• Accueil
  • Manuels et thèses
    • La protection des droits fondamentaux en France, 2ème édition
    • Droit administratif français, 6ème édition
    • Contentieux administratif, 3ème édition
    • Science politique, 2ème édition
    • Droit public allemand
    • Le principe de séparation des pouvoirs en droit allemand
  • Revues archivées
    • Bulletin juridique des collectivités locales
    • Droit 21
    • Jurisprudence Clef
    • Scientia Juris
  • Colloques
    • Migration-Intégration.
    • 5 mai 2021 : L’UE et ses Etats membres, entre identité et souveraineté
    • 17-18 octobre 2019 : La révision des lois bioéthiques
    • 12 avril 2019 : L’actualité des thèses en droit public comparé
    • 31 janvier 2019 : Autonomie locale et QPC
    • 12 et 13 avril 2018: Les algorithmes publics
    • 30 mars 2018 : L’open data, une évolution juridique ?
    • 8 février 2018 : La nouvelle doctrine du contrôle de proportionnalité : conférence-débat
    • 15 septembre 2017 : La réforme
    • 3 avril 2015 : La guerre des juges aura-t-elle lieu ?
    • 30 octobre 2014 : La dignité de la personne humaine : conférence-débat
    • 27 juin 2014 : Le crowdfunding
    • 11 octobre 2013 : La coopération transfrontalière
  • Rééditions
    • Léon Duguit
      • Les transformations du droit public
      • Souveraineté et liberté
    • Maurice Hauriou : note d’arrêts
    • Édouard Laferrière
    • Otto Mayer

Revue générale du droit

  • Organes scientifiques de la revue
  • Charte éditoriale
  • Soumettre une publication
  • Mentions légales
You are here: Home / Accès par revues / BJCL / En cas d’annulation d’un refus, le juge peut-il enjoindre la délivrance de l’autorisation d’urbanisme sollicitée ? – Conclusions sous CE, avis, 25 mai 2018, Préfet des Yvelines, n° 417350

En cas d’annulation d’un refus, le juge peut-il enjoindre la délivrance de l’autorisation d’urbanisme sollicitée ? – Conclusions sous CE, avis, 25 mai 2018, Préfet des Yvelines, n° 417350

Extrait du Bulletin juridique des collectivités locales, février 2019, p. 119.

Citer : Julie Burguburu, 'En cas d’annulation d’un refus, le juge peut-il enjoindre la délivrance de l’autorisation d’urbanisme sollicitée ? – Conclusions sous CE, avis, 25 mai 2018, Préfet des Yvelines, n° 417350, Extrait du Bulletin juridique des collectivités locales, février 2019, p. 119. ' : Revue générale du droit on line, 2025, numéro 68265 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=68265)


Imprimer





Décision(s) commentée(s):
  • Conseil d’État, avis, 25 mai 2018, Préfet des Yvelines c/ Commune de Mantes-la-Ville, requête numéro 417350

Par un jugement du 16 janvier 2018, le tribunal administratif de Versailles vous transmet une demande d’avis sur le fondement des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative posant d’intéressantes questions sur les pouvoirs d’injonction du juge administratif à la suite de l’annulation du refus de délivrer une autorisation d’urbanisme, qui ont d’ailleurs déjà attiré l’attention de la doctrine. Voyez notamment, très récemment, l’excellent article d’Élise Carpentier à l’AJDA 20181, « To do or not to do… Le juge peut-il enjoindre de délivrer une autorisation d’urbanisme en conséquence de l’annulation de son refus ? », mais aussi la chronique d’Annie Tirard-Rouxel au BJDU 6/162, « L’apport de la loi Macron au contentieux du refus de permis de construire ».

Faits et procédure

Bien que cela ne soit pas nécessaire, nous vous rappellerons tout de même les faits ayant conduit à cette demande d’avis qui illustrent bien la situation à laquelle certains pétitionnaires peuvent être confrontés. C’est en l’espèce l’Association des musulmans de Mantes Sud (AMMS) qui a demandé en février 2014 un permis de construire afin de convertir l’ancien bâtiment de la trésorerie de la commune en mosquée pouvant accueillir entre 700 et 900 fidèles. Le refus opposé par le maire a d’abord été annulé pour détournement de pouvoir par le tribunal administratif qui lui a également enjoint de se prononcer à nouveau sur la demande. À la suite du nouveau refus du maire, le juge des référés a prononcé la suspension de l’exécution du refus et enjoint à la commune de délivrer provisoirement le permis demandé, ce à quoi le maire s’est finalement résolu, délivrant un permis provisoire par arrêté du 26 juin 2017. Par le jugement du 16 janvier 2018 qui vous occupe aujourd’hui, le juge, statuant au fond, a annulé l’arrêté refusant le permis mais sursis à statuer sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte du déféré préfectoral et de la demande de l’association afin de vous poser trois questions, qui justifient la recevabilité de sa demande.

