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Cass. Crim., 9 janvier 2019, pourvoi n° 17-81.618

Citer : Revue générale du droit, 'Cass. Crim., 9 janvier 2019, pourvoi n° 17-81.618, ' : Revue générale du droit on line, 2019, numéro 39855 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=39855)


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Décision commentée par :
  • Julien Raynaud, Exhibition sexuelle d’une Femen dans une église : la juste conciliation des articles 9 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme


Décision citée par :
  • Julien Raynaud, Exhibition sexuelle d’une Femen dans une église : la juste conciliation des articles 9 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme


Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 9 janvier 2019
N° de pourvoi: 17-81618
Publié au bulletin Rejet

M. Soulard (président), président
SCP Delvolvé et Trichet, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat(s)


 

Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

–
Mme D… X…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de […], chambre 2-8, en date du 15 février 2017, qui, pour exhibition sexuelle, l’a condamnée à un mois d’emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 14 novembre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Carbonaro, conseiller rapporteur, M. Castel, M. Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu, Mme Slove, M. Stephan, M. Guéry, conseillers de la chambre ;

Avocat général : M. Salomon ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire Carbonaro, les observations de la société civile professionnelle MEIER-BOURDEAU ET LÉCUYER, de la société civile professionnelle DELVOLVÉ ET TRICHET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général Salomon ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-3, 122-3 et 222-32 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a déclaré Mme D… X… coupable d’exhibition sexuelle et l’a condamnée à une peine d’un mois d’emprisonnement avec sursis, ainsi qu’au paiement de dommages-intérêts ;

