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Conclusions Romieu sur CE 31 mai 1907, Deplanque c. Conseil de préfecture des Ardennes

Citer : Jean Romieu, 'Conclusions Romieu sur CE 31 mai 1907, Deplanque c. Conseil de préfecture des Ardennes, ' : Revue générale du droit on line, 1907, numéro 69467 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=69467)


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Décision(s) commentée(s):
  • Conseil d’Etat, 31 mai 1907, Deplanque c/ Ville de Nouzon, publié au recueil

Le sieur Deplanque a été, le 11 nov. 1897, agréé comme successeur des sieurs Magnier et autres, concessionnaires de l’éclairage par l’électricité dans la ville de Nouzon. La ville s’est plainte de ce que le sieur Deplanque exécutait mal les obligations de son traité, de ce qu’au bout de plusieurs années, l’éclairage était toujours défectueux, les approvisionnements insuffisants et elle a, le 8 déc. 1903, demandé au conseil de préfecture la résiliation ou la mise en règle de l’entreprise, et la condamnation du sieur Deplanque à des dommages-intérêts.

Le conseil de préfecture, par un arrêté en date du 10 mars 1904, a rejeté la demande de la ville tendant à la mise en régie ou à la résiliation, parce que ces mesures devaient, aux termes du cahier des charges, être prononcées par la ville elle-même, suivant une procédure déterminée et qu’il appartenait dès lors pas au juge de le faire à sa place ; mais il a admis qu’en dehors des infractions pour lesquelles le cahier des charges avait prévu des pénalités particulières, il y avait un ensemble de défectuosités dans le service, à raison desquelles la responsabilité du concessionnaire pouvait se trouver engagée dans les termes du droit commun, et l’a condamné de ce chef à 1 000 F de dommages-intérêts envers la ville de Nouzon.

Le sieur Deplanque se pourvoit contre cet arrêté du conseil de préfecture par le motif qu’il n’appartenait pas au conseil de prononcer contre lui une condamnation à des dom­mages-intérêts qui, dans l’espèce, constitue une pénalité non prévue par le cahier des charges.

La question soulevée par ce pourvoi est très importante au point de vue du régime légal des concessions de travaux publics ou de services publics, et elle a un caractère tout à fait général ; elle peut se formuler ainsi : dans un contrat de concession de service public de l’État, des départements, des communes (eaux, gaz, électricité, chemins de fer, tramways, etc.), le conseil de préfecture a-t-il le droit de prononcer une condamnation à des dommages-in­térêts, par application de l’article 1142 du Code civil, pour inexécution des obligations du concessionnaire, en dehors d’une stipulation formelle du contrat prévoyant cette sanction ? La négative a été admise par deux arrêts du Conseil d’État (15 juil. 1881, Syndic de la faillite du chemin de fer d’Orleans à Rouen c. Département d’Eure-et-Loir, p. 699, et 11 janv. 1884, Level c. Département du Pas-de-Calais, p. 39), qui ont été considérés comme ayant fixé la jurisprudence sur ce point et dont la doctrine est la suivante : le cahier des charges d’une concession se suffit à lui-même ; il règle seul les rapports du concédant et du concessionnaire au point de vue de leurs obligations réciproques et des sanctions qu’elles comportent ; les seules pénalités applicables sont celles qu’il prévoit d’une manière explicite ; il n’appartient pas au juge de suppléer au silence du contrat par l’application des regles du droit commun, par exemple de condamner le concessionnaire à des dommages-intérêts à raison d’infractions au contrat, pour lesquelles ce contrat n’avait pas édicté de clauses pénales ; en l’absence de clauses pénales visant une inexécution déterminée, le concédant n’a à sa disposition qu’une seule sanction, c’est la rupture du contrat, c’est-à-dire la déchéance, laquelle seule peut être considérée comme de droit commun dans un contrat de concession.

Messieurs, la doctrine qui ressort des arrêts de 1881 et de 1884 est beaucoup absolue et nous semble commandée par aucun texte ni aucun principe de droit ; elle a en fait des conséquences regrettables, et elle n’est plus en harmonie avec la manière dont la jurisprudence la plus récente paraît comprendre les rapports juridiques entre le concédant et le concessionnaire.