Injonction de délivrer une autorisation comme suite à l’annulation d’un refus

La première, à laquelle vous pourrez vous limiter si vous y répondez favorablement, vous pose très directement la question des conséquences que le juge de l’injonction peut tirer, sur le fondement des dispositions de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de la combinaison des articles L. 600-4-1 du code de l’urbanisme et du plus récent L. 424-3 de ce même code, issu de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite loi Macron, article 108), qui prévoit que la motivation d’une décision de rejet ou d’opposition à déclaration préalable doit comprendre l’intégralité des motifs justifiant cette décision, eu égard à la possibilité de présenter, ou non, une demande de substitution de motifs à la suite de l’annulation d’un refus de permis de construire. Dit autrement, le juge peut-il désormais, à la suite d’une telle annulation, enjoindre à l’administration d’accorder le permis demandé, le cas échéant en l’assortissant de prescriptions ?

Rappel de la jurisprudence antérieure

Vous vous êtes apparemment jusqu’ici refusé à faire ce pas, en jugeant que l’annulation d’une décision refusant la délivrance d’une autorisation d’urbanisme n’implique pas nécessairement que cette autorisation soit délivrée, au bénéfice d’une injonction de réexamen sur le fondement de l’article L. 911-23. De fait, l’injonction dite « mesure d’exécution » ne peut être prononcée que lorsque la décision préalable du juge implique nécessairement que l’administration prenne une décision dans un sens déterminé, qu’elle soit en quelque sorte en compétence liée postjuridictionnelle4 – sous réserve de l’absence de changement des circonstances de droit ou fait, le juge de l’injonction se plaçant à la date de l’injonction pour y statuer5. En revanche, dans l’hypothèse où ces conditions sont remplies, l’injonction est un droit6. Or, s’agissant plus particulièrement, et c’est le cas qui vous concerne aujourd’hui, des suites de l’annulation d’une décision négative, le plus souvent, celle-ci impose seulement à l’administration de statuer à nouveau sur la demande, au vu des circonstances de droit et fait existant à la date à laquelle elle statue car, comme le soulignait la doctrine autorisée7, « le seul effet de l’annulation est [d’interdire à l’administration] d’opposer à nouveau un motif censuré par décision d’annulation qui est revêtue de l’autorité absolue de la chose jugée. Mais rien n’interdit à l’administration de prendre une nouvelle décision fondée sur un autre motif » – ce qui contraindra le juge à limiter son injonction à l’application de l’article L. 911-2.8

Vous avez toutefois souhaité donner sa pleine mesure aux dispositions de l’article L. 911-1 en enjoignant à l’administration, sur le fondement de l’article 8 CEDH, de délivrer à l’intéressé le visa d’abord refusé après vous être assuré au moyen d’une mesure d’instruction que la situation de droit et de fait n’avait pas changé9. Cette décision a connu une postérité dans de nombreux domaines : voyez l’injonction d’accorder à une association l’habilitation pour accéder aux zones d’attente qui lui avait été refusée10, de délivrer un agrément en vue d’une adoption11, ou encore faite à un ordre professionnel de délivrer une autorisation provisoire d’installation12.

Mais malgré ces efforts bienvenus, la mise en œuvre de ce courant reste limitée par deux caractéristiques du recours pour excès de pouvoir, qui avait été spécifiquement pointé par ces commentateurs : d’une part, l’économie de moyens (dont ils préconisaient de s’affranchir dans l’hypothèse d’une demande d’injonction), qui limite la portée de la décision juridictionnelle – limitation d’autant plus forte si l’administration n’a pas dévoilé d’emblée tous les motifs de refus et, d’autre part, l’évolution éventuelle des circonstances de fait ou de droit.

Effet combiné des nouveaux articles L. 424-3 et L. 600-4-1 du code de l’urbanisme

L’énoncé de ces limites résonne toutefois particulièrement en droit de l’urbanisme dont l’évolution récente tend à accroître l’efficacité du recours contentieux, notamment en jouant sur ces paramètres, ce qu’a justement relevé le tribunal administratif qui vous interroge.