« aux motifs propres que Mme X… est prévenue d’avoir à[…], le[…], en tous cas sur le territoire national et depuis temps n’emportant pas prescription, imposé à la vue du public une exhibition sexuelle, en l’espèce, en montrant ses seins dans l’enceinte de l’église de […] , lieu accessible au regard du public ; que pour être constitué le délit d’exhibition sexuelle exige la réunion de trois éléments constitutifs : un fait matériel d’exhibition de partie(s) sexuelle(s) de son corps, la circonstance que ce fait a été commis volontairement et la conscience d’offenser la pudeur d’autrui ; qu’en ce qui concerne l’élément matériel, il n’est pas contesté par la prévenue elle-même, que celle-ci après être entrée […], peu avant dix heures, dans l’église de […] , sise à […], dans le […] arrondissement, en compagnie de journalistes, conviés la veille pour la démonstration, et s’approchant de l’autel s’est déshabillée, exhibant sa poitrine nue, portant les inscriptions sur le devant du corps « 344ème salope » et dans le dos celle de « Christmas is cancelled » s’est dévêtue, puis a mimé « l’avortement de l’embryon de Jésus », en déposant sur l’autel un morceau de foie de veau sanguinolent censé représenté un foetus ; que les faits ont été commis pendant une répétition de l’ensemble vocal de , ce qui a entrainé l’intervention de M. A…, maître de chapelle, qui a invité fermement Mme X… et les journalistes qui l’accompagnaient à quitter les lieux ; qu’elle a justifié son action par le désir de dénoncer « les campagnes anti-avortement » menées par l’Eglise catholique à travers le monde et notamment en Espagne et dans certains pays de l’Est, précise-t-elle lors de l’audience devant la cour ; qu’il ne saurait être sérieusement contesté par la prévenue qu’en exposant à la vue d’autrui sa poitrine, elle a exhibé des parties sexuelles de son corps quand bien même celle-ci dénie le qualificatif de parties sexuelles du corps à ses seins, affirmant cependant lors de l’audience de la cour que le fait de toucher ses seins sans son consentement constitue néanmoins une agression sexuelle ; que si Mme X… a exhibé sa poitrine, sans accompagner son action de geste obscène, elle a commis son action dans un édifice religieux, lieu de prière et de recueillement, à l’entrée duquel il est rappelé l’obligation pour toute personne qui pénètre les lieux, qu’il soit croyant, athée ou agnostique, d’observer une tenue décente ; que surabondamment il sera observé que Mme X…, a agi sans la moindre autorisation du curé de la paroisse, affectataire de l’édifice religieux ; qu’enfin l’évolution des moeurs, des conceptions en matière d’art et de notion de pudeur, ne sauraient être pris en considération pour justifier un acte et des attitudes commis dans un édifice religieux par Mme X… laquelle revendique d’avoir utilisé ses seins comme une arme ; que par ailleurs l’exhibition a été imposée à la vue d’autrui et dans un lieu accessible au regard d’autrui, l’église de étant alors ouverte au public, les faits ayant par ailleurs été commis lors de la répétition de l’ensemble vocal de à proximité de l’autel et en la présence du maître de chapelle M. A… qui est intervenu fermement pour les faire cesser immédiatement ; qu’ainsi l’exhibition par Mme X… des parties sexuelles de son corps est également intervenue à la vue d’une personne non consentante ; que s’agissant de l’élément moral de l’infraction, que Mme X… était consciente de la présence d’autrui, qu’elle avait d’ailleurs pour relayer utilement et efficacement l’information de ses agissements, tenu à se faire accompagner d’une dizaine de journalistes ; qu’elle a montré, ainsi qu’elle le reconnaît, et le rappellent tant l’avocat de la partie civile dans sa plaidoirie et ses écritures, que l’avocat général dans ses réquisitions, ses deux seins nus comme une arme, voulant par ailleurs offenser la pudeur d’autrui et notamment des catholiques, opposés à l’avortement et menant dans certains pays des campagnes antiavortement ; que Mme X… soutient qu’elle est poursuivie pour des faits d’exhibition sexuelle qui auraient été commis à l’occasion d’une manifestation féministe organisée par l’association Femen et que les poursuites à son encontre viseraient à lui interdire de manifester ses opinions politiques en se dénudant partiellement ce qui aurait pour conséquence une violation de son droit à la liberté d’expression ; que si l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose, en son alinéa 1er, que « toute personne a droit à la liberté d’expression », il convient de rappeler que ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence des autorités publiques et sans considération de frontières ; que le principe de la liberté d’expression n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprise de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisation, et qu’il est notamment prévu à l’alinéa 2 de l’article susvisé que « l’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions qui constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, à la sécurité, à l’intégrité territoriale ou à la sécurité publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire » ; que dans la mise en oeuvre et du contrôle de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, il appartient aux juridictions, de concilier la liberté d’expression avec d’autres libertés d’égale valeur, telle que la liberté religieuse ; qu’en l’espèce, l’action menée au sein de l’église de , spécialement repérée pour l’occasion, a été réalisée par Mme X… dans le dessein assumé de « choquer », par l’exhibition de ses seins, l’opinion publique et les fidèles catholiques et protester avec violence et brutalité contre les positions anti-avortement de l’Eglise catholique, l’intéressée n’hésitant pas à défier des individus de confession catholique dans l’une de leurs églises et en un lieu central, c’est-à-dire l’autel, qui renferme une pierre dans laquelle repose un morceau de relique d’un saint ; que les poursuites engagées par le ministère public à l’encontre de Mme X… ne visent donc, en aucun cas, à la priver de sa liberté d’expression et de son droit de manifester ses opinions politiques, mais bien à réprimer une exhibition sexuelle, inadmissible dans un lieu de culte et à protéger la sensibilité religieuse des fidèles directement visés par cette action ; qu’encore que ce que la prévenue estime comme étant sa liberté d’expression a eu pour effet de porter gravement atteinte à la liberté de penser d’autrui comme de la liberté religieuse en général ; qu’en conséquence, le fait justificatif tiré de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et d’une prétendue violation de la liberté d’expression de Mme X… ne saurait être retenu ; que, dès lors, et ainsi que les premiers juges le rappellent, « les droits de la prévenue trouvent leur limite d’exercice au besoin social impérieux de protéger autrui de la vue dans un lieu de culte, d’une action exécutée dénudée que d’aucuns peuvent considérer comme choquante. L’action du ministère public était donc proportionnée au but légitime visé » ; que c’est donc à juste titre que le tribunal, tirant les conséquences juridiques qui s’imposaient, a retenu la culpabilité de Mme X… du délit d’exhibition sexuelle ;

