LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° A 09-42.241 à T 09-42.257 ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. X… et seize autres salariés de la société Ahlstrom ont cessé leur activité professionnelle et présenté leur démission pour prétendre au bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA) en application de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ; qu’ils ont saisi la juridiction prud’homale pour qu’il soit jugé que la rupture du contrat de travail était la conséquence de leur exposition fautive par l’employeur à l’amiante et pour demander la condamnation de la société à leur payer des sommes correspondant à la différence de revenus entre leur salaire et le montant de l’ACAATA ainsi qu’une somme au titre du préjudice d’anxiété ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Ahlstrom fait grief aux arrêts de l’avoir condamnée à verser aux salariés une somme à titre de dommages et intérêts en réparation d’un préjudice d’anxiété, alors, selon le moyen :
1°/ que l’existence d’un risque non réalisé se confond avec l’anxiété que ce risque peut générer de sorte qu’en allouant une réparation distincte de ce chef, la cour d’appel qui assimile à tort le bénéfice d’une surveillance médicale post-professionnelle facultative à une prétendue «obligation de se plier à des contrôles» et qui ne caractérise pas ainsi l’existence d’un élément objectif distinct de l’angoisse, ne justifie pas légalement sa décision tant au regard de l’article 1147 du code civil que de l’article 81 de la loi du 19 décembre 2005 sur le financement de la sécurité sociale ;
2°/ que si l’anxiété suscitée par l’exposition au risque constituait un trouble psychologique suffisamment caractérisé pour appeler une «réparation spécifique», il ne saurait être pris en charge que dans les conditions prévues par les articles 451-1 et 461-1 et 461-2 du code de la sécurité sociale ; qu’à défaut de la moindre demande formulée par le demandeur au titre d’une quelconque maladie professionnelle, la cour d’appel ne pouvait transférer l’indemnisation d’un tel trouble sur l’entreprise et qu’en statuant comme elle l’a fait, elle a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que, sans méconnaître les dispositions du code de la sécurité sociale visées dans la seconde branche du moyen, la cour d’appel a relevé que les salariés, qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi de 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l’amiante ou des matériaux contenant de l’amiante, se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ; qu’elle a ainsi caractérisé l’existence d’un préjudice spécifique d’anxiété et légalement justifié sa décision ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 ;
Attendu, selon ce texte, qui crée un dispositif spécifique destiné à compenser la perte d’espérance de vie que peuvent connaître des salariés en raison de leur exposition à l’amiante, qu’une allocation de cessation anticipée d’activité (dite ACAATA) est versée aux salariés et anciens salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l’amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l’amiante ou de construction et de réparations navales, sous réserve qu’ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu’ils remplissent certaines conditions ; que le salarié qui est admis au bénéfice de l’allocation de cessation anticipée d’activité présente sa démission à son employeur ; qu’il résulte de ces dispositions que le salarié qui a demandé le bénéfice de l’allocation n’est pas fondé à obtenir de l’employeur fautif, sur le fondement des règles de la responsabilité civile, réparation d’une perte de revenu résultant de la mise en oeuvre du dispositif légal ;
Attendu que, pour condamner la société Ahlstrom à verser aux salariés une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte d’une chance, l’arrêt retient qu’aux termes des dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive CE n° 89/391 du 12 juillet 1989 concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs au travail, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et doit en assurer l’ effectivité, qu’en l’espèce, il ressort des développements faits ci-dessus qu’en dehors de la situation d’exposition aux risques ayant ouvert le droit à l’ACAATA, les dirigeants de l’usine de Rottersac, en ne mettant pas en oeuvre toutes les protections individuelles et collectives préconisées notamment sur les années de 1990 à 1996, n’ont pas exécuté correctement l’obligation de sécurité qui pesait sur eux, cette violation de leurs obligations étant d’autant plus caractérisée qu’ils ne pouvaient ignorer le danger auquel ils exposaient leurs salariés, que si l’ACAATA par les dispositions législatives qui la créent met obstacle à la perception d’un revenu de complément, en revanche, elle ne peut par elle-même, exonérer l’employeur fautif des conséquences d’une exécution fautive du contrat de travail, que les salariés ont fait le choix de demander la réparation du préjudice que leur causait un départ anticipé à la retraite accompagné d’une diminution de revenus significative, constituant une perte de chance de mener à son terme une carrière professionnelle normale, que ce préjudice est effectivement caractérisé, et l’argumentation de l’employeur soutenant que les salariés ont créé eux-mêmes cette situation et ne peuvent donc en demander réparation ne saurait prospérer ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a condamné la société à payer à chacun des salariés une somme à titre de dommages et intérêts pour réparer le préjudice lié à la perte de chance de mener une carrière normale jusqu’à son terme, les arrêts rendus le 7 avril 2009, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits aux pourvois n° A 09-42.241 à T 09-42.257 par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux conseils pour la société Ahlstrom Labelpack,
PREMIER MOYEN DE CASSATION
(caractère exclusif de l’indemnisation du risque par l’article 21 de la loi du 23 décembre 1998)
Le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la Société AHLSTROM LABELPACK à verser au salarié défendeur au pourvoi une somme à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte d’une chance et une autre somme pour réparer le préjudice d’anxiété ainsi que 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
