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La motivation d’un acte administratif qui méconnaît le secret médical entache-t-elle la légalité de l’acte? – Conclusions sous CE, 16 février 2024, Mme Perrin, n° 467533

Extraits du Bulletin juridique des collectivités locales, mars 2024, p. 171.

Citer : Nicolas Labrune, 'La motivation d’un acte administratif qui méconnaît le secret médical entache-t-elle la légalité de l’acte? – Conclusions sous CE, 16 février 2024, Mme Perrin, n° 467533, Extraits du Bulletin juridique des collectivités locales, mars 2024, p. 171. ' : Revue générale du droit on line, 2025, numéro 69355 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=69355)


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Décision(s) commentée(s):
  • CE, 16 février 2024, Mme Perrin, requête numéro 467533

Le litige

Mme P., contrôleuse principale de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), affectée à la direction régionale Auvergne-Rhône-Alpes, a déclaré les 15 novembre et 3 décembre 2018 avoir été victime de deux accidents de service. Le premier, survenu le 24 octobre 2018, résulterait d’un choc psychologique lié à la modification de la configuration de son espace de travail, l’installation d’armoires servant de cloison de séparation dans l’« open space » où se situait son bureau, aboutissant, selon elle, à l’isoler de ses collègues. À la suite de ce premier événement, Mme P. a exercé à deux reprises son droit de retrait et a ensuite été placée, à sa demande, puis d’office, en congé de maladie ordinaire. C’est alors qu’est survenu le second choc psychologique invoqué par Mme P., lorsque le service des ressources humaines, le 3 décembre 2018, lui a notifié son passage en demi-traitement à la suite de l’épuisement de ses droits à congés de maladie ordinaire à plein traitement. Mme P. a sollicité la reconnaissance de l’imputabilité au service de ces deux événements, qu’elle qualifie d’accidents de service. En suivant les avis défavorables de la commission de réforme, la cheffe du département des ressources humaines de l’INSEE a rejeté ces demandes, par deux décisions du 15 mai 2019.

L’obligation de motiver les décisions de refus de reconnaître l’imputabilité au service d’accidents

Mais, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces deux décisions, pour insuffisance de motivation, par un jugement du 24 juin 2020, que nous trouvons passablement sévère. Certes, vous jugez que « le respect des règles relatives au secret médical ne saurait avoir pour effet d’exonérer [l’administration] de l’obligation d’énoncer les éléments de fait et de droit sur lesquels [elle] fonde sa décision »1 et ce n’est qu’exceptionnellement, lorsque la motivation tient tout entière dans des éléments couverts par le secret, que l’aménagement de son contenu peut se muer en une dispense pure et simple de motivation2. Mais, pour autant, vous admettez bien que l’existence d’un secret protégé par la loi justifie de restreindre les éléments susceptibles de figurer dans la motivation, au point qu’une décision mettant fin à un congé de longue durée peut être motivée par la simple référence à l’avis du comité médical, lequel se borne à indiquer que l’intéressé est «apte sur son poste dès notification »3.

Motivation et secret médical

Mais, si ce jugement était sévère – et peut être même discutable – il n’a pas été contesté et l’administration a préféré reprendre un nouvel arrêté, du 20 juillet 2020, pour refuser à nouveau de reconnaître l’imputabilité au service des deux « accidents » allégués par Mme P. La motivation de cet arrêté est bien plus développée que celle des décisions précédemment annulées et Mme P., devant le tribunal administratif, a cette fois-ci développé une critique inverse, ne reprochant pas à l’administration une insuffisance de motivation mais, en quelque sorte, un «excès de motivation». Elle a fait valoir, en effet, que l’arrêté mentionne la spécialité de l’expert qui l’a examinée à la demande de l’administration, un psychiatre, ce qui donnerait des indications sur la pathologie dont elle souffre, en violation du secret médical garanti par l’article L.1110-4 du code de la santé publique, ce qui entacherait l’arrêté d’un vice de forme. Notons que le moyen soulevé était bien tiré d’un vice de forme. Mme P. ne soutenait pas, sur le terrain de la légalité interne, que la motivation qu’elle critiquait aurait révélé une erreur dans les motifs de fait ou de droit de la décision attaquée. Et elle ne soutenait pas non plus que cette motivation aurait révélé que l’arrêté aurait été pris au vu d’informations dont l’administration n’aurait pas dû avoir connaissance, ce qui aurait constitué un vice de procédure de nature à entraîner l’annulation de l’arrêté (à cet égard, rappelons par exemple que la révélation d’une information à caractère secret vicie la procédure d’imposition et entraîne la décharge de l’imposition lorsque cette information a été demandée par le vérificateur, ou, alors même que la violation du secret ne serait imputable qu’au seul contribuable, que cette information fonde tout ou partie de la rectification4 ).