1. S’agissant du premier point, les dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme introduites par la loi SRU du 13 décembre 2000 imposent en effet de déroger à la règle de l’économie de moyen. Toutefois si cette disposition oblige le juge à accueillir tous les moyens qui sont fondés, elle ne contraint pas pour autant l’administration, de son côté, à mettre « cartes sur table » d’emblée, qui pouvait donc encore « jouer la montre » en opposant de nouveaux motifs de refus, quand bien même ils seraient illégaux, cherchant par le contentieux à décourager le demandeur. C’est à cette situation, mise en lumière par le rapport Duport de 201513, qu’a voulu s’attaquer le législateur, en modifiant l’article L. 424-3 obligeant l’administration à motiver le refus d’une demande ou l’opposition à une déclaration préalable pour exiger que l’intégralité des motifs de refus figure dans l’arrêté. Car combiné à l’article L. 600-4-1, il en résulte logiquement, dans l’hypothèse où tous les motifs de refus ont été censurés, que le permis doit être délivré sur injonction du juge, sous réserve des changements de circonstances.

Cet objectif ressort explicitement des travaux parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat. Notamment, mais pas seulement, l’exposé des motifs de l’amendement en cause indique qu’il doit permettre au juge « d’enjoindre au maire de délivrer le permis ».

L’introduction de cette obligation de motivation exhaustive faite à l’administration, combinée à l’obligation parallèle faite au juge par l’article L. 600-4-1 avait donc pour but exclusif de permettre de « vider intégralement le litige » dès le premier refus dans la mesure où elle permettrait ensuite au juge de se fonder sur les pouvoirs qu’il tire déjà de l’article L. 911-1 du code de justice administrative pour enjoindre la délivrance du titre lorsque tous les motifs de refus auront été présentés par l’administration et censurés par le juge. L’amendement est d’ailleurs présenté comme une alternative avantageuse, fondée sur les pouvoirs du juge de l’injonction, à une modification plus substantielle sans être totalement nécessaire de l’office du juge de l’excès de pouvoir des autorisations d’urbanisme.

Interprétations des juges du fond

Certains tribunaux ont toutefois limité la portée de ces nouvelles dispositions à une pure règle de forme ne pouvant permettre le prononcé que d’une seule injonction de réexamen. Ce faisant, la nouvelle disposition nous paraît vidée de sa substance et de son objectif : que reste-t-il à examiner si tous les motifs ont été énoncés et même censurés ? N’est-ce pas poursuivre le contentieux quand il aurait été possible d’y mettre fin ?… sauf à poser en hypothèse le non-respect des prescriptions de l’article L. 424-3, en ce qu’un autre motif serait susceptible de justifier le refus de la demande, que son omission soit d’ailleurs délibérée ou non. Nous y reviendrons à l’instant.

D’autres tribunaux à l’inverse, en se fondant généralement expressément sur les travaux parlementaires, ont donné plein effet à ces dispositions, en faisant application de l’article L. 911-1 du code de justice administrative. À dire vrai, il nous semble que c’est la seule lecture logique possible de ces textes, quelles que soient les questions pratiques qui se posent sur la nature de l’obligation de motivation intégrale et les conséquences de son non-respect. L’objectif du législateur est bien de vider le litige par la responsabilisation de l’administration, en l’empêchant d’opposer un nouveau motif de refus à la suite d’une annulation (sauf, précisément, à lui permettre de bénéficier du non-respect de la loi !).

Censure préalable des autres motifs de refus et réserve d’une demande de substitution de motifs

C’est, sans aucun doute, conférer une valeur importante à la première décision de l’administration. Mais à la réflexion, il est presque étonnant de s’en effrayer quelque peu. Surtout, il nous semble que si le litige, on l’a dit, doit être vidé avec l’instance, une soupape, pour ne pas dire une voie de recours, sera encore ouverte en cours d’instance, l’administration pouvant toujours et nonobstant les dispositions de l’article L. 424-3, qui ne posent pas de règle contentieuse, demander une substitution de motifs dans l’hypothèse où ceux qu’elle aurait opposés seraient tous sérieusement contestés, c’est-à-dire non au motif du non-respect de la règle de forme posée par l’article L. 424-3, ce qui en soi ne permet pas la substitution14, mais bien parce que le juge s’apprêterait à censurer les autres motifs, se situant alors dans le cadre de la jurisprudence Hallal15.