  1. – Il est absolument certain que les rapports des contractants sont régis par les dispositions du contrat de concession : si donc le cahier des charges règle expressément comment seront réprimées telles ou telles infractions au contrat, il n’est pas permis de substituer aux sanctions contractuelles d’autres sanctions, fussent-elles l’application des principes habituels du droit commun. Mais si le contrat, tout en fixant les obligations des parties, a omis de spécifier les sanctions correspondantes, il n’en résulte pas qu’il y ait pas de sanction ; de même, si le contrat a prévu et fixé les sanctions pour certaines irrégularités graves dont il a tenu à spécialement s’occuper, mais n’a pas parlé des sanctions afférentes à d’autres irrégularités, il n’en résultera pas davantage que ces dernières resteront impunies. Toute obligation contractuelle comporte une sanction : à défaut de règles particulières édictées par le contrat, c’est le droit commun qu’il faut appliquer ; pour qu’il en fût autrement, il faudrait une disposition explicite et formelle du contrat. Le droit commun, c’est ou la rupture du contrat, ou la condamnation à des dommages-intérêts, selon la gravité des inexécutions qu’il appartient au juge d’apprécier. Si donc le cahier des charges donne d’une manière générale au concédant le droit de prononcer la déchéance pour inexécution du marché, il ne fait pas par là même obstacle à ce que le juge, pour des infractions à raison desquelles la déchéance serait une mesure trop rigoureuse, se borne à condamner le concessionnaire au paiement d’une indemnité, par application de l’article 1142 du Code civil.
  2. – La théorie opposée, celle qui semble résulter des arrêts de 1881 et de 1884, et qui n’admet pas l’application du droit commun comme sanction des obligations non spécialement réprimées par le contrat, conduit à des conséquences à la fois contraires à l’intérêt du service public et du concessionnaire. Le cahier des charges ne contenant pas, par hypothèse, de clause pénale visant un fait déterminé d’inexécution, l’autorité concédante ne disposerait, pour ramener le concessionnaire à la stricte exécution de ses obligations sur ce point, que de moyens trop rigoureux pour être susceptibles d’être employés en fait ou en droit. La déchéance, en effet, qui est la rupture définitive du contrat (ou même la mise sous séquestre, qui est la prise de possession provisoire par l’administration de la direction du service), est, en matière de concession, une mesure tellement grave, que l’on devra hésiter avant d’y avoir recours. D’une part, en effet, la déchéance ne doit être prononcée que pour des infractions d’une réelle gravité et pourrait être annulée par le juge si on prétendait la rendre applicable à des inexécutions de moindre importance. D’autre part, en supposant que la déchéance ou la mise sous séquestre soit légalement justifiée, elle pourra, dans bien des cas, constituer une sanction trop radicale, trop sévère pour le concessionnaire, trop gênante pour la puissance publique, qui n’aura envie ni de voir le service public désorganisé, ni d’en assumer la direction. Une sanction trop rigoureuse équivaut souvent à l’absence de sanction, et quand on ne dispose que de la peine de mort, on risque l’impunité il ne faut pas que l’administration soit acculée à l’une de ces deux alternatives : l’aveu de son impuissance à obtenir de son concessionnaire l’exécution du contrat, ou la nécessité d’en prononcer la rupture. Si le manquement de service n’a pas une importance telle que le concédant puisse ou veille recourir aux procédés qui l’autorisent d’une manière générale, pour des motifs sérieux, à rompre ou suspendre le contrat, il faut cependant que le respect des obligations contractuelles soit assuré. Il serait également mauvais que la puissance publique fût amenée à des armes aussi redoutables que la déchéance ou le séquestre, ou qu’elle fût conduite, faute de sanction aussi révère, à tolérer des négligences ou des défectuosités dans le fonctionnement du service. Il est donc nécessaire que le juge puisse, dans le silence du cahier des charges et en l’absence de disposition contractuelle nettement contraire, faire appel au droit commun pour assurer une sanction aux obligations du concessionnaire au moyen de condamnations pécuniaires appropriées et variable selon l’importance des infractions constatées. C’est le seul moyen de donner à la collectivité la garantie d’un bon fonctionnement du service, tout en évitant de lancer à la légère des personnes publiques dans les aléas de la déchéance, du séquestre et du rachat.