Par un jugement du 20 octobre 2021, le tribunal administratif a rejeté la demande de Mme P. au motif que: «La seule circonstance que l’arrêté attaqué mentionne, dans ses visas, la spécialité de l’expert l’ayant examinée […] n’est pas de nature, par elle-même, à caractériser une violation [du secret médical et du secret professionnel] garantis par la loi.» On peut comprendre ce raisonnement mais, pour autant, il ne va pas de soi, compte tenu de ce que vous avez traditionnellement une conception particulièrement large des éléments couverts par le secret médical. Dans le prolongement de l’article L.1110-4 du code de la santé publique, qui dispose que le secret «couvre l’ensemble des informations concernant la personne», vous jugez ainsi que sont couverts par le secret médical tous les éléments relatifs à l’état de santé même s’ils ne relèvent pas du diagnostic médical5. Et, avant que le législateur ne vienne – mais seulement en matière fiscale – amodier votre jurisprudence, vous avez même été jusqu’à affirmer que la seule indication du nom d’un patient, sans aucune référence à la nature des soins qui lui sont dispensés, constitue une violation du secret médical6.

C’est d’ailleurs peut-être parce qu’elle craignait que cette solution du tribunal administratif soit en délicatesse avec votre jurisprudence que la cour administrative d’appel de Lyon, pour rejeter l’appel de Mme P. par son arrêt du 13 juillet 2022, s’est placée sur un autre terrain. Elle a en effet, plus radicalement, écarté le moyen tiré du vice de forme en jugeant – nous citons – que «[…] la divulgation de faits pris en considération par l’autorité compétente, quoique couverts par le secret médical, n’est pas susceptible d’affecter la régularité formelle de cette décision […] » et que « dès lors, la branche du moyen tirée de l’irrégularité de la motivation de la décision litigieuse en ce qu’elle ferait mention d’éléments permettant d’en déduire la nature de la pathologie dont souffre Mme P. doit être écartée comme inopérante».

Une motivation qui porte atteinte au secret médical est-elle de ce fait irrégulière ?

C’est ce motif que conteste Mme P. par le premier moyen de son pourvoi, en soutenant que la cour aurait commis une erreur de droit en lui opposant cette inopérance. L’affaire vous pose donc, de façon assez pure, la question de savoir si la circonstance que la motivation d’un acte administratif – au demeurant suffisante – méconnaîtrait un secret protégé par la loi est de nature à affecter la régularité formelle de cet acte.

Nous concédons bien volontiers que la réponse apportée par la cour à cette question a quelque chose de contre-intuitif: lorsque la motivation d’un acte viole un secret protégé par la loi, il est difficile de contester que l’administration, en édictant cet acte, a commis une illégalité. Et l’on pourrait donc penser que cette illégalité doit entraîner l’annulation de l’acte.

La violation du secret médical constitue une illégalité fautive mais n’entache pas d’irrégularité la motivation de l’acte

Mais, ce raisonnement nous semble par trop rapide et nous pensons au contraire que la cour a eu raison de se prononcer comme elle l’a fait. Il est bel et bien incontestable que la circonstance que la motivation d’un acte méconnaît un secret protégé par la loi caractérise une illégalité. Et cette illégalité, bien sûr, est fautive, comme toute illégalité, et donc de nature à obliger l’administration à indemniser un préjudice qui en résulterait. Elle est aussi – cette illégalité – sans doute susceptible de fonder des poursuites disciplinaires contre l’agent qui serait responsable de la violation du secret. Mais, nous ne croyons pas, en revanche, que la violation du secret par la motivation d’un acte entache par elle-même cet acte d’un vice qui devrait entraîner son annulation. Rappelons, encore une fois, que nous ne parlons ici de la violation du secret que sous l’angle du vice de forme, pas sous celui de la régularité de la procédure préalable à l’édiction de l’acte, non plus que sous celui du bien fondé de ses motifs. Or, si le respect des secrets protégés par la loi est une exigence qui s’impose à l’administration, il s’agit – sauf dans le cas où un texte spécifique en disposerait autrement – d’une règle de fond de l’action administrative, et pas d’une norme relative à la présentation matérielle des actes, dont la méconnaissance constituerait un vice de forme.