Cette possibilité nous paraît bienvenue car l’objectif du législateur est en réalité autant la responsabilisation de l’administration que, de manière plus générale et tendancielle on l’a dit, l’efficacité du recours au bénéfice de décisions – que l’on préfère légales. Il serait à ce titre dommageable que l’administration ne puisse, en cours d’instance, faire valoir un motif légal de refus (dont l’on souhaitera seulement penser qu’elle l’aura involontairement omis) alors qu’elle ne le pourra plus à l’issue de l’instance. C’est l’essence même de la substitution : prévenir un nouveau contentieux dès lors qu’un motif légal dicte sa décision à l’administration. Nous pensons donc que la combinaison des dispositions des articles L. 424-3 et L. 600-4-1 doit faire obstacle, dans l’hypothèse d’une annulation, à ce que l’administration oppose tout nouveau motif de refus à la demande – hors substitution de motifs demandée en cours d’instance.

Incidence de la cristallisation du droit applicable

2. Mais pour pouvoir faire injonction, encore faut-il que la seconde condition, tenant aux circonstances de fait et de droit, soit remplie.

Le juge de l’injonction pourra, tout d’abord, comme dans d’autres hypothèses d’annulation de décisions de refus, recourir le cas échéant à une mesure d’instruction pour s’assurer que celles-ci sont inchangées16. Dans ce cas, il devra, croyons-nous, faire droit aux conclusions aux fins d’injonction.

S’agissant cependant des circonstances de droit, une nuance doit être apportée dans l’hypothèse d’une évolution, par construction défavorable, des règles, qui ferait en principe obstacle à l’injonction. Dans ce cas, le pétitionnaire ne pourra tirer tous les bénéfices de l’annulation demandée puisqu’il devra représenter sa demande sous des auspices moins favorables – ce à quoi les dispositions de l’article L. 600-2 du code de l’urbanisme ont pourtant en principe pour objet de faire échec en matière d’urbanisme. Elles prévoient, en effet, qu’en cas d’annulation de la première décision, la demande ne peut être refusée sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues postérieurement à la décision annulée. Ces dispositions supposent toutefois la réunion de deux conditions.

La première, tenant à la confirmation de la demande dans un délai de six mois suivant la notification de l’annulation, sera systématiquement remplie puisque vous avez jugé que les conclusions aux fins d’injonction doivent être regardées comme cette confirmation : la condition est donc remplie par l’injonction elle-même17.

La seconde est bien plus délicate, puisqu’elle demande que l’annulation soit définitive. Or au moment où le juge se prononce sur l’injonction, par construction, sa décision d’excès de pouvoir ne peut l’être. C’est finalement l’obstacle textuel le plus important, que nous vous proposons toutefois de surmonter, eu égard à la fois aux objectifs du législateur et à son aspect éminemment théorique.

Car, comme le dit bien Élise Carpentier dans l’article que nous avons cité en introduction, « en toute hypothèse, le sort du permis délivré en application d’une telle injonction est suspendu à l’aboutissement ou non d’éventuelles voies de recours contre le jugement ayant prononcé l’annulation du refus et l’injonction ». De deux choses, l’une, en effet : soit l’annulation devient définitive et c’est bien le droit initial qui doit s’appliquer, soit l’annulation est censurée et dans ce cas, l’injonction tombe, privant en tout état de cause la décision de base légale.

Statut de l’autorisation délivrée

Nous ne traiterons pas ici de la délicate question du sort qui devrait être fait à la décision prise en exécution de l’injonction à la suite d’une éventuelle annulation, qui ne vous est pas directement posée (ni d’ailleurs des recours éventuels contre cette décision). Précisons seulement que vous avez jugé que cette annulation n’a pas par elle-même pour effet de faire disparaître la décision de l’administration prise en exécution du jugement mais ouvre la faculté de retirer ou abroger cette décision18. Dans le cas d’un permis accordé après réexamen, à la suite de la suspension, par voie de référé, d’une décision de refus, finalement confirmée au principal, vous avez jugé par la décision de Section Commune de Bordeaux qu’il pouvait être retiré dans un délai raisonnable, ne pouvant excéder trois mois eu égard à l’objet et aux caractéristiques du permis et sous réserve que les motifs du jugement ne fassent pas par eux-mêmes obstacle à une nouvelle décision de refus19. Il est vrai que le permis délivré dans le cadre d’une procédure de référé est par nature provisoire – mais le raisonnement tenu pourrait probablement s’appliquer également à la décision prise sur injonction dans le cadre du principal, qui au moins avant l’expiration du délai de recours, reste précaire. L’abrogation paraît en outre être peu adaptée à la nature du permis de construire20.