AUX MOTIFS QU’« aux termes des dispositions de l’article L.4221-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive CE N’89/391 du 12 juillet 1989 concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs au travail, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et doit en assurer l’ effectivité. Dès lors toute violation de ses obligations par l’employeur en la matière doit entraîner l’ouverture d’un droit à dommages-intérêts. La loi du 23 décembre 1998 en son article 41 a institué en faveur des salariés de l’amiante un régime de pré,: »retraite leur permettant de quitter l’entreprise dès l’âge de 50 ans. Le salarié qui opte pour ce régime reçoit une allocation égale à 65 % du salaire dans la limite du plafond de la sécurité sociale et de 50 % de celui-ci pour la limite comprise entre une et deux fois ce plafond. L’ACAATA ne peut être inférieure au montant journalier de l’allocation d’assurance chômage ni excéder 85 % du .salaire de référence. Les entreprises dans lesquelles les salariés exposés aux poussières d’amiante peuvent exercer l’option sont désignées par un arrêté qui fixe l »ouverture de la période du droit à garantie et la cessation anticipée d’activité n’est possible que pour les salariés ayant ‘travaillé durant cette période. L’option ne prive pas le salarié du droit d’être indemnisé au titre de la maladie professionnelle si une affection se révèle. Le salarié qui opte pour l’ACAATA démissionne de son emploi en application de l’article 41 de la loi. La cessation anticipée d’activité est un instrument de la prévention du risque qui prend en considération sa cause, l’amiante. Elle tient compte autant que faire ce peut de l’aléa résultant de la possible réduction de l’espérance de vie. En raison des dispositions de financement de cette allocation, elle n’est pas compatible avec une autre rémunération ou une autre allocation. En l’espèce, il a été rappelé que l’usine de Rottersac au sein de laquelle travaillait le salarié a été classée comme pouvant ouvrir droit à l’ACAATA le 19 mars 2001 pour les salariés ayant été exposés au risque de l’amiante de 1956 à 1997. Il est indéniable que le salarié a travaillé dans cette usine sur la période concernée. Il sera également rappelé que devant la Cour, le salarié n’entend pas faire requalifier la manière dont son contrat de travail a été rompu ni demander un revenu de substitution mais seulement faire réparer un dommage dont il s’estime victime. Sur les conditions de travail à l’intérieur de l’usine de Rottersac, il ressort des éléments produits aux débats que les papiers d’emballage fabriqués dans cette entreprise, pour obtenir l’aspect lisse et brillant recherché doivent passer entre des rouleaux superposés alternativement, rouleaux durs en acier et rouleaux mous recouverts de coton et d’amiante, sur la période visée par l’arrêté précité. L’ensemble de ces rouleaux était organisé dans des machines dites de calandrage. De 1957 à 1996, l’entreprise a utilisé le revêtement en amiante pour les rouleaux mous situés dans les parties basses des machines à calandrage, en raison des conditions de pression, de chaleur et de vitesses plus importantes que dans la partie haute. Des dégagements de fibres d’amiante étaient donc susceptibles de se produire lors de la fabrication et de la mise en place des rouleaux, lors de la marche normale des opérations de calandrage destinées à affiner le papier, du fait de l’éclatement des rouleaux qui pouvaient intervenir et enfin dans les opérations de réparation et de réajustage des rouleaux. La production de papier s’effectuant de manière continue dans l’entreprise, sur un effectif de 250 à 300 salariés, le chiffrage proposé par l’employeur de 10 personnes exposées ne peut être sérieusement retenu.
Environ 5 équipes de 25 salariés tournaient sur ces différents sites soit plus de la moitié des effectifs. De même, il ne ressort pas des plans de l’usine produits par les parties que les locaux dans lesquels étaient utilisés les rouleaux recouverts d’amiante pour la production du papier, ceux où étaient stockés les papiers amiantés et ceux où il était procédé aux opérations de mise en place sur les rouleaux ou de réajustage et de réparation des rouleaux étaient isolés du reste des locaux dans des conditions telles qu’aucune circulation des travailleurs n’était possible. Pour apprécier les conditions qui encadrent l’exécution de l’obligation de sécurité par l’employeur, il sera rappelé qu’à compter de l’entrée en vigueur du décret du 17 août 1977 applicable à toutes les entreprises où les salariés étaient exposés à l’inhalation de poussières d’amiante, l’employeur était astreint à un certain nombre d’obligations et notamment à faire effectuer un contrôle une fois par mois du nombre de fibres dans l’air, la fréquence pouvant n’être qu’une fois tous les trois mois, s’il n’y avait pas plus d’une fibre par centimètre cube d’air, de conditionner les déchets pouvant contenir de l’amiante, de prévoir des mesures de protection collective, mise en oeuvre de systèmes d’aération et de protection individuelle, masques. Dans les années 1980, les niveaux de tolérance du nombre de fibres dans l’atmosphère ont été peu à peu diminués. Enfin, en France, le décret du 24 septembre 1996 interdisait définitivement l’utilisation de l’amiante à l’intérieur des entreprises. Sur cette période de 1977 à la fin de l’année 1996, si l’employeur affirme que les règles de sécurité ont toujours été respectées, il ressort cependant des documents produits que les mesures qui auraient dû être opérées tous les mois, l’ont été de manière beaucoup plus sporadique. Et par exemple, le premier rapport technique en date du 1er décembre 1977 se concluait de la manière suivante : « La valeur limite, de 2 fibres par cm3 est dépassée lors de la deuxième passe sur un rouleau de 4 mètres lors du toilage de finition d’un rouleau de 2,50 mètres, est presque atteinte lors de l’empilage des plaques à la presse lors de la préparation des charges avant l’empilage. Dans ces conditions il serait souhaitable de modifier les aspirations dont sont munis les tours afin d’éviter de soumettre le salarié affecté au tournage des rouleaux à un empoussièrement trop important à son poste de travail ». Un rapport du 6 février 1980 indique que si pour le poste de rectification des rouleaux de calandre, les améliorations apportées en termes de ventilation sont sensibles, elles demeurent insuffisantes pour deux autres postes, le dégarnissage des rouleaux et la préparation de charge de papier pour la grande presse. Par la suite jusqu’aux années 1990, les pourcentages étaient dans la limite de la normale. Au mois de juillet 1990 le fournisseur allemand avec qui l’usine de Rottersac était habituellement en relation leur a dit que la livraison d’amiante allait être interdite à partir du 1er