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Une commune peut-elle ouvrir à la circulation publique une voie privée ? – Conclusions sous CE, 25 octobre 2024, Commune de La Garenne-Colombes, n° 490521

Extrait du Bulletin juridique des collectivités locales, octobre 2024, p. 653.

Citer : Romain Victor, 'Une commune peut-elle ouvrir à la circulation publique une voie privée ? – Conclusions sous CE, 25 octobre 2024, Commune de La Garenne-Colombes, n° 490521, Extrait du Bulletin juridique des collectivités locales, octobre 2024, p. 653. ' : Revue générale du droit on line, 2025, numéro 69393 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=69393)


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Décision(s) commentée(s):
  • CE, 25 octobre 2024, Commune de La Garenne-Colombes, requête numéro 490521.

1. Avec l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme1, les communes disposent d’un instrument singulier leur permettant d’obtenir le transfert d’office, dans leur patrimoine, sans indemnité pour les propriétaires concernés, des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d’habitations. La décision de transfert vaut classement dans le domaine public et éteint tous les droits réels et personnels sur les biens transférés. Elle intervient après une enquête publique qui permet de s’assurer de l’existence d’un accord ou, au contraire, de constater une éventuelle opposition des propriétaires. Dans le premier cas, le transfert est prononcé par délibération du conseil municipal et, dans le second, par arrêté préfectoral. Le but de l’opération est de résorber une contradiction entre le droit et le fait – l’usage public de la voie manifestant la renonciation, par les propriétaires, à une jouissance exclusive, qui est pourtant l’attribut de leur droit de propriété.

Le litige qui vous est soumis se noue en amont d’une telle procédure puisqu’il est dirigé contre la décision d’une commune qui a été contestée en ce qu’elle aurait eu pour effet, si ce n’est pour objet, d’ouvrir une voie privée à la circulation publique.

Faits et procédure

2. Dans le cadre de sa politique de rénovation urbaine, la commune de La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine) a élaboré un projet de zone d’aménagement concerté (« ZAC ») portant sur le secteur des « Champs Philippe », dont la réalisation a été confiée, par une convention publique d’aménagement, à la SEM 92, incluant la construction de logements et de bureaux, l’implantation de locaux commerciaux et la création de nouveaux espaces verts. Était en particulier prévue la réalisation d’un square accueillant des jeux pour enfants, des plantations, quelques bancs publics et des toilettes publiques, sur une parcelle située à l’intérieur de l’angle formé par la rue Veuve Lacroix, qui fait partie de la voirie communale, et de la rue des Bleuets, qui constitue une voie privée créée en 1911 et détenue en indivision par les propriétaires riverains, réunis en association. L’opération, déclarée d’utilité publique par le préfet des Hauts-de-Seine, a été rendue possible au moyen, notamment, de l’expropriation, au profit de la SEM 92, d’une parcelle de 108 m2 cadastrée section B n° 306 appartenant à la copropriété située 3-11, rue des Bleuets.

Mme Fourquier, qui est propriétaire de deux lots au sein de cette copropriété, a introduit divers contentieux, tant devant le juge administratif que devant le juge de l’expropriation, en relation avec ce projet d’aménagement.

Ayant obtenu, après intervention de la CADA, communication des plans du square à aménager, l’intéressée a constaté que deux accès devaient être créés, l’un depuis la voie communale, l’autre depuis la voie privée. Elle a alors saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise de conclusions tendant à l’annulation de la décision de réaliser une ouverture du square sur la voie privée, révélée par le plan des travaux, et à ce qu’il soit enjoint à la commune de condamner toute ouverture du square sur la rue des Bleuets. Elle faisait principalement valoir que le statut de voie privée non ouverte à la circulation publique faisait obstacle à ce que la commune créée une ouverture sur cette voie, la livrant de facto à la circulation publique, sans l’accord unanime des propriétaires.

