559 • Depuis mars 2010, date d’entrée en vigueur de la QPC, le Conseil constitutionnel peut être saisi du contrôle de la loi a posteriori c’est-à-dire à un moment où la loi, qui s’applique déjà, a pu faire l’objet d’interprétations de la part de la Cour de cassation ou du Conseil d’Etat. Cela pose immanquablement un conflit de compétence dans le rôle de chacun quant à l’interprétation de la loi. Or, la norme effectivement appliquée doit, le plus souvent, plus à l’imagination créatrice des juges qu’à l’intention du législateur. Le contrôle de la loi a posteriori vient alors ici fragiliser les principes d’origine jurisprudentielle ainsi définis par les juges ordinaires puisque le juge constitutionnel peut alors modifier l’interprétation donnée voire la neutraliser complètement en la déclarant contraire à la Constitution. Dans certains systèmes, on a réglé le conflit de compétence en donnant le dernier mot au juge constitutionnel dans toutes les controverses relatives à l’interprétation d’une norme législative. C’est le cas en Allemagne ou en Espagne, où, comme on a déjà pu le voir, toute décision de justice rendu en dernier ressort, même par une Cour suprême, peut être contestée devant le juge constitutionnel pour violation d’un droit fondamental par la voie d’un recours direct : le Verfassungbescherde en Allemagne ou l’Amparo en Espagne.
560 • Ce système n’a pas d’équivalent en France et les rapports de force sont plus équilibrés entre les différents juges, le Conseil constitutionnel ne peut être saisi qu’à titre préjudiciel par les Cours suprêmes des deux ordres juridictionnels. Ces dernières peuvent être tentées de se soustraire à la censure du juge constitutionnel en refusant de le saisir dans leur mission de filtrage ou en ne tenant pas compte des interprétations développées par ce dernier. Sans recours spécifique et sans règles précises ni de sanctions quant au respect de l’interprétation, le bon fonctionnement du système nécessite un dialogue des juges et un certain esprit de collaboration. Dans cette logique et pour résoudre le conflit de compétence, c’est d’abord le Conseil constitutionnel qui a fait un 1er pas en s’orientant vers la mise en place d’une théorie inspirée de l’expérience constitutionnelle italienne. C’est une théorie qui a été mise en place dans les années 1950 par la Cour constitutionnelle italienne pour régler les tensions avec la Cour de cassation du pays qu’on a pu dénommer « théorie du droit vivant » (Pour une présentation récente de cette doctrine, voir G. Zagrebelski, « La doctrine du droit vivant et la QPC », Constitutions 2010, n°1 ou C. Séverino, La doctrine du droit vivant, Economica-Puam, 2003) (1). Il ressort de cette théorie que lorsqu’un recours est dirigé contre l’interprétation définie par les juges ordinaires de la loi, cette interprétation fait corps avec le texte et il n’appartient pas au juge constitutionnel de rechercher s’il serait possible de lui en substituer une autre. Dans un 2nd temps, un rapprochement a été opéré par les juges ordinaires, en sens inverse, quant à la réception de l’autorité de chose jugée des décisions du Conseil qui a été, tout comme on a pu le voir pour le contrôle a priori, renforcée dans le cadre de la QPC pour garantir la cohérence de l’ensemble du système (2).
1. L’amorce du dialogue des juges et la théorie du droit vivant
a) La théorie du « droit vivant » et l’expérience italienne
i) L’article 134 de la Constitution italienne et la logique substantiellement identique de la QPC italienne
561 • Pour avoir un exemple d’application de contrôle incident de constitutionnalité, on s’est rapidement tourné vers l’expérience italienne du contrôle a posteriori, un des seuls équivalent du système alors mis en place en France où le tribunal constitutionnel peut être saisi à titre préjudiciel par le juge ordinaire chargé du litige au principal (Cf. article 1er de la loi constitutionnelle n° 1 du 9 février 1948 relative aux dispositions sur les procès de constitutionnalité et sur les garanties d’indépendance de la Cour constitutionnelle (Gazzetta ufficiale, 20 février 1948, n° 43) qui met en œuvre l’article 134 de la Constitution italienne prévoyant que la Cour constitutionnelle se prononce « sur les litiges relatifs à la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi de l’État et des régions » et qui dispose que « la question de constitutionnalité d’une loi ou d’un acte ayant force de loi de la République relevée d’office ou soulevée par l’une des parties au cours d’un procès, et non considérée par le juge comme manifestement infondée, est renvoyée à la Cour constitutionnelle afin qu’elle puisse la trancher »). Les deux mécanismes présentent en effet des similitudes et ont une logique substantiellement identique (Cf. par ex., J.-J. Pardini, « Question prioritaire de constitutionnalité et question incidente de constitutionnalité italienne : ab origine fidelis », Pouvoirs 2011, n°137, p. 101). Même si pendant quelque temps, la doctrine italienne a hésité sur la manière d’entendre le caractère déterminant de la question préjudicielle de constitutionnalité, le caractère incident de la saisine a fait en sorte de l’écarter ainsi de la conception abstraite du contrôle de constitutionnalité retenue à l’origine et a fait découler la question posée de la nécessaire application de la loi au cas concret. Il est donc possible de conclure, comme Gustavo Zagrebelsky, que les deux systèmes se trouvent « devant un renversement de perspectives : ce qui, à l’origine, était une conception objective et abstraite du contrôle de constitutionnalité est devenu une conception subjective et concrète » (G. Zagrebelsky, « Les caractères réaliste et concret du contrôle de constitutionnalité des lois en Italie », Cahiers du CC 2007, n°22). Ils s’analysent comme des recours indirects des justiciables pour saisir le juge constitutionnel. C’est, en effet, une autorité juridictionnelle qui, dans le cadre d’une instance en cours devant elle, est l’intermédiaire obligé entre les parties et le juge constitutionnel. Le texte français est juste plus restrictif que le texte italien au niveau des autorités de saisine puisque le système italien vise, sans autre précision toute « autorité juridictionnelle » (article 23 de la loi n° 87 du 11 mars 1953 relative aux dispositions sur la Constitution et sur le fonctionnement de la Cour constitutionnelle,Gazzetta ufficiale, 14 mars 1953, n° 62) alors que le système français ne vise que « les juridictions relevant du Conseil d’État ou de la Cour de cassation » (article 23-1 de la loi organique du 10 décembre 2009, à la suite de l’article 61-1 de la Constitution française).
ii) Une répartition claire des compétences bouleversée par le caractère incident du contrôle de constitutionnalité
562 • La saisine par voie incidente de la Cour constitutionnelle a pour effet d’insérer la jurisprudence constitutionnelle dans la jurisprudence plus générale à l’inverse du contrôle abstrait de constitutionnalité qui exclut par définition cette conséquence dans la mesure où il place le juge constitutionnel face au législateur seul et non face aux juges ordinaires. Dès le début de son activité, la Cour constitutionnelle italienne s’est vue confrontée à la question de savoir s’il fallait reconnaître une importance aux interprétations dégagées par la jurisprudence des juges ordinaires sur la loi soumise à son contrôle. Il devait avoir à l’origine une répartition claire des compétences : à la Cour constitutionnelle, le rôle de contrôler la constitutionnalité des lois et donc d’interpréter la Constitution, aux juges ordinaires celui de faire application de la loi et donc d’interpréter les dispositions législatives. Mais le caractère incident du contrôle de constitutionnalité amène à ce que ce contrôle soit forcément lié à l’application effective de la loi par les juges ordinaires. En choisissant le recours en inconstitutionnalité à l’occasion de l’application de la loi, le pouvoir constituant a eu la volonté de confier au justiciable un pouvoir de contestation de la loi telle qu’elle avait été appliquée par les juges depuis son adoption parlementaire. Dans cette logique, le contrôle quitte le raisonnement purement abstrait pour arriver à traiter de ce qu’on peut appeler « la loi vivante » ou, plus précisément, la « loi juridictionnelle », « celle qui produit des effets concrets sur les justiciables » (Cf. D. Rousseau, « L’art italien au Conseil constitutionnel : les décisions des 6 et 14 octobre 2010 », GP 2010, 27 octobre, n°294, p. 12 et suiv.). Lorsqu’une question est présentée à la Cour constitutionnelle, la norme a déjà été examinée par le juge ordinaire qui peut alors avoir été influencé par l’interprétation donnée par la Cour suprême de l’ordre juridictionnel correspondant. Il a fallu alors déterminer si le juge constitutionnel peut interpréter librement la loi ou bien s’il doit tenir compte de l’interprétation de la loi telle que formulée par les juges ordinaires, en particulier par la Cour de cassation.
iii) Une théorie du droit vivant mise en place dans les années 1960 pour régler les conflits avec les juges ordinaires
563 • Au cours des 1ères années d’activité de la Cour constitutionnelle, il y a eu de nombreuses occasions d’opposition entre le juge constitutionnel et la Cour de cassation avant que les relations entre les deux cours soient pacifiées grâce à l’application par la Cour constitutionnelle d’une doctrine que l’on va qualifier de « théorie du droit vivant » et qui, conçue en Allemagne, a été véritablement concrétisée par la pratique italienne et théorisée par un ancien président de la Cour Gustavo Zagrebelsky (cf. G. Zagrebelsky, « La doctrine du droit vivant », Annuaire international de Justice constitutionnelle 1986, II, p. 55). Selon cette doctrine, le juge constitutionnel doit rechercher si un autre juge s’est déjà prononcé sur la question qu’il doit trancher. Si tel est le cas, le juge constitutionnel doit, pour prendre sa décision, tenir compte de l’interprétation retenue par les juridictions ordinaires. En se référant au droit vivant, la Cour constitutionnelle renonce à se demander quelle est l’interprétation de la loi soumise à son contrôle et s’en remet à celle qui en a déjà été dégagée par les juges ordinaires et, en particulier, par la Cour de cassation italienne. En ce sens, le dialogue et la collaboration entre les juges, plutôt que la contrainte, ont réussi à apaiser les relations entre les Cours. En consacrant cette théorie après plusieurs années de confrontation, la Cour constitutionnelle, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation de la République italienne sont parvenus à une solution équilibrée. Il appartient au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation de définir le sens de la loi, et il appartient à la Cour constitutionnelle, une fois ce sens défini, d’en apprécier la conformité à la Constitution. C’est dans les années 1960 que la théorie a été mise en place par la Cour constitutionnelle lors d’un conflit entre cette dernière et la Cour de cassation à propos de l’équilibre entre les pouvoirs du ministère public et ceux de la défense de l’accusé dans la procédure pénale (Cf. la guerra delle due Corti in T. Di Manno, Le juge constitutionnel et la technique des décisions « interprétatives » en France et en Italie, Paris, Marseille, Economica-PUAM, 1997, p. 115 ; C. Severino, La doctrine du droit vivant, Paris, Marseille, Economica-PUAM, 2003, p. 59). La Cour constitutionnelle interprétait le code de procédure pénale dans un sens favorable aux garanties pour l’accusé et évitait ainsi la déclaration d’inconstitutionnalité. La Cour de cassation refusait cette interprétation, invoquant la plénitude de ses propres pouvoirs d’interprétation des dispositions législatives qui, en tant que telles, n’étaient pas touchées par les arrêts de la Cour constitutionnelle.