septembre et qu’il peut lui proposer un autre produit équivalent, le Normex. Le 8 août les responsables de l’usine adressaient une lettre et un bon de commande spécifiant que malgré la mise en place de la nouvelle réglementation, ils souhaitaient leur commander du papier d’amiante. La livraison intervenait à la fin du mois de septembre sur 24 tonnes de papier amiante. Des rouleaux contenant du papier amianté étaient utilisés jusqu’à la fin de l’année 1996. En outre, courant 1994, presses neuves étaient installées dont 5 en coton amiante et courant 1995, 12 presses neuves installées dont 4 en coton amiante. Le nombre des opérations de rectifications des rouleaux s’était maintenu à environ 160 jusqu’en 1993 puis avait baissé de manière significative en 1994 passant à 90,29 puis 59. En 1995 et 1996, l’employeur produit plusieurs factures pour enlèvement des rouleaux d’amiante et transports de déchets d’amiante. Le CHSCT lors d’une réunion en date du 5 juin 1996 souligne qu’il n’y avait pas de système de captation des poussières au sein des ateliers de garnissage des rouleaux et de récupération. Le rapport se conclut de la façon suivante : « Compte tenu des avertissements nécessaires pour le respect des normes de la présence de fibre d’amiante dans l’air ambiant et des récentes décisions gouvernementales concernant l’interdiction d’utilisation d’amiante, à partir d’août 1996, nous essaierons deux presses revêtues de Fiberun. Deux rouleaux sur la calandre 5 vont être réalisés avec ce type de matériau et seront testés à partir de la fin du mois d’août 1996. A partir de septembre 1996, les rouleaux en amiante seront progressivement éliminés. » Manifestement, la rédaction du procès-verbal permet de penser que contrairement à ce qui était préconisé, il n’y avait pas de système d’aération et pas de masques individuels. Un rapport de l’Apave du 11 octobre 1996, démontre qu’à ce moment, la mesure tolérable était de 0,3 fibre par cm3 car le produit concerné était du chrysotile, la norme étant fixée par décret du 7 février 1996. Les mesures effectuées, si le temps d’exposition était de huit heures étaient de 0,31 dans un atelier et de 0,31 à 0,57 dans l’autre. Le rédacteur du rapport notamment que le temps d’exposition de huit heures était exceptionnel. Si la durée d’exposition était de 2 heures, la mesure correspondant à 0,09 dans l’un et 0,12 à 0,19 dans l’autre. Un rapport de l’Apave sur les 13, 14 et 15 janvier 2003 qui fait référence au décret de 1996 fixant le seul tolérable à 5 fibres par litre d’air, note que les niveaux d’empoussièrement en fibre d’amiante mesurés sont inférieurs ou égaux aux seuils de référence de 5 fibres par litre d’air dans le local calandre 2, 3 et 5. Ils sont supérieurs au seuil de référence dans le local regarnissage presse et atelier rectification presse. Le rapport conclut qu’il faut donc procédé à un dépoussièrement des locaux sus visés dans les 36 mois. Un autre rapport établi par un organisme dit Norisco au mois d’avril 2003, a relevé des taux beaucoup plus élevés que l’Apave et conclut également à la nécessité d’engager des travaux de dépoussièrement. Ces opérations ont été menées par une société spécialisée. Un procèsverbal du CHSCT reprend ces deux séries de mesures et mentionne que d’autres mesures permettent de vérifier qu’après dépoussiérage, les mesures sont très inférieures au seuil tolérable. Un procès-verbal du CHSCT du mois de novembre 2004 fait état du retrait par l’entreprise des derniers stocks de produits amiantés, joints divers et tresses, aux magasins et à la chaufferie qui a été effectué le 23 novembre. Il indique que deux autres sites, seront démantelés d’ici la fin de l’année. Par un arrêté du 19 mars 2001, l’usine de Rottersac était classée comme établissement pouvant ouvrir droit à l’ACAATA pour les salariés ayant travaillé dans l’entreprise de 1956 à 1997. Le CHSCT avait demandé l’extension du bénéfice de- l’ACAAT A aux salariés ayant travaillé jusqu’en 2003. Cette demande a été rejetée par l’administration mais l’enquête faite sur la demande d’extension par l’inspection du travail en 2006 et 2007 se termine ainsi : « Les mesures prises par l’établissement Ahlstrom depuis 1997 ont permis d’éliminer les risques d’exposition active à l’amiante. Cependant, la présence de poussières d’amiante résiduelle a pu créer des conditions d’une exposition passive des salariés jusqu’à la décontamination des locaux effectués en 2003 ». Le rapport fait état de deux maladies professionnelles en 2006 liées à l’amiante, en l’espèce des plaques pleurales et un autre dossier de maladie professionnelle était en cours d’instruction. Par la suite était pris en charge au titre de la maladie professionnelle un salarié atteint d’un cancer broncho pulmonaire primitif. Sur Ia situation personnelle du salarié; il a été salarié de l’entreprise de 1973 à 2006 et remplissait donc les conditions pour bénéficier de l’ACAATA ; il a fait l’objet d’une déclaration d’attestation d’exposition au risque le 16 mai 2006 et les renseignements recueillis sur son itinéraire professionnel permettent d’établir qu’il a été employé comme sécheur et conducteur. L’employeur indiquait qu’il avait pu faire l’objet d’une exposition à la fois indirecte et passive; en étant en contact avec des rouleaux de calandre, et le soufflage de la garniture des freins. Des salariés ont attesté qu’il était en contact avec des poussières d’amiante par le maniement des bobines et lors d’opérations de nettoyage et de soufflage venant du ponçage des presses. En instituant l’ACAATA, les pouvoirs publics ont entendu créer un dispositif dont Mme Y…, alors ministre de la santé a indiqué qu’il était destiné à essayer « de réparer le drame qui trappe les victimes de l’amiante dont chacun sait que l’espérance de vie de ces salariés notamment ceux qui ont été exposés à de forts taux d’empoussièrement est fortement réduite. Le bénéfice de la retraite s’épuisera plus vite pour eux que pour toutes les autres catégories de la population ». Il ressort clairement des articles 41 et suivants de la loi du 23 décembre 1998 que l’ACAATA est une réponse collective et générale à un état de fait constaté objectivement dans le monde industriel »sans qu’il soit fait référence au comportement de l’employeur, la période d’exposition retenue à partir d~l’almée 1956 manifestant cette volonté d’appréhender une situation en dehors de la recherche d’une responsabilité pour faute de l’employeur. En l’espèce, il ressort des développements faits cidessus qu’en dehors de la situation d’exposition aux risques ayant ouvert le droit à