« et aux motifs adoptés qu’aux termes de l’article 222-32 du code pénal, l’exhibition sexuelle imposée à la vue d’autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ; qu’au cas présent, Mme X… revendique s’être tenue seins nus, sur l’autel de l’église de , exposant ainsi volontairement à la vue d’autrui une partie de son corps dont elle ne peut sérieusement contester la connotation si ce n’est la nature purement sexuelle ; qu’il suffit pour s’en convaincre de rappeler que les attouchements non consentis sur cette partie du corps caractériseraient une agression sexuelle au sens de l’article du code pénal ; qu’à défaut d’être potentiellement impudique, l’action en faveur du maintien au droit à l’IVG, qu’elle affirme être son seul mobile, n’aurait pas eu l’impact recherché ; qu’il était donc nécessaire que cette action se fasse au moins dans un lieu public, ouvert à tous, à l’instar de cette église, qui au moment des faits, accueillait non seulement les musiciens de la chapelle, mais qui était susceptible également, à tout moment, recevoir des visiteurs ; que les éléments matériels constitutifs de l’infraction sont dès lors établis ; que Mme X… a donc mis en scène une exhibition provocante de nature à offenser la pudeur publique et à blesser le sentiment moral de ceux qui ont pu en être les témoins, alors que ces derniers pouvaient légitimement s’attendre à ce que les personnes croisées dans un lieu de culte, soient à tout le moins revêtues « d’une tenue correcte », ainsi que l’exigeait au demeurant, un panneau d’avertissement positionné sur la porte d’entrée de l’église de ; que Mme X… a d’ailleurs admis lors de l’audience qu’elle avait délibérément choisi ce lieu après des repérages, en raison de « l’image forte » qu’il suscitait et que « des gens pouvaient se sentir directement concernés, visés, voire blessés par cette action » ; que l’élément moral de l’infraction est donc également caractérisé ; que le tribunal estime donc que les faits sont établis et le délit d’exhibition sexuelle constitué ; qu’il n’en demeure pas moins que Mme X… prétend, à titre subsidiaire, au visa de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, que son action est de nature exclusivement politique et que ces faits participent de sa liberté d’expression, qui comprend sa liberté d’opinion et celle de recevoir ou communiquer des informations ou des idées, sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques, soit au cas présent celle du ministère public ; qu’or, il convient de rappeler que ces mêmes dispositions prévoient aussi que l’exercice des ces droits peut faire l’objet de restrictions prévues par la loi, lesquelles constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ; qu’en l’espèce, les droits de la prévenue trouvent leur limite d’exercice au besoin social impérieux de protéger autrui de la vue dans un lieu de culte, d’une action exécutée à moitié dénudée que d’aucuns peuvent considérer comme choquante ; que l’action du ministère publique était donc proportionnée au but légitime visé ;

« 1°) alors que le délit d’exhibition sexuelle suppose une intention délictueuse de la part de son auteur ; qu’en déduisant l’élément moral de l’infraction de la constatation qu’elle avait montré ses deux seins nus « comme une arme » pour s’exprimer contre la position de l’Eglise sur l’avortement, quand il ressortait au contraire de cette énonciation que la performance d’employer sa poitrine uniquement comme une arme, pour faire entendre son opinion sur un sujet d’intérêt général relatif au droit des femmes à l’avortement, excluait toute objectivation sexuelle de sa poitrine et donc toute conscience infractionnelle de sa part, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a méconnu les textes susvisés ;

« 2°) alors que ne dépasse pas les limites de la liberté d’expression, en l’état des moeurs, la performance à la fois militante et artistique consistant à exprimer son opinion la poitrine nue et fardée de slogans ; qu’en prononçant contre la prévenue une condamnation à une peine d’emprisonnement avec sursis, la cour d’appel a méconnu l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne, ensemble le principe d’interprétation étroite des restrictions admissibles à la liberté d’expression ;

« 3°) alors que la prévenue soutenait dans ses conclusions d’appel avoir commis une erreur sur le droit, exonératoire de responsabilité ; qu’en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d’appel a violé les textes susvisés » ;

Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, […], Mme D… X…, se réclamant de la contestation, par le mouvement Femen, de la doctrine de l’Eglise catholique, a pénétré dans l’église de et y a dénudé sa poitrine, sur laquelle étaient inscrits les mots « 344ème salope », avant de procéder, sur l’autel, à un simulacre d’avortement, à l’aide de morceaux d’abats, censés représenter le foetus de Jésus ; que, poursuivie pour exhibition sexuelle, elle a interjeté appel du jugement la déclarant coupable de ce délit ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l’arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs qui caractérisent en tous ses éléments constitutifs, tant matériels que moral, le délit d’exhibition sexuelle commis par Mme X…, qui a volontairement dénudé sa poitrine dans une église qu’elle savait accessible aux regards du public, peu important les mobiles ayant, selon elle, inspiré son action, la cour d’appel, qui n’avait pas à répondre au moyen de défense pris de l’erreur de droit prétendument causée par une réponse ministérielle dépourvue de valeur normative, et dont la décision n’a pas apporté une atteinte excessive à la liberté d’expression de l’intéressée, laquelle doit se concilier avec le droit pour autrui, reconnu par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, de ne pas être troublé dans la pratique de sa religion, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

« en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a reçu la constitution de partie civile de M. B…, ès-qualités de curé desservant de l’église […], et lui a alloué la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

« aux motifs propres que l’article 1 de la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État garantit le libre exercice des cultes et que l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes garantit que les édifices affectés à l’exercice du culte sont laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion ; qu’il s’évince de ces deux législations et de leur application, les principes suivants :
– les desservants ont un titre légal pour l’exercice du culte et la pratique de leur religion au sein des édifices culturels,
– les édifices affectés à l’exercice du culte sont à la disposition exclusive des desservants,
– les desservants se voient reconnaître un pouvoir discrétionnaire sur l’utilisation de l’édifice cultuel pour définir, d’une part, les modalités d’organisation et d’exercice du culte, d’autre part, les modalités d’organisation et de fonctionnement de l’édifice religieux (garde et police de l’église, pouvoir exclusif sur l’ordre intérieur pendant les cérémonies elles-mêmes, mais également en toute circonstances, y compris en dehors des offices religieux proprement dits) ; que le desservant qui dispose de ce pouvoir discrétionnaire de police cultuelle en sein de son édifice est celui qui est en communion avec la hiérarchie de l’Église catholique, que s’agissant dans le culte catholique des desservants des églises paroissiales, il s’agit du curé nommé par l’évêque du diocèse dont relève la paroisse ; qu’ainsi la loi reconnaît à l’affectataire, desservant, un droit direct, permanent, exclusif et discrétionnaire sur l’édifice cultuel et sur les meubles le garnissant ; qu’il s’ensuit que le curé de la paroisse est donc recevable à agir pour défendre, devant toutes les juridictions, les violations à l’affectation cultuelle de l’édifice qu’il dessert et à se porter partie civile ; qu’en l’espèce, sa seule qualité de desservant de l’église donne à l’abbé M. Bruno B… un droit direct, permanent, exclusif et discrétionnaire sur l’édifice cultuel, l’autorisant, compte tenu de son pouvoir de police sacerdotale, à poursuivre toute atteinte commise à l’intérieur de l’édifice religieux dont il est l’affectataire ; que, dès lors, c’est à tort que Mme X… prétend que seul M. A…, le maître de chapelle de l’église de , qui a été témoin des faits qui lui sont reprochés, en date du 20 décembre 2013, a seul qualité de victime et par suite pour agir au titre de l’action civile ; que par ailleurs, contrairement aux affirmations de la prévenue selon lesquelles « il est peu probable que les musiciens présents dans l’église aient pu être témoins de cette action dès lors qu’ils étaient en répétition dans une salle derrière l’autel », M. A… n’a pas été le seul témoin avec les journalistes présents, des faits dont est reconnue coupable Mme X… mais également la chorale qui répétait également dans le choeur, dans un édifice cultuel affecté au titre de la loi de 1905 qu’avec l’accord du curé desservant, comme en attestent les clichés photographiques versés aux débats, dont l’authenticité n’est contestée par aucune des parties ; que l’abbé M. Bruno B…, curé de l’église de , est donc recevable pour défendre, devant toutes les juridictions, les violations à l’affectation cultuelle qu’il dessert et à se constituer partie civile lorsque l’infraction pénale a pour effet de porter atteinte à cette affectation cultuelle ; que c’est à bon droit que les premiers juges ont reçu l’abbé M. Bruno B…, nommé à compter du 1er mars 2013, curé de […], en sa qualité de desservant de […], en sa constitution de partie civile ; qu’en sa qualité d’affectataire légal de l’église […], l’abbé M. B… a personnellement souffert de l’exhibition sexuelle commise par Mme X…, ayant causé un trouble de jouissance des lieux affectés à titre exclusif au culte et dont il est chargé de régler l’usage ; que le principe de l’affectation cultuelle, directement liée aux faits, objet de la poursuite et du pouvoir du desservant, énoncé par la loi du 9 décembre 1905, constitue une composante essentielle de la liberté religieuse ; que tout agissement non autorisé par le desservant au sein d’un édifice religieux dont il assume la charge, est de nature à porter atteinte à la liberté de religion, à l’affectation cultuelle des lieux où il se produit et à la liberté d’exercice du culte ; que le respect de la liberté religieuse et des convictions implique, donc, que l’affectation du culte soit respecté ; que l’exhibition de la prévenue, partiellement nue, et son attitude provocante non autorisée (mains en croix avec un morceau de viande crue sanguinolente dans chaque main, jambes écartées, porteuse d’un voile de couleur bleue symbolisant la Vierge Marie, se prêtant à plusieurs poses sur l’autel pour permettre la lecture d’une première inscription peinte sur le ventre et la poitrine « la 344ème salope » (en référence au manifeste des 343 initié par des féministes pro-avortement en 1971, et une seconde inscription dans le dos : « Christmas is cancelled ») constituent nécessairement une atteinte à l’affectation cultuelle de l’édifice et au respect des fidèles qui viennent chercher, dans une église, un lieu de prière et de recueillement) ; qu’il résulte de cette atteinte à l’affectation cultuelle un préjudice moral pour le desservant de l’église, l’abbé B…, qui représente l’ensemble des fidèles affectés par ces événements ;