iv) Une Cour constitutionnelle qui s’oblige à considérer la loi, non comme une entité abstraite, mais telle qu’elle est effectivement appliquée au niveau juridictionnel
564 • Le blocage ainsi décrit a conduit la Cour constitutionnelle à aller au-delà de la simple « déférence » vis-à-vis des interprétations de la jurisprudence (dès le début de son activité, la Cour constitutionnelle s’était interrogée sur l’importance des interprétations fournies par la jurisprudence, un arrêt n°3 de 1956 précisant que la Cour devait tenir en « juste considération », « l’interprétation jurisprudentielle constante qui confère au précepte législatif sa valeur effective dans la vie juridique » (Corte costituzionale, Sentenza 15 Giugno 1956, 3/1956, § 6) pour aller au « lien » et amener à la naissance de la doctrine du droit vivant. Dans un arrêt n°161 de 1967, la Cour a établi qu’elle « ne peut pas ne pas noter que la jurisprudence des juges ordinaires, après bien des hésitations et des divergences, en est venue à se consolider dans le sens où […] à cette interprétation, les Sections Réunies de la Cour de cassation ont apposé le cachet de leur adhésion et de leur autorité, ce qui impose désormais de considérer comme une « norme vivante » la norme définie par cette interprétation et d’affronter, à partir de celle-ci, la question de la constitutionnalité soulevée » (Corte costituzionale, Sentenza 22 Dicembre 1977, 161/1977). Par la même, la Cour accepte le principe d’un contrôle normatif à partir de l’interprétation consolidée dégagée par les juges ordinaires qu’elle qualifie de « norme vivante », tenant compte du rôle régulateur de cette Cour même si elle n’en partage pas forcément l’interprétation. On parle de « droit vivant » parce que la Cour constitutionnelle s’oblige ainsi à considérer la loi, non comme une entité abstraite, mais telle qu’elle est effectivement appliquée au niveau juridictionnel. Et, grâce à cette théorie, les juges ordinaires ont l’assurance que l’interprétation des lois demeure leur fonction propre car le juge constitutionnel ne peut pas invalider le sens donné sans faire disparaitre du même coup la loi.
b) La prise en compte de la théorie du droit vivant par le Conseil constitutionnel
i) L’appropriation de la théorie du « droit vivant » : la décision QPC du 6 octobre 2010
565 • Comme peut le relever Dominique Rousseau, c’est au printemps 2010 que « l’esprit italien s’est posé sur le Palais Montpensier », (D. Rousseau, « L’art italien au Conseil constitutionnel : les décisions des 6 et 14 octobre 2010 », précité). Le Conseil constitutionnel a fait une 1ère application de la doctrine du « droit vivant » à l’occasion de sa décision QPC du 6 octobre 2010 (CC, n°2010-39 QPC, 6 octobre 2010, Isabelle D. et Isabelle B [Adoption au sein d’un couple non marié], JO, 7 octobre 2010, p. 18154, Rec. CC, p. 264,) rendue sur renvoi de la Cour de cassation (QPC transmise par Cass., Ass. Plén., 8 juillet 2010, n° de pourvoi : 10-10385). Dans cette décision, le juge reconnait au requérant le fait « qu’en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition ». En d’autres termes, le requérant a le droit à l’examen d’une disposition législative telle qu’elle est interprétée ou appliquée par le juge ordinaire ou qui tienne compte de la portée effective que lui confère l’interprétation jurisprudentielle constante de ce dernier. Etait en cause en l’espèce, l’article 365 du code civil qui fixe les règles relatives à l’autorité parentale sur un enfant ayant fait l’objet d’une adoption simple par une personne seule. Il existe, selon la lettre de l’article en cause, une différence de traitement entre les enfants adoptés au sein d’un couple marié où il existe une autorité parentale conjointe et les enfants adoptés au sein de couples non mariés où il n’y a que l’adoptant qui a l’autorité parentale. Le juge aurait dû normalement examiner cette différence de traitement au regard du principe d’égalité mais, pour juger l’article non contraire à la Constitution, il se fonde non pas sur la différence de traitement mais sur le fait que cet article a, plutôt, pour effet d’interdire en principe l’adoption de l’enfant mineur du partenaire ou du concubin. Et c’est en se servant jurisprudence fidèle et stable de la Cour de cassation qu’il a dégagé une telle logique dans son interprétation, cette jurisprudence disposant que : « lorsque le père ou la mère biologique entend continuer à élever l’enfant, le transfert à l’adoptant des droits d’autorité parentale qui résulterait de l’adoption par le concubin ou le partenaire du parent biologique est contraire à l’intérêt de l’enfant et, par suite, fait obstacle au prononcé de cette adoption » (Cass., 1ère civ., 20 février 2007, n° de pourvoi : 06-15647, D. 2007, p. 1047, note D. Vigneau, p. 721, obs. C. Delaporte-Carre, p. 891, obs. P. Chauvin, et p.1468, obs. F. Granet-Lambrechts, AJFamille 2007, p. 182, obs. F. Chénedé, RTDCiv 2007, p. 325, obs. J. Hauser).
ii) Un renouvellement de l’interprétation dans la décision QPC du 14 octobre 2000
566 • Le Conseil constitutionnel renouvelle une telle interprétation à l’occasion d’une QPC renvoyée par le Conseil d’Etat (CE, 15 juillet 2010, Compagnie agricole de la Crau, req. n°322419) dans la décision QPC du 14 octobre 2010 (CC, n° 2010-52 QPC, 14 octobre 2010, Compagnie agricole de la Crau, JO, 15 octobre 2010, p. 18540, Rec. CC, p. 283) en reprenant le même considérant de principe à propos de la contestation d’un article d’une loi prise sous le régime de Vichy dont la nullité n’avait pas été expressément contestée et qui concernait l’approbation d’une convention entre le Ministère de l’agriculture et la Compagnie agricole sur la cession gratuite de terrains en échange du versement de la moitié des bénéfices jusqu’au remboursement de la dette puis 25 % au-delà. Par décision en date du 27 juillet 2009 (CE, 27 juillet 2009, Compagnie agricole de la Crau, req. n°295637) le Conseil d’Etat avait rejeté la requête de la Compagnie en retenant que l’obligation d’acquittement envers l’Etat s’analysait comme un prélèvement obligatoire de caractère fiscal sans obligations réciproques ni de contrepartie. Le Conseil constitutionnel s’est donc fondé sur cette interprétation pour juger que la disposition litigieuse devait être regardée comme instituant non comme une obligation d’origine contractuelle mais comme une imposition de toutes natures et comme elle assujettissait une seule société à une imposition supplémentaire sur les bénéfices, elle instituait une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
iii) La confirmation de l’interprétation dans la décision QPC du 4 février 2011
567 • Dans une décision QPC du 4 février 2011 (CC, n° 2010-96 QPC, 4 février 2011, M. Jean-Louis de L. [Zone des 50 pas géométriques], JO, 5 février 2011, p. 2354, Rec. CC, p. 102) sur renvoi de la Cour de cassation (Cass., 3ème civ., 30 novembre 2010, M. Jean-Louis de L., n° de pourvoi : 10-16828), le Conseil constitutionnel confirme la position qu’il a exprimée dans les deux décisions précitées des 6 et 14 octobre 2010 en déclarant conforme à la Constitution, l’article L. 5112-3 CGPPP. Ce dernier concernait les droits des tiers détenteurs de titres dans la zone dite des « cinquante pas géométriques » dans les départements d’outre-mer et notamment ceux qui n’avaient pu faire valoir leurs droits en 1955 de le faire devant une nouvelle commission de validation. La Cour de cassation avait jugé que seuls les titres délivrés par l’Etat étaient opposables à l’Etat (Cass., 3ème civ., 2 février 1965, n° de pourvoi : 60-11713 et n° de pourvoi : 62-12731, Bull. Civil 1965, p. 70 et p. 71). Cette jurisprudence a été confirmée depuis et appliquée à la commission instituée par l’ancien article L. 89-2 du code du domaine de l’Etat (Cass., 3ème civ., 7 juillet 2004, n° de pourvoi : 02-16288, Bull. Civil 2004, p. 131), devenu l’article L. 5112-3 du CGPP (Cass., 3ème civ., 7 avril 2010, n° de pourvoi : 09-14563). Le Conseil constitutionnel a procédé à l’examen de la disposition contestée telle qu’interprétée par la Cour de cassation, celle-ci n’étant contraire à aucune disposition de la Constitution et notamment pas à l’article 17 de la DDHC consacrant le droit de propriété.