Par jugement du 7 décembre 2020, le tribunal administratif a rejeté les conclusions de la demande. Sur l’appel de Mme Fourquier, la cour administrative d’appel de Versailles a, par un arrêt du 27 octobre 2023, annulé ce jugement, ensemble. La décision attaquée enjoint à la commune de condamner l’ouverture du square sur la rue des Bleuets dans un délai d’un mois à compter de la notification de l’arrêt et mis à la charge de la commune une somme de 2000 € à verser à Mme Fourquier au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La cour a commencé par juger que, contrairement à ce qu’avaient retenu les premiers juges, Mme Fourquier, en tant que propriétaire de lots au sein d’une copropriété riveraine de la voie privée « rue des Bleuets », justifiait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir. Après avoir annulé le jugement en tant qu’il avait déclaré irrecevables les conclusions qui lui étaient soumises, la cour a jugé que la création de l’ouverture du square côté voie privée avait pour effet d’ouvrir cette voie à la circulation publique, alors que le consentement de l’ensemble des indivisaires de cette voie n’avait pas été recueilli, la preuve en étant que Mme Fourquier s’y opposait elle-même farouchement.

C’est contre cet arrêt que la commune – qui n’avait pas produit de défense en appel – se pourvoit régulièrement en cassation.

Compétence du juge administratif

3. Indiquons pour commencer que la compétence de la juridiction administrative n’est pas contestable, ni d’ailleurs contestée.

On trouve, dans votre jurisprudence, divers exemples de litiges dans lesquels était contestée la décision d’un maire d’ouvrir ou de rendre à la circulation publique une voie privée2.

L’originalité de notre affaire tient à ce que l’acte attaqué – qui n’est qu’une décision révélée – ne se présente pas, par la force des choses, comme une décision ayant cet objet. Cette décision révélée est une décision d’aménager un square public lequel, comme les parcs et jardins publics3 ou les promenades publiques4, avait vocation à appartenir au domaine public de la commune, une fois les travaux achevés.

On peut ajouter qu’à la date de la décision attaquée, les parcelles ayant vocation à accueillir le square appartenaient sans doute déjà au domaine public par application de la théorie de la domanialité publique virtuelle que votre décision Commune de Baillargues ((CE (8/3 CHR) 13 avril 2016, n° 391431: Rec., p. 131.)) a maintenu, pour les cas où il apparaît qu’une personne publique a pris la décision d’affecter un bien lui appartenant à un service public et que l’aménagement indispensable à l’exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, eu égard à l’ensemble des circonstances de droit et de fait, telles que, notamment, les actes administratifs intervenus, les contrats conclus, les travaux engagés.

En l’espèce, l’acquisition par la commune, auprès de son concessionnaire, la SEM 92, des parcelles supportant le square, cadastrées section B nos 0249 et 0250, à la suite d’expropriations pour cause d’utilité publique, les actes relatifs à l’opération d’aménagement qui prévoyait dès l’origine, ainsi que le montre le programme des équipements publics de la ZAC approuvé par une délibération du conseil municipal de La Garenne-Colombes du 21 décembre 2006, la réalisation de cet espace paysager, enfin le démarrage en mars 2018 des travaux, confiés à une entreprise de travaux publics, sont autant d’éléments qui établissent l’appartenance virtuelle au domaine public de cette dépendance affectée à un service public d’activités de loisirs à destination des enfants (le square accueille aujourd’hui un magnifique bateau pirate doté de toboggans et une ruche à miel à vocation éducative).

Nous ajoutons qu’il n’est pas fait grief à la commune d’avoir méconnu des règles qui s’imposeraient à elle comme à tout indivisaire de la voie privée. Il lui est reproché d’avoir, à l’occasion d’une opération d’aménagement urbain, entrant dans ses prérogatives de puissance publique, ouvert de fait (et donc de force) une voie privée à la circulation publique, ce qui n’est pas sans conséquence, car l’ouverture à la circulation publique d’une voie privée implique que le maire y exerce ses pouvoirs de police générale, notamment en réglementant la circulation ou le stationnement5 ou en enjoignant aux propriétaires de la voie d’y exécuter les travaux nécessaires pour assurer sa sécurité ou sa viabilité6.

Partant, nous sommes bien dans la sphère de compétence du juge administratif.

Six moyens de cassation sont soulevés.

Qualification erronée des faits ?

