilité ; c’est pourquoi le texte gouvernemental fut encore modifié par le Parlement au cours des débats. En particulier, le droit de résistance à l’oppression fut proclamé et l’on distingua deux sortes de danger extérieur, l’état de tension et l’état de défense, afin de limiter les pleins pouvoirs dans le premier cas.

Ces atténuations eurent d’ailleurs pour effet de susciter une certaine réserve de la part de l’aile droite de la C.D.U., inquiète devant tant de concessions.

C’est surtout en dehors du Parlement que les protestations furent les plus vives. La grande confédération des syndicats allemands, le D.G.B., maintint son hostilité de principe, mais elle refusa de la traduire par un ordre de grève ; en effet, la confédération était non seulement très divisée sur le projet, mais encore elle est traditionnellement hostile aux grèves politiques. Les protestations les plus spectaculaires sont donc venues des intellectuels ; des personnalités telles que le philosophe Karl Jaspers29 ou le professeur Abendroth ((Il est notamment l’un des co-auteurs du livre : Kagon, Abendroth, Ridder, Der totale Notstand 1965 ; et du livre : Hofmann, Maus, Notstandsordnung und Gesellschaft in der Bundesrepublik, 1967.)) se sont efforcées de mobiliser l’opinion publique ; et surtout le mouvement des étudiants socialistes allemands (S.D.S.) a suscité une vive agitation dans les Universités allemandes.

Mais ces remous n’empêchèrent pas le Bundestag, le jeudi 30 mai 1968, de ratifier le texte en troisième lecture à l’importante majorité de 384 voix contre 100 et une abstention. Les 100 opposants étaient constitués par les 49 députés libéraux (F.D.P.), une trentaine de députés sociaux-démocrates et quelques députés de l’aile droite de la C.D.U./C.S.U.

À la suite de cette révision constitutionnelle, plusieurs lois sur l’état de crise furent modifiées et promulguées de nouveau30, notamment les lois du 24 août 1965 sur la sécurité de l’économie, de la circulation et de l’approvisionnement en produits alimentaires31. Par ailleurs, deux lois nouvelles extrêmement importantes furent adoptées : la loi du 9 juillet 1968 sur l’élargissement de la protection en cas de catastrophe32 et la loi du 13 août 1968 sur la limitation du secret de la correspondance par lettre et par téléphone33. La première34 organise la protection contre les dangers de toute sorte (incendie, radiations, maladies, paralysie des transports) qui menacent le pays en cas de défense (Verteidigungsfall) et prévoit dans ce but le quadrillage du pays par un système d’ « autodéfense » (Selbstschutz) qui inquiète bien des Allemands : il repose en effet sur des organismes publics et privés composés de volontaires (qui sont en contrepartie dispensés du service militaire). De plus, le Gouvernement a le pouvoir de soumettre à autorisation les changements de domicile ou bien, au contraire, d’ordonner le déplacement des populations menacées chaque fois que l’intérêt de la défense l’exige, ce qui lui permet de porter atteinte à la liberté d’aller et de venir et à l’inviolabilité du domicile (§ 12). La seconde loi permet au Gouvernement d’ouvrir les correspondances et d’écouter les communications téléphoniques ; il peut le faire dès le temps de paix chaque fois que l’intérêt de la défense l’exige. Ces deux lois dont la gravité n’échappera pas au lecteur viennent compléter l’arsenal juridique dont dispose désormais le Gouvernement allemand pour faire face à toute menace de crise intérieure ou extérieure.

Enfin, le 27 septembre 1968, les trois anciennes puissances d’occupation ont fait la déclaration suivante : l’entrée en vigueur du nouveau texte constitutionnel et de la loi sur la limitation du secret des correspondances fait disparaître les droits qu’elles s’étaient réservés dans le traité sur l’Allemagne de 195435. Cependant, comme le fait remarquer l’échange de notes du 27 mai 196836, l’article 3, alinéa 2 a, de l’accord supplémentaire du 3 août 1959 sur le statut des troupes de l’OTAN37 reste applicable, ce qui oblige les autorités allemandes à surveiller les correspondances dans l’intérêt de la sécurité des forces armées stationnées dans la République fédérale.

La révision constitutionnelle de 1968 a bouleversé tout l’édifice de la Loi fondamentale : de nombreux articles ont été modifiés et un chapitre entier, le chapitre X a, y a été ajouté. De plus, la législation a été également profondément remaniée et complétée. Bien que ces textes tendent essentiellement à organiser l’état de crise, certains d’entre eux ont pour but de prévenir ces crises et accordent aux pouvoirs publics de nouvelles possibilités d’agir en période normale à l’encontre de certaines libertés publiques. Après avoir étudié ces nouvelles restrictions, nous étudierons successivement le régime constitutionnel en cas de crise intérieure et le régime constitutionnel en cas de crise extérieure.

II. LA PROTECTION DE L’ÉTAT EN PÉRIODE NORMALE

Le constituant de 1949 avait déjà prévu que diverses mesures gouvernementales et juridictionnelles pourraient être prises pour protéger l’État38. En 1968, le Parlement a accepté que le Gouvernement puisse limiter certaines libertés dans le but d’assurer la sécurité intérieure ou extérieure de l’État. Ces libertés sont le secret de la correspondance, la liberté d’aller et de venir et la liberté d’exercer l’activité professionnelle de son choix.

A. Le secret de la correspondance.

L’ancien article 10 de la Loi fondamentale disait simplement : « Le secret de la correspondance ainsi que le secret des correspondances postales, télégraphiques et téléphoniques sont inviolables. Seule la loi peut restreindre cette inviolabilité ». En vertu de ces dispositions, une simple loi pouvait déjà apporter de sérieuses restrictions au principe du secret de la correspondance et, de fait, certaines lois y apportaient quelques limitations39. Cependant, en vertu de l’article 19, alinéa 2 de la Loi fondamentale, le législateur n’a pas le droit de prévoir des limitations telles que la liberté en cause perde toute substance (Wesensgehalt).

Le nouvel article 10 reproduit les mêmes dispositions, mais le constituant y a ajouté la phrase suivante : « Lorsque la mesure de limitation sert à défendre l’ordre constitutionnel démocratique, l’existence ou la sécurité de la Fédération ou d’un Land, la loi peut décider que celle-ci ne sera pas communiquée à l’intéressé et que le recours contentieux sera remplacé par le contrôle exercé par des organes désignés par la représentation populaire ». En d’autres termes, toute protection juridictionnelle est supprimée si la sécurité de l’État est en cause : la mesure est alors secrète et insusceptible d’être contrôlée par le juge.

L’émotion a été grande parmi les professeurs allemands de droit public40, elle l’a d’autant plus été que le législateur allemand s’est empressé de faire le plus large usage de ces nouvelles possibilités. En effet, comme nous l’avons indiqué plus haut, une loi du 13 août 1968 a défini les cas dans lesquels le secret des correspondances peut être violé par l’État. Selon cette loi, le service de la protection de la Constitution (Bundesverfassungsschutzamt), le service de la sécurité militaire et le service des renseignements généraux (Bundesnachrichtendienst) peuvent ouvrir les lettres, lire les télex et écouter (et enregistrer) les communications téléphoniques des personnes soupçonnées de préparer, de commettre ou d’avoir commis une infraction grave portant atteinte à la sûreté intérieure ou extérieure de l’État.