Nous réservons, bien entendu, le cas où les infractions au contrat se trouveraient en même temps constituer des infractions à des dispositions réglementaires (comme cela arrive pour l’exploitation des chemins de fer, en raison d’une législation spéciale et exceptionnelle) et où, par conséquent, leur répression pourrait être obtenue par la voie générale ; il pourrait alors y avoir certaines distinctions à faire au point de vue de la question qui nous occupe.

III. – Cette introduction du droit commun dans les rapports contractuels entre concédant et concessionnaire – uniquement pour suppléer aux lacunes du contrat de conces­sion – nous paraît nécessaire par le développement des services publics industriels et assez conforme aux tendances de la jurisprudence actuelle. Autrefois, notamment lors des arrêts de 1881 et 1884, les services de cette nature étaient beaucoup moins nombreux qu’aujourd’hui, et l’expérience n’avait peut-être pas encore révélé toutes les difficultés avec lesquelles la pratique de ces vingt dernières années nous a familiarisés. Le contrat de concession appa­raissait alors comme quelque chose d’exceptionnel et de rigide, qui ne comportait l’emploi d’aucun principe de droit civil, ni d’aucune règle autre que celles édictées par le cahier des charges lui-même : on se rend compte aujourd’hui que cette conception trop étroite peut conduire à des impossibilités, et que les rouages de la concession, maniés avec cette inflexibilité, risquent s’éclater. Tout d’abord, on a reconnu au concessionnaire le droit de demander une indemnité au concédant, si les avantages promis par le cahier des charges ne lui ont pas été conférés – et cela était nécessaire, car la résiliation du contrat au profit du concessionnaire ne constituerait pas pour lui une garantie suffisante, puisqu’en matière de concession la résiliation est ruineuse pour le concessionnaire (C. d’Ét., 24 juil. 1885, ville de Vichy, p. 723 ; 16 janv. 1903, Commune de Juvisy, p. 15). Puis l’on a admis de même que, lorsque la puissance publique imposait par voie réglementaire au concessionnaire des obligations excédant les prévisions contractuelles, celui-ci avait également le droit de réclamer une indemnité (C. d’Ét., 23 janv. 1903, Chemins de fer économiques du Nord, p. 61 ).

Voici donc le droit commun appelé à réparer, au profit du concessionnaire, les dommages résultant pour lui d’une exécution incomplète ou défectueuse du contrat, ou d’une intervention de l’administration, qui, même supposée légitime, altère l’équilibre contractuel ; et cette réparation se fait sous forme de dommages-intérêts prononcés par le juge, en dehors de toute clause du cahier des charges, et en vertu des principes généraux du droit. Réciproquement, pourquoi refuserait-on au concédant le droit de faire appel au droit commun pour obtenir du concessionnaire l’exécution intégrale de son marché, dans le cas où le cahier des charges à omis d’édicter les sanctions nécessaires ? Plusieurs arrêts récents semblent l’avoir admis (Voir les arrêts du 15 janv. 1897, Société d’usines à gaz, p. 15 ; du 24 janv. 1902, Gilquin, p. 45, ainsi que la réserve formulée à la fin de l’arrêt du 11 nov. 1905, Département de la Marne). Il y a là une doctrine qui, dans ses deux branches, serait très féconde pour ap­porter plus de souplesse et d’équité dans les rapports entre le concédant et le concessionnaire, et dont l’unité juridique pourrait être exprimée à peu près en ces termes : le cahier des charges de la concession fixe les obligations des parties ; ces obligations doivent avoir une sanction ; lorsqu’il n’a pas été prévu de sanction directement applicable au fait d’inexécution relevé à la charge du concédant ou du concessionnaire, il appartient au juge, sur la demande de la partie lésée, d’édicter une sanction dans les termes du droit commun, c’est-à-dire, selon les circonstances, de prononcer la résiliation du contrat, ou de condamner la partie défaillante au paiement de dommages-intérêts.