4. Contrairement à ce que soutient d’abord la commune, la cour, dont les motifs sont suffisants, n’a pas inexactement qualifié les faits – puisque tel est le contrôle que vous exercez en la matière7 – en retenant que Mme Fourquier justifiait, en qualité de copropriétaire d’un immeuble riverain de la voie privée, d’un intérêt pour agir. De même que le propriétaire d’une voie privée justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de la décision de transfert d’office de la voie privée dans le domaine public communal fondée sur l’article L.318-3 du code de l’urbanisme8, il nous semble que ce même propriétaire a intérêt à obtenir l’annulation de la décision qui ouvre à la circulation publique une voie privée lui appartenant, dès lors qu’une telle ouverture est une condition mise par la loi – et donc un préalable – au transfert d’office de la voie dans le patrimoine de la commune.

Erreur de droit ?

5. Doit ensuite être écarté le moyen tiré de ce que la cour aurait commis une erreur de droit en s’abstenant de relever d’office l’irrecevabilité de la requête qui n’aurait pas été dirigée contre un acte administratif faisant grief, la seule communication des plans du square ne pouvant révéler une telle décision. Toutefois, la cour a retenu, par des motifs qui ne sont pas critiqués par un moyen de dénaturation, que le plan de masse communiqué à Mme Fourquier révélait une décision administrative de réaliser une ouverture du square des Bleuets sur la rue des Bleuets, laquelle a, au demeurant, été réalisée, comme le montrent les photographies produites en appel.

Dénaturation des faits ?

6. En troisième lieu, la commune soutient que la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit et de dénaturation des faits et des pièces du dossier en retenant que la création de l’ouverture du square avait eu pour effet d’ouvrir la voie privée à la circulation publique.

La commune fait d’abord valoir que l’accès côté rue des Bleuets ne débouche pas directement sur l’emprise de la voie privée, mais sur une portion de la voie qui serait incluse dans la parcelle dont elle est devenue propriétaire. Il est vrai que des extraits du cadastre au dossier semblent montrer que le tracé des parcelles B n° 0249 et B n° 0250 déborde de l’alignement des immeubles bâtis de la rue des Bleuets pour passer au milieu de la rue des Bleuets, dans le sens de la longueur. Mais dès lors qu’il n’est pas établi que la commune serait propriétaire de la totalité de la section de la rue des Bleuets située au droit du square, nous croyons que cette configuration un peu étrange des lieux ne change rien à l’affaire, la création de l’accès au square côté rue des Bleuets aboutissant bien, en pratique, à livrer la voie privée à la circulation publique, laquelle ne s’entend pas exclusivement de la circulation automobile, mais aussi de la circulation des piétons et des cyclistes, comme le retient votre décision M. et Mme Méret ((CE (8/3 CHR) 27 mai 2020, n° 433608: Rec., T., p. 625-727-887.)).

La cour n’a ensuite pas dénaturé les faits de l’espèce et n’a rien entendu juger en droit en relevant que cette partie de trottoir faisant l’objet d’une propriété publique «n’était pas dissociable de celle contigüe appartenant à la voie privée ». Nous comprenons qu’elle a entendu juger qu’il importait peu que le trottoir ait été élargi, au droit des parcelles dont la commune est propriétaire, dès lors que l’ouverture du square sur la voie privée revenait à ouvrir cette voie à la circulation publique sans le consentement des propriétaires intéressés. Cette solution nous paraît robuste: s’il est permis à tout usager d’accéder au square public par la voie communale (entrée A) et d’en ressortir par la voie privée (entrée B), alors on peut considérer que cette voie privée se trouve, par l’effet de cet aménagement, livrée à la circulation publique.

Enfin, si la commune se prévaut de ce que la voie privée était déjà livrée à la circulation publique et soutient par suite que la cour aurait dénaturé les faits de l’espèce et les pièces du dossier en estimant que la création d’un accès au square sur la rue des Bleuets était à l’origine d’une ouverture à la circulation publique, cette critique n’est pas fondée dès lors qu’il ressort des éléments produits, notamment d’un constat d’huissier, qu’une barrière pourvue d’une clé fermait l’accès de la rue des Bleuets côté rue Jules Ferry et qu’un panneau indicateur «Rue des Bleuets – voie privée » ainsi qu’un panneau « Sens interdit (sauf riverains) » étaient apposés à l’autre entrée, côté rue Veuve Lacroix. Or, comme le montre votre jurisprudence, l’installation d’un portail dont les riverains ont seuls la clé9 et la pose de barrières ou de clôtures10 sont regardées comme manifestant l’absence d’accord des propriétaires à l’ouverture au public ou à la municipalisation de la voie.