Par ailleurs, ces services peuvent prendre les mêmes mesures à l’égard de personnes qui ne sont pas suspectes, si elles sont nécessaires pour prévoir ou empêcher une attaque armée contre la République fédérale ; dans ce cas, les renseignements obtenus ne peuvent pas être utilisés à l’encontre des personnes qui n’ont pas préparé ou commis d’infraction pénale contre la sûreté de l’État. Comme le permet expressément l’article 10 de la Loi fondamentale, ces mesures doivent être tenues secrètes et aucun recours contentieux n’est possible.

Le contrôle de remplacement est le suivant : le ministre fédéral compétent rend compte des mesures d’application de la loi tous les 6 mois à un comité composé de 5 membres du Bundestag. De plus, une commission de 3 membres désignés par ce comité après audition du gouvernement est informée chaque mois des mesures prises et elle a le pouvoir de déclarer inadmissibles ou non nécessaires certaines d’entre elles ; dans ce cas, le ministre doit les rapporter immédiatement.

Par ailleurs, le juge, et, en cas d’urgence, le procureur ont le pouvoir d’ordonner l’écoute et l’enregistrement des communications téléphoniques de ceux qui sont soupçonnés de commettre diverses infractions, notamment contre la sûreté de l’État.

B. La liberté d’aller et de venir.

À cet égard, le droit constitutionnel n’a pas été modifié en 1968 : certes la nouvelle rédaction de l’article 11 de la Loi fondamentale autorise le législateur à prévoir des restrictions à la liberté d’aller et de venir, mais seulement en cas de crise intérieure, non en période normale. D’autre part, l’article 17 a, selon lequel cette liberté peut être limitée dans un but de défense (ou de protection civile) dès le temps de paix, remonte à la révision constitutionnelle de 1956 qui a suivi le réarmement de l’Allemagne.

Mais si le droit constitutionnel n’a pas changé, la législation a été profondément modifiée. En effet, le 9 juillet 1968, le Parlement a adopté la loi sur l’extension de la protection contre les calamités41. L’article 12 de cette loi dispose :

« 1) Dans le but de protéger la population civile contre les dangers et les menaces résultant d’une agression armée et dans celui d’organiser la défense, il peut être décidé que le lieu habituel de résidence ne peut être abandonné qu’avec une autorisation. Cette décision peut être rapportée à la demande du Bundesrat et du Bundestag.
2) Les habitants de territoires particulièrement menacés peuvent être déplacés et installés dans d’autres territoires ; l’ordre doit être pris dans le cadre de l’article 80 a de la Loifondamentale.
3) Les droits fondamentaux de la liberté de la personne (art. 2, al. 2 de la Loi fondamentale), de la liberté d’aller et de venir (art. 11, ibid.) et de l’inviolabilité du domicile (art. 13, ibid.) sont limités par ces dispositions. »

La comparaison des alinéas 1 et 2 montre nettement que les mesures prises en vertu de l’article 1 peuvent être prises même en temps normal et que seules les mesures prises en vertu de l’article 2 ne peuvent être prises qu’en cas de tension extérieure42 ou, à plus forte raison, de défense. En d’autres termes, le gouvernement peut s’opposer dès le temps de paix à des migrations lorsque cette mesure est prise dans l’intérêt de la défense nationale.

Ainsi, en l’état actuel du droit positif, ce n’est pas la révision constitutionnelle de 1968, mais celle de 1956 qui a permis en 1968 au législateur fédéral d’autoriser le gouvernement à limiter la liberté d’aller et de venir en dehors de toute crise.

C. La liberté d’exercer la profession de son choix.

La nouvelle rédaction de l’article 12 et l’insertion d’un nouvel article 12 a dans la Loi fondamentale ont d’abord eu pour objet de préciser que l’on pouvait être tenu de servir non seulement dans l’armée, mais encore dans la police des frontières et les groupes de protection civile (extension que le législateur ordinaire avait d’ailleurs effectuée précédemment sans autorisation expresse du constituant).

Elles ont eu ensuite et surtout pour objet de permettre la réquisition de la main-d’œuvre nécessaire à la défense en cas de crise extérieure (état de tension, état de défense) ; ces restrictions qui peuvent être ainsi apportées à la liberté du travail et de la profession seront donc étudiées plus loin dans le cadre de l’état de tension et de l’état de défense.

Cependant, le nouvel article 12 a nous intéresse ici dans la mesure où il permet au législateur d’imposer dès le temps de paix des restrictions, il est vrai limitées, à cette liberté. En effet, désormais, non seulement ceux qui seront astreints à servir en temps de guerre dans l’armée, la police des frontières ou un groupe de protection civile doivent recevoir dès le temps de paix une instruction de base et participer à des exercices d’entraînement ; mais encore les travailleurs, généralement plus âgés, qui seront mobilisés pour assumer des tâches civiles à des fins de défense, peuvent être astreints dès le temps de paix à participer à des stages de formation.

En fait, le législateur a fait partiellement usage de cette autorisation en adoptant la loi du 9 juillet 1968 tendant à procurer la main-d’œuvre nécessaire à la défense nationale43. L’article 29 prévoit en effet que les travailleurs qui ne sont pas employés dans les services civils de la protection de la population et qui ont moins de 60 ans peuvent recevoir l’ordre de participer à un stage d’instruction de 28 jours, au maximum une fois par an. C’est là, bien sûr, une restriction assez modérée de la liberté d’exercer la profession de son choix. Les restrictions seront beaucoup plus graves en cas de crise.

III. Le régime des crises intérieures

Le constituant a pris soin de distinguer entre le cas d’une catastrophe ou un sinistre grave se produisant et celui de la crise intérieure (innerer Notstand). Cette distinction est conforme aux travaux préparatoires du Bundestag, car les projets gouvernementaux de 1960, de 1963 et de 1967 prévoyaient l’application du régime de crise aux cas de catastrophe naturelle.

A. – Les catastrophes naturelles et les graves sinistres

Pour le cas de catastrophe naturelle (Naturkatastrophe) ou de grave sinistre (schwerer Unglücksfall) le constituant s’est refusé à ce que certaines libertés puissent être restreintes. Comme les adversaires des projets gouvernementaux l’avaient fait observer, les prérogatives traditionnelles de la police suffisent pour faire face à la situation, par exemple pour réquisitionner personnes et matériels, pour régler la circulation et empêcher notamment les curieux d’approcher ; le raz de marée qui a dévasté une partie de Hambourg en 1961 l’a d’ailleurs montré.

C’est pourquoi le constituant s’est contenté d’organiser la collaboration entre les Länder et la Fédération dans le cadre de l’article 35 de la Loi fondamentale. Deux cas sont distingués. Si un seul Land a été atteint ou est menacé, celui-ci peut faire appel aux forces de police et aux administrations des autres Länder ; il peut également faire appel à l’armée fédérale et à la police fédérale des frontières. Si plusieurs Länder sont en cause, le Gouvernement fédéral peut prendre l’initiative ; il peut ordonner aux gouvernements des autres Länder de mettre à sa disposition leurs forces de police et il peut utiliser les unités de l’armée fédérale et de la police des frontières. Dans cette seconde hypothèse, on assiste à un renforcement du pouvoir fédéral ; c’est pourquoi le Bundesrat, qui est composé de membres des gouvernements des Länder, a, dans ce cas, le pouvoir de s’opposer aux initiatives du gouvernement fédéral.