iv) Une 1ère remise en cause de la jurisprudence de la Cour de cassation pour non-respect du principe d’égalité : la décision QPC du 11 février 2011
568 • Enfin, dans une décision n° 2010-101 QPC du 11 février 2011 (CC, n°2010-101 QPC, 11 février 2011, Mme Monique P. et autre [Professionnels libéraux soumis à une procédure collective], JO, 12 février 2011, p. 2758, Rec. CC, p. 116) sur renvoi de la Cour de cassation (Cass., 2ème civ., 16 décembre 2010, n° de pourvoi : 10-15679), le Conseil va plus loin et écarte, pour la 1ère fois, la jurisprudence de la Cour de cassation en reconnaissant la constitutionnalité de l’article L. 243-5 du Code de sécurité sociale sous réserve. L’article concernait la délimitation des personnes bénéficiaires de la remise de plein droit des pénalités, majorations et frais de poursuites dus à un organisme de sécurité sociale en cas de procédure de redressement judiciaire. Si ces dispositions législatives s’appliquent aux commerçants, aux artisans ou aux personnes morales de droit privé même non commerçante, elles ont été interprétées par la Cour de cassation comme ne s’appliquant pas aux membres des professions libérales exerçant à titre individuel (Cass., 2ème civ., 12 février 2009, Caisse autonome de retraite des médecins de France, n° de pourvoi : 08-13459 ; Cass., 2ème civ., 12 février 2009, Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers masseurs kinésithérapeutes pédicures, podologues, orthophonistes et orthoptistes, n° de pourvoi : 08-10470 ; Cass, 2ème civ., 14 janvier 2010, n° de pourvoi : 09-65485). Cette différence de traitement entre les membres d’une profession libérale exerçant à titre individuel et ceux qui ont choisi de former une société n’est pas justifiée par rapport à l’objet de la loi et méconnaît, en conséquence, pour le Conseil, le principe constitutionnel d’égalité. Cette dernière décision montre bien que si le Conseil fait en sorte de ne pas développer d’interprétation concurrente à celle, constante, du juge ordinaire, il examine néanmoins la constitutionnalité de l’interprétation ainsi faite par le juge ordinaire et faire en sorte de s’y opposer si non conforme à la Constitution.
c) La réponse ferme du juge constitutionnel au refus de la Cour de cassation de transmettre ses interprétations de la loi
i) Une compétence d’interprétation de la loi durement acquise pour les juges ordinaires
569 • Avec l’instauration de la QPC, c’est l’ordre traditionnel des compétences dans l’interprétation de la loi qui se trouve bouleversé. Il faut, à cet égard, rappeler tout le chemin parcouru par les juges ordinaires pour se voir attribuer ou conquérir cette compétence. Ce sont la Constitution de 1791 et la loi des 16-24 août 1790 qui ont d’abord réglé la question en mettant en place, tout d’abord, un « Tribunal de cassation », juridiction unique et spécialisée compétente dans la fonction de cassation pour « contravention à la loi » (art. 19 et 20 de la Constitution de 1791). Mais si cette création va permettre la création d’une jurisprudence, elle va être contrebalancée par la création du « référé législatif » à utiliser « lorsque après deux cassations le jugement du troisième tribunal sera attaqué par les mêmes moyens » (art. 21 C° de 1791 et art. 12 de la loi des 16-24 août 1790 ; Voir Y.-L. Hufteau, Le référé législatif et les pouvoirs du juge dans le silence de la loi, Paris, PUF, 1965) qui empêche cette jurisprudence en remettant l’interprétation de la loi, en dernière instance, au législateur lui-même. Le Tribunal de cassation n’étant pas compétent pour interpréter la loi, il se contentait soit de l’appliquer, soit de l’écarter, en cas de doute, il renvoyait au Corps législatif. Mais le juge de cassation ne s’est pas arrêter là et s’est progressivement affranchie de cette contrainte en élargissant son contrôle et en forçant, en quelque sorte, le pouvoir constituant à reconnaitre sa compétence. C’est le Directoire d’abord qui empêcha le Corps législatif de revenir sur les décisions du Tribunal de cassation (art. 264 de la Constitution de l’an III du 22 août 1795) avant que le Consulat supprime purement et simplement la pratique du « référé législatif » (loi du 27 ventôse an VIII (18 mars 1800) précitée) et que le Code civil de 1804 ne consacre finalement, par un raisonnement a contrario, cette possibilité d’interprétation de la loi (art 4 du Code civil qui énonce que : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice »). Si le référé législatif a été remis au goût du jour par la suite (loi du 16 septembre 1807 précitée octroyant à l’Empereur Napoléon 1er le droit d’arbitrer les conflits persistants entre les juges de cassation et les juges d’appel), il s’est effacé définitivement en 1837 (loi du 1er avril 1837 précitée.).
ii) Des juges ordinaires qui se sont constamment obligés à élargir leur contrôle
570 • La reconquête du pouvoir d’interpréter la loi, sous le régime judiciaire moderne, est donc un acte historique essentiel. Constamment bridé, la Cour de cassation s’est employée à élargir son contrôle qui n’était jusqu’alors limité, dans les cas d’ouverture à cassation, que par la « contravention expresse à la loi » (article 7 al. 1 de la loi du 20 avril 1810 (Recueil Duvergier, p. 78) sur l’organisation de l’ordre judiciaire et l’administration de la justice). La Cour de cassation y ajoute la fausse application de la loi, la fausse qualification, l’insuffisance des motifs et, surtout, le défaut de base légale. L’apparition des grands recueils est le signe incontestable de la reviviscence de la jurisprudence (le Journal du Palais, le recueil Sirey, le recueil Dalloz, …) C’est l’époque des « grands arrêts » de la Cour de cassation et des grandes constructions prétoriennes : la responsabilité du fait des choses, l’abus du droit, l’enrichissement sans cause, la personnalité morale, …. Mais tout cela n’a été possible que parce que le juge civil a reconquis le pouvoir d’interprétation qu’on avait tenté de lui dénier au nom de la séparation des pouvoirs. Si, à l’origine, le Conseil d’Etat n’était pas concerné par ce problème d’interprétation de la loi parce qu’il n’était pas perçu, à l’époque, comme une juridiction et n’en avait pas les caractères, au jour où il a été constitué et reconnu comme tel, le principe de l’article 4 du Code civil comme celui touchant à l’interdiction des arrêts de règlement (art. 5 Code civil) lui était aussi applicable (en ce sens, Y. Gaudemet, « La prohibition de l’arrêt de règlement s’adresse-t-elle au juge administratif ? Les leçons de l’histoire », RDP 2010, p. 1617). Cela ne l’a pas empêché, non plus, de développer sa jurisprudence, le droit administratif étant jusqu’à une date récente essentiellement jurisprudentiel et nul n’ignore que, comme on l’a déjà vu, que c’est par le recours, souvent audacieux à la théorie des PGD que le Conseil d’Etat a pu procéder, en certaines circonstances, à l’interprétation de dispositions législatives, en faisant même prévaloir parfois les PGD sur la lettre des textes (Voir B. Genevois, « Le Conseil d’Etat et l’interprétation de la loi », RFDA 2002, p. 877).
iii) Une opposition marquée de la Cour de cassation face à la nouvelle QPC
571 • Le pouvoir d’interprétation dévolu ainsi aux juges ordinaires se voit, en quelque sorte, chamboulé par l’instauration de la QPC. C’est d’abord la Cour de cassation qui s’est opposé à ce que l’interprétation qu’elle donne de la loi puisse faire l’objet d’un contrôle de constitutionnalité. Elle a ainsi refusé, dans une série de décisions du 19 mai 2010, de transmettre une QPC qui « tend, en réalité, à contester non la constitutionnalité des dispositions qu’elle vise mais l’interprétation qu’en a donné la Cour de cassation ». Dans les trois 1ères décisions, elle s’opposa à la transmission d’une QPC contestant le défaut de motivation des arrêts des cours d’assises tel que résultant des articles 353 à 357 du Code de procédure pénale (Cass., crim., QPC, 19 mai 2010, n° de pourvoi : 09-83328, 09-87307, 09-82582, Voir J. Pradel, « De la motivation des arrêts d’assises », D. 2009, p. 2778). Dans la décision suivante où les requérants contestaient la constitutionnalité de l’article 598 du Code de procédure pénale au motif qu’il serait contraire au principe d’individualisation des peines, la Cour rejette la QPC parce qu’elle critique, non pas la disposition législative, mais « la théorie de la peine justifiée, élaborée à partir de cette disposition législative » (Cass., crim., QPC, 19 mai 2010, n° de pourvoi : 09-87651). La dernière espèce du même jour mettait en cause l’article L. 5112-3 du CGPPP concernant la zone des cinquante pas géométriques dont on a déjà parlé (Cass., Ass. Plén., QPC, 19 mai 2010, n° de pourvoi : 09-70161, Voir D. Khair, « Les titres d’occupation de la zone des « cinquante pas géométriques », RFDA 2012, p. 1159). On trouvera encore deux autres décisions prises dans la même logique : la 1ère refusait une QPC parce qu’elle mettait en cause, au regard de la liberté d’expression, la jurisprudence de la Cour de cassation sur la présomption de mauvaise foi en matière de diffamation (Cass., crim., QPC, 31 mai 2010, n° de pourvoi : 09-87578), la 2nde rejetait une QPC parce que elle aussi fondée sur sa jurisprudence cette fois en matière de conditions d’octroi de la personnalité morale aux URSSAF (Cass., com., QPC, 9 juillet 2010, n° de pourvoi : 10-40010).
iv) Une position de la Cour de cassation vivement critiquée mais qui resta de courte durée
572 • La position de la Cour de cassation a été vivement critiquée par la doctrine eu égard à son caractère absolutiste faisant perdre toute utilité pratique à la QPC (Cf. Par ex., M. Molfessis, « La jurisprudence supra-constitutionem », JCP 2010, G, n°1039 ; D. de Béchillon, « Interprétation », JCP 2010, G, n°676 et JCP 2011, G, n° hors-série, 1er mai 2011). Pour cette raison et suite à la mise en place de la doctrine du droit vivant par le Conseil constitutionnel, la résistance de l’autorité judiciaire ne sera que de courte durée. La Cour va, d’abord, admettre, de manière implicite, que le contrôle a posteriori peut porter sur un élément autre que la disposition législative et non formellement textuel, en l’occurrence, en l’espèce, l’élément plus large liée à l’application de la loi. Au lieu de ne pas transmettre en tenant compte de sa 1ère jurisprudence, elle soumet au contrôle du Conseil constitutionnel en liant application de la loi et disposition législative (Cass., 1ère civ., QPC, 16 novembre 2010, n° de pourvoi : 10-40042, Cf. D. Martel, « Un jeu de balle enflammée, à propos de la question prioritaire de constitutionnalité relative au mariage entre personnes de même sexe », Droit de la famille 2011, n°1, étude n°4). Les décisions les plus marquantes du changement d’attitude du juge judiciaire seront celle effectuant d’abord un revirement de jurisprudence sur la zone des cinquante pas géométriques (Cass., 3ème civ., QPC, 30 novembre 2010, M. Jean-Louis L., n° de pourvoi : 10-16828) la QPC avait été initialement rejetée à l’occasion d’une précédente décision vue par ailleurs, puis celles effectuant un revirement sur l’absence de motivation des arrêts de cour d’assises dont la constitutionnalité a enfin été soumise au contrôle du juge constitutionnel (Cass., crim., QPC, 19 janvier 2011, n° de pourvoi : 10-85159 et 10-85305).
