Recueil des arrêts du Conseil d’Etat 1896, p. 262
75,662.-13 mars. Ville de Paris c. Ministre de la guerre.-MM Teissier, rap.; Romieu, c. Du g.; Arbelet et Nivard, av.
Vu la requête présentée pour la ville de Paris… tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler – une décision en date du 18 août 1890, par laquelle le Min. de la guerre a opposé la déchéance de la loi du 29 janv. 1831 à la réclamation qui lui était faite d’une somme de 11,056 francs, montant de frais de viabilité dus par l’Etat à raison d’un immeuble sis à Paris, rue de la Tombe-Issoire ; – Ce faisant, attendu que la somme dont s’agit représente une taxe de pavage constituant une charge réelle de la propriété ; – que cette taxe était recouvrable en la forme des contributions directes dans un délai de dix années à partir de l’émission du rôle ; – que la déchéance de la loi du 29 janv. 1831 ne saurait être appliquée à une créance de cette nature ; – que ce texte se réfère aux dépenses prévues au budget pour lesquelles des crédits ont été ouverts à cet effet, qui nécessitent une liquidation et un ordonnancement et non aux dettes qui incombent à l’Etat en sa qualité de propriétaire ; – que, même en admettant l’application de la déchéance à la créance de la ville, cette déchéance ne serait pas encourue ; – qu’en effet, l’action en recouvrement n’a pris naissance au profit de la ville que lors de l’approbation du rôle de répartition par l’arrêté préfectoral du 20 août 1887; – dire que la déchéance n’est pas opposable à la réclamation ; – ordonner le paiement de la somme de 11,056 francs avec intérêts de droit, s’il y a lieu, et condamner l’Etat aux dépens ;
Vu les observations en défense présentées par le Min. de la guerre ;
Vu le décret du 23 mai 1863 ;
Vu la loi du 29 janv. 1831 ;
Vu les lois des 18 juil. 1837 et 25 juin 1841 ;
Sur le moyen tiré de ce que la déchéance édictée par l’art. 9 de la loi du 29 janv. 1831 ne serait pas applicable aux dettes constituant une charge réelle des immeubles appartenant à l’Etat : – Considérant qu’aux termes de l’art. 9 de la loi du 29 janv. 1831, sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l’Etat toutes créances qui, n’ayant pas été acquittées avant la clôture de l’exercice auquel elles appartiennent, n’auraient pu, à défaut de justification suffisantes, être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de cinq années à partir de l’ouverture de l’exercice pour les créanciers domiciliés en Europe ; que cette disposition est générale et exclut toute distinction entre les dettes de l’Etat quelles qu’en soient les causes et la nature ;
Sur le moyen tiré de ce que, même en admettant l’application dans la cause de l’art. 9 de la loi de 1831, la ville n’aurait pu encourir la déchéance : – Cons. que, si les frais de pavage sont recouvrés comme en matière de contrib. dir., ils constituent, à la charge des propriétaires riverains, une dette qui a pris naissance au moment de l’achèvement des travaux et non au jour de l’émission du rôle dressé uniquement en vue d’en effectuer le recouvrement ; que, par suite, c’est à partir du 1er janvier de l’exercice pendant lequel les travaux ont été terminés que doit courir le délai de cinq ans à l’expiration duquel toutes les dettes de l’Etat sont définitivement éteintes ;
Cons. qu’il résulte de l’instruction que la taxe dont s’agit a été réclamée à raison des travaux de viabilité effectués rue de la Tombe-Issoire et terminés dans le courant de l’année 1877 ; qu’ainsi la créance dont la ville de Paris poursuit le remboursement remonte à l’exercice 1877 ; – que c’est seulement à la date du 20 août 1887 que le rôle a été rendu exécutoire par un arrêté du préfet de la Seine ; qu’à cette date la déchéance de la loi du 29 janv. 1831 était déjà encourue au profit de l’État ; que, dès lors, c’est à von droit que le Min. De la guerre a opposé cette déchéance à la réclamation de la ville de Paris … (Rejet.)