Une réglementation aussi limitée ne soulève pas de grands problèmes ; toutefois, l’article 9, alinéa 3, a précisé que les mesures prises ne peuvent pas être dirigées contre des conflits du travail qui sont menés par des syndicats dans le but d’améliorer la condition des travailleurs. Nous retrouverons une disposition semblable à propos des troubles intérieurs et des crises extérieures.

B. – L’état de crise intérieure (stricto sensu)

a) Notion et déclaration de l’état de crise intérieure

Il y a crise intérieure (innerer Notstand) lorsque « un danger menace l’existence ou l’ordre constitutionnel démocratique de la Fédération ou d’un Land » : c’est l’expression que l’on rencontre aux articles 11, 87 a et 91 de la Loi fondamentale. La notion d’ordre constitutionnel démocratique est évidemment assez vague et malgré des efforts louables, le Tribunal constitutionnel fédéral n’est pas parvenu à en donner une définition qui ne soit pas l’énumération des principes les plus importants de la Loi fondamentale. Cependant, il semble qu’il y a état de crise intérieure non seulement quand il y a une insurrection armée, mais encore quand il y a grève politique ou grève sauvage. En effet l’article 9, alinéa 3 de la Loi fondamentale soustrait simplement à la mise en jeu des pouvoirs exceptionnels les « conflits du travail qui sont menés par les syndicats en vue d’améliorer les conditions de travail et la situation économique de leurs membres ». C’est d’ailleurs ce qui explique l’hostilité des syndicats à ce texte ; ceux-ci craignent qu’un gouvernement de mauvaise foi accuse les syndicats d’organiser une grève politique afin de pouvoir utiliser les pouvoirs de crise. Il semble d’ailleurs qu’une grève qui aurait été déclenchée pour des motifs purement syndicaux, mais qui aurait pris une ampleur telle qu’elle menacerait l’existence même de l’État soit généralement considérée en Allemagne comme une grève politique44. De même les grèves « sauvages » — c’est-à-dire les grèves qui ne sont pas contrôlées par les syndicats ne sont pas soustraites aux mesures d’exception.

Ces craintes sont encore renforcées par le fait que la déclaration de l’état de crise intérieure est faite par le Gouvernement. Le Parlement a simplement la possibilité de renverser celui-ci ; quant au Tribunal constitutionnel fédéral, il ne pourra intervenir qu’après coup. Il est vrai qu’à la demande de la S.P.D., le droit de résistance à l’oppression a été solennellement affirmé par le constituant de 196845, mais ce droit peut seulement légitimer une grève qui serait dirigée contre un gouvernement dictatorial, mais non contre un gouvernement qui serait socialement conservateur sans être véritablement dictatorial ou encore contre une menace de coup d’État (cas de la grève générale de 1920 contre le putsch de Kapp).

b) Conséquences de l’état de crise intérieure

En principe, le constituant de 1968 a laissé l’initiative aux Gouvernements des Länder conformément à la structure fédérale de l’Allemagne de l’Ouest46. C’est ainsi que l’alinéa 1 de l’article 91 dispose : « Pour lutter contre les dangers menaçant l’existence ou l’ordre constitutionnel démocratique de la Fédération, ou d’un Land, un Land peut exiger l’aide des forces de police des autres Länder, des autres administrations ainsi que de la police fédérale des frontières ». Il ne semble pas que le Bundestag puisse s’opposer à ce que la police fédérale des frontières soit mise à la disposition du Land demandeur.

Mais le principe selon lequel le Gouvernement du Land à l’initiative subit d’importantes exceptions. En effet, si la situation est grave ou si de graves mesures doivent être prises, c’est le Gouvernement fédéral qui prend la direction des affaires, ce qui risque d’ébranler gravement la structure fédérale de l’État allemand.

Tout d’abord, quand la situation est grave, c’est-à-dire quand le Land qui est menacé n’est pas disposé ou en mesure de lutter contre les dangers, le Gouvernement fédéral peut placer sous ses ordres les forces de police de ce Land et des autres Länder et utiliser les unités de la police fédérale des frontières » (art. 35, al. 2, 1ʳᵉ phrase). Toutefois, dans ce cas, le Bundesrat (assemblée composée de représentants des Gouvernements des Länder) a le droit d’exiger du Gouvernement fédéral qu’il retire sa décision.

Lorsque ces forces de police ne suffisent pas, le Gouvernement fédéral peut employer l’armée fédérale « pour protéger les biens civils et lutter contre les insurrections armées et organisées ». Dans ce cas, non seulement le Bundesrat, mais encore le Bundestag a le pouvoir d’exiger le retrait des forces armées.

Enfin, quand les troubles affectent plusieurs Länder, le Gouvernement fédéral peut, si cela est nécessaire, adresser des ordres aux Gouvernements des Länder. Là encore le Bundesrat peut exiger que le Gouvernement fédéral revienne sur ses décisions ; il est donc le gardien de la structure fédérale de l’État allemand face au Gouvernement central.

Dans ces différents cas, le Gouvernement fédéral peut restreindre la liberté d’aller et de venir dans le cadre des lois ; le constituant de 1968 en effet autorise le législateur ordinaire à définir les cas où la liberté d’aller et de venir peut être limitée dans l’intérêt de la sûreté intérieure de l’État ; mais à notre connaissance, aucune loi n’est encore intervenue en ce domaine.

Tel est le régime de l’état de crise intérieure : ce qui est en définitive le plus critiqué, c’est la possibilité d’employer l’armée contre une grève politique ou une grève sauvage. En revanche, on remarquera que la situation n’autorise pas à restreindre certaines libertés, telle que la liberté de réunion et de manifestation, comme cela avait été primitivement envisagé47.

IV. Le régime des crises extérieures

Selon les partisans de la réforme constitutionnelle, l’état d’exception a été imaginé principalement dans le but de faire face à de graves crises extérieures. C’est la raison pour laquelle il a fait l’objet d’une réglementation très détaillée dans la loi constitutionnelle du 24 juin 1968.

Comme pour les crises intérieures, ce sont les critiques de l’opposition qui ont amené le constituant de 1968 à distinguer deux types de crise extérieure, l’état de tension et l’état de défense. En effet, les différents projets gouvernementaux, y compris celui du 10 mars 1967, ne distinguaient pas entre ces deux situations et l’opposition avait souligné l’imprécision de la notion de « danger extérieur » qui était utilisée par ces différents projets : de fait, divers députés C.D.U. avaient déclaré que la crise de Cuba, les différentes crises de Berlin48 et peut-être même une grave menace pour l’approvisionnement en pétrole arabe devaient être considérées comme constitutives de « danger extérieur ».

Ce sont les députés S.P.D. qui sont parvenus, lors des débats au Parlement, à obtenir que le régime ne soit pas tout à fait le même dans les deux hypothèses. C’est pourquoi nous étudierons successivement : la constatation de l’état de tension et de l’état de défense, les règles communes à ces deux situations, enfin les règles propres à l’état de défense.