D’ailleurs, la situation n’est pas si différente d’une hypothèse dans laquelle un permis délivré (et non refusé) est contesté au contentieux et finalement annulé. En cas d’infirmation de l’annulation, il n’y aura tout simplement plus d’injonction. Certes, un permis aura entre-temps été délivré mais son statut, précaire, non définitif mais pas provisoire au sens du référé, n’est pas différent de celui d’un permis délivré sur demande de réexamen ou tout simplement sur demande initiale puis contesté au contentieux, confirmé par un jugement qui pourrait être défait par un arrêt. Et les constructeurs savent aujourd’hui qu’en cas de contentieux, il vaut mieux prendre patience avant de débuter les travaux. En revanche, en cas de non-recours ou de confirmation, l’objectif recherché par le législateur aura été atteint. Au total, il nous semble donc que, soit les circonstances de droit n’auront pas changé, soit, en cas d’évolution défavorable, le juge de l’injonction pourra appliquer par anticipation les dispositions de l’article L. 600-2 car ce seront bien celles qui devront l’être dans l’hypothèse où son jugement devient définitif faute de recours ou par confirmation d’une juridiction supérieure. En d’autres termes, c’est bien le droit initial qui doit en tout état de cause être pris en compte en la matière – nonobstant l’office du juge de l’injonction qui ne fera ici qu’appliquer l’article L. 600-2.

Changement de circonstances de fait

L’asymétrie temporelle entre circonstances de fait, postérieures, et circonstances de droit, initiales, qu’il devra alors respecter doit d’ailleurs être mise en perspective avec les spécificités du contentieux de l’urbanisme. L’ensemble des dispositions que nous avons mentionnées vise à faire échec à des contentieux dilatoires et manœuvriers et en ce sens, conserver au pétitionnaire de bonne foi la possibilité de bénéficier des textes qui auraient dû lui être appliqués constitue un objectif primordial qui résulte de leur lettre comme de leur esprit ; il nous semble donc légitime de vous proposer l’effort mentionné. Il serait en revanche absurde de se resituer fictivement, pour ce qui est des circonstances de fait, à la date de la demande et d’enjoindre à l’autorité de délivrer un permis sur un terrain entre-temps effondré ou inondé.

Si vous nous suivez donc pour faire cet effort, nous vous proposons de répondre au tribunal que lorsque le juge administratif est saisi d’une demande d’annulation d’un refus opposé à une demande d’autorisation ou d’une opposition à déclaration préalable et conduit, en application des dispositions de l’article L. 600-4-1, à censurer l’ensemble des motifs retenus par l’administration dans sa décision, voire invoqués au titre d’une substitution de motifs, il peut, saisi d’une demande aux fins d’injonction présentée sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, enjoindre à l’autorité compétente de délivrer l’autorisation demandée ou la déclaration de non-opposition, nécessairement impliquée par sa décision, en se fondant sur la situation de droit existant à la date de la décision attaquée et les circonstances de fait à la date à laquelle il statue.

Il pourra, pour cela, si les échanges intervenus pendant la procédure contradictoire n’ont pas permis de lui apporter les éléments nécessaires, procéder à une mesure d’instruction (voire prononcer un sursis), pratique qui lui paraît naturelle depuis notamment la décision Bourezak dont nous avons déjà parlé, la chronique à l’AJDA mentionnant « le pouvoir d’instruction au secours du pouvoir d’injonction ». L’injonction de délivrer ne doit ainsi pas être automatique, c’est aux parties de démontrer qu’elle est impossible ou au contraire nécessairement induite par la décision, le cas échéant assortie des prescriptions qui s’imposeraient au regard de l’instruction.

Est-il pour autant tenu de procéder à une telle mesure ou de susciter préalablement les observations des parties ? Nous ne le croyons pas – même si elles seront souvent utiles – dès lors que les conclusions aux fins d’injonction sont dans la cause, il appartient d’abord à chaque partie d’y répondre en apportant les arguments de fait et de droit jugés pertinents et ensuite au juge d’apprécier s’il est suffisamment mis en mesure d’apprécier les conditions mises au prononcé d’une telle injonction.