l’ACAATA, les dirigeants de l’usine de Rottersac, en étant peu diligents sur la mise en oeuvre de la réglementation spécifique de 1977, en faisant le choix conscient et volontaire de l’utilisation de papier amianté par rapport à d’autres supports en 1990, en ne mettant pas en oeuvre toutes les protections individuelles et collectives préconisées, notamment sur les année de 1990 à 1996 n’ont pas exécuté correctement l’obligation de sécurité qui pesait sur eux, cette violation de leurs obligations étant d’autant plus caractérisée qu’ ils ne pouvaient ignorer le danger auquel ils exposaient leurs salariés. S’il est exact que cette obligation de sécurité de l’employeur doit s’analyser comme une obligation de résultat, en raison des exigences qu’elle lui impose, il ne peut s’en déduire qu’elle doit être considérée comme remplie dès lors que le salarié termine son contrat de travail sans avoir déclaré une maladie professionnelIe. En l’espèce, tenir un tel raisonnement aboutit à méconnaître le fait que les affections liées à l’amiante peuvent ne se révéler qu’au bout de plusieurs années. Les dirigeants de l’usine de Rottersac ne peuvent donc se prévaloir du fait que le salarié qui a demandé à bénéficier de l’ACAATA, n’était pas atteint d’une maladie liée à l’amiante. En réalité, le comportement fautif de l’employeur a nécessairement induit pour le salarié un préjudice lié au fait qu’une grande partie de son contrat de travail s’est exécutée dans une entreprise où la direction alors en place ne s’est pas acquittée de ses obligations de sécurité. Il a été rappelé que l’institution de l’ACAATA était destinée à prendre en charge une situation dans laquelle la faute de l’employeur n’avait pas à être caractérisée. En l’occurrence, un des éléments du préjudice réalisé et subi aujourd’hui par le salarié repose dans le fait qu’il n’a pu prétendre au déroulement d’une vie professionnelle normale, en raison à la fois d’une situation objective d’exposition à un risque industriel dont un mode de réparation réside dans le bénéfice de l’ACAATA et d’une mise en danger aggravée par le comportement fautif de l’employeur. Si l’ACAATA par les dispositions législatives qui la créent met obstacle à la perception d’un revenu de complément, en revanche, elle ne peut par elle-même exonérer l’employeur fautif des conséquences d’une exécution fautive du contrat de travail. Le salarié a fait le choix de demander la réparation du préjudice que lui causait un départ anticipé à la retraite accompagné d’une diminution de revenus significative, constituant une perte de chance de mener à son terme une carrière professionnelle normale. Ce préjudice est effectivement caractérisé, et l’argumentation de l’employeur soutenant que le salarié a créé lui même cette situation et ne peut donc en demander réparation ne saurait prospérer, le fait de bénéficier de l’ACAATA ne pouvant avoir pour effet de priver le salarié qui a caractérisé l’existence de manquements particuliers de son employeur à son obligation de sécurité d’en obtenir une réparation spécifique, du fait des décisions qu’il a pu être amené à prendre pour se prémunir au mieux des dangers subis et de l’anxiété que ses conditions de travail ont généré chez lui. La demande du salarié est recevable et bien fondée. En cause d’appel, le salarié réclame au titre du préjudice subi pour la perte de chance d’avoir pu mener une carrière professionnelle jusqu’ à son terme normal, une somme de (…). En réalité, cette somme correspond à la perte de revenus liée à la cessation d’activité du salarié, calculée par la société Ahlstrom Label Pack et ne peut donc être retenue pour caractériser le préjudice subi du fait d’une perte de chance. La Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à (…) les dommages-intérêts dus de ce chef. Le salarié demande également l’allocation d’une somme de (…) au titre du préjudice d’anxiété. Il est indéniable que la légèreté par l’employeur dans la mise en oeuvre de son obligation de sécurité alors qu’il devait en assurer l’effectivité, n’a pu que majorer l’inquiétude dans laquelle vit le salarié qui redoute à tout moment de voir se révéler une maladie liée à l’amiante et qui doit se plier à des contrôles et des examens réguliers qui par eux-mêmes réactivent cette angoisse. La Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à (…) les dommages-intérêts dus de ce chef ».
ALORS, D’UNE PART, QUE les risques correspondant aux maladies professionnelles notamment lorsque ceux-ci sont imputables à une faute inexcusable de l’employeur, relèvent exclusivement du Livre IV du Code de la Sécurité Sociale et que viole l’article L.451-1 et L.452-1, L.461-1 dudit Code, la Cour d’Appel qui, en marge de ces textes et en méconnaissance des garanties qu’ils offrent pour la détermination et la prise en charge des affections d’origine professionnelle, accueille une action de droit commun du salarié réclamant une indemnisation non prévue pour le risque d’une maladie non déterminée des tableaux 30 et 30 bis en se fondant seulement sur l’inscription de l’usine sur la liste du régime ACAATA ainsi que sur un manquement à l’obligation de sécurité non autrement caractérisé ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE le salarié, qui n’est atteint d’aucune maladie professionnelle et qui agit en fonction simplement de la crainte de voir celle-ci se révéler, ne peut obtenir de son employeur, en l’absence de préjudice né et actuel, aucune réparation, ni en vertu de l’article 461-1 du Code de la Sécurité Sociale, ni en vertu de l’article 1147 du Code Civil, ni en vertu de l’article 4121-1 du Code du Travail ; que si le régime particulier créé par l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 permet exceptionnellement de recevoir une compensation dans le cadre d’un système collectif, pour avoir été simplement exposé à l’amiante, le salarié qui a précisément opté pour ce dispositif, ne saurait, en l’absence de maladie déclarée, prétendre à l’application de cette solution dérogatoire dans le cadre de ses rapports avec son ancien employeur ; qu’en mettant cependant des indemnités à la charge de ALHSTROM en raison du risque auquel le salarié aurait été exposé et de la perte de chance qui en résulterait, la Cour d’appel, qui organise un cumul du dispositif dérogatoire susvisé et d’une réparation complémentaire prétendument fondée sur le droit commun, a violé ensemble les textes susvisés et le principe de la réparation intégrale ;