Erreur de droit quant à la légalité de la décision d’ouverture du square ?

7. En quatrième lieu, la commune soutient que la cour a commis une erreur de droit en appréciant la légalité de la décision prévoyant une ouverture du square des Bleuets au droit de la rue des Bleuets au regard d’un acte de droit privé, en l’occurrence au regard de la convention constitutive d’une indivision perpétuelle conclue le 24 janvier 1911, devant notaire, entre les propriétaires riverains de la rue des Bleuets.

Ce moyen est intéressant d’un point de vue théorique, mais il manque en fait. S’il est vrai que Mme Fourquier invoquait une méconnaissance des stipulations de cette convention de droit privé, ainsi que les dispositions du code civil sur l’indivision, la cour a déplacé le débat sur le terrain légèrement différent du consentement des indivisaires à l’ouverture de la voie publique. Elle a en effet jugé : «La création de cette ouverture du square public accessible aux piétons […] a […] pour effet d’ouvrir cette voie privée à la circulation publique, alors qu’il est constant que le consentement des coïndivisaires […] n’a pas été sollicité. » Or, vous avez déjà admis que « le juge administratif est compétent pour apprécier la réalité du consentement de propriétaires à l’ouverture au public d’une voie dont ils sont propriétaires »11, cette question de fait étant laissée à l’appréciation des juges du fond.

Comme l’indique la décision Commune de Mouvaux déjà citée, le consentement des propriétaires et la faculté qu’ils ont d’abandonner leurs droits peut certes n’être que « tacite ». Mais il revient au juge de scruter « l’attitude des propriétaires», laquelle doit manifester une «volonté réelle et non équivoque de consentir à l’ouverture [de la voie] à la circulation publique». Lorsque le juge se livre à cette recherche, on ne peut pas dire qu’il fait dépendre la légalité de l’acte administratif attaqué du respect des prescriptions d’un acte de droit privé, car il se borne à vérifier l’existence d’un consentement qui protège le droit de propriété et son attribut qui est le pouvoir exclusif sur la chose.

Il ne fait aucun doute que la cour, qui ne s’est pas muée en juge civil, est restée dans l’épure de cette jurisprudence, en s’attachant à rechercher si la commune ne devait pas être regardée comme ayant porté atteinte au droit de propriété que les indivisaires de la voie privée exercent collectivement sur celle-ci, en ouvrant un accès sur cette voie depuis le square public, sans avoir recueilli au préalable l’assentiment des indivisaires – alors au demeurant que le dossier nous apprend qu’un projet antérieur de municipalisation de la voie sur le fondement des dispositions de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme avait été repoussé par les intéressés.

Erreur de droit quant à l’ouverture à la circulation publique de la voie privée ?

8. En cinquième lieu, la commune soutient que la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit et de dénaturation en retenant qu’elle avait illégalement procédé à une ouverture à la circulation publique de la voie privée, alors que, selon les statuts de la rue des Bleuets, elle disposait elle- même, en tant que propriétaire d’un terrain desservi par la rue, d’un droit de circulation et d’ouverture sur cette rue, qui n’était pas conditionné au consentement des coïndivisaires.

Il est certain que la personne publique qui acquiert un immeuble riverain d’une voie privée soumise au statut de l’indivision perpétuelle a le droit d’accéder à cette voie. Mais, d’une part, ce n’est pas le droit de la commune d’accéder à la voie privée qui est en cause dans le présent litige, mais bien la circonstance qu’en créant un square public – ayant vocation à être fréquenté par le public – ouvrant sur une voie privée, et disposant de surcroît d’un autre accès sur la voie publique, la commune a nécessairement livré cette voie privée à la circulation publique.

D’autre part, l’ouverture à la circulation publique n’est légalement décidée que si tous les propriétaires de la voie privée sont d’accord. La décision Bermond le montre clairement en jugeant que : « La circonstance que les deux autres propriétaires du chemin n’aient pas manifesté leur opposition à la réouverture au public est sans incidence sur la solution […] dès lors que les Consorts Bermond, propriétaires d’une portion du chemin, s’étaient expressément opposés à sa réouverture.» Or, en l’espèce, la cour a pu constater, sans dénaturer les faits de l’espèce, qu’il fallait au moins compter avec l’hostilité (durable et tenace) de Mme Fourquier.