En matière de motivation des actes administratifs, l’exigence, posée par les articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) et, avant eux, par les articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979, est que la décision soit motivée, ce qui suppose que sa motivation soit suffisante, c’est-à-dire, en vertu de l’article L.211-5 du même code qu’elle comporte l’ensemble des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Mais, au- delà de son caractère suffisant, le CRPA ne pose aucune exigence formelle quant à la motivation des actes administratifs. Et, en particulier, si le 2e alinéa de l’article L.211-6 du code prévoit que «Les dispositions du présent chapitre ne dérogent pas aux textes législatifs interdisant la divulgation ou la publication de faits couverts par le secret», ces dispositions ne posent pas une exigence formelle supplémentaire et autonome mais se contentent juste de préciser que l’exigence de motivation qui pèse sur l’administration doit se concilier avec l’exigence de respecter le secret. Les travaux préparatoires au 2e alinéa de l’article 4 de la loi du 11 juillet 1979, dont ces dispositions sont issues à l’origine, attestent, s’il en était besoin, que c’est bien ainsi qu’il faut les lire.

Et nous ne voyons pour notre part aucune autre disposition transversale qui ferait du respect des secrets protégés par la loi une condition de régularité formelle des actes administratifs. Or, il n’est pas besoin de vous le rappeler, notre droit administratif est si peu formaliste qu’il n’y a, en l’absence de texte, quasiment aucune exigence formelle qui s’impose à un acte. Comme l’écrivait le président Odent, pour exclure tout «fétichisme de la forme»: «Aucune forme sacramentelle, aucune procédure n’ont à être observées, sauf celles imposées par un texte […] ou par un principe général du droit […]. » En constitue un exemple éclatant le fait que vous jugez par exemple, depuis une décision Harouel et Morin c/ Ministre de la Guerre du 30 avril 18807, que les actes administratifs n’ont pas à être motivés lorsqu’aucun texte ne l’impose et que vous avez constamment, depuis lors, réaffirmé ce principe8.

Ainsi, lorsqu’une décision administrative est suffisamment motivée et dès lors qu’aucun texte ne fait du respect des secrets une prescription formelle, alors les exigences formelles qui s’imposent à cette décision sont respectées, de sorte qu’aucun vice de forme ne saurait être caractérisé, quand bien même la motivation de cette décision violerait un secret. Dit autrement, une erreur de motivation qui n’est pas une insuffisance de motivation n’est pas un vice de forme. Et s’il s’agit, comme en l’espèce, d’une « pure erreur de motivation», qui ne reflète ni une erreur de motif ni un vice de procédure, alors cette erreur est, selon nous, sans aucune incidence sur la légalité de la décision. Vous pourrez donc, si vous nous suivez, écarter le premier moyen du pourvoi. 

Les autres moyens soulevés par Mme P. vous retiendront moins longtemps.

Les autres moyens du pourvoi

Elle critique tout d’abord, sous le timbre de l’erreur de droit, le fait que la cour, avant d’écarter comme inopérant le moyen tiré de ce que la motivation de la décision litigieuse violerait le secret médical – nous venons d’en parler – a relevé par une incise « que la protection organisée par l’article L. 1110-4 du code de la santé publique ne vise que les professionnels de santé […] qualité que n’a pas le directeur général de l’IN- SEE ». Mais cette incise, introduite par un « en outre », constitue un motif surabondant de l’arrêt attaqué. Le moyen de cassation qui la critique est donc inopérant9. En tout état de cause, la cour ne nous semble avoir commis aucune erreur de droit. Certes, le directeur général de l’INSEE, comme tous les fonctionnaires, est tenu au respect du secret professionnel en application de l’article 26 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 désormais codifié à l’article L.121-6 du code général de la fonction publique. Mais il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas au nombre des professionnels de santé qui sont effectivement seuls visés par l’article L.1110-4 du code de la santé publique.