ALORS DE TROISIEME PART QUE si un salarié qui reproche à son employeur une faute l’ayant contraint à prendre acte de l’impossibilité de poursuivre le contrat de travail peut solliciter à ce titre une indemnisation, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le dispositif de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui impose « une démission à l’initiative du salarié » constitue un forfait et exclut un tel mode de rupture ; qu’ayant rappelé que le salarié n’entendait pas faire requalifier la manière dont son contrat avait été rompu, la Cour d’Appel viole le texte susvisé, ensemble l’article 1231-1du Code du Travail, en déclarant cependant l’employeur responsable des conséquences de l’interruption de carrière de l’intéressé ;
ALORS, DE QUATRIEME PART ET DE TOUTE FAÇON QUE le salarié qui opte pour le régime de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante se trouve placé en vertu de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 dans une situation statutaire et réglementaire de pré-retraite à laquelle il ne peut apporter aucune modification ni au moment de son adhésion, ni après ; que le bénéfice de ce statut légal étant subordonné à la double condition expresse que le salarié ait démissionné de sa propre initiative et qu’il cesse toute activité professionnelle en vue de percevoir des allocations fixées par l’Etat et financées par des fonds publics, méconnaît ledit statut, et viole en conséquence le texte susvisé le juge judiciaire qui déclare les bénéficiaires desdites allocations recevables à réclamer à leur ancien employeur des indemnités complémentaires pour compenser un préjudice de carrière et une diminution de revenus inhérents au statut légal auquel ils ont adhéré.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION SUBSIDIAIRE
(Application du droit commun)
Le pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la Société AHLSTROM LABELPACK à verser à son ancien salarié une somme au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à la perte d’une chance ainsi qu’une autre somme pour réparer le préjudice d’anxiété ainsi que 500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
AUX MOTIFS QU’« aux termes des dispositions de l’article L.4221-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive CE N°89/391 du 12 juillet 1989 concernant la mise en oeuvre des mesures visant à promouvoir l’amélioration de la santé et de la sécurité des travailleurs au travail, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise et doit en assurer l’ effectivité. Dès lors; toute violation de ses obligations par l’employeur en la matière doit entraîner l’ouverture d’un droit à dommages-intérêts. La loi du 23 décembre 1998 en son article 41 a institué en faveur des salariés de l’amiante un régime de pré, »retraite leur permettant de quitter l’entreprise dès l’âge de 50 ans. Le salarié qui opte pour ce régime reçoit une allocation égale à 65 % du salaire dans la limite du plafond de la sécurité sociale et de 50 % de celui-ci pour la limite comprise entre une et deux fois ce plafond. L’ACAATA ne peut être inférieure au montant journalier de l’allocation d’assurance chômage ni excéder 85 % du salaire de référence. Les entreprises dans lesquelles les salariés exposés aux poussières d’amiante peuvent exercer l’option sont désignées par un arrêté qui fixe l »ouverture de la période du droit à garantie et la cessation anticipée d’activité n’est possible que pour les salariés ayant ‘travaillé durant cette période. L’option ne prive pas le salarié du droit d’être indemnisé au titre de la maladie professionnelle si une affection se révèle. Le salarié qui opte pour l’ACAATA démissionne de son emploi en application de l’article 41 de la loi. La cessation anticipée d’activité est un instrument de la prévention du risque qui prend en considération sa cause, l’amiante. Elle tient compte autant que faire ce peut de l’aléa résultant de la possible réduction de l’espérance de vie. En raison des dispositions de financement de cette allocation, elle n’est pas compatible avec une autre rémunération ou une autre allocation. Sur les conditions de travail à l’intérieur de l’usine de Rottersac, il ressort des éléments produits aux débats que les papiers d’emballage fabriqués dans cette entreprise, pour obtenir l’aspect lisse et brillant recherché doivent passer entre des rouleaux superposés alternativement, rouleaux durs en acier et rouleaux mous recouverts de coton et d’amiante, sur la période visée par l’arrêté précité. L’ensemble de ces rouleaux était organisé dans des machines dites de calandrage. De 1957 à 1996, l’entreprise a utilisé le revêtement en amiante pour les rouleaux mous situés dans les parties basses des machines à calandrage, en raison des conditions de pression, de chaleur et de vitesses plus importantes que dans la partie haute. Des dégagements de fibres d’amiante étaient donc susceptibles de se produire lors de la fabrication et de la mise en place des rouleaux, lors de la marche normale des opérations de calandrage destinées à affiner le papier, du fait de l’éclatement des rouleaux qui pouvaient intervenir et enfin dans les opérations de réparation et de réajustage des rouleaux. La production de papier s’effectuant de manière continue dans l’entreprise, sur un effectif de 250 à 300 salariés, le chiffrage proposé par l’employeur de 10 personnes exposées ne peut être sérieusement retenu. Environ 5 équipes de 25 salariés tournaient sur ces différents sites soit plus de la moitié des effectifs. De même, il ne ressort pas des plans de l’usine produits par les parties que les locaux dans lesquels étaient utilisés les rouleaux recouverts d’amiante pour la production du papier, ceux où étaient stockés les papiers amiantés et ceux où il était procédé aux opérations de mise en place sur les rouleaux ou de réajustage et de réparation des rouleaux étaient isolés du reste des locaux dans des conditions telles qu’aucune circulation des travailleurs n’était possible. Pour apprécier les conditions qui encadrent l’exécution de l’obligation de sécurité par l’employeur, il sera rappelé qu’à compter de l’entrée en vigueur du décret du 17 août 1977 applicable à toutes les entreprises où les salariés étaient exposés à l’inhalation de poussières d’amiante, l’employeur était astreint à un certain nombre d’obligations et notamment à faire effectuer un contrôle une fois par mois du nombre de fibres dans l’air, la fréquence pouvant n’être qu’une fois tous les trois mois, s’il n’y avait pas plus d’une fibre par centimètre cube d’air, de conditionner les déchets pouvant contenir de l’amiante, de prévoir des mesures de protection collective, mise en oeuvre de systèmes d’aération et de protection