A. – La constatation de l’état de tension et de l’état de défense

a) Les notions d’état de tension et d’état de défense.

Les notions d’état de tension et de l’état de défense n’ont pas été définies avec beaucoup de précision, car le constituant s’est surtout attaché à préciser la procédure de déclaration. La notion d’état de tension ne fait l’objet d’aucune définition dans l’article 80 a qui lui est consacré49. Quant à l’état de défense, il est défini ainsi : il y a état de défense « quand le territoire fédéral est attaqué avec des armes (mit Waffengewalt) ou qu’une telle attaque constitue un danger imminent »50 . On remarquera que l’état de défense couvre même les cas de simple menace, ce qui rend difficile une distinction nette entre les deux notions. C’est une illustration d’un phénomène caractéristique de l’époque moderne, l’effacement de la distinction de la guerre et de la paix51. En raison de l’importance des pouvoirs conférés au gouvernement dans l’un et l’autre cas, le constituant s’est, en fait, surtout attaché à préciser les organes compétents pour déclarer l’état de tension et l’état de défense.

b) Les procédures de déclaration

L’organe normalement compétent pour déclarer l’état de tension est le Bundestag52 ; la majorité requise est la majorité des 2/3 des votants53. Cependant le Bundestag peut autoriser le Gouvernement à prendre certaines mesures préparatoires et dans ce cas, la majorité simple suffit54. Par ailleurs, l’état de tension peut résulter d’une décision de l’OTAN prise avec l’accord du Gouvernement fédéral : dans ce cas le Bundestag est exclu de la décision et il a simplement la possibilité de s’opposer aux mesures prises en votant une résolution à la majorité absolue (et non plus relative)55 .

L’organe normalement compétent pour déclarer l’état de défense est également le Bundestag56; mais le vote doit être acquis à une double majorité : majorité des 2/3 des votants, majorité simple des membres. De plus, la déclaration doit être adoptée à la demande du Gouvernement fédéral et avec l’accord du Bundesrat (qui réunit des représentants des Gouvernements des Länder).

Au cas où la situation exige une action immédiate et où le Bundestag ne peut absolument pas se réunir ou ne peut pas délibérer valablement faute de quorum (majorité absolue des membres), la décision sera prise aux mêmes conditions de majorité par le Comité commun aux deux Chambres (Gemeinsamer Ausschuss). Comme son nom l’indique, cet organe comprend tout à la fois des membres du Bundestag (22 députés) et des membres du Bundesrat (11 ministres des Länder). Les 22 députés sont désignés par le Bundestag proportionnellement à l’importance des groupes parlementaires57; les 11 ministres des Länder représentent chacun des 11 Länder. Ce comité peut d’ailleurs se réunir dès le temps de paix pour être informé des projets du Gouvernement pour le temps de guerre ; cette possibilité a d’ailleurs été critiquée, car elle fait de ce Comité, qui délibère en secret, un véritable prolongement du Gouvernement fédéral en matière de défense nationale.

Enfin, dans le cas où le Bundestag et le Comité commun seraient dans l’impossibilité de prendre la décision et où le territoire fédéral serait effectivement l’objet d’une attaque armée (et non d’une simple menace), l’état de défense serait considéré par le Gouvernement comme déclaré au jour où l’attaque a commencé. Toutefois, avec l’accord du Bundesrat, le Bundestag peut à tout instant déclarer que l’état de défense est terminé (art. 115-1, al. 1).

B. – Les pouvoir exceptionnels communs à l’état de tension et à l’état de défense

La déclaration de l’état de tension a essentiellement pour effet de permettre un certain nombre de mesures qui sont réservées normalement à l’état de défense.

a) L’emploi de forces armées

Il s’agit en premier lieu de l’emploi des forces armées58. Tout d’abord ces forces peuvent être utilisées dans l’intérêt de la défense nationale pour protéger des objectifs civils et pour régler la circulation. Ensuite et surtout, elles peuvent être utilisées dans un but de police, mais seulement pour protéger des objectifs civils. Cette dernière disposition va un peu moins loin que le projet gouvernemental de 1967 qui prévoyait l’utilisation de l’armée à des fins de police sans aucune restriction ; il faut cependant remarquer que la protection d’objectifs non militaires laisse déjà à l’armée un large champ d’action.

b) Les restrictions apportées aux libertés publiques

En second lieu, diverses mesures restrictives des libertés publiques peuvent être prises.

Il en est ainsi tout d’abord des mesures de déplacement de la population prévues par la loi du 9 juillet 1968 sur l’extension de la protection contre les sinistres59. Il en est de même des différentes mesures de mobilisation économique prévues par la loi promulguée de nouveau le 3 octobre 1968 et tendant à assurer la sécurité de l’économie et par la loi promulguée de nouveau le 8 octobre 1968 et tendant à garantir la sécurité des transports60.

Il s’agit surtout des mesures de mobilisation des travailleurs en cas de crise extérieure : elles ont été autorisées par le nouvel article 12 a de la Loi fondamentale et définies par la loi du 9 juillet 1968 tendant à assurer la main-d’œuvre nécessaire aux besoins de la défense nationale61. En raison de l’extrême sensibilité des syndicats à ce problème, le constituant a défini avec beaucoup de précision les mesures que le législateur pouvait autoriser62. En principe, seuls les hommes non dégagés de leurs obligations militaires peuvent être affectés d’office à des emplois civils dans l’intérêt de la défense nationale ou encore de la protection de la population civile. Le constituant a même précisé que sauf exception (affectation à des tâches de police ou à des fonctions administratives), les affectés restaient soumis au droit du travail et ne devenaient pas des agents publics ; nous rappelons à ce sujet qu’en Allemagne les agents publics n’ont pas le droit de faire grève. De plus, le constituant a précisé que les affectations auprès de l’armée (pour ses approvisionnements) et de l’administration pouvaient être régies par le droit du travail et que les affectations au ravitaillement de la population n’étaient possibles que pour assurer les besoins élémentaires ou la protection de celle-ci.

Le principe selon lequel seuls les hommes ayant des obligations militaires (Wehrpflichtige) peuvent faire l’objet de mesures d’affectation comporte un tempérament : les femmes de 18 à 55 ans peuvent être astreintes à servir dans les établissements sanitaires et hospitaliers civils ainsi que dans les hôpitaux militaires fixes63.

Par ailleurs, chaque fois que les besoins en main-d’œuvre en matière de défense nationale et de protection civile ne peuvent être satisfaits sur une base purement volontaire, ce qui sera généralement le cas, le Gouvernement peut, si la loi le lui permet64, restreindre la liberté de tout Allemand d’abandonner son emploi ou sa profession.