v) Un Conseil d’État rapidement en accord avec le Conseil constitutionnel même si certaines suspicions quant à sa fonction de filtrage
573 • Le Conseil d’Etat, pour sa part, n’a pas tenu la même position que la Cour de cassation et a, très tôt, examiné le caractère sérieux d’une QPC portant sur des dispositions législatives qu’il avait déjà interprétées. C’est dans un arrêt du 12 septembre 2011 qu’il affirme, en substance, que les exigences du procès équitable et du droit au recours ne font pas obstacle à ce qu’il statue sur le bien-fondé du renvoi au Conseil constitutionnel d’une QPC portant sur des dispositionslégislatives dont il a, dans ses formations contentieuses, fixé l’interprétation (CE, QPC, 12 septembre 2011, M. et MmeDion, req. n°347444). Mais le Conseil d’Etat, « s’il bénéficie de l’auréole de la juridiction qui « joue le jeu » » (P. Deumier, « QPC : la question fondamentale du pouvoir d’interprétation (à propos du filtrage) », RTDCiv. 2010, p. 504), peut être aussi l’objet de certaines suspicions quant à l’utilisation de sa fonction de filtrage. Il a, par exemple, dans les 1ères QPC transmises, refusé de transmettre une QPC mettant en cause sa propre partialité structurelle au regard de la double fonction, consultative et juridictionnelle, qu’il exerce (CE, 16 avril 2010, Association Alcaly, req. n°320667). Pour ce faire, il a procédé en deux étapes. Il s’est d’abord abriter derrière l’interprétation du juge constitutionnel (en indiquant qu’il « résulte des termes mêmes de la Constitution, et notamment de ses articles 37, 38, 39 et 61-1 tels qu’interprétés par le Conseil constitutionnel, que le Conseil d’Etat est simultanément chargé par la Constitution de l’exercice de fonctions administratives et placé au sommet de l’un des deux ordres de juridiction qu’elle reconnaît »). Il a interprété, ensuite, les dispositions législatives en établissant qu’elles n’ont « ni pour objet, ni pour effet de porter les avis rendus par les formations administratives à la connaissance des membres siégeant au contentieux » et en ajoutant « qu’au demeurant les membres […] qui ont participé à un avis rendu sur un projet d’acte soumis par le gouvernement ne participent pas au jugement des recours mettant en cause ce même acte ». Si la position adoptée par le Conseil d’Etat n’est pas sans rappeler celle qui avait été la sienne lors de la remise en cause de l’intervention du commissaire du gouvernement à l’audience publique au regard du principe d’égalité des armes (CE, 29 juillet 1998, Esclatine, req. n°179635, Rec. CE, p. 320, concl. D. Chauvaux, AJDA 1999, p.69, note F. Rolin) ou de sa double fonction consultative et contentieuse au regard du principe d’impartialité (CE Sect., 5 avril 1996, Syndicat des avocats de France, req. n°116594, Rec. CE, p. 118, JCP 1997, G, I, n° 22817, note J.-M. Breton, RFDA 1996, p. 1195, concl. J.C. Bonichot), on peut aussi la juger « assez malvenue si l’on songe qu’il n’est guère de critères jurisprudentiels du Conseil constitutionnel dans ce domaine, ce qui augurait du caractère nouveau de la question » (V. Saint-James, « Les décisions de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat de ne pas transmettre une QPC : la place des cours souveraines en question », RDP 2012, p. 607) et qu’en tout état de cause, « l’impartialité du Conseil d’Etat, appréciant lui-même le caractère sérieux d’une contestation le concernant peut légitimement être contestée : il aurait été plus sage de faire du Conseil constitutionnel le juge de la constitutionnalité de cette dualité fonctionnelle » (D. Rousseau, « Toujours vive la QPC ? Oui », GP 2010, n°147, p. 8).
d) Des juges ordinaires qui cherchent à garder la maitrise de l’interprétation de la loi
i) Une volonté manifestée à l’occasion du contrôle du caractère « sérieux » ou « nouveau » de la QPC
574 • Si dans la pratique contentieuse, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation se confortent dorénavant à la position prise par le Conseil constitutionnel sur l’interprétation des dispositions législatives, cette apparente soumission laisse néanmoins transparaitre, de façon plus cachée, une volonté de garder la maîtrise de l’interprétation de la loi. C’est à l’occasion de l’examen du caractère « sérieux » ou « nouveau » de la QPC, lors de leur pouvoir de filtrage, que se manifeste cette volonté, et ceci particulièrement dans les décisions de non renvoi de la QPC au Conseil constitutionnel. Pour exercer pleinement leur filtre, les cours souveraines ne peuvent se contenter d’un examen restreint de recevabilité, elles doivent procéder à une sorte de pré-contrôle de constitutionnalité impliquant la nécessité d’interpréter la norme constitutionnelle. Par le tri de la masse des QPC posées, elles deviennent indirectement des juges de la constitutionnalité des lois soumises à leur contrôle ce qu’elles s’interdisaient jusque-là comme on a déjà pu le voir par ailleurs. La situation la plus simple, de prime abord, est celle où la question n’est clairement pas sérieuse compte tenu de la portée de la norme constitutionnelle invoquée et des précédents du Conseil constitutionnel. Les deux cours suprêmes se réfèrent, parfois, à ce que certains appellent une « théorie de la Constitution claire » (A. Roblot-Troizier, « La QPC, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation », Nouveaux cahiers du CC 2013, n°40, p. 49) en comparaison à la « théorie de l’acte clair » employé par le juge administratif pour ne pas renvoyer à la CJUE des questions préjudicielles en interprétation de normes de droit de l’Union (CE, 19 juin 1964, Société des Pétroles Shell-Berre et autres, Rec. CE, p. 344).
ii) Des juges ordinaires qui se retrouvent juge constitutionnel de droit commun
575 • Comme il peut se retrouver juge communautaire de droit commun, le juge ordinaire se retrouve ainsi juge constitutionnel de droit commun (En ce sens, S.-J. Liéber et D. Botteghi, « Le juge administratif, juge constitutionnel de droit commun ? », AJDA 2010, p. 1355) en déterminant lui-même le sens des dispositions constitutionnelles. Il peut le faire en refusant la qualification de « droits et libertés que la Constitution garantit » (Cf. Par ex. : CE, 15 septembre 2010, Thalineau, req. n°330734 où, si les dispositions en cause permettent à l’Etat de modifier les documents d’urbanisme locaux en dépit de l’opposition d’une commune ou d’un EPCI, elles ne portent pas à la libre administration des collectivités territoriales de l’article 72 C° une atteinte excessive au regard de la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par l’opération déclarée d’utilité publique ; CE, 2 mars 2011, Société d’exploitation Marinys, req. n°345288 où le Conseil d’Etat juge que si la libre concurrence peut être une exigence pour garantir le principe d’égalité ou la liberté d’entreprendre, elle ne fait pas partie des droits et libertés garantis par la Constitution ; Cass., Ass. Plén., 20 mai 2011, n° de pourvoi : 11-90025, 11-90032, 11-90033 et 11-90042, Bull. crim. 2011, Ass. Plén., n°7 où l’assemblée plénière se comporte en véritable juge constitutionnel lorsque qu’elle énonce que « la prescription de l’action publique ne constitue pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République » en matière de délits dissimulés tel que l’abus de biens sociaux ou l’abus de confiance) ou en délimitant la portée de la qualification (Cf. Par ex : CE, 23 décembre 2010, Association Arab Women’s Solidarity Association France, req. n°337899 qui juge, par exemple, qu’aucune norme constitutionnelle, et notamment pas le principe de laïcité, n’impose que soit exclues du droit de se porter candidates à des élections des personnes qui entendraient, à l’occasion de cette candidature, faire état de leurs convictions religieuses ; Cass., 1ère civ., 7 novembre 2012, n° de pourvoi : 12-22628 où, pour juger qu’une disposition législative n’est pas contraire aux principes de séparation des pouvoirs et d’impartialité des juridictions (article 16 DDHC), la Cour retient que, « d’une part, le principe de séparation des pouvoirs commande de réserver au juge de l’ordre judiciaire la connaissance de la responsabilité de l’Etat du fait du fonctionnement défectueux du service de la justice judiciaire et, d’autre part, la circonstance que le juge judiciaire connaisse de ce contentieux n’a pas pour effet, en elle-même, de porter atteinte aux exigences d’impartialité de la juridiction, l’exigence constitutionnelle d’impartialité étant satisfaite dès lors qu’existent des mécanismes de récusation permettant, dans une affaire particulière, de récuser un ou plusieurs juges »).
iii) Des juges ordinaires qui se servent de la jurisprudence constitutionnelle dans l’interprétation de la disposition législative
576 • Dans l’opération interprétative, les juges ordinaires peuvent s’inspirer de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en faisant référence à des décisions identifiées de ce dernier ou plus indirectement en se référant de manière générale à cette jurisprudence. C’est le cas, par exemple, lorsqu’il évoque un principe tel « qu’il résulte de la jurisprudence du Conseil »(CE, 19 janvier 2011, EARL Schmittseppel, req. n°343389) ou encore tel « que l’a jugé le Conseil constitutionnel » (CE, 26 janvier 2011, SAS Auxa, req. n°344204). Les juges ordinaires peuvent aussi reprendre à leur compte certaines formules du Conseil. C’est le cas lorsque la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat refusent de renvoyer une QPC au motif que « le législateur a pu sans méconnaitre l’étendue de ses pouvoirs renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de préciser les détails des modalités suffisamment définies par lui » (Cass., 2ème civ., 13 janvier 2011, n° de pourvoi : 10-16184) ou au motif que « si […] les dispositions […] sont contraires à la liberté d’entreprendre qui découle de l’article 4 DDHC, il est toutefois loisible au législateur d’apporter à cette liberté, qui n’est ni générale ni absolue, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi » (CE, 14 octobre 2010, M. Vigot, req. n°337005).
