Conseil d’Etat
statuant
au contentieux
N° 250482
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
7EME ET 2EME SOUS-SECTIONS REUNIES
M. Robineau, président
M. Frédéric Lenica, rapporteur
M. Le Chatelier, commissaire du gouvernement
SCP VIER, BARTHELEMY ; ODENT, avocats
lecture du lundi 23 février 2004
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 septembre 2002 et 8 janvier 2003, présentés pour la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS LOUDUNAIS, dont le siège est situé à l’Hôtel de Ville, …, représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS LOUDUNAIS demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 23 juillet 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté son appel dirigé contre les jugements des 20 septembre 2001 et 7 novembre 2001 par lesquels le tribunal administratif de Poitiers a annulé la délibération du 11 décembre 2000 par laquelle le conseil de la communauté de communes a autorisé son président à passer un contrat de maîtrise d’oeuvre avec l’agence Laming en vue de la réalisation d’un parc de loisirs en forêt de Scévolles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des marchés publics dans sa rédaction antérieure au décret du 7 mars 2001 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Lenica, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Odent, avocat de la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS LOUDUNAIS et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de l’association Transparence,
– les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que pour reconnaître un intérêt conférant qualité pour agir à l’association Transparence contre la délibération du 11 décembre 2000 par laquelle la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS LOUDUNAIS a autorisé son président à passer un marché de maîtrise d’oeuvre avec l’agence Laming en vue de la réalisation d’un parc de loisirs en forêt de Scévolles, la cour, après avoir cité l’objet social de l’association, a relevé que cette dernière regroupait des contribuables locaux et que son siège était situé dans une commune limitrophe de celle dont le territoire accueillerait le projet ; qu’en prenant en compte ces deux derniers éléments, sans borner son examen à l’objet social de l’association, pour apprécier si celle-ci disposait d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre la délibération litigieuse, la cour a inexactement appliqué les règles relatives à l’intérêt pour agir ; qu’il suit de là que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS LOUDUNAIS est fondée à demander, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de sa requête, l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision statuant en dernier ressort, peut régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’objet social de l’association Transparence, tel qu’il est défini à l’article 2 de ses statuts, est a) de mener toute action pour la défense tant morale que patrimoniale de ses membres ; b) d’informer ses membres sur le principe de transparence édicté par les institutions nationales et internationales et sa mise en oeuvre ; c) et en particulier : 1) d’assurer et de s’assurer du respect des choix culturels et artistiques des bailleurs de fonds s’investissant dans la restauration historique et autres travaux concernant le patrimoine et l’environnement, 2) entreprendre et concourir aux actions de toute nature, par tous moyens… pour s’assurer du respect des procédures d’engagement des dépenses publiques, dont les subventions… notamment si elles risquent d’entraîner un alourdissement de la dépense publique ; qu’eu égard d’une part à la généralité de son objet et d’autre part à son champ d’action qui, faute de toute précision dans les statuts, ne peut être regardé que comme national, l’association requérante ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de la délibération, aux effets exclusivement locaux, adoptée le 11 décembre 2000 par la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS LOUDUNAIS ; qu’ainsi la demande présentée par l’association Transparence devant le tribunal administratif de Poitiers n’était pas recevable ; que, dès lors, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS LOUDUNAIS est fondée à soutenir que c’est à tort que, par ses jugements des 20 septembre 2001 et 7 novembre 2001, le tribunal administratif de Poitiers, après avoir reconnu l’intérêt pour agir de l’association, a annulé la délibération litigieuse ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS LOUDUNAIS, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à verser à l’association Transparence la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu en revanche de faire droit à la demande présentée par la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS LOUDUNAIS et de condamner l’association Transparence à lui verser la somme de 2 500 euros en application des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux en date du 23 juillet 2002 est annulé.
Article 2 : Les jugements du tribunal administratif de Poitiers en date des 20 septembre 2001 et 7 novembre 2001 sont annulés.
Article 3 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Poitiers par l’association Transparence est rejetée.
Article 4 : L’association Transparence versera à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS LOUDUNAIS la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de l’association Transparence tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNAUTE DE COMMUNES DU PAYS LOUDUNAIS, à l’association Transparence et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.
Analyse
Abstrats : 54-01-04-01-02 PROCÉDURE – INTRODUCTION DE L’INSTANCE – INTÉRÊT POUR AGIR – ABSENCE D’INTÉRÊT – SYNDICATS, GROUPEMENTS ET ASSOCIATIONS – ASSOCIATION DONT L’OBJET EST DÉFINI EN DES TERMES TRÈS GÉNÉRAUX ET DONT LE CHAMP D’ACTION, FAUTE DE TOUTE PRÉCISION DANS LES STATUTS, NE PEUT ÊTRE REGARDÉ QUE COMME NATIONAL – DÉLIBÉRATION, AUX EFFETS PUREMENT LOCAUX, AUTORISANT LA SIGNATURE D’UN MARCHÉ DE MAÎTRISE D’OEUVRE.
54-08-02-02-01-01 PROCÉDURE – VOIES DE RECOURS – CASSATION – CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION – RÉGULARITÉ INTERNE – ERREUR DE DROIT – APPRÉCIATION DE L’INTÉRÊT À AGIR DU REQUÉRANT – ASSOCIATION – PRISE EN COMPTE D’AUTRES ÉLÉMENTS QUE LE SEUL OBJET SOCIAL.
Résumé : 54-01-04-01-02 Eu égard à la généralité de son objet, qui est d’entreprendre et concourir aux actions de toute nature, par tous moyens… pour s’assurer du respect des procédures d’engagement des dépenses publiques, et à son champ d’action, qui faute de toute précision dans les statuts, ne peut être regardé que comme national, l’association requérante ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation d’une délibération, aux effets purement locaux, autorisant la signature d’un marché de maîtrise d’oeuvre.
54-08-02-02-01-01 Commet une erreur de droit la cour qui, faisant une inexacte application des règles relatives à l’intérêt pour agir, prend en compte, pour déterminer l’intérêt pour agir d’une association, des éléments relatifs aux membres qui la composent ou à la localisation géographique de son siège, sans s’en tenir à son seul objet social.