individuelle, masques. Dans les années 1980, les niveaux de tolérance du nombre de fibres dans l’atmosphère ont été peu à peu diminués. Enfin, en France, le décret du 24 septembre 1996 interdisait définitivement l’utilisation de l’amiante à l’intérieur des entreprises. Sur cette période de 1977 à la fin de l’année 1996, si l’employeur affirme que les règles de sécurité ont toujours été respectées, il ressort cependant des documents produits que les mesures qui auraient dû être opérées tous les mois, l’ont été de manière beaucoup plus sporadique. Et par exemple, le premier rapport technique en date du 1er décembre 1977 se concluait de la manière suivante : « La valeur limite, de 2 fibres par cm3 est dépassée lors de la deuxième passe sur un rouleau de 4 mètres lors du toilage de finition d’un rouleau de 2,50 mètres, est presque atteinte lors de l’empilage des plaques à la presse lors de la préparation des charges avant l’empilage. Dans ces conditions il serait souhaitable de modifier les aspirations dont sont munis les tours afin d’éviter de soumettre le salarié affecté au tournage des rouleaux à un empoussièrement trop important à son poste de travail ». Un rapport du 6 février 1980 indique que si pour le poste de rectification des rouleaux de calandre, les améliorations apportées en termes de ventilation sont sensibles, elles demeurent insuffisantes pour deux autres postes, le dégarnissage des rouleaux et la préparation de charge de papier pour la grande presse. Par la suite jusqu’aux années 1990, les pourcentages étaient dans la limite de la normale. Au mois de juillet 1990 le fournisseur allemand avec qui l’usine de Rottersac était habituellement en relation leur a dit que la livraison d’amiante allait être interdite à partir du 1er septembre et qu’il peut lui proposer un autre produit équivalent, le Normex. Le 8 août les responsables de l’usine adressaient une lettre et un bon de commande spécifiant que malgré la mise en place de la nouvelle réglementation, ils souhaitaient leur commander du papier d’amiante. La livraison intervenait à la fin du mois de septembre sur 24 tonnes de papier amiante. Des rouleaux contenant du papier amianté étaient utilisés jusqu’à la fin de l’année 1996. En outre, courant 1994, 14 presses neuves étaient installées dont 5 en coton amiante et courant 1995, 12 presses neuves installées dont 4 en coton amiante. Le nombre des opérations de rectifications des rouleaux s’était maintenu à environ 160 jusqu’en 1993 puis avait baissé de manière significative en 1994 passant à 90,29 puis 59. En 1995 et 1996, l’employeur produit plusieurs factures pour enlèvement des rouleaux d’amiante et transports de déchets d’amiante. Le CHSCT lors d’une réunion en date du 5 juin 1996 souligne qu’il n’y avait pas de système de captation des poussières au sein des ateliers de garnissage des rouleaux et de récupération. Le rapport se conclut de la façon suivante : « Compte tenu des avertissements nécessaires pour le respect des normes de la présence de fibre d’amiante dans l’air ambiant et des récentes décisions gouvernementales concernant l’interdiction d’utilisation d’amiante, à partir d’août 1996, nous essaierons deux presses revêtues de Fiberun. Deux rouleaux sur la calandre 5 vont être réalisés avec ce type de matériau et seront testés à partir de la fin du mois d’août 1996. A partir de septembre 1996, les rouleaux en amiante seront progressivement éliminés. » Manifestement, la rédaction du procès-verbal permet de penser que contrairement à ce qui était préconisé, il n’y avait pas de système d’aération et pas de masques individuels. Un rapport de l’Apave du 11 octobre 1996, démontre qu’à ce moment, la mesure tolérable était de 0,3 fibre par cm3 car le produit concerné était du chrysotile, la norme étant fixée par décret du 7 février 1996. Les mesures effectuées, si le temps d’exposition était de huit heures étaient de 0,31 dans un atelier et de 0,31 à 0,57 dans l’autre. Le rédacteur du rapport notamment que le temps d’exposition de huit heures était exceptionnel. Si la durée d’exposition était de 2 heures, la mesure correspondant à 0,09 dans l’un et 0,12 à 0,19 dans l’autre. Un rapport de l’Apave sur les 13, 14 et 15 janvier 2003 qui fait référence au décret de 1996 fixant le seul tolérable à 5 fibres par litre d’air, note que les niveaux d’empoussièrement en fibre d’amiante mesurés sont inférieurs ou égaux aux seuils de référence de 5 fibres par litre d’air dans le local calandre 2, 3 et 5. Ils sont supérieurs au seuil de référence dans le local regarnissage presse et atelier rectification presse. Le rapport conclut qu’il faut donc procédé à un dépoussièrement des locaux sus visés dans les 36 mois. Un autre rapport établi par un organisme dit Norisco au mois d’avril 2003, a relevé des taux beaucoup plus élevés que l’Apave et conclut également à la nécessité d’engager des travaux de dépoussièrement. Ces opérations ont été menées par une société spécialisée. Un procès-verbal du CHSCT reprend ces deux séries de mesures et mentionne que d’autres mesures permettent de vérifier qu’après dépoussiérage, les mesures sont très inférieures au seuil tolérable. Un procès-verbal du CHSCT du mois de novembre 2004 fait état du retrait par l’entreprise des derniers stocks de produits amiantés, joints divers et tresses, aux magasins et à la chaufferie qui a été effectué le 23 novembre. Il indique que deux autres sites, seront démantelés d’ici la fin de l’année. En l’espèce, il a été rappelé que l’usine de Rottersac au sein de laquelle travaillait le salarié a été classée comme pouvant ouvrir droit à l’ACAATA le 19 mars 2001 pour les salariés ayant été exposés au risque de l’amiante de 1956 à 1997. Il est indéniable que le salarié a travaillé dans cette usine sur la période concernée. Il sera également rappelé que devant la Cour, le salarié n’entend pas faire requalifier la manière dont son contrat de travail a été rompu ni demander un revenu de substitution mais seulement faire réparer un dommage dont il s’estime victime… En instituant l’ACAATA, les pouvoirs publics ont entendu créer un dispositif dont Mme Y…, alors ministre de la santé a indiqué qu’il était destiné à essayer « de réparer le drame qui trappe les victimes de l’amiante dont chacun sait que l’espérance de vie de ces salariés notamment ceux qui ont été exposés à de forts taux d’empoussièrement est fortement réduite. Le bénéfice de la retraite s’épuisera plus vite pour eux que pour toutes les autres catégories de la population ». Il ressort clairement des articles 41 et suivants de la loi du 23 décembre 1998 que l’ACAATA