iv) Des juges ordinaires qui substituent leur appréciation à celle du juge constitutionnel
577 • Lorsque la QPC présente certaines difficultés d’appréciation quant à son caractère sérieux, les juges ordinaires effectuent un véritable contrôle sur le fond en substituant leur appréciation à celle du Conseil. C’est le cas lorsqu’ils contrôlent la proportionnalité de l’atteinte aux droits et libertés constitutionnels (Par ex. : Cass., crim., 22 janvier 2013, n° de pourvoi : 12-90065 concernant l’installation d’un établissement de vente ou de mise à disposition du public d’objets à caractère pornographique près d’un établissement d’enseignement, l’atteinte à la liberté d’entreprendre n’étant pas disproportionnée au regard des exigences constitutionnelles de protection de l’enfance et de sauvegarde de l’ordre public) ou lorsqu’ils estiment une QPC comme non sérieuse au motif soit que la disposition législative ne porte pas une atteinte excessive aux droits et libertés constitutionnellement garantis (Par ex. : CE, 30 mai 2012, M. Philippe A. contre Préfet du Calvados, req. n°357694 où les dispositions critiquées, qui interdisent en principe l’édification ou le maintien d’aménagements ou de constructions non compatibles avec l’affectation publique du rivage de la mer et exposent celui qui y procède ou en a la garde à la démolition de ses installations, ne portent pas d’atteinte excessive au droit de propriété), soit que l’atteinte est suffisamment justifiée au regard de l’objectif d’intérêt général (Cass., 2ème civ., QPC, 12 mai 2011, n° de pourvoi : 11-40006 à propos d’un commandement valant saisie immobilière signifié par un établissement bancaire sur le fondement de la copie exécutoire d’un acte notarié de prêt où, pour la cour, « les limites apportées au droit de propriété avant l’intervention d’un juge, sur le fondement de la copie exécutoire d’un acte notarié, n’emportent pas privation de ce droit et sont justifiés par un motif d’intérêt général […] »).
v) Des juges ordinaires qui peuvent recourir à l’interprétation conforme de la disposition législative : la technique des « réserves d’interprétation inversées »
578 • L’appropriation de la jurisprudence du Conseil peut enfin se manifester sous une forme plus aboutie lorsque les juges ordinaires recourent à l’interprétation conforme. Lorsqu’il n’existe pas de contradiction flagrante entre les termes de la disposition législative et ceux de la Constitution ou, en d’autres termes, lorsque l’interprétation de la norme est suffisamment consolidée, la juridiction de renvoi a la possibilité de délivrer une interprétation conforme sans procéder au renvoi de la QPC, cette dernière ne présentant plus de caractère sérieux. De la sorte, les juridictions suprêmes exercent un contrôle qui ressemble à s’y méprendre à celui qu’opère le Conseil constitutionnel lorsqu’il formule des réserves d’interprétation. On peut parler, en ce sens, de « réserve d’interprétation inversée » (A. Viala, « De la puissance à l’acte : la QPC et les nouveaux horizons de l’interprétation conforme », RDP 2011, p. 96) qui sont d’ailleurs favorisées par la jurisprudence du Conseil et la mise en place de la doctrine du droit vivant. A partir du moment où ce dernier peut apprécier l’interprétation faites par les juges ordinaires, les juridictions de renvoi ont tout intérêt à faire évoluer leur interprétation de la loi si elles doutent de sa conformité aux droits et libertés, tels qu’identifiés par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, plutôt que de voir leur jurisprudence être remise en cause en cas de renvoi au juge constitutionnel. Si généralement, pour ce faire, elles s’inspirent de la jurisprudence du juge constitutionnel, elles peuvent aussi s’inspirer du juge européen.
vi) Une interprétation conforme de la disposition législative qui s’analyse à travers une démarche générale d’interprétation
579 • L’interprétation conforme peut s’analyser à travers une référence particulière à une jurisprudence constitutionnelle dans laquelle le juge a indiqué, dans une décision, quelle interprétation devait être donnée à une disposition pour la mettre à l’abri d’une inconstitutionnalité mais c’est plutôt à travers une démarche générale d’interprétation qu’elle doit s’analyser pas forcément fondée sur l’autorité de certaines décisions mais plutôt sur leur rôle de gardien de la loi, de juge de droit commun du droit constitutionnel comme du droit européen. En définitive, cette interprétation conforme est plutôt fondée sur le respect de la hiérarchie des normes dans le travail d’interprétation de la loi et sur l’unité des interprétations du droitdans l’optique d’une protection optimum des droits et libertés. La manière dont est traité le principe d’égalité, un des principes les plus souvent invoqués dans les griefs des QPC, est révélatrice de cette façon de penser. Le Conseil d’Etat, par exemple, prend en compte la définition classique de l’égalité juridique qui consiste à traiter de façon semblable les justiciables qui sont dans une même situation en tenant compte des mêmes dérogations qui peuvent être apportées au principe et des mêmes fondements qui les justifient (on peut citer à titre d’exemple le non renvoi d’une QPC pour absence de violation du principe d’égalité à propos de la titularisation des maitres de conférence : CE, 6 octobre 2010, Slama, req. n°341584, AJDA 2010, p. 1910, note S. Brondel ; Voir aussi F. Mélin-Soucramanien, « Le principe d’égalité dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Quelles perspectives pour la question prioritaire de constitutionnalité », Nouveaux cahiers du CC 2010, n°29, p. 89). On peut faire aussi un parallèle avec la façon dont est traité le droit de propriété et la jurisprudence constitutionnelle fixée par la décision « nationalisations » (CC, n°81-132 DC, 16 janvier 1982, Loi relative aux nationalisations précité). Le Conseil d’Etat ayant repris les critères développés par le juge constitutionnel comme celui de la dépossession, des atteintes justifiées par l’intérêt général ou encore du contrôle de la non disproportion manifeste (Cf. CE, 27 octobre 2010, Section du bourg de Mémoire, req. n°342718 à propos de dispositions règlementant l’usage des biens des sections des communes ou CE, 17 février 2011, M. Dore, req. n°344445 à propos du mécanisme de protection des espaces boisés).
vii) Un Conseil d’État qui peut utiliser la technique de l’interprétation neutralisante de la disposition législative
580 • Si les juridictions suprêmes, par ce contrôle et cette interprétation conforme, sont amenées à s’inspirer, au terme d’un raisonnement par analogie, de la jurisprudence ou de réserves d’interprétation formulées par le Conseil constitutionnel à l’égard d’une autre disposition législative, ils peuvent aussi retenir une interprétation autonome de la disposition législative, neutralisante ou constructive. Le simple constat qu’une disposition, telle qu’interprétée avec constance, ne présente pas de risque sérieux d’inconstitutionnalité peut se transformer en une interprétation inédite de la disposition aux fins de sa mise en conformité et donc de sa non-transmission. C’est à l’occasion d’un arrêt « Théron » que le Conseil d’Etat, a, pour la 1ère fois, développé, tout comme le ferait le Conseil constitutionnel, cette interprétation neutralisante pour juger que la question de la méconnaissance du principe de la présomption d’innocence par l’article 728-1 du Code de procédure pénale relatif au compte nominatif des détenus ne présentait pas un caractère sérieux. Le juge administratif mettant en avant « que l’article 728-1 n’a pas par lui-même pour objet et ne saurait avoir pour effet d’imposer aux personnes détenues un prélèvement définitif de leurs avoirs au profit des parties civiles et des créanciers d’aliments dès lors que cette mesure a un caractère purement provisoire » (CE, 19 mai 2010, Théron, req. n°33025, GP 2010, 27 mai, n°147, p. 23, concl. M. Guyomar ; voir aussi, dans la même logique : CE, 23 juillet 2010, Bessis et autre, req. n°339595 ou CE, 18 juin 2010, Société Canal +, req. n°338344).
viii) Une Cour de cassation qui œuvre dans le même sens
581 • La Cour de cassation a confirmé cette façon de faire en procédant à une interprétation qui rendait inopérant le moyen invoqué par le requérant alors qu’au regard du droit applicable, à l’époque des faits, l’interprétation qui semblait s’imposer était tout autre et soulevait une question sérieuse (Cass., crim., 7 décembre 2010, n° de pourvoi : 10-83902). De même, la 2ème chambre civile a agi de même lors d’une QPC critiquant l’article 706-11 du Code de procédure pénale qui aboutissait à substituer un tiers à l’auteur de l’infraction, pourtant tenu de dédommager sa victime comme contraire aux principes de responsabilité personnelle et d’égalité. La Cour de cassation ne s’était jamais prononcée sur l’inclusion dans le texte des débiteurs contractuels d’indemnisation et la réponse à la QPC dépendait d’une interprétation du texte non encore donnée par la Cour. Elle a jugé que la QPC ne présentait pas de caractère sérieux parce que la disposition contestée n’exonérait pas la personne pénalement responsable de son obligation d’indemniser la victime de l’infraction et n’opérant aucune substitution, en permettant l’exercice d’un recours subrogatoire par le Fond contre un autre débiteur d’indemnisation (Cass., 2ème civ., 9 décembre 2010, n° de pourvoi : 10-17884). Le procédé employé par le Conseil d’Etat s’appuie sur le raisonnement et les méthodes du Conseil constitutionnel et diffère en ce sens de celui de la Cour de cassation mais, à l’arrivée, le résultat est le même : les juges ordinaires gardent la maîtrise de l’interprétation de la loi en refusant en pratique que sa constitutionnalité soit appréciée par le Conseil constitutionnel.