Comme nous l’avons indiqué plus haut, le Bundestag peut autoriser le Gouvernement à appliquer certaines lois relatives à l’organisation de la nation en temps de guerre sans déclarer l’état de tension ou de défense65. Dans ce cas, les mesures restrictives de liberté que nous venons d’indiquer peuvent être prises à la suite d’un vote à la majorité simple, alors que la majorité des 2/3 est nécessaire pour déclarer l’état de tension ou de défense. Toutefois, les mesures restrictives de la liberté du travail et de l’activité professionnelle ne peuvent être prises qu’à la suite d’un vote acquis à la majorité des 2/3 ; en effet, l’article 80 a alinéa 1 dernière phrase, a édicté une règle spéciale de majorité pour ce cas afin de tenir compte des préoccupations des syndicats. Bien que le texte constitutionnel soit muet, on doit considérer que de telles mesures ne peuvent être prises que si la situation est proche de l’état de tension66.

c) La protection du droit de grève

La possibilité d’employer la force armée dans un but de police et le pouvoir d’affecter d’office certains travailleurs ont beaucoup inquiété les syndicats. Nous avons déjà vu que le constituant avait précisé que les pouvoirs exceptionnels en cas de crise intérieure (art. 91) et de sinistre (art. 35) ne pourraient pas être utilisés contre les grèves professionnelles organisées par les syndicats ; de même, il a précisé que l’emploi de l’armée et les affectations de travailleurs en cas de crise extérieure ne pourraient pas être dirigés contre elles. Mais l’on se souviendra que les grèves politiques et les grèves sauvages (non ordonnées par un syndicat) ne sont pas protégées par cette disposition de l’article 9 de la Loi fondamentale.

C. – Les pouvoirs exceptionnels propres à l’état de défense

Lorsqu’il y a état de défense, c’est-à-dire, rappelons-le, en cas de guerre ou de menace de guerre, le régime constitutionnel est encore plus profondément bouleversé : les trois grands principes de la Loi fondamentale, le fédéralisme, le parlementarisme, le libéralisme subissent de graves altérations.

a) Les atteintes au fédéralisme

La déclaration de l’état de défense modifie complètement la répartition des compétences législatives et gouvernementales entre la Fédération et les Länder. Tout d’abord, la Fédération reçoit le pouvoir d’édicter des lois même dans le domaine réservé au législateur des Länder, celui-ci ne conservant qu’une compétence concurrente et subordonnée67. Ensuite, le Gouvernement fédéral peut donner des ordres aux Gouvernements des Länder et même, au cas où la chose est pressante, aux diverses autorités politiques et ministratives des Länder ; il a simplement l’obligation d’en informer le Parlement ou le Comité commun68. De plus, une loi fédérale peut bouleverser la répartition des tâches administratives et des ressources financières entre la Fédération et les Länder69; toutefois ce bouleversement n’est possible que si la loi est votée par le Bundestag avec l’accord du Bundesrat, mais non si elle est l’œuvre du Comité commun70.

Inversement, quand les organes fédéraux compétents sont hors d’état de prendre les mesures nécessaires pour parer au danger et si la situation exige une action immédiate dans les différentes parties du territoire fédéral, les Gouvernements des Länder ou les autorités désignées par eux peuvent les prendre elles-mêmes71.

b) Les atteintes au parlementarisme

Ces atteintes sont plus ou moins graves selon que le Parlement est en état de fonctionner ou non.

Si le Parlement peut délibérer valablement, il reste l’organe compétent pour légiférer et contrôler le Gouvernement. Toutefois la procédure est modifiée72 : les projets de loi urgents sont examinés ensemble par les deux Chambres, mais les voix sont comptées séparément. Le Bundestag ne peut pas être dissous et ses pouvoirs sont automatiquement prorogés jusqu’au 6e mois qui suit la fin de la guerre73. Enfin il peut abroger les lois adoptées par le Comité commun et déclarer la fin de l’état de défense74.

En revanche, chaque fois que le Bundestag ne peut pas délibérer valablement (c’est-à-dire si la moitié de ses membres ne peut pas être réunie), le Comité commun75 le constate solennellement à la majorité des 2/3 des voix et à la majorité absolue de ses membres et il peut à partir de ce moment-là exercer l’ensemble des fonctions du Bundestag et du Bundesrat. Il peut tout d’abord exercer le pouvoir législatif. Néanmoins celui-ci est limité à plusieurs égards : impossibilité de modifier la constitution, impossibilité de modifier la loi sur le Tribunal constitutionnel fédéral sans l’accord de celui-ci, possibilité pour le Parlement de les abroger dès qu’il peut se réunir, caducité des textes 6 mois après la fin de l’état de défense76. Ce pouvoir législatif du Comité commun remplace le pouvoir du Gouvernement de légiférer par ordonnances que les projets gouvernementaux de 1960 et 1963 avaient prévu. Cette substitution est généralement considérée comme un progrès dans la mesure où le Comité commun apparaît comme une émanation du Parlement ; mais cette substitution n’aboutit évidemment qu’à un contrôle pseudo-parlementaire en raison du secret qui entoure les délibérations du Comité. Par ailleurs, le Gouvernement a reçu du législateur ordinaire des habilitations de prendre des règlements qui sont extrêmement larges et qui sont de ce fait d’une constitutionnalité douteuse : pratiquement, quand il y a état de défense, le Gouvernement dispose du pouvoir réglementaire nécessaire pour effectuer la mobilisation économique du pays.

En second lieu, le Comité commun exerce en principe les prérogatives du Parlement vis-à-vis du Gouvernement. Elles sont néanmoins plus restreintes : le chancelier fédéral ne peut plus être renversé par un vote réunissant la majorité simple de ses membres : il faut la majorité des 2/3 des membres77. En revanche, l’élection d’un nouveau chancelier exige seulement la majorité absolue simple des membres du Comité78. On notera que les 11 membres du Bundesrat participent à ces votes alors qu’en temps normal seuls les députés votent.

c) Les atteintes aux libertés

Outre les atteintes qui peuvent être apportées aux libertés dans l’intérêt de la défense dès le temps de paix et celles qui peuvent y être apportées en cas de tension, il existe peu de libertés qui puissent faire l’objet de restrictions supplémentaires quand il y a état de défense. Les projets antérieurs à celui de 1967 avaient prévu que les libertés d’information et de réunion pourraient être limitées en cas de crise extérieure. Mais ces dispositions avaient fait l’objet de vives critiques79 et elles ne furent pas reprises dans le projet de 1967.

Les seules limitations supplémentaires que les lois peuvent apporter aux libertés sont celles relatives à l’expropriation et à la liberté de la personne. Selon l’article 115 c de la Loi fondamentale, quand il y a état de défense, l’indemnisation des expropriés peut provisoirement ne pas être intégrale et les personnes arrêtées peuvent être détenues pendant 4 jours au maximum quand aucun juge ne peut intervenir dans les délais normaux (c’est-à-dire avant la fin du jour de l’arrestation).

Conclusion

Ce qui frappe l’observateur étranger, c’est tout à la fois la minutie et le flou des règles sur l’état de crise.

D’une part, les textes sont extrêmement minutieux. À cet égard la République fédérale peut s’enorgueillir de ne pas avoir élaboré un article 16 comme sa voisine d’Outre-Rhin : on a évité toute formule générale accordant purement et simplement les pleins pouvoirs à l’Exécutif.