Erreur de droit quant à l’injonction visant à condamner l’ouverture du square ?

9. En sixième et dernier lieu, la commune soutient que la cour a commis une erreur de droit en lui enjoignant de condamner l’ouverture du square des Bleuets donnant sur la voie privée. Elle considère que l’exécution de la décision d’annulation impliquait seulement qu’il lui soit fait obligation de recueillir l’avis des autres propriétaires de la voie. Cependant, à la date à laquelle la cour a statué, à laquelle il faut se placer, les travaux de construction du square étaient achevés et, par les documents produits en appel, Mme Fourquier avait établi l’existence d’un accès donnant sur la voie privée. Il nous semble en outre que, compte tenu de l’opposition manifestée par Mme Fourquier, la cour a eu raison de considérer que son arrêt impliquait que la commune prenne une décision dans un sens déterminé au sens de l’article L.911-1 du code de justice administrative, en condamnant cet accès, et de juger implicitement que les dispositions de l’article L. 911-2 de ce code, qui correspondent au cas dans lequel la décision du juge «implique nécessairement qu’une personne morale de droit public prenne à nouveau une instruction après une nouvelle instruction», n’étaient pas applicables. Si, en certaines matières, comme dans le cas d’un ouvrage public implanté de manière irrégulière, vous considérez qu’il appartient au juge de rechercher si une régularisation est possible, nous savons ici, par définition, qu’il n’y avait pas d’accord unanime des propriétaires de la voie privée pour la livrer à la circulation publique.

Par ces motifs, nous concluons :

– au rejet du pourvoi;

– et à ce que la commune verse une somme de 3000 € à Mme Fourquier au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative. ■

  1. Issu de la loi n° 65-503 du 29 juin 1965 relative à certains déclassements, classements et transferts de propriétés de dépendances domaniales et de voies privées. [↩]
  2. CE 5 novembre 1975, Commune de Villeneuve-Tolosane, n° 93815 : Rec., T., p. 1341; CE (5/3 SSR) 15 février 1989, Commune de Mouvaux, n° 71992, concl. B. Stirn. [↩]
  3. CE Ass. Plén. 22 avril 1960, Sieur Berthier: Rec., p. 264; CE S. 13 juillet 1961, Dame Lauriau, n° 45750: Rec., p. 486. [↩]
  4. CE S. 13 juillet 1961, Compagnie fermière du Casino municipal de Constantine, n° 45099: Rec., p. 487. [↩]
  5. CE 19 novembre 1975, Époux Roussel et Sieur Beuriot, n° 93235 : Rec., T., p. 900; CE 20février 1989, Société des Tuyaux Bonna et Ville de Marseille, n° 68813. [↩]
  6. CE 9 novembre 1956, Porry : Rec., T., p. 635 ; CE 5 mai 1958, Dorie et autres : Rec., T., p. 852. [↩]
  7. CE (1/4 SSR) 30 juillet 1997, Société Nouvelle Étude Berry et Attali, n° 157313: Rec., T., p. 1041. [↩]
  8. CE (5/3 SSR) 10 février 1992, M. Choquette et Mme Gonzales, n° 107113: Rec., T., p. 806. [↩]
  9. CE 5 mai 1943, Ville de Cannes: Rec., p. 118. [↩]
  10. CE 25 juillet 1980, Dame veuve Buisson, n° 10023: Rec., T., p. 628. [↩]
  11. CE (5/4 SSR) 5 mars 2008, Mme Bermond et autres, n° 288540 : Rec., T., p. 625. [↩]

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Table des matières

  • Faits et procédure
  • Compétence du juge administratif
  • Qualification erronée des faits ?
  • Erreur de droit ?
  • Dénaturation des faits ?
  • Erreur de droit quant à la légalité de la décision d’ouverture du square ?
  • Erreur de droit quant à l’ouverture à la circulation publique de la voie privée ?
  • Erreur de droit quant à l’injonction visant à condamner l’ouverture du square ?

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