NOR : CSCX1108521S
Texte intégral
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 30 décembre 2010 par le Conseil d’État (décision n° 343994 du 30 décembre 2010), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par Mme Marie-Christine D., relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l’article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité ;
Vu les observations produites par le Premier ministre, enregistrées le 25 janvier 2011 ;
Vu les observations produites pour la requérante par Me Jacques Morin, avocat au barreau de Lorient, enregistrées le 26 janvier 2011 ;
Vu les pièces produites et jointes au dossier ;
M. Xavier Pottier, désigné par le Premier ministre, ayant été entendu à l’audience publique du 8 mars 2011 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite : « Lorsqu’il existe une pluralité d’ayants cause de lits différents, la pension définie à l’article L. 38 est divisée en parts égales entre les lits représentés par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension ou par un ou plusieurs orphelins âgés de moins de vingt et un ans. Les enfants naturels sont assimilés à des orphelins légitimes ; ceux nés de la même mère représentent un seul lit. S’il existe des enfants nés du conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension, chacun d’eux a droit à la pension de 10 p. 100 dans les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 40. En cas de pluralité d’orphelins âgés de moins de vingt et un ans d’un même lit non représenté par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension, il leur est fait application du deuxième alinéa de l’article L. 40.
« Si un lit cesse d’être représenté, sa part accroît celle du ou des autres lits » ;
2. Considérant que la requérante fait grief à cette disposition de porter atteinte au principe d’égalité ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La loi… doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;
4. Considérant que l’article L. 38 du code des pensions civiles et militaires de retraite dispose que le conjoint d’un fonctionnaire civil a droit à une pension de réversion égale à 50 % de la pension obtenue par le fonctionnaire ou qu’il aurait pu obtenir le jour de son décès ; que l’article L. 40 dispose que chaque orphelin a droit jusqu’à l’âge de vingt et un ans à une pension égale à 10 % ; que l’article L. 43 définit les droits à la pension de réversion en présence d’une pluralité d’ayants cause de lits différents ; qu’il prévoit, dans ce cas, la division de la pension définie à l’article L. 38 à parts égales entre les lits, que ceux-ci soient représentés par le conjoint survivant ou divorcé ayant droit à pension ou par un ou plusieurs orphelins âgés de moins de vingt et un ans ; que, dans le cas où deux lits au moins sont représentés par un ou plusieurs orphelins, la division à parts égales entre les lits quel que soit le nombre d’enfants qui en sont issus conduit à ce que la part de la pension due à chaque enfant soit fixée en fonction du nombre d’enfants issus de chaque lit ; que la différence de traitement qui en résulte entre les enfants de lits différents n’est pas justifiée au regard de l’objet de la loi qui vise à compenser, en cas de décès d’un fonctionnaire, la perte de revenus subie par chacun de ses ayants cause ; que, par suite, l’article L. 43 doit être déclaré contraire à la Constitution ;
5. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l’article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d’une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d’être remis en cause » ; que, si, en principe, la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l’article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l’abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration ;
6. Considérant que l’abrogation de l’article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite aura pour effet, en faisant disparaître l’inconstitutionnalité constatée, de supprimer les droits reconnus aux orphelins par cet article ; que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d’un pouvoir général d’appréciation de même nature que celui du Parlement ; que, par suite, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2012 la date de l’abrogation de cet article afin de permettre au législateur d’apprécier les suites qu’il convient de donner à cette déclaration d’inconstitutionnalité,
DÉCIDE :
Article 1er.- L’article L. 43 du code des pensions civiles et militaires de retraite est contraire à la Constitution.
Article 2.- La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article 1er prend effet le 1er janvier 2012 dans les conditions fixées au considérant 6.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française et notifiée dans les conditions prévues à l’article 23-11 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 24 mars 2011, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.
Rendu public le 25 mars 2011.