2. La réponse des juges ordinaires et le renforcement de l’autorité de chose jugée à travers le contrôle a posteriori
a) Un Conseil constitutionnel qui a fait évoluer l’interdiction de statuer ultra petita dans son contrôle a priori
i) Une interdiction de statuer ultra petita d’abord compensée par son pouvoir d’évocation d’office
582 • L’article 61 C° dispose, dans le cadre du contrôle a priori, que « les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel, avant leur promulgation » pour que le Conseil constitutionnel « se prononce sur leur conformité à la Constitution ». La disposition devrait laisser à penser que, lorsque le juge constitutionnel est saisi d’une loi, il est saisi de toute la loi et doit alors se prononcer sur cette dernière dans son intégralité comme c’est le cas du contrôle obligatoire opéré sur les lois organiques et les règlements d’Assemblées où les textes (art. 61-1 C°). Or, il n’en est rien puisque, dans le cadre du contrôle a priori,l’examen de la loi effectué par le Conseil constitutionnel s’effectue, conformément à l’interdiction de statuer ultra petita applicable à tout organe juridictionnel, au regard des différents moyens de constitutionnalité évoqués par les auteurs de la saisine. Mais le Conseil peut aussi soulever d’office des moyens non évoqués par la saisine et développer des conclusions nouvelles à propos de dispositions non contestées de la loi. Il n’y a, par contre, aucune règle précise en la matière, aucun critère dans l’utilisation de la technique, le Conseil tenant simplement compte de certaines circonstances ou opportunités. Le pouvoir d’évocation d’officeest apprécié souverainement par le Conseil en fonction de certains éléments comme l’ampleur du texte, l’opportunité pédagogique, les difficultés techniques soulevées par le texte ou encore la gravité des questions éludées par les requérants. Ce pouvoir d’office est déroutant tout autant qu’il est spécifique même si la technique n’est pas étrangère aux autres cours constitutionnelles européennes (Cf.A.-C. Bezzina, « L’étendue du contrôle du Conseil constitutionnel sur la loi ordinaire à travers l’étude des moyens et conclusions soulevés d’office »,www.droitconstitutionnel.org) mais on ne retrouve jamais les caractéristiques françaises, la technique étant soit plus étendue, soit plus limitée.
ii) Les vicissitudes du « considérant-balai »
583 • C’est dès l’examen de sa 1ère loi ordinaire que le Conseil a établi un considérant que l’on dénommera plus tard « considérant-balai » qui établit l’étendue de sa compétence : « Considérant qu’en l’espèce, il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi dont il est saisi par le Premier ministre aux fins d’examen de ses articles 17 et 18 » (CC, n°60-8 DC, 11 août 1960, Loi de finances rectificative pour 1960 (Redevance radio-télévision), JO, 13 août 1960, p. 7599, Rec. CC, p. 25, cons. n°5). Si, par ce considérant, il montre que son office se limite aux dispositions contestées, il se réserve néanmoins la possibilité d’aller plus loin dans son contrôle. A partir de 1977, le Conseil évolue dans sa disposition, il utilise toujours le même considérant balai mais il va plus loin en validant, dans le dispositif, l’ensemble de la loi alors, qu’en l’espèce, il n’était saisi que d’un seul article : « Sont déclarées conformes à la Constitution les dispositions de la loi susvisée portant diverses mesures en faveur de l’emploi et complétant la loi n° 75-574 du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale » (CC, n°77-79 DC, 5 juillet 1977, Loi portant diverses dispositions en faveur de l’emploi des jeunes et complétant la loi n° 75-574 du 4 juillet 1975 tendant à la généralisation de la sécurité sociale, JO, 6 juillet 1977, p. 3560, Rec. CC, p. 35, art. 1er du dispositif). Mais devant les limites affichées par cette pratique, notamment en présence de dispositions souvent hors de propos entre elles dans le texte législatif, de dispositions techniques ou volumineuses (comme dans les lois de finance ou les lois de financement de la sécurité sociale), le considérant-balai est supprimé et le dispositif ne mentionne, en règle générale, que les dispositions contraires à la Constitution (il est utilisé une dernière fois dans la décision CC, n° 90-283 DC, 8 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, JO, 10 janvier 1991, p. 524, Rec. CC, p. 11, art. 2 du dispositif). C’est, enfin, à partir de 1993, que le considérant balai revient et que le Conseil affirme qu’il statue sur les dispositions soumises ou qu’il a relevé d’office : « Considérant qu’en l’espèce il n’y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever aucune question de conformité à la Constitution en ce qui concerne les autres dispositions de la loi soumise à son examen » (CC, n°93-321 DC, 20 juillet 1993, Loi réformant le code de la nationalité, JO, 23 juillet 1993, p. 10391, Rec. CC, p. 196, cons. n°40).
iii) Un contrôle complet depuis 1993
584 • A partir de cette date et de la décision précitée ci-dessus, c’est à un contrôle complet que se livre le Conseil, s’autorisant à statuer ultra petita en relevant d’office l’inconstitutionnalité d’une disposition législative sans qu’elle soit contestée par les requérants mais comme peut le relever Damien Connil, « la position du Conseil constitutionnel est aujourd’hui claire : il ne délivre aucun brevet de constitutionnalité à la loi qui lui est déférée » (D. Connil, « L’étendue de la chose jugée par le Conseil constitutionnel lors d’une question prioritaire de constitutionnalité : observations dubitatives sur l’état de la jurisprudence », RFDA 2011, p. 472). On peut ainsi dire que « l’utilisation du pouvoir d’office paraît relever du pouvoir propre du Conseil Constitutionnel plutôt que du pouvoir contraignant d’un ordre public constitutionnel » (A.-C. Bezzina, « L’étendue du contrôle du Conseil constitutionnel sur la loi ordinaire à travers l’étude des moyens et conclusions soulevés d’office » précité). Le Conseil ne sanctionne, en réalité, que les irrégularités manifestes et module son pouvoir de statuer ultra petita pour respecter et préserver l’activité du législateur ou, tout simplement, ménager les effets d’une jurisprudence nouvelle soit, en quelque sorte, faire prévaloir des considérations pratiques sur des questions de principe. La logique concernant le contrôle a posteriori va être quelque peu différente.
b) Le contrôle intégral de la disposition législative effectué par le Conseil dans son contrôle a posteriori : la mise en place d’un brevet de constitutionnalité
i) Un juge qui ne se contente pas d’examiner les griefs d’inconstitutionnalité soulevés par les parties
585 • Contrairement à ce qu’il fait dans le cadre du contrôle a priori, le Conseil délivre un véritable brevet de constitutionnalité à la disposition législative contestée à l’occasion du contrôle a posteriori. Il emploi, à cet égard, un considérant standard où il considère que « la disposition législative contestée n’est contraire à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit » (Cf., pour une première utilisation : CC, n° 2010-3 QPC, 28 mai 2010, Union des familles en Europe[Associations familiales], JO, 29 mai 2010, p. 9730, Rec. CC, p. 97, cons. n°11). Dans une QPC, c’est la question qui détermine l’objet de la demande et le Conseil ne se prononce que sur les dispositions transmises, il se refuse, en conséquence, à soulever des conclusions d’office (Voir, par ex : CC, n°2010-1 QPC, 28 mai 2010, Consorts L. [Cristallisation des pensions], JO, 29 mai 2010, p. 9728, Rec. CC, p. 91). Par contre, il ne se contente pas d’examiner les griefs d’inconstitutionnalité soulevés par les parties, il contrôle la disposition législative au regard de l’ensemble des droits et libertés garantis par la Constitutionopérant de la sorte un « contrôle intégral » de la disposition tout en lui conférant ce brevet de constitutionnalité. C’est en reconnaissant la constitutionnalité de l’article 231 CGI, qu’il a relevé d’office, pour la 1ère fis et sans y être invité par les auteurs de la QPC, un grief d’inconstitutionnalité dans le cadre du contrôle a posteriori. (CC, n°2010-28 QPC, 17 septembre 2010, Association Sportive Football Club de Metz [Taxe sur les salaires], JO, 18 septembre 2010, p. 16953, Rec. CC, p. 233 ; le moyen soulevé d’office concernait la question de l’atteinte qu’une éventuelle incompétence négative pouvait porter au principe d’égalité devant la loi (article 6 DDHC), moyen pas évoqué par les requérants). La volonté d’agir en ce sens du Conseil est justifiée par la nécessité de favoriser le principe de sécurité juridique de sorte que les situations existantes se trouvent préservées et de sorte que l’on puisse maintenir le principe de prévisibilité de la règle de droit. Portalis avait déjà évoqué l’importance de cette règle dont la nécessité n’est en fait que valider par le Conseil : « Le législateur ne doit point frapper sans avertir : s’il en était autrement, la loi, contre son objet essentiel, ne se proposerait donc pas de rendre les hommes meilleurs, mais seulement de les rendre plus malheureux » (Portalis, « Discours préliminaire du premier projet de Code civil présenté le 1er pluviôse an IX » in Motifs et discours prononcés lors de la publication du Code civil par les divers orateurs du Conseil d’Etat et du Tribunat, Paris, Firmin Didot Frères, 1838, p. 1). Avec ce raisonnement, il n’est plus possible, en conséquence, à l’avenir, de contester la disposition législative par une nouvelle QPC ce qui permet, conformément à l’un des objectifs principaux de la réforme, de « purger » de manière complète l’ordonnance juridique des dispositions législatives contraires à la Constitution.
ii) Des interrogations qui subsistent quant au champ d’application du contrôle général : la notion de « disposition législative »
586 • A noter que deux interrogations ou incertitudes subsistent quant au champ d’application du contrôle intégral ainsi effectué et du brevet de constitutionnalité ainsi décerné (voir, en ce sens, D. Connil précité). La 1ère interrogation concerne la notion de « disposition législative » telle que mise en place par les textes. Il n’y a pas de doutes quant à l’applicabilité de la procédure aux dispositions des lois ordinaires antérieures et postérieures à 1958 mais aussi aux lois organiques (CC, n°2012-278 QPC, 5 octobre 2012, Mme Élisabeth B. [Condition de bonne moralité pour devenir magistrat], JO, 6 octobre 2012, p. 15655, Rec. CC, p. 511 à propos de l’article 16 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature), aux lois du pays (Cf. Art. 107 al. 2 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 (JO, 21 mars 1999, p. 4197) relative à la Nouvelle-Calédonie ; CC, n°2011-205 QPC, 09 décembre 2011, Patelise F. [Nouvelle-Calédonie : rupture du contrat de travail d’un salarié protégé], JO, 10 décembre 2011, p. 20991, Rec. CC, p. 584 ; Voir aussi, C. David, « L’assimilation du régime des lois du pays à celui des lois nationales dans le cadre de la QPC », RFDC 2012, n° 92, p. 863 ou « Lois du pays et Question prioritaire de constitutionnalité. Vers un renforcement de l’État de droit en Nouvelle-Calédonie », RFDC 2014, n°98, p. 317) ou encore aux ordonnances de l’article 38 C° ratifiées par le législateur (dans sa décision CC, n° 2011-219 QPC, 10 février 2012, M. Patrick É. [Non-lieu : ordonnance non ratifiée et dispositions législatives non entrées en vigueur], JO, 11 février 2012, p. 2440, Rec. CC, p. 113, le Conseil constitutionnel a, a contrario, confirmé cet état de fait en indiquant qu’il n’était pas compétent pour apprécier la conformité à la Constitution de deux articles du Code des transports qui n’avaient pas de valeur législative compte tenu de la non ratification de l’ordonnance qui les avait codifiés).