est une réponse collective et générale à un état de fait constaté objectivement dans le monde industriel »sans qu’il soit fait référence au comportement de l’employeur, la période d’exposition retenue à partir d~l’almée 1956 manifestant cette volonté d’appréhender une situation en dehors de la recherche d’une responsabilité pour faute de l’employeur. En l’espèce, il ressort des développements faits cidessus qu’en dehors de la situation d’exposition aux risques ayant ouvert le droit à l’ACAATA, les dirigeants de l’usine de Rottersac, en étant peu diligents sur la mise en oeuvre de la réglementation spécifique de 1977, en faisant le choix conscient et volontaire de l’utilisation de papier amianté par rapport à d’autres supports en 1990, en ne mettant pas en oeuvre toutes les protections individuelles et collectives préconisées, notamment sur les année de 1990 à 1996 n’ont pas exécuté correctement l’obligation de sécurité qui pesait sur eux, cette violation de leurs obligations étant d’autant plus caractérisée qu’ ils ne pouvaient ignorer le danger auquel ils exposaient leurs salariés. S’il est exact que cette obligation de sécurité de l’employeur doit s’analyser comme une obligation de résultat, en raison des exigences qu’elle lui impose, il ne peut s’en déduire qu’elle doit être considérée comme remplie dès lors que le salarié termine son contrat de travail sans avoir déclaré une maladie professionnelIe. En l’espèce, tenir un tel raisonnement aboutit à méconnaître le fait que les affections liées à l’amiante peuvent ne se révéler qu’au bout de plusieurs années. Les dirigeants de l’usine de Rottersac ne peuvent donc se prévaloir du fait que le salarié qui a demandé à bénéficier de l’ACAATA, n’était pas atteint d’une maladie liée à l’amiante. En réalité, le comportement fautif de l’employeur a nécessairement induit pour le salarié un préjudice lié au fait qu’une grande partie de son contrat de travail s’est exécutée dans une entreprise où la direction alors en place ne s’est pas acquittée de ses obligations de sécurité. Il a été rappelé que l’institution de l’ACAATA était destinée à prendre en charge une situation dans laquelle la faute de l’employeur n’avait pas à être caractérisée. En l’occurrence, un des éléments du préjudice réalisé et subi aujourd’hui par le salarié repose dans le fait qu’il n’a pu prétendre au déroulement d’une vie professionnelle normale, en raison à la fois d’une situation objective d’exposition à un risque industriel dont un mode de réparation réside dans le bénéfice de l’ACAATA et d’une mise en danger aggravée par le comportement fautif de l’employeur. Si l’ACAATA par les dispositions législatives qui la créent met obstacle à la perception d’un revenu de complément, en revanche, elle ne peut par elle-même exonérer l’employeur fautif des conséquences d’une exécution fautive du contrat de travail. Le salarié a fait le choix de demander la réparation du préjudice que lui causait un départ anticipé à la retraite accompagné d’une diminution de revenus significative, constituant une perte de chance de mener à son terme une carrière professionnelle normale. Ce préjudice est effectivement caractérisé, et l’argumentation de l’employeur soutenant que l’ancien salarié a créé lui même cette situation et ne peut donc en demander réparation ne saurait prospérer, le fait de bénéficier de l’ACAATA ne pouvant avoir pour effet de priver le salarié qui a caractérisé l’existence de manquements particuliers de son employeur à son obligation de sécurité d’en obtenir une réparation spécifique, du fait des décisions qu’il a pu être amené à prendre pour se prémunir au mieux des dangers subis et de l’anxiété que ses conditions de travail ont généré chez lui. La demande du salarié est recevable et bien fondée. En cause d’appel l’ancien salarié réclame au titre du préjudice subi pour la perte de chance d’avoir pu mener une carrière professionnelle jusqu’à son terme normal, une somme de (…). En réalité, cette somme correspond à la perte de revenus liée à la cessation d’activité du salarié, calculée par la société Ahlstrom Label Pack et ne peut donc être retenue pour caractériser Je préjudice subi du fait d’une perte de chance. La Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à (…) les dommages-intérêts dus de ce chef. Le salarié demande également l’allocation d’une somme de (…) au titre du préjudice d’anxiété. Il est indéniable que la légèreté par l’employeur dans la mise en oeuvre de son obligation de sécurité alors qu’il devait en assurer l’effectivité, n’a pu que majorer l’inquiétude dans laquelle vit le salarié qui redoute à tout moment de voir se révéler une maladie liée à l’amiante et qui doit se plier à des contrôles et des examens réguliers qui par eux-mêmes réactivent cette angoisse. La Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer (…) les dommages-intérêts dus de ce chef » ;
ALORS D’UNE PART QUE l’employeur étant tenu à une obligation de sécurité de résultat, la simple exposition au risque, sans atteinte à l’intégrité physique du salarié, ne correspond pas au fait générateur de la responsabilité et ne justifie pas la réparation d’un préjudice matériel ; qu’en affirmant que toute violation par l’employeur de ses obligations en matière de sécurité entraînerait l’ouverture d’un droit à dommages-intérêts (p.6), et en constatant que le salarié avait terminé son contrat sans avoir déclaré de maladie professionnelle (p.11), la Cour de BORDEAUX qui retient la responsabilité de la société AHLSTROM au seul prétexte qu’une affection liée à l’amiante pourrait se révéler au bout de plusieurs années (id.loc) viole ensemble les articles 2131-1 et 4221-1 du Code du Travail ;