Le tribunal vous demande enfin si la solution serait différente selon la nature des moyens d’annulation retenus, notamment si le jugement accueille un moyen d’annulation tiré du détournement de pouvoir. Toutefois, si une décision de refus est annulée pour détournement de pouvoir, les autres motifs, explicites et nécessaires à la motivation de la décision de refus auront également été censurés dès lors qu’en présence d’un motif légal de refus, il ne pourrait y avoir de détournement de pouvoir. Par suite, cette circonstance nous semble sans conséquence sur le raisonnement que nous venons de tenir sur la possibilité d’enjoindre la délivrance de l’autorisation demandée.

Tel est le sens de nos conclusions, qui rendent sans objet les deux autres questions posées par le tribunal. ■

  1. P. 484. [↩]
  2. P. 395. [↩]
  3. CE 7 février 2003, SCEA Le Haras d’Achères II, n° 220215 ; CE 29 janvier 2010, Mme Lagravère, n° 330480 et CE 3 juin 2013, Commune de Challex, n° 350681, toutes inédites. Voir toutefois, reconnaissant implicitement cette possibilité à la suite de l’annulation de trois refus successifs, CE 7 novembre 2012, Commune de Grans, nos 334424, 334520 et 346917 : Rec., T., p. 932, sur le sort des conclusions d’injonction en appel. [↩]
  4. M. Guyomar et B. Seiller, Contentieux administratif, Dalloz 2017 § 925 et Chris-ine Maugüé, « Les injonctions pour exécution de la chose jugée », in Mélanges Labetoulle, p. 591. [↩]
  5. CE 4 juillet 1997, Leveau, n° 161105 : Rec., p. 282, concl. J.-H. Stahl. [↩]
  6. CE Avis S. 30 novembre 1998, M. Berrad, n° 188350 : Rec., p. 451. [↩]
  7. D. Chauvaux et TX Girardot in « Précision quant à l’office du juge de l’injonction », AJDA 1997, p. 584, sur la décision Bourezak, infra. [↩]
  8. En observant que « cette situation est d’autant moins satisfaisante que les décisions de refus sont opposées dans des domaines mettant en cause les droits et libertés des personnes, notamment dans tous les domaines où la loi a mis en place des régimes d’autorisation ou de déclaration préalable. Le refus de permis de construire porte atteinte au droit de propriété ; le refus de titre de séjour opposé à un étranger lui impose de quitter le territoire national ». [↩]
  9. CE 4 juillet 1997, Époux Bourezak, n° 156298 : Rec., p. 278 concl. R. Abraham, RFDA 1997, p. 815. [↩]
  10. CE 6 novembre 2000, MRAP, n° 214512 : Rec., p. 487. [↩]
  11. CE 28 juillet 2006, Département des Yvelines, n° 289621 : Rec., T., p. 1029. [↩]
  12. CE S. 28 février 2001, Philippart et Lesage, n° 230112 : Rec., p. 111, concl. D. Chauvaux, RFDA 2001, p. 390. [↩]
  13. « Accélérer les projets de construction – Simplifier les procédures environnementales – Moderniser la participation du public ». [↩]
  14. CE 31 mars 2010, Mme Delasara, n° 306122 : Rec., T., p. 923. [↩]
  15. CE S. 6 février 2004, Hallal, n° 240560 : Rec., p. 48, concl. I. de Silva (cf., sur cette question, la note de Michaël Revert, « La substitution de motifs, au-delà de l’exigence de motivation intégrale des refus de permis de construire », RDI 2017, p. 430. [↩]
  16. CE 4 juillet 1997, Époux Bourezak, n° 156298, préc. [↩]
  17. CE 23 février 2017, Néri et Sarl Côte d’Opale, n° 395274 : Rec., T., p. 862. [↩]
  18. CE 19 mai 2010, Ministre c/ Mlle Leroy, n° 332207 : Rec., T., p. 918. [↩]
  19. CE S. 7 octobre 2016, Commune de Bordeaux, n° 395211 : Rec., p. 409, concl. X. de Lesquen. [↩]
  20. Cf. la solution de l’abrogation mais s’agissant d’un agrément, CE 19 décembre 2014, Ministre c/ H&M Hennes et Mauritz Sarl, n° 384144 : Rec., p. 408, concl. A. Bretonneau, AJDA 6/2015, p. 345 – ab. jur. CE 21 janvier 1966, Maccario, n° 65193 : Rec., p. 48. [↩]