iii) Des interrogations qui subsistent quant au champ d’application du contrôle général : la notion de « disposition législative » (2)
587 • Il n’y a pas de doute, non plus, quant à l’absence d’applicabilité de la procédure quant à différents types de dispositions : que ce soit des lois constitutionnelles (le Conseil d’Etat a, par exemple, refusé de transmettre une QPC qui tendait à faire interpréter par le Conseil les articles 72 et 73 C° que le requérant estimait ne pas être clairs : CE, 16 avril 2010, Virassamy, req. n°336270) des lois référendaires (CC, n°2014-392 QPC, 25 avril 2014, Province Sud de Nouvelle-Calédonie [Loi adoptée par référendum- Droit du travail en Nouvelle-Calédonie], JO, 27 avril 2014, p. 7360) ou encore des dispositions règlementaires (CE, 2 juin 2010, Ponsart, req. n°338965). (Voir, pour une approche générale de la question, A. Levade, « Les dispositions susceptibles d’être invoquées », JCP 2010, G, n°48, p. 22). Il n’y a pas de doutes, encore, sur le fait que le Conseil ne contrôle jamais l’ensemble de la loi ce qui ne l’empêche pas, par contre, de se prononcer sur des dispositions connexes à celles dont il est saisi en joignant des questions qui portent sur la même loi (CC, n°2010-20/21 QPC, 6 août 2010, M. Jean C. et autres [Loi Université], JO, 7 août 2010, p. 14615, Rec. CC, p. 203) ou sur la même disposition législative (CC, n°2010-67/86 QPC, 17 décembre 2010, Région Centre et région Poitou-Charentes [AFPA – Transfert de biens publics], JO, 19 décembre 2010, p. 22373, Rec. CC, p. 403)ou en faisant en sorte, encore, que l’inconstitutionnalité d’une disposition législative entraine mécaniquement l’inconstitutionnalité d’une autre disposition même si pas invoquée dans la QPC (CC, n°2010-1 QPC, 28 mai 2010, Consorts L. [Cristallisation des pensions], JO, 29 mai 2010, p. 9728, Rec. CC, p. 91).
iv) Des interrogations qui subsistent quant au champ d’application du contrôle général : une approche large de la notion de « droits et libertés »
588 • La 2nde interrogation concerne le champ d’application de la notion de « droits et libertés » au regard desquels la disposition législative est justement contrôlée. On peut ainsi évoquer comme Stéphanie Hennette Vauchez, le fait qu’ « au principe de la démarche proposée réside un doute. Le doute qu’en matière de QPC, un piège des mots joue à plein – un piège qui voudrait que le vocable même dans lequel la QPC s’énonce […] ne serait que trompeusement universaliste – abstrait, neutre. Le doute que les « droits et libertés que la Constitution garantit » ne sont pas forcément ceux auxquels il est implicitement renvoyé » (S. Hennette Vauchez, « … les droits et libertés que la constitution garantit » : quiproquo sur la QPC ? », RDH 2016, 10, [in line]). Il n’y a, en effet, ni définition générale, ni énumération constitutionnelle de ces « droits et libertés » (Cf., pour une présentation générale, M.-J Redor-Fichot, « Le Conseil constitutionnel, la question prioritaire de constitutionnalité et les « droits et libertés que la Constitution garantit » », CRDF 2011, n°9, p. 41) amenant à faire un parallèle avec la position du juge administratif confronté à la détermination des libertés fondamentales invocables dans le cadre du référé-liberté. C’est donc au juge constitutionnel, dès lors, de les identifier au fil des affaires qui lui sont soumises. Il retient une conception relativement large des droits et libertés garantis par la Constitution, plus large que celle retenue par le juge administratif, sachant que la manière dont le Conseil apprécie la constitutionnalité des lois ne peut totalement s’abstraire de l’existence du contrôle de conventionnalité, exercé par les juges ordinaires, ni du risque de condamnations prononcées par la CourEDH ou par la CJUE.
v) Des interrogations qui subsistent quant au champ d’application du contrôle général : une absence de définition générale et abstraite de la notion de « droits et libertés »
589 • Le Conseil, à l’instar du juge administratif pour les libertés fondamentales, s’est bien gardé de donner une définition générale et abstraite de la notion de droit et liberté que la Constitution garantit. Les critères utilisés dans ces choix ne sont pas toujours très clairs et amènent à discussion ou interrogation. On peut citer, par exemple, sa jurisprudence concernant les hypothèses de compétences négatives du législateur (Voir, plus généralement, L. Vallée, « Inconstitutionnalité négative et question préalable de constitutionnalité », AJDA 2009, p. 1585). Il a jugé que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une QPC que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit (CC, n°2010-5 QPC, 18 juin 2010, SNC Kimberly Clark [Incompétence négative en matière fiscale], JO, 19 juin 2010, p. 11149, Rec. CC, p. 114). Le moyen n’est donc opérant que si l’incompétence négative « affecte » un droit ou une liberté ce qui n’est pas le cas en l’espèce puisque le Conseil a estimé que la violation de l’article 14 DDHC, qui pose le principe de consentement à l’impôt, n’était pas alléguée dans la mesure où il protège les droits du Parlement et non ceux des particuliers. Le Conseil a néanmoins eu l’occasion de faire plusieurs applications positives en reconnaissant, par exemple, la violation du droit de propriété (CC, n°2010-33 QPC, 22 septembre 2010, Société Esso SAF [Cession gratuite de terrain], JO, 23 septembre 2010, p. 17292, Rec. CC, p. 245) ou de la liberté d’entreprendre (CC, n°2010-45 QPC, 6 octobre 2010, M. Mathieu P. [Noms de domaine Internet], JO, 7 octobre 2010, p. 18156, Rec. CC, p. 270). Le Conseil s’est, de même, aussi prononcé sur le fait que les dispositions de forme et de procédure, comme par exemple les règles liées à la formation de la disposition législative, ne sauraient relever du champ des normes invocables à l’occasion d’une QPC. Le Conseil a jugé de la sorte à propos du respect du domaine des lois de finances (CC, n°2010-4/17 QPC, 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre [Indemnité temporaire de retraite outre-mer], JO, 23 juillet 2010, p. 13615, Rec. CC, p. 156), du domaine de la loi organique (CC, n°2012-241 QPC, 4 mai 2012, EURL David Ramirez [Mandat et discipline des juges consulaires], JO, 5 mai 2012, p. 8016, Rec. CC, p. 236), ou encore du principe de clarté et de sincérité des débats parlementaires (CC, n°2013-370 QPC, 28 février 2014, M. Marc S. et autre [Exploitation numérique des livres indisponibles], JO, 2 mars 2014, p. 4120). Dans toutes ces hypothèses, le Conseil constitutionnel a énoncé que « le grief tiré de la méconnaissance de la procédure d’adoption d’une loi ne peut être invoqué à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité».
vi) Des interrogations qui subsistent quant au champ d’application du contrôle général : une absence de définition générale et abstraite de la notion de « droits et libertés » (2)
590 • Lorsqu’on analyse les droits et libertés invoqués par les requérants dans le contentieux QPC, c’est, la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi (CC, no 2010-1 QPC, 28 mai 2010, Consorts L. [Cristallisation des pensions] précité), devant l’impôt (CC, no 2010-28 QPC, 17 septembre 2010, Association Sportive Football Club de Metz [Taxe sur les salaires], précité) ou devant les charges publiques (CC, no 2010-11 QPC, 9 juillet 2010, Mme Virginie M. [Pension militaire d’invalidité], JO, 10 juillet 2010, p. 12840, Rec. CC, p. 136) qui est en 1er lieu invoqué. Il faut aussi citer les principes de la DDHC, notamment ses articles 7, 8 et 9 lus comme fondateurs du droit pénal moderne (par ex., le principe de nécessité et d’individualisation des peines : CC, no 2010-6/7 QPC, 11 juin 2010, M. Stéphane A. et autres [Article L. 7 du code électoral], JO, 12 juin 2010, p. 10849, Rec. CC, p. 111 ou le principe de non-rétroactivité de la loi pénale : CC, no 2010-19/27 QPC, 30 juillet 2010, Époux P. et autres [Perquisitions fiscales], JO, 31 juillet 2010, p. 14202, Rec. CC, p. 190). Mais il y a un souci quant à la possibilité d’invocation en la matière des objectifs à valeur constitutionnelle eu égard notamment à la diversité du contenu voire de la valeur de ces objectifs. Si le Conseil a ainsi pu juger que la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi (CC, no 2010-4/17 QPC, 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre [Indemnité temporaire de retraite outre-mer] précité) ou de bonne administration de la justice (CC, no 2010-77 QPC, 10 décembre 2010, Mme Barta Z. [Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité], JO, 11 décembre 2010, p. 21711, Rec. CC, p. 384) ne peuvent, en eux-mêmes, être invoqués à l’appui d’une QPC. Ce n’est pas le cas, dans un sens contraire, de l’objectif de pluralisme des courants de pensée et d’opinion (CC, n°2010-3 QPC, 28 mai 2010, Union des familles en Europe [Associations familiales] précité) ou de l’objectif de lutte contre la fraude fiscale (CC, n°2010-19/27 QPC, 30 juillet 2010, Epoux P. et autres [Perquisitions fiscales] précité). Enfin, le cas des dispositions de la Charte de l’environnementillustre assez bien les interrogations que peuvent soulever les solutions retenues par le Conseil. La motivation retenue par le juge constitutionnel ne permet pas, par exemple, de savoir de manière certaine si des actions en responsabilité en cas d’atteintes portées par les tiers à l’environnement peuvent être exercées sur le fondement de l’articles 3 (obligation de prévention) ou de l’article 4 (obligation de contribuer aux dommages causés à l’environnement) de la Charte et s’ils pourraient, ainsi, fonder à eux seuls une QPC. Pour l’article 3, c’est la compétence et la large marge d’appréciation conférée au législateur pour définir les conditions de cette obligation impliquent un contrôle réduit du Conseil et une absence de position claire (CC, n°2013-346 QPC, 11 octobre 2013, Société Schuepbach Energy LLC [Interdiction de la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures – Abrogation des permis de recherches], JO, 13 octobre 2013, p. 16905, Rec. CC, p. 988). Pour l’article 4, le Conseil ne peut en définir les lignes directrices car il incombe au législateur et aux autorités administratives, d’en déterminer les modalités de mise en œuvre (CC, n° 2011-116 QPC, 8 avril 2011, Michel Z. et autre [Troubles du voisinage et environnement], JO, 9 avril 2011, p. 6361, Rec. CC, p. 183) (Voir, pour l’ensemble de la question : C. Huglo, « La QPC : quelle utilisation en droit de l’environnement ? » Nouveaux Cahiers du CC 2014, n° 43).