Quant aux quatre derniers moyens, ils sont dirigés contre les motifs par lesquels la cour a dénié aux événements invoqués par Mme P. le caractère d’accident de service. À ce propos, vous connaissez la définition de l’accident de service que vous avez donnée par votre décision Mme Planage du 6 février 201910 : constitue un accident de service « un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l’occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci». Et, pour qu’un événement soit qualifié d’accident de service, il faut tout d’abord – c’est une lapalissade – qu’il puisse être regardé comme un accident, c’est-à-dire, pour reprendre les mots de votre décision Ministre des Armées c/ Mme Normand du 27 septembre 202111, qu’il s’agisse d’un «événement soudain et violent». Dans cette décision Ministre des Armées c/ Mme Normand, vous avez justement précisé que ne pouvait être regardé comme tel, et ne pouvait donc être qualifié d’accident de service «un entretien, notamment d’évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique», «quels que soient les effets [que cet entretien] a pu produire sur l’agent». Comme vous l’expliquait notre collègue Marc Pichon de Vendeuil dans ses conclusions sur cette affaire, un tel entretien est en effet, par définition, «un événement prévisible et normal dans la carrière d’un agent public». Ce n’est que par exception, s’il est établi que cet entretien «aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l’exercice normal du pouvoir hiérarchique », qu’il est susceptible d’être regardé comme un accident et donc, ensuite, comme un accident de service. Mais, vous avez bien pris soin de le préciser, l’exercice normal du pouvoir hiérarchique «peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires». Il ne suffit donc pas qu’une discussion entre un agent et son supérieur hiérarchique soit désagréable pour l’agent pour que cette discussion revête le caractère d’un accident de service.

C’est dans le droit fil de ce précédent que s’est inscrite la cour pour statuer sur la requête de Mme P. Elle a en effet jugé, au point 6 de son arrêt, que «l’annonce par la hiérarchie de l’agencement définitif d’un poste de travail ou l’application du demi-traitement après six mois de placement en congé de maladie ordinaire […] relèvent de l’exercice ordinaire du pouvoir hiérarchique» et que «par suite, elles ne sont pas constitutives d’accidents […] quand bien même se rattachent-elles au service».

Ces motifs nous semblent exempts des reproches que le pourvoi leur adresse. Mme P. fait valoir, en premier lieu, que le II de l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 janvier 2017, applicable au litige, a prolongé votre jurisprudence Mme Galan ((CE S.16 juillet 2014, Mme Galan, n° 361820: Rec., p. 222.)) en instituant une présomption d’imputabilité au service de l’accident survenu dans le temps et lieu du service. Mais nous ne saurions reprocher à la cour de n’avoir pas répondu au moyen de Mme P. tiré de cette présomption. En effet, il n’y a lieu de s’interroger sur l’imputabilité au service d’un accident – en faisant application de cette présomption – que s’il y a bien un accident. Or, nous vous l’avons dit, la cour s’est refusée à reconnaître aux événements invoqués par Mme P. la qualité d’accident. Et, dès lors qu’elle s’arrêtait à ce premier stade du raisonnement, le moyen tiré de la présomption d’imputabilité était inopérant.

En deuxième lieu, le pourvoi soutient que la cour aurait commis une erreur de droit en ne recherchant pas si les faits allégués par Mme P. ne lui avaient pas causé un choc psychologique et si des circonstances particulières ou une faute personnelle avaient détaché ces événements du service. Mais vous ne pourrez, de la même façon, qu’écarter ce moyen. En jugeant que les événements invoqués par Mme P. relevaient de l’exercice ordinaire du pouvoir hiérarchique, la cour a bien exclu que ces événements puissent être responsables de chocs psychologiques susceptibles d’être qualifié d’accidents. Et, dès lors, elle n’avait pas à s’interroger sur leur imputabilité au service et sur l’existence éventuelle d’éléments de nature à les détacher du service. Le moyen suivant est tiré quant à lui de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en se fondant sur la circonstance que Mme P. n’avait pas été victime d’accidents alors qu’elle aurait seulement dû examiner l’imputabilité au service des événements en cause. Mais ce moyen ne saurait pas davantage prospérer que les précédents. Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que les événements invoqués n’aient pas la qualité d’accidents n’était pas inopérante: pour statuer sur la requête de Mme P., la cour devait déterminer si ces événements devaient être regardés comme des accidents de service au sens de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984, et pour ce faire – nous nous répétons – il lui appartenait bien, avant de s’interroger sur leur imputabilité au service, de s’interroger sur la possibilité de les qualifier d’accidents.

