RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
– X… Joseph, dit José,
– Y… René,
– Z… Dominique,
contre l’arrêt de la cour d’appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 20 décembre 2001, qui, pour dégradation du bien d’autrui en réunion, avec effraction et, s’agissant des deux premiers, en récidive, a condamné José X… et René Y…, à 6 mois d’emprisonnement et 50 000 francs d’amende, et Dominique Z…, à 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 25 000 francs d’amende, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 5 novembre 2002 où étaient présents : M. Cotte président, M. Desportes conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, Mazars, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Ponsot, Valat, Mme Menotti conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Finielz ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de Me ROUE-VILLENEUVE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FINIELZ ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-7 du Code pénal, 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, 1er du protocole additionnel n 1 à ladite Convention, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré José X…, René Y… et Dominique Z… coupables du délit de dégradation en réunion avec pénétration par effraction, et les a condamnés de ce chef, en les condamnant également à verser diverses sommes aux parties civiles ;
« aux motifs propres et adoptés que les plants détruits étaient expérimentés dans une serre de confinement et non disséminés dans la nature ; que, s’agissant de l’expérience portant sur 1 440 plants de riz génétiquement modifiés, l’autorisation de dissémination excluait expressément une commercialisation à court ou à moyen terme, de sorte que les prévenus ne sont pas fondés à invoquer l’existence d’un danger au sens de l’article 122-7 du Code pénal ; que les prévenus disposaient de nombreux moyens d’expression dans une société démocratique, autres que la destruction des plants de riz, pour faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics, et ne peuvent, dès lors, invoquer l’état de nécessité ; que les prévenus ne peuvent pas davantage invoquer l’article 8 de la Convention européenne, dès lors que l’article 1er du Protocole additionnel du 20 mars 1952, disposant que toute personne a droit au respect de ses biens, est issu de la même norme supranationale, de sorte que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme doit être appliqué en respectant l’article 1er du Protocole additionnel à cette Convention ;
« alors, d’une part, que l’état de nécessité est caractérisé par la situation dans laquelle se trouve une personne qui, en présence d’un danger et pour sauvegarder un intérêt supérieur, n’a d’autre ressource que d’accomplir un acte défendu par la loi pénale ;
qu’en excluant tout danger au motif que les plants détruits étaient expérimentés dans une serre de confinement et non disséminés dans la nature (arrêt page 14, 4), tout en constatant, par des motifs expressément adoptés, qu’une expérience portant sur 1 440 plants de riz génétiquement modifiés prévoyait une dissémination dans l’environnement à proximité d’Arles (jugement pages 18/19), la cour d’appel a statué par des motifs contradictoires ;
« alors, d’autre part, qu’en se bornant, pour écarter la nécessité impérieuse de commettre l’infraction retenue, à énoncer, par un motif d’ordre général, que les prévenus disposaient de nombreux moyens d’expression dans une société démocratique pour faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics, sans s’expliquer sur les conclusions d’appel des prévenus, faisant valoir (page 4, 1-5) que l’absence totale de transparence, voulue par les pouvoirs publics, qui entourait les opérations de culture expérimentale des OGM, c’est-à-dire l’impossibilité d’un débat public sur cette question, avait rendu nécessaire l’action engagée le 5 juin 1999, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;
« alors, enfin, que, si l’article 1er du Protocole additionnel n 1 à la Convention européenne des droits de l’homme garantit à toute personne le droit au respect de ses biens, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, qui comprend le droit pour toute personne à vivre dans un environnement sain ; qu’en affirmant que les prévenus ne pouvaient se prévaloir d’un tel droit, au motif que l’article 8 de la Convention européenne devait être appliqué en respectant l’article 1er du Protocole additionnel n 1, au lieu de rechercher, les droits résultant des deux textes étant de valeur égale mais pouvant supporter certaines restrictions, si, en l’espèce, la nécessaire sauvegarde de la santé publique permettait, ou non, d’apporter une restriction à l’exercice du droit au respect de la propriété, la cour d’appel a violé les textes susvisés » ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et du jugement auquel il se réfère que plusieurs personnes, parmi lesquelles José X…, René Y… et Dominique Z…, ont pénétré, après avoir brisé la porte, dans une serre de confinement appartenant au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), où elles ont détruit plusieurs milliers de plants de riz génétiquement modifiés qui y étaient cultivés à des fins expérimentales;
qu’à la suite de ces faits, les intéressés ont été poursuivis, sur le fondement des articles 322-1, 322-3, 1 et 5 , et 132-10 du Code pénal du chef de destruction ou dégradation du bien d’autrui en réunion, commis dans un entrepôt après effraction et, s’agissant de José X… et René Y…, en récidive ;
Attendu que, devant les juges du fond, les prévenus ont invoqué le bénéfice de la cause d’irresponsabilité prévue par l’article 122-7 du Code pénal, faisant valoir que leurs agissements étaient justifiés par le risque pour la santé et l’environnement que présentaient des organismes génétiquement modifiés et par la nécessité d’alerter sur ce point l’opinion publique ; qu’ils ont également soutenu que les poursuites engagées à leur encontre étaient contraires à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation et retenir la culpabilité des prévenus, les juges du second degré retiennent, par les motifs propres et adoptés partiellement reproduits au moyen, qu’aucune des conditions de l’état de nécessité n’est remplie en l’espèce et que les dispositions conventionnelles précitées ne peuvent être utilement invoquées pour justifier le délit reproché ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs exempts d’insuffisance et de contradiction, les juges ont justifié leur décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-10 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs ;
« en ce que l’arrêt attaqué a condamné José X… et René Y…, en état de récidive légale, à la peine de six mois d’emprisonnement ;
« aux motifs que José X… et René Y… ont déjà été condamnés pour des destructions en réunion et avec effraction, à l’usine Novartis de Nerac, le 8 janvier 1998, de maïs transgéniques, à une peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis, et se trouvent en état de récidive légale visé à la prévention ;
« alors qu’en se bornant, pour prononcer une peine d’emprisonnement ferme au motif de l’état de récidive légale, à énoncer que José X… et René Y… ont déjà été condamnés, pour des faits de destruction en réunion et avec effraction commis le 8 janvier 1998, à une peine de huit mois d’emprisonnement avec sursis, sans préciser ni la juridiction qui a prononcé cette peine, ni la date du jugement, ni si le jugement a acquis un caractère définitif, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que les conditions légales de la récidive étaient réunies ;
qu’il s’ensuit que l’arrêt attaqué a violé les textes susvisés » ;
Attendu que José X… et René Y… ne sauraient faire grief à l’arrêt attaqué de n’avoir pas précisé la date de la condamnation constituant le premier terme de la récidive et la juridiction l’ayant prononcée, dès lors qu’ils ont été déclarés coupables dans les termes de la prévention, laquelle retenait qu’ils avaient commis les faits reprochés en état de récidive pour avoir été condamnés le 18 février 1998 par le tribunal correctionnel d’Agen pour le même délit ;
Attendu que, par ailleurs, n’ayant pas contesté devant les juges du fond le caractère définitif de cette condamnation, ils ne sauraient être admis à le faire pour la première fois devant la Cour de Cassation ;
D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
CONDAMNE solidairement les demandeurs à payer à chacune des parties civiles, le CIRAD, Jean-Christophe Breitler et Laura Vila Ujaldon, une somme de 1 000 euros au titre de l’article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf novembre deux mille deux ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;