Partager :

  • Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
  • Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X

Table des matières

  • Faits et procédure
  • Injonction de délivrer une autorisation comme suite à l’annulation d’un refus
    • Rappel de la jurisprudence antérieure
    • Effet combiné des nouveaux articles L. 424-3 et L. 600-4-1 du code de l’urbanisme
    • Interprétations des juges du fond
    • Censure préalable des autres motifs de refus et réserve d’une demande de substitution de motifs
    • Incidence de la cristallisation du droit applicable
    • Statut de l’autorisation délivrée
    • Changement de circonstances de fait

About Julie Burguburu

Rapporteur public

Table des matièresToggle Table of ContentToggle

  • Faits et procédure
  • Injonction de délivrer une autorisation comme suite à l’annulation d’un refus
    • Rappel de la jurisprudence antérieure
    • Effet combiné des nouveaux articles L. 424-3 et L. 600-4-1 du code de l’urbanisme
    • Interprétations des juges du fond
    • Censure préalable des autres motifs de refus et réserve d’une demande de substitution de motifs
    • Incidence de la cristallisation du droit applicable
    • Statut de l’autorisation délivrée
    • Changement de circonstances de fait

Julie Burguburu

Rapporteur public

Rechercher dans le site

Dernières publications

  • En cas d’annulation d’un refus, le juge peut-il enjoindre la délivrance de l’autorisation d’urbanisme sollicitée ? – Conclusions sous CE, avis, 25 mai 2018, Préfet des Yvelines, n° 417350 21/10/2025
  • Est-il possible de régulariser un permis de construire après avoir modifié la règle d’utilisation du sol qui n’avait pas été respectée ? – Conclusions sous CE, 7 mars 2018, Mme B., n° 404079 et 404080 14/10/2025
  • La participation d’une collectivité territoriale à une société publique locale est-elle possible lorsque cette collectivité n’exerce pas l’ensemble des compétences de l’objet social de la société ? – Conclusions sous CE, 14 novembre 2018, Syndicat mixte pour l’aménagement et le développement des Combrailles et Société d’exploitation mutualisée pour l’eau, l’environnement, les réseaux, l’assainissement dans l’intérêt du public (SEMERAP), n° 405628 et 405690 09/10/2025
  • Les élus n’appartenant pas à la majorité municipale peuvent-ils avoir un espace réservé sur la page Facebook de la commune ou sur son compte Twitter ? – Conclusions sous TA Cergy-Pontoise, 13 décembre 2018, M. Buchet, n° 1611384 07/10/2025
  • À quelle condition ce qui a été jugé à propos d’un permis de construire s’impose-t-il au juge saisi d’un refus du même permis ? – Conclusions sous CE, 21 septembre 2023, Société Alpes constructions contemporaines, n° 467076 01/10/2025
  • Un comportement fautif de l’autorité gestionnaire antérieur à la période d’occupation sans droit ni titre du domaine public est-il susceptible de constituer une cause exonératoire de la responsabilité de l’occupant ? – Conclusions sous CE, 5 juin 2023, Société Groupe Bigard, n° 464879 01/10/2025
  • La disparition de la règle méconnue par le projet suffit-elle à régulariser l’autorisation délivrée ? – Conclusions sous CE, 4 mai 2023, Société Octogone, n° 464702 01/10/2025
  • Dans quelle mesure l’intérêt pour agir contre une autorisation d’urbanisme peut-il être reconnu au tiers qui, sans disposer d’un titre, revendique la propriété du terrain d’assiette ? – Conclusions sous CE, 25 janvier 2023, Société Touche Automobiles, n° 445937 01/10/2025
  • Le maire peut-il ordonner la démolition d’un mur édifié de façon non conforme à une déclaration préalable ? – Conclusions sous CE, 22 décembre 2022, Commune de Villeneuve-lès- Maguelone, n° 463331 01/10/2025
  • Une commune peut-elle ouvrir à la circulation publique une voie privée ? – Conclusions sous CE, 25 octobre 2024, Commune de La Garenne-Colombes, n° 490521 01/10/2025

Revue générale du droit est un site de la Chaire de droit public français de l’Université de la Sarre


Recherche dans le site

Contacts

[footer_backtotop]

Copyright · Revue générale du droit 2012-2014· ISSN 2195-3732 Log in

»