Mais si les textes sont nombreux et complexes, ils restent néanmoins très flous et il n’est pas certain qu’ils protègent efficacement la démocratie allemande, si tant est que des textes suffisent en ce domaine. Par exemple, il n’existe pas de délimitation très nette entre les périodes normales et les périodes de crise, ce qui permet toutes les manœuvres. De même, le Parlement n’a pas le pouvoir de déclarer l’état de crise intérieure : c’est le Gouvernement qui prend l’initiative et les parlementaires seront toujours placés devant le fait accompli. Bien plus, en temps de crise, le Parlement perd, de façon insidieuse, mais certaine, une grande partie de son pouvoir de contrôle et de son pouvoir législatif. Enfin, et surtout, l’armée pourra être employée non seulement contre des insurrections, mais aussi contre de simples troubles intérieurs, ce qui rend de nouveau possible l’intervention de l’armée dans la vie politique allemande. En définitive, si le Gouvernement fédéral n’a pas tous les pouvoirs qui lui auraient donnés une formule générale comme l’article 48 de la Constitution de Weimar ou l’article 16 de la Constitution française de 1958, il en a les éléments essentiels et on peut se demander si le caractère détaillé des textes adoptés n’a pas pour principal objet de camoufler cette toute-puissance.

Il est vrai que dans tous les pays l’exécutif est toujours le maître du pays en période de crise, surtout de crise extérieure. Il n’en demeure pas moins que le pouvoir exécutif a cessé d’être le grand suspect comme il l’était il y a 15 ans. Si l’on admet la célèbre loi du balancier, on est bien obligé d’admettre que le balancier a quitté l’extrême libéralisme de l’après-guerre pour revenir vers un autoritarisme qui pour être modéré n’en est pas moins incontestable. Ce fait est d’autant plus remarquable qu’il se produit à un moment où la République fédérale n’est aux prises avec aucune difficulté particulière ; car l’inhumaine division de la nation allemande est devenue malheureusement un drame permanent.

  1. La dix-septième révision n’est d’ailleurs pas la dernière : le 15 novembre 1968 une nouvelle révision est intervenue au sujet de la procédure législative. [↩]
  2. Notamment la 16e révision du 18 juin 1968. [↩]
  3. Notamment la 6e du 23 décembre 1955, la 8e du 24 décembre 1956 et la 15e du 8 juin 1967 qui a permis le vote de la loi du 8 juin 1967 sur la stabilité économique (Stabilitätsgesetz). [↩]
  4. Notamment la 7e du 19 mars 1956 (en partie), la 10e du 23 décembre 1959, la 11e du 6 février 1961, la 13e du 16 juin 1965. [↩]
  5. Notamment la 4e du 26 mars 1954 et la 7e du 19 mars 1956 (en partie).  [↩]
  6. L’alinéa 2 de l’article 5 est ainsi rédigé : « Les compétences que les trois puissances possédaient ou exerçaient jusqu’à présent pour assurer la sécurité des forces armées stationnées dans la République Fédérale et que celles-ci conservent provisoirement, disparaîtront dès que les autorités allemandes compétentes auront reçu du législateur allemand les pleins pouvoirs (Vollmachten) et qu’elles pourront ainsi prendre les mesures nécessaires à la sécurité de ces forces armées, et notamment faire face à de graves troubles de l’ordre public ». [↩]
  7. Voir le rapport de la commission d’enquête du 29 avril 1964 ; les communications téléphoniques des parlementaires étaient écoutées par les autorités alliées pour le compte du Service allemand de protection de la Constitution (équivalent du Service des Renseignements généraux). [↩]
  8. Article 48, alinéa 2 : « Quand la sécurité et l’ordre publics sont gravement troublés ou menacés dans la République, le Président peut prendre les mesures nécessaires au rétablissement de la sécurité et de l’ordre publics, si besoin avec l’aide de la force armée. Dans ce but, il peut suspendre en tout ou en partie les droits fondamentaux établis par les articles 114, 115, 117, 118, 123, 124 et 153 » ; alinéa 3 : « Toutes ces mesures doivent être communiquées immédiatement par le Président au Reichstag. Elles doivent être rapportées si le Reichstag le demande ». Les droits fondamentaux qui pouvaient être ainsi suspendus étaient la liberté de la personne, l’inviolabilité du domicile, le secret de la correspondance, la liberté d’opinion, la liberté de réunion et la propriété privée. [↩]
  9. Par exemple le Président Ollenhauer en 1958. [↩]
  10. Par exemple le Professeur Carlo Schmid dès 1955. [↩]
  11. Le rapporteur de la Commission Ernst Benda a présenté ce projet remanié dans son livre : Die Notstandsverfassung, Günter Olzog Verlag, München, 1966. Le professeur H. U. Evers en a fait l’analyse critique dans Die perfekte Notstandsverfassung, Archiv des öffentlichen Rechts, tome 91, 1966, p. 1 et p. 193. [↩]
  12. Leur texte fut publié ensuite par les éditeurs ouest-allemands Verlag Neue Kritik et Voltaire Verlag, Frankfurt/M et Berlin, 1966 sous le titre Schubladentexte. On en trouve une analyse sommaire et des extraits dans le livre de poche Roro, Notstandsordnung und Gesellschaft in der Bundesrepublik (recueil d’exposés organisés par Hofmann et Maus), 1967. [↩]
  13. Les syndicats ont été pendant longtemps à la pointe du combat contre les pouvoirs de crise ; ils ont même demandé des consultations juridiques à des professeurs de droit. Voir notamment, Material zur Notstandsfrage, D.G.B., 1966 et Notstandsentwurf 1967, Text und Kritik, Industriegewerkschaft Metall, 1967. Dans le premier des deux ouvrages cités, on trouve le texte de la fameuse résolution adoptée au Congrès de Hanovre en 1962 (cette position fut confirmée avec éclat par le Congrès de Berlin-Ouest de mai 1966) ; on y trouve aussi le texte de la lettre adressée par le D.G.B. aux parlementaires le 18 mai 1965. [↩]