Enfin, par son dernier moyen, Mme P. reproche à la cour, sous le timbre de l’erreur de droit, d’avoir jugé que, pour constituer un accident de service, un évènement devait «présenter le caractère de lésions soudaines et imprévisibles» alors qu’aucun texte ne subordonne à ce critère la qualification d’accident de service. À cet égard, il est vrai qu’on peut regretter une petite maladresse rédactionnelle dans l’arrêt attaqué. La cour a effectivement écrit que ni l’annonce d’un réagencement des postes de travail ni l’application du demi-traitement après épuisement des droits à congé à plein traitement ne présentaient le caractère de « lésions soudaines et imprévisibles » alors qu’il s’agit là, évidemment, d’événements, et non pas de lésions. Mais nous pensons qu’il s’agit d’une simple erreur de plume demeurée sans incidence: ce que la cour a souligné, c’est bien l’absence de caractère soudain et violent des manifestations du pouvoir hiérarchique en cause, et, c’est à bon droit qu’elle a pu en déduire que ces manifestations ne sauraient être regardées comme des accidents.

Par ces motifs, nous concluons au rejet du pourvoi. ■

  1. CE 17 mai 1999, Ministre de l’Intérieur c/ M. Peltier, n° 148470, inédite. [↩]
  2. CE 9 juin 2006, Mme Chaudet, n° 275937: Rec., T., p. 697-1085; CE 9 juin 2006, Auge, n° 275938: Rec., T., p. 697-796,1085. [↩]
  3. CE 27 mars 2009, Centre hospitalier général de Sarreguemines, n° 301159: Rec., T., p. 802; voyez aussi, pour une solution comparable en matière de suspension de permis de conduire CE 19 juillet 2017, Ministre de l’Intérieur c/ M. Vidal, n° 393408: Rec., T., p. 435-437-705. [↩]
  4. CE 24 juin 2015, SELAS Pharmacie Réveillon, n° 367288: Rec., p. 224. [↩]
  5. CE 15 décembre 2010, M. Chauvin de Vendomois, n° 330314: Rec., T., p. 768- 957. [↩]
  6. CE Ass. 12 mars 1982, Conseil national de l’ordre des médecins et autres, nos 11413, 11414, 11466, 11099, 11100 et 11451: Rec., p. 109; CE 5 décembre 1983, M. X., n° 35580, inédite. [↩]
  7. Rec., p. 419. [↩]
  8. Voyez notamment CE Ass. 5 avril 1946, Roussel : Rec., p. 105 ; CE S. 24 mai 1974, Diot: Rec., p. 307; CE Ass. 21 octobre 1988, SA TF1: Rec., p. 365. [↩]
  9. CE 30 avril 1997, Larcebeau, n° 152391: Rec., T., p. 773-781-793-1043. [↩]
  10. N° 4155975: Rec., T., p. 798-870. [↩]
  11. N° 440983 : Rec., T., p. 736-744. [↩]

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Table des matières

  • Le litige
  • L’obligation de motiver les décisions de refus de reconnaître l’imputabilité au service d’accidents
  • Motivation et secret médical
  • Une motivation qui porte atteinte au secret médical est-elle de ce fait irrégulière ?
  • La violation du secret médical constitue une illégalité fautive mais n’entache pas d’irrégularité la motivation de l’acte
  • Les autres moyens du pourvoi

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  • Le litige
  • L’obligation de motiver les décisions de refus de reconnaître l’imputabilité au service d’accidents
  • Motivation et secret médical
  • Une motivation qui porte atteinte au secret médical est-elle de ce fait irrégulière ?
  • La violation du secret médical constitue une illégalité fautive mais n’entache pas d’irrégularité la motivation de l’acte
  • Les autres moyens du pourvoi

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