Vu LA REQUÊTE présentée pour le sieur Louis Ballande,… et tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler pour excès de pouvoir un arrêté en date du 20 déc. 1901, par lequel le gouverneur de la Nouvelle-Calédonie a maintenu comme adjudicataire définitif d’une fourniture de ciment destinée au service des travaux publics de la colonie le sieur Berthelin, adjudicataire provisoire — Ce faire, attendu que, conformément aux prescriptions du cahier des conditions particulières, les échantillons remis par les sieurs Berthelin et Ballande, dont les soumissions remplissaient les conditions fixées par le gouverneur en vertu des dispositions de l’art. 24, § 9, des conditions générales du 18 févr. 1895, ont été soumis à l’examen de la commission chargée des essais préalables; que les essais auxquels il a été procédé par cette commission ont été défavorables au sieur Berthelin et que, s’il n’en a pas moins été déclaré adjudicataire provisoire, c’est qu’après avoir eu connaissance des résultats de ces essais il s’est engagé par écrit à fournir du ciment de première qualité ; qu’il a été ainsi porté atteinte au principe de la libre concurrence et que, dès lors, le gouverneur n’a pu, sans excéder ses pouvoirs, maintenir le sieur Berthelin comme adjudicataire définitif ;
Vu le mémoire en intervention présenté pour la colonie de la Nouvelle-Calédonie tendant au rejet du pourvoi avec dépens par les motifs qu’il n’est pas recevable ; qu’en effet, l’échantillon remis par le sieur Ballande à la commission chargée des essais préalables n’était pas plus conforme aux exigences du cahier des charges que celui du sieur Berthelin; que, dès lors, le sieur Ballande n’aurait pu être déclaré adjudicataire aux lieu et place du sieur Berthelin, dont il demande l’éviction, et qu’ainsi son action manque de base légale par suite de défaut d’intérêt ;
Vu les observations présentées par le ministre des colonies, tendant au rejet du pourvoi, par les motifs qu’il n’est pas recevable, s’agissant uniquement de l’inobservation d’une clause prévue dans l’intérêt de l’Administration et étrangère aux rapports des soumissionnaires entre eux, et qu’il n’est pas davantage fondé, le gouverneur pouvant à juste titre déclarer adjudicataire celui des deux concurrents qui avait offert le prix le plus bas, alors qu’aucun des échantillons soumis à la commission chargée des essais préalables ne remplissait absolument les conditions fixées par le cahier des charges ;
Vu le mémoire en réplique présenté pour le sieur Louis Ballande, ledit mémoire tendant aux mêmes fins que sa requête susvisée par le motif que tout soumissionnaire est recevable à demander la nullité d’une adjudication lorsque l’Administration a formulé les conditions auxquelles elle serait soumise et a par là même pris l’engagement de faire respecter les formes prescrites à l’égard de tous les candidats;
Vu (la loi du 24 mai 1872; le décret-du 2 nov. 1864) ;
Sur l’intervention de la colonie de la Nouvelle-Calédonie : — Cons. que la colonie a intérêt au maintien de l’arrêté attaqué; que, dès lors, son intervention est recevable ;
Sur la requête du sieur Ballande : — Cons., d’une part, que le sieur Ballande, qui a été admis à prendre part à l’adjudication, est recevable à discuter l’acte par lequel le gouverneur a maintenu comme adjudicataire définitif le sieur Berthelin déclaré adjudicataire provisoire par la commission d’adjudication ;
Cons., d’autre part, qu’il résulte des pièces du dossier que la commission avait décidé, conformément aux prescriptions du cahier des conditions particulières, que l’adjudication ne serait prononcée que lorsque les échantillons présentés par les sieurs Ballande et Berthelin auraient été soumis aux épreuves prescrites par l’art. 1 du cahier des conditions particulières ; que le procès-verbal dressé par la commission chargée de procéder à ces épreuves constate que l’échantillon remis par le sieur Berthelin ne satisfaisait pas aux stipulations du marché ; que, dès lors, c’est à tort que le sieur Berthelin a été proclamé adjudicataire et qu’ainsi le sieur Ballande, son concurrent, est fondé à demander l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté, par lequel le gouverneur a approuvé cette proclamation ;
Sur les frais de timbre et d’enregistrement du pourvoi : — Cons. Que dans les circonstances de l’affaire, il y a lieu de mettre à la charge de la colonie les frais de timbre et d’enregistrement exposés par le sieur Ballande;… (L’intervention de la colonie de la Nouvelle-Calédonie est admise ; l’arrêté du gouverneur de la Nouvelle-Calédonie, en date du 20déc. 1901, est annulé ; les frais de timbre et d’enregistrement exposés par le sieur Ballande seront supportés par la colonie de la Nouvelle-Calédonie).