  14. On trouvera une analyse sommaire de toutes les lois adoptées en 1965 dans Hofman-Maus, Notstandsordnung und Gesellschaft in der Bundesrepublik, Rowohlt Verlag, Hambourg, 1967, p. 175. [↩]
  15. Gesetz über die Anwendung unmittelbaren Zwanges und die Ausübung besonderer Befugnisse durch Soldaten der Bundeswehr und zivile Wachpersonen (U Zw GBw), BGBL., I, p. 796, Sartorius, Verfassungs- und Verwaltungsgesetze der Bundesrepublik, I. [↩]
  16. Gesetz über das Zivilschutzkorps, BGBL., I, p. 782, Sartorius, I, n° 685. [↩]
  17. Gesetz über die Sicherstellung von Leistungen auf dem Gebiet der Wasserwirtschaft für Zwecke der Verteidigung (Wassersicherstellungsgesetz), BGBL., I, p. 1225, Sartorius, I, n° 883. [↩]
  18. Gesetz über die Sicherstellung von Leistungen auf dem Gebiet der gewerblichen Wirtschaft sowie des Geld und Kapitalverkehrs (Wirtschaftssicherstellungsgesetz), BGBL., I, p. 920, Sartorius, I, n° 858. [↩]
  19. Gesetz über die Sicherstellung mit Erzeugnisse der Ernährungs- und Landwirtschaft sowie der Forst- und Holzwirtschaft (Ernährungssicherstellungsgesetz), BGBL., I, p. 938, Sartorius, I, n° 862. [↩]
  20. Gesetz zur Sicherstellung des Verkehrs (Verkehrssicherstellungsgesetz), BGBL., I, p. 927, Sartorius, I, n° 859. [↩]
  21. Selbstschutzgesetz, BGBL., I, p. 1240, qui a été remplacée par la loi du 9 juillet 1968 sur l’extension de la protection contre les sinistres (Gesetz über die Erweiterung des Katastrophenschutzes), BGBL., I, p. 799, Sartorius, I, n° 686. [↩]
  22. Voir Fromont, Le Contrôle juridictionnel des actes administratifs en Allemagne, A.J.D.A., 1964, p. 604. [↩]
  23. En ce sens, Evers, Rechtsgutachten über Rechtsprobleme des äusseren Notstands, dans Material zur Notstandsfrage, p. 53, D.G.B., 1966 ; Hesse, Das neue Notstandsrecht der Bundesrepublik Deutschland, Verlag Müller, 1968, p. 7. [↩]
  24. On en trouvera une analyse sommaire dans Hofmann-Maus, Notstand, Rowohlt Verlag, Hambourg, 1967, p. 178. [↩]
  25. Par exemple § 2 de la loi sur la sécurité de l’économie et § 2 de la loi sur la sécurité de l’approvisionnement en produits alimentaires. [↩]
  26. On remarquera que le droit de grève n’est pas expressément reconnu par la Loi fondamentale. [↩]
  27. Voir le texte de cette résolution dans Benda, Die Notstandsverfassung, 3e éd., Günter Olzog Verlag, München, 1966. [↩]
  28. Le Ministre fédéral de l’Intérieur a d’abord été M. Paul Lücke (qui l’était déjà dans le Gouvernement Erhard), puis, après sa démission (à la suite de l’échec de son projet de réforme électorale), M. Ernst Benda, qui avait été le rapporteur du projet de révision constitutionnelle en 1965 et qui avait publié le livre, Die Notstandsverfassung, Günter Olzog Verlag, München (3e éd., 1966). [↩]
  29. Voir son livre : Karl Jaspers, Wohin treibt die Bundesrepublik ?, Piper Verlag, München, 1966. [↩]
  30. Les Allemands ont une technique législative supérieure à la nôtre : lorsqu’une loi est modifiée par le Parlement, elle est promulguée de nouveau en entier. Pourquoi la France ne fait-elle pas de même ? [↩]
  31. Gesetz über die Sicherstellung von Leistungen auf dem Gebiet der gewerblichen Wirtschaft sowie des Geld- und Kapitalverkehrs (Wirtschaftssicherstellungsgesetz) promulguée de nouveau le 4 octobre 1968 ; Gesetz zur Sicherstellung des Verkehrs (Verkehrssicherstellungsgesetz) promulguée de nouveau le 8 octobre 1968 ; Gesetz über die Sicherstellung der Versorgung mit Erzeugnissen der Ernährungs- und Landwirtschaft sowie der Forsts- und Holzwirtschaft (Ernährungssicherungsgesetz) promulguée de nouveau le 4 octobre 1968 ; reproduits dans Sartorius, Verfassungs- und Verwaltungsgesetze, n°s 858, 859 et 862. [↩]
  32. Gesetz über die Erweiterung des Katastrophenschutzes, 9 juillet 1968, BGBl., I, p. 776, Sartorius, I, n° 688. [↩]
  33. Gesetz zur Beschränkung des Brief-, Post- und Fernmeldegeheimnisses (Gesetz zu Artikel 10 Grundgesetz), 13 août 1968, BGBl., I, p. 949, Sartorius, I, n° 7. [↩]
  34. Cette loi complète la loi du 9 octobre 1957 sur la protection de la population civile (Sartorius, I, n° 680). [↩]
  35. Bulletin des Presse- und Informationsamtes der Bundesregierung, n° 67 (28 mai 1968), p. 569. [↩]
  36. Publié au Bulletin des Presse- und Informationsamtes der Bundesregierung, 31 mai 1968, n° 68, p. 581. [↩]
  37. BGBl., 1961, II, p. 1218 : les autorités allemandes doivent collaborer « en vue d’assurer la sécurité des États signataires et de leurs troupes et de les protéger, notamment en rassemblant, échangeant et protégeant toutes les informations présentant de l’importance à cet égard ». [↩]
  38. Elles sont brièvement rappelées, supra, p. 199. [↩]
  39. Notamment la loi relative au respect des interdictions d’envoi (Gesetz zur überwachungsstrafrechtlicher und anderer Verbringungsverbote du 24 mai 1961, BGBl., I, p. 607). [↩]
  40. Par exemple soixante professeurs allemands de droit public, dont le professeur Friesenhahn, président de l’Association des professeurs allemands de droit public, envoyèrent le 10 juin 1968 une pétition au Bundesrat ainsi rédigée : « Soucieux de l’existence et de l’authenticité du principe de l’État de droit dans notre constitution, les professeurs de droit public soussignés prient instamment le Bundesrat de refuser la limitation du secret de la correspondance telle qu’elle est prévue dans le projet à l’article 10, alinéa 2, phrase 2 et à l’article 19, alinéa 4, phrase 2 de la Loi fondamentale. […] ».