  1. – Faisons maintenant application de ces principes à l’espèce actuelle, c’est-à-dire à l’éclairage électrique de la ville de Nouzon.

Voyons d’abord quelles sont les sanctions prévues par le cahier des charges et quelles catégories d’infractions elles visent : 1º au cas où la mise en marche du service au début de la concession n’aurait pas lieu à la date fixée, il y a une clause pénale de 25 F par jour de retard ; 2° pour chaque lampe de l’éclairage public qui ne sera pas allumée, une retenue sera opérée sur le montant mensuel des sommes dues par la ville ; 3° s’il y a interruption complète de l’éclairage pendant trois jours, la ville peut prononcer la mise en régie, et, trente jours après, la déchéance ; 4° pour manque d’approvisionnements, la ville peut également prononcer la mise en régie et, après trois sommations, la déchéance. Dans ces deux derniers cas, on prévoit, en outre, une retenue à forfait sur le cautionnement, à titre de dommages-intérêts.

Quelles sont, d’autre part, les inexécutions relevées par la ville contre son concession­naire ? Les unes, telles que les interruptions ou lacunes dans l’éclairage public, ou le manque d’approvisionnements, rentrent dans les cas que le cahier des charges, comme nous venons de le voir, a spécialement réprimés : on se trouve ici en présence de clauses et de règles précises édictées par le contrat, soit une amende, soit une procédure de régie et de résiliation nettement déterminée ; on ne saurait y substituer une sanction autre que celle dont les parties sont convenues par leur marché, et dès lors c’est avec raison que le conseil de préfecture a re­fusé, de ce chef, de faire droit à la demande de dommages-intérêts formée par la ville ; le droit commun ne peut remplacer les règles contractuelles explicites qui forment la loi des parties. Les autres faits d’inexécutions constatés à la charge du concessionnaire sont, au contraire, des infractions pour lesquelles le contrat, tout en précisant l’obligation, n’a pas fixé la sanction : éclairage public défectueux (non à raison du nombre de becs allumés, ce qui rentrerait dans le deuxième cas prévu, pour lequel on a stipulé une clause pénale, mais à raison de l’insuffisance du voltage et de la machine destinée à le produire), absence des appareils photométriques exigés, défaut d’entretien, nombre d’heures d’éclairage inférieur à celui qui est prescrit. Il y a là une violation d’articles du cahier des charges, d’obligations définies, pour laquelle nous ne trouvons pas dans ce document de sanction correspondante : l’ancienne théorie conduirait à dire que la ville ne peut saisir le juge d’une demande de condamnation pécuniaire fondée sur les articles 1149 et suivants du Code civil, qu’elle n’a d’autres procédés légaux de faire respecter son contrat que la régie ou la déchéance, et que, si les infractions ne sont pas telles que la régie ou la déchéance puisse être prononcée (ce qui pourrait bien être le cas de l’espèce), la ville n’a aucun moyen d’assurer l’exécution de son contrat, lequel sera impunément violé. Nous croyons avoir démontré l’absence de fondement juridique aussi bien que les inconvénients pratiques de cette doctrine, et c’est pourquoi nous estimons que la ville est recevable et fondée à demander au juge la sanction, en vertu du droit commun, des manquements de service que le droit contractuel n’a pas spécialement visés.

Reste la détermination, en fait, du montant de l’indemnité : le conseil de préfecture a condamné le sieur deplanque à payer à la ville de Nouzon une indemnité qu’il a arbitrée à 1 000 F ; ce chiffre n’est contesté sérieusement par aucune des deux parties : vous n’avez donc qu’à le maintenir. Nous ne nous dissimulons pas que cette question de la fixation du chiffre de l’indemnité pourra donner lieu, dans bien des cas, à d’assez sérieuses difficultés : ce sera l’œuvre de la jurisprudence de les résoudre, et l’éventualité de difficultés ne saurait faire échec au principe que nous vous demandons de proclamer aujourd’hui.

Nous concluons en définitive au maintien de l’arrêt du conseil de préfecture, qui a condamné le concessionnaire à payer à la commune une indemnité de 1 000 F pour ne s’être pas acquitté de toutes les obligations de son contrat.

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L'auteur

Jean Romieu

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