« et aux motifs adoptés que la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l’État garantit le libre exercice des cultes ; qu’aux termes de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907, les édifices affectés à l’exercice du culte sont laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion ; que M. Bruno B…, prêtre du diocèse de […], justifie de ce qu’il a été nommé à compter du 1er mars 2013, curé de […] ; qu’il a donc, en sa qualité de desservant de cette paroisse, l’obligation de s’assurer du respect de l’affectation cultuelle de l’édifice dont il a la charge ; qu’il peut, à ce titre, le cas échéant, en refuser l’accès à toute personne qui créerait des désordres à l’intérieur de l’édifice de nature à troubler l’exercice du droit reconnu par l’article 5 précité et dont il est le garant ; qu’il est donc recevable et bien fondé à se constituer partie civile et à demander la réparation du préjudice moral consécutif au trouble de la jouissance des lieux affectés à titre exclusif au culte, du fait de l’action dénudée de Mme X… et dont il a personnellement souffert en tant qu’affectataire légal de l’église […] ;

« alors que seules les personnes qui font état d’un préjudice personnel et direct causé par l’infraction peuvent être déclarées recevables en leur constitution de partie civile pour obtenir réparation du préjudice subi ; qu’en déclarant recevable l’action civile de M. B…, ès-qualités de curé desservant de […], tendant à la réparation de l’atteinte à l’affectation cultuelle de l’édifice religieux et au respect des fidèles, quand le préjudice invoqué ne constituait pas un préjudice personnel découlant directement des faits d’exhibition sexuelle reprochés à la prévenue, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés » ;

Attendu que, pour confirmer le jugement déclarant recevable la constitution de partie civile de M. B…, en sa qualité de curé de la paroisse et desservant de l’église de , l’arrêt prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, la cour d’appel a fait l’exacte application des articles 2 et 3 du code de procédure pénale ;

Qu’en effet, le ministre du culte affectataire d’un édifice religieux au sens de l’article 5 de la loi du 2 janvier 1907, investi du pouvoir d’en organiser le fonctionnement, est recevable en cette qualité à réclamer réparation du dommage directement causé par les infractions y étant commises, qui en troublent l’ordre et le caractère propre ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que Mme X… devra payer à M. B…, en sa qualité de ministre du culte affectataire de l’église de , au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le neuf janvier deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


ECLI:FR:CCASS:2019:CR03116

Analyse

Publication :

Décision attaquée : Cour d’appel de Paris , du 15 février 2017

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