    Voir aussi la lettre du professeur Dürig au groupe F.D.P. : « En tant que partisan déclaré de pouvoirs exceptionnels en cas de défense, je vous prie instamment de ne pas exclure le recours contentieux à l’article 10 et de supprimer le droit de résistance à l’oppression à l’article 20 de la Loi fondamentale. Les deux dénaturant sans raison valable la fonction judiciaire, notamment celle du Tribunal constitutionnel fédéral ». [↩]

  41. Gesetz zur Erweiterung des Katastrophenschutzes, BGBl., I, p. 776, Sartorius, I, n° 688. [↩]
  42. L’article 80 a de la Loi fondamentale est en effet consacré à l’état de tension (Spannungsfall). [↩]
  43. Gesetz zur Sicherstellung von Arbeitsleistungen für Zwecke der Verteidigung einschließlich des Schutzes der Zivilbevölkerung (Arbeits­sicherstellungsgesetz), 9 juillet 1968, BGBl., I, p. 787, Sartorius, I, n° 858 a.

    [↩]

  44. Voir, par exemple, Notstands­entwurf 67, Text und Kritik, Industriegewerkschaft Metall für die Bundesrepublik Deutschland, 1967, p. 32 à 36. [↩]
  45. EVERS, Die perfekte Notstandsverfassung, Archiv des öffentlichen Rechts, tome 91, p. 201. Article 115h, alinéa 2, première phrase de la Loi fondamentale. [↩]
  46. Article 20, al. 3 de la Loi fondamentale : « Quand aucun autre moyen n’est possible, tous les Allemands ont le droit de résister à quiconque entreprend de détruire l’ordre constitutionnel ». [↩]
  47. En effet, en principe, ce sont les Länder qui ont la responsabilité du maintien de l’ordre. Cette décentralisation a d’ailleurs permis au Gouvernement Kiesinger en avril 1968 de ne pas intervenir directement à l’encontre des troubles suscités par les étudiants de gauche contre le groupe Springer à la suite de l’attentat contre Rudi Dutschke. [↩]
  48. Voir par exemple l’article 91, al. 3, du projet de la Commission de législation du Bundestag (31 mai 1965). [↩]
  49. Par exemple, M. EVERS, député C. D. U., Die Zeit, n° 19, 1968. [↩]
  50. Toutefois l’exposé des motifs du projet gouvernemental le définit comme une période de tensions internationales accrues qui rend nécessaire le développement de la capacité de riposte. [↩]
  51. Article 115 a de la Loi fondamentale. [↩]
  52. Comparer avec les notions françaises de mobilisation générale et de mise en garde (ordonnance du 7 janvier 1959). [↩]
  53. Article 80 a de la Loi fondamentale. [↩]
  54. On sait que cette majorité des 2/3 a été réclamée par ceux qui craignaient une décision prise par un seul parti. [↩]
  55. Cette règle apparaît à beaucoup très dangereuse, car elle permet pratiquement à un Gouvernement de tourner la règle de la majorité des 2/3 et d’établir l’état de tension sans le dire. [↩]
  56. Il semble que l’Allemagne soit le seul pays à avoir tenu compte de l’existence d’alliances dans ses textes constitutionnels. [↩]
  57. Article 115 a de la Loi fondamentale. [↩]
  58. Ce qui exclut, semble-t-il, les partis politiques dont la représentation parlementaire est insuffisante pour constituer un groupe (Fraktion). [↩]
  59. Article 87 a, alinéa 3 de la Loi fondamentale. [↩]
  60. § 12, Gesetz über die Erweiterung des Katastrophenschutzes, 9 juillet 1968, BGBl., I, p. 776, Sartorius, n° 688. [↩]
  61. § 2, Gesetz zur Sicherstellung von Leistungen auf dem Gebiet der gewerblichen Wirtschaft sowie des Geld- und Kapitalverkehrs, 3 octobre 1968, BGBl., I, p. 1069, Sartorius, I, n° 858 ; [↩]
  62. Gesetz zur Sicherstellung von Arbeitsleistungen für Zwecke der Verteidigung (Arbeitssicherstellungsgesetz), 9 juillet 1968, BGBl., I, p. 787, Sartorius, I, n° 858 a. [↩]
  63. Article 12 a de la Loi fondamentale. [↩]
  64. Le constituant a précisé qu’ « en aucun cas, elles ne doivent exercer un service armé ». [↩]
  65. Cette autorisation est précisément contenue dans la loi du 9 juillet 1968 tendant à assurer la main-d’œuvre nécessaire à la défense nationale. [↩]
  66. Article 80 a de la Loi fondamentale. [↩]
  67. En ce sens, HESSE, Das neue Notstandsrecht der Bundesrepublik, Verlag Müller, 1968, p. 10. [↩]
  68. Article 115 c, alinéa 1, de la Loi fondamentale. [↩]
  69. Article 115f de la Loi fondamentale. [↩]
  70. Article 115c, alinéa 3 de la Loi fondamentale. [↩]
  71. Du moins tel est notre avis si l’on combine l’article 115c, alinéa 3, et l’article 115e, alinéa 2. [↩]
  72. Article 115i de la Loi fondamentale. Le Gouvernement fédéral a alors la possibilité de rapporter les mesures prises par les Gouvernements des Länder. [↩]
  73. Article 115d de la Loi fondamentale. [↩]
  74. Article 115h, alinéas 1 et 3 de la Loi fondamentale. [↩]
  75. Article 115l, alinéas 1 et 2 de la Loi fondamentale. [↩]
  76. Étude de la composition du comité au sujet de la déclaration de l’état de défense. [↩]
  77. Article 115c, alinéa 2 ; article 115l, alinéa 1 ; article 115k, alinéa 2 de la Loi fondamentale. [↩]
  78. Article 115h, alinéa 2, deuxième phrase de la Loi fondamentale. [↩]
  79. Article 115h, alinéa 2, première phrase de la Loi fondamentale. [↩]

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Table des matières

  • I. LE PROBLÈME DE L’ÉTAT DE CRISE DE 1949 À 1968
    • A. – Le problème est esquivé en 1949.
    • B. – Le réarmement de l’Allemagne pose le problème de l’état de crise (1954-1961).
    • C. La querelle sur l’état de crise oppose les deux grands partis (1961-1965)
    • D. La « Grande coalition » permet l’adoption de dispositions constitutionnelles sur l’état de crise (1965-1968).
  • II. LA PROTECTION DE L’ÉTAT EN PÉRIODE NORMALE
    • A. Le secret de la correspondance.
    • B. La liberté d’aller et de venir.
  • III. Le régime des crises intérieures
    • A. – Les catastrophes naturelles et les graves sinistres
    • B. – L’état de crise intérieure (stricto sensu)
      • a) Notion et déclaration de l’état de crise intérieure
      • b) Conséquences de l’état de crise intérieure
  • IV. Le régime des crises extérieures
    • A. – La constatation de l’état de tension et de l’état de défense
      • a) Les notions d’état de tension et d’état de défense.
      • b) Les procédures de déclaration
    • B. – Les pouvoir exceptionnels communs à l’état de tension et à l’état de défense
      • a) L’emploi de forces armées
      • b) Les restrictions apportées aux libertés publiques
      • c) La protection du droit de grève
    • C. – Les pouvoirs exceptionnels propres à l’état de défense
      • a) Les atteintes au fédéralisme
      • b) Les atteintes au parlementarisme
      • c) Les atteintes aux libertés
    • Conclusion

About Michel Fromont

1933 - 2025. Ancien professeur aux universités de la Sarre, de Dijon et de Panthéon-Sorbonne Paris I.

Michel Fromont

1933 - 2025. Ancien professeur aux universités de la Sarre, de Dijon et de Panthéon-Sorbonne Paris I.

Table des matièresToggle Table of ContentToggle

  • I. LE PROBLÈME DE L’ÉTAT DE CRISE DE 1949 À 1968
    • A. – Le problème est esquivé en 1949.
    • B. – Le réarmement de l’Allemagne pose le problème de l’état de crise (1954-1961).
    • C. La querelle sur l’état de crise oppose les deux grands partis (1961-1965)
    • D. La « Grande coalition » permet l’adoption de dispositions constitutionnelles sur l’état de crise (1965-1968).
  • II. LA PROTECTION DE L’ÉTAT EN PÉRIODE NORMALE
    • A. Le secret de la correspondance.
    • B. La liberté d’aller et de venir.
  • III. Le régime des crises intérieures
    • A. – Les catastrophes naturelles et les graves sinistres
    • B. – L’état de crise intérieure (stricto sensu)
      • a) Notion et déclaration de l’état de crise intérieure
      • b) Conséquences de l’état de crise intérieure
  • IV. Le régime des crises extérieures
    • A. – La constatation de l’état de tension et de l’état de défense
      • a) Les notions d’état de tension et d’état de défense.
      • b) Les procédures de déclaration
    • B. – Les pouvoir exceptionnels communs à l’état de tension et à l’état de défense
      • a) L’emploi de forces armées
      • b) Les restrictions apportées aux libertés publiques
      • c) La protection du droit de grève
    • C. – Les pouvoirs exceptionnels propres à l’état de défense
      • a) Les atteintes au fédéralisme
      • b) Les atteintes au parlementarisme
      • c) Les atteintes aux libertés
    • Conclusion

Chroniques de droit constitutionnel allemand

  • Avant-propos
  • L’évolution du droit public allemand en 1968, RDP 1969, p. 197-224
  • L’évolution du droit public allemand en 1968, RDP 1969 p. 621-640

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