ALORS, D’AUTRE PART, QUE selon la Cour d’appel le préjudice réparable résulterait « d’une situation objective d’exposition à un risque industriel » et d’ « une mise en danger aggravée » amenant le salarié à prendre des décisions abrégeant sa carrière, même en l’absence de maladie déclarée (p.11) ; que cependant la soumission à un risque de préjudice n’est pas en elle-même réparable et qu’en l’absence de préjudice actuel est certain, aucune réparation n’est due ; que dès lors en retenant la responsabilité de la société AHLSTROM sur la base d’un préjudice éventuel, la Cour d’appel viole les articles 2131-1 et 4221-1 du Code du Travail et l’article 1147 du Code Civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE les salariés ayant opté pour les dispositions de l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 ont pour caractéristiques communes de n’être plus exposés à des poussières d’amiante, de ne subir les conséquences d’aucune maladie déclarée et d’être assurés de bénéficier du régime protecteur prévu par les articles 461-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale au cas où une maladie professionnelle se déclarerait ; qu’en considération du risque collectif d’une réduction de leur espérance de vie, dont la survenance reste individuellement aléatoire, les dispositions précitées de la loi du 23 décembre 1998 leur offrent la possibilité de choisir entre une préretraite à partir de 50 ans, assortie d’une retraite à taux plein à compter de l’âge légal, ou une poursuite de la relation de travail jusqu’à l’âge légal, cette dernière incluant éventuellement des perspectives professionnelles favorables ; que l’aléa chasse la lésion ; qu’en prétendant cependant déduire l’existence d’un préjudice indemnisable en droit commun d’un tel choix de « départ en préretraite accompagné d’une diminution de revenus significative, constituant une perte de chance » (p.11), la Cour d’appel a méconnu le principe susvisé et ensemble l’article 1147 du Code Civil et L.2131 du Code du Travail ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE la diminution des revenus du salarié et la perte de chance de poursuivre une carrière normale sont les effets directs du dispositif ACAATA qui, non seulement détermine le montant de l’allocation perçue par l’intéressé mais encore l’oblige à démissionner et lui fait interdiction de poursuivre une activité professionnelle quelconque ; que dès lors la Cour d’Appel – qui constate que l’intéressé a pris une « option » et qui n’était saisie d’aucune demande de requalification de la manière dont le contrat de travail a été rompu – n’a nullement caractérisé l’existence d’un lien de causalité entre la faute invoquée et le préjudice réparé, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard de l’article 1147 du Code Civil ;
ALORS, DE CINQUIEME PART, ET TRES SUBSIDIAIREMENT QUE la Cour de BORDEAUX qui octroie des sommes importantes pour réparer la « perte de chance » de poursuivre une carrière découlant de « la crainte de se voir révéler une maladie », sans faire aucune référence aux compensations collectives obtenues en vertu du régime ACAATA susvisé, ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s’assurer de l’existence ou de la persistance d’un préjudice résiduel lié à l’aléa, privant ainsi sa décision de toute base légale au regard des articles 2131-1 du Code du Travail et 1147 du Code Civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
(prétendu préjudice d’anxiété)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société AHLSTROM LABELPACK à verser une somme distincte de dommagesintérêts au titre d’un préjudice d’anxiété ;
AUX MOTIFS QUE « s’il est exact que cette obligation de sécurité de l’employeur doit s’analyser comme une obligation de résultat, en raison des exigences qu’elle lui impose, il ne peut s’en déduire qu’elle doit être considérée comme remplie dès lors que le salarié termine son contrat de travail sans avoir déclaré une maladie professionnelle ; qu’en l’espèce, tenir un tel raisonnement aboutit à méconnaître le fait que les affections liées à l’amiante peuvent ne se révéler qu’au bout de plusieurs années ; que les dirigeants de l’usine de Rottersac ne peuvent donc se prévaloir du fait que le salarié qui a demandé à bénéficier de l’ACAATA, n’était pas atteint d’une maladie liée à l’amiante ; qu’en réalité, le comportement fautif de l’employeur a nécessairement induit pour le salarié un préjudice lié au fait qu’une grande partie de son contrat de travail s’est exécutée dans une entreprise où la direction alors en place ne s’est pas acquittée de ses obligations de sécurité ; … qu’en l’occurrence un des éléments du préjudice réalisé et subi aujourd’hui par le salarié repose dans le fait qu’il n’a pu prétendre au déroulement d’une vie professionnelle normale, en raison à la fois d’une situation objective d’exposition à un risque industriel dont un mode de réparation réside dans le bénéfice de l’ACAATA et d’une mise en danger aggravée par le comportement fautif de l’employeur ; … ; que le préjudice est effectivement caractérisé, et l’argumentation de l’employeur soutenant que le salarié a créé lui-même cette situation et ne peut donc en demander réparation ne saurait prospérer, le fait de bénéficier de l’ACAATA ne pouvant avoir pour effet de priver le salarié qui a caractérisé l’existence de manquements particuliers de son employeur à son obligation de sécurité d’en obtenir une réparation spécifique, du fait des décisions qu’il a pu être amené à prendre pour se prémunir au mieux des dangers subis et de l’anxiété que ses conditions de travail ont généré chez lui ; que la demande du salarié est recevable et bien fondée » (p.11) et que « le salarié demande également l’allocation d’une somme de (…) au titre du préjudice d’anxiété ; qu’il est indéniable que la légèreté mise par l’employeur dans la mise en oeuvre de son obligation de sécurité alors qu’il devait en assurer l’effectivité, n’a pu que majorer l’inquiétude dans laquelle vit le salarié qui redoute à tout moment de voir se révéler une maladie liée à l’amiante et qui doit se plier à des contrôles et des examens réguliers qui par euxmêmes réactivent cette angoisse ; que la Cour dispose des éléments suffisants pour évaluer à (…) les dommages-intérêts dus de ce chef » (p.12) ;
ALORS, D’UNE PART, QUE l’existence d’un risque non réalisé se confond avec l’anxiété que ce risque peut générer de sorte qu’en allouant une réparation distincte de ce chef, la Cour d’appel qui assimile à tort le bénéfice d’une surveillance médicale post-professionnelle facultative à une prétendue « obligation de se plier à des contrôles » et qui ne caractérise pas ainsi l’existence d’un élément objectif distinct de l’angoisse, ne justifie pas légalement sa décision tant au regard de l’article 1147 du Code civil que de l’article 81 de la loi du 19 décembre 2005 sur le financement de la Sécurité Sociale ;
ALORS, D’AUTRE PART QUE si l’anxiété suscitée par l’exposition au risque constituait un trouble psychologique suffisamment caractérisé pour appeler une « réparation spécifique », il ne saurait être pris en charge que dans les conditions prévues par les articles 451-1 et 461-1 et 461-2 du Code de la Sécurité Sociale ; qu’à défaut de la moindre demande formulée par le demandeur au titre d’une quelconque maladie professionnelle, la Cour d’appel ne pouvait transférer l’indemnisation d’un tel trouble sur l’entreprise et qu’en statuant comme elle l’a fait, elle a violé les textes susvisés.