c) La remise en cause du brevet de constitutionnalité : le changement de circonstances
i) La transposition d’une technique contentieuse de droit administratif
591 • Ce sont les dispositions de l’article 23-2 de la loi organique du 10 décembre 2009 (loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 (JO, 11 décembre 2009, p. 21379) relative à l’application de l’article 61-1 C°) qui interdisent, en principe, le réexamen d’une disposition législative déjà déclarée conforme à la Constitution dans les motifs ou le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel. Cela empêche, ainsi, pour l’avenir, toute possibilité de contester, à nouveau, par une QPC, la conformité de la disposition à la Constitution. Il existe néanmoins une exception qui peut amener le Conseil à procéder, néanmoins, à un nouvel examen de la disposition : l’hypothèse du changement de circonstances (Voir, pour une vision générale : P. Gervier, « Le « changement des circonstances » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel »,www.droitconstitutionnel.org., 2011 ou D. Rousseau, « La prise en compte du changement de circonstances » in B. Mathieu et M ; Verpeaux, L’autorité des décisions du Conseil constitutionnel, Paris, Dalloz, 2010, p. 99). Il y a là la transposition d’une technique contentieuse du droit administratif (Cf. A. Roblot-Troizier, « Le changement des circonstances de droit dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la transposition d’une technique contentieuse du droit administratif », RFDA 2006, p. 788) et unparallèle peut être établi avec la jurisprudence du Conseil d’Etat en matière d’obligation d’abroger les règlements illégaux (CE, sect., 10 janvier 1930, Despujol, req. n°97263, Rec. CE, p. 30, D. 1930, jurispr. p. 16, note P.-L. J., S. 1930, 3, p. 41, note R. Alibert ; CE, Ass., 3 février 1989, Compagnie Alitalia, req. n°74052, Rec. CE, p. 44, RFDA 1989, p. 391, concl. N. Chahid-Nouraï, notes O. Beaud et J.-L. Dubouis, AJDA 1989, p. 387, note O. Fouquet ; jurisprudence qui a été réaffirmée par l’article 1er de la loi du 20 décembre 2007 (loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 (JO, 21 décembre 2007, p. 20639) relative à la simplification du droit), édictant que l’autorité compétente doit faire droit à toute demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, que cette illégalité existe depuis l’origine ou qu’elle soit advenue à la suite d’un changement de circonstances de fait ou de droit).
ii) L’exemple du changement dans les circonstances de droit : des hypothèses nombreuses et variées
592 • C’est le Conseil qui apprécie la recevabilité de la QPC en vérifiant la réalité du changement de circonstances et il justifie le réexamen de la disposition « par les changements intervenus, depuis la précédente décision, dans les normes de constitutionnalité applicables ou dans les circonstances, de droit ou de fait, qui affectent la portée de la disposition législative critiquée » (CC, n°2009-595 DC, 3 décembre 2009, Loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, JO, 11 décembre 2009, p. 21381, Rec. CC, p. 206, cons. n°13). Il peut donc s’agir à la fois d’un changement des circonstances de droit comme d’un changement de circonstances de fait, tiré d’une évolution du contexte socio-économique entre le moment de la décision initiale du Conseil et celui ou intervient la QPC. Concernant le changement dans les circonstances de droit, celui-ci peut concerner plusieurs hypothèses. Il peut intervenir d’abord en cas de modification du cadre législatif existant que ce soit les dispositions proprement dites (CE, 9 juillet 2010, Mathieu, req. n°339081) ou la modification ou la censure d’une disposition à laquelle renvoie la disposition attaquée (CC, n°2012-264 QPC, 13 juillet 2012, M. Saïd K. [Conditions de contestation par le procureur de la République de l’acquisition de la nationalité par mariage II], JO, 14 juillet 2012, p. 11636, Rec. CC, p. 330 ou CC, n° 2011-125 QPC, 6 mai 2011, M. Abderrahmane L. [Déferrement devant le procureur de la République], JO, 7 mai 2011, p. 7850, Rec. CC, p. 218). Cela peut être aussi le cas d’un changement de jurisprudence du Conseil lui-même (CC, n°2013-331 QPC, 5 juillet 2013,Société Numéricâble SAS et autre [Pouvoir de sanction de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes], JO, 7 juillet 2013, p. 11356, Rec. CC, p. 876)
iii) L’exemple du changement dans les circonstances de droit : le cas particulier du changement de jurisprudence (1)
593 • Dans le cas particulier du changement de jurisprudence, les dispositions doivent être applicables au cas d’espèce et, en ce sens, les juridictions ordinaires bénéficient d’une appréciation souveraine. La chambre sociale et la chambre criminelle de la Cour de cassation ont, par exemple, à propos de la QPC critiquant l’imprécision de l’incrimination de harcèlement moral, pu mettre en avant que la décision du Conseil constitutionnel abrogeant les dispositions pénales incriminant le harcèlement sexuel ayant déclaré contraire à la Constitution l’article 222-33 du Code pénal réprimant le délit de harcèlement sexuel, dont les éléments constitutifs n’étaient pas suffisamment définis (CC, n°2012-240 QPC, 4 mai 2012, M. Gérard D. [Définition du délit de harcèlement sexuel], JO, 5 mai 2012, p. 8015, Rec. CC, p. 233) ne constituait pas un changement des circonstances de droit, en ce que cette décision n’affectait pas les dispositions contestées, rédigées de manière différente (Cass., Soc., QPC, 11 juillet 2012, n° de pourvoi : 12-40.051, Bull. Soc. 2012, V, n° 220 ; Cass., crim., QPC, 11 juillet 2012, n° de pourvoi 11-88114, Bull. crim. 2012, n° 170 ; Cass., Crim., QPC, 25 juillet 2012, QPC n° de pourvoi : 11-89125, 12-90034, n° 12-90.036 [3 arrêts]). Le Conseil d’Etat a, par exemple, jugé qu’un nouvel examen de l’article L. 314-18 CJF permettant l’engagement de plusieurs procédures susceptibles de conduire à un cumul de sanctions administratives pénales et disciplinaires était possible en raison de décisions du Conseil (CC, n° 2014-423 QPC, 24 octobre 2014, M. Stéphane R. et autres [Cour de discipline budgétaire et financière], JO, 26 octobre 2014, p. 17776 et les décisions relatives au principe non bis in idem : CC, n° 2014-453/454 QPC et n° 2015-462 QPC, 18 mars 2015, M. John L. et autres [Cumul des poursuites pour délit d’initié et des poursuites pour manquement d’initié], JO, 20 mars 2015, p. 5183)car cela constituait un changement dans les circonstances de droit (CE, 15 avril 2006, M. D. B. et M. A. C., req. n°396696). Il a aussi jugé de même à propos d’une disposition relative aux compétences de l’ARCEP qui pouvait être contestée par une nouvelle QPC en raison de l’évolution de la jurisprudence du Conseil relative aux principes d’indépendance et d’impartialité (CC, n°2011-200 QPC, 2 décembre 2011, Banque populaire Côte d’Azur [Pouvoir disciplinaire de la Commission bancaire], JO, 3 décembre 2011, p. 20496, Rec. CC, p. 559 et CC, n°2012-280 QPC, 12 octobre 2012, Société Groupe Canal Plus et autre [Autorité de la concurrence : organisation et pouvoir de sanction], JO, 13 octobre 2012, p. 16031, Rec. CC, p. 529). Il y avait là encore un changement des circonstances de droit (CE, 29 avril 2013, Sociétés Numéricâble SAS et NC Numéricâble, req. n°356976).
iv) L’exemple du changement dans les circonstances de droit : le cas particulier du changement de jurisprudence (2)
594 • Pour qu’il y ait changements dans les circonstances de droit, le changement en matière de jurisprudence administrative ou judiciaire doit encore être confirmé par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation (CC, n°2011-120 QPC, 8 avril 2011, M. Ismaël A. [Recours devant la Cour nationale du droit d’asile], JO, 9 avril 2011, p. 6364, Rec. CC, p. 194 à propos d’une jurisprudence de la Cour nationale du droit d’asile non confirmée par le Conseil d’Etat). Il y a, de plus, une appréciation souveraine de la part des juges ordinaires quant à savoir si une évolution de leur jurisprudence constitue réellement un changement de circonstances de droit. La chambre criminelle de la Cour de cassation a, par exemple, jugé que l’une de ses décisions (Cass., crim., 5 février 2014, n° de pourvoi : 12-80.154, Bull. crim. 2014, n° 35), relative aux conditions de fond de la réparation des conséquences dommageables qui peuvent résulter de la faute civile d’un prévenu définitivement relaxé, ne constitue aucun changement de circonstance justifiant un nouvel examen de l’article 497 al. 3 du Code de procédure pénale(Cass., crim., 9 mars 2016, n° de pourvoi : 15-83.517, Bull. crim. 2016, n° 74). Enfin, à noter que l’inscription d’une nouvelle norme constitutionnelle peut aussi caractériser un changement des circonstances de droit (CC, n°2012-233 QPC, 21 février 2012, Mme Marine Le Pen [Publication du nom et de la qualité des citoyens élus habilités à présenter un candidat à l’élection présidentielle], JO, 22 février 2012, p. 3023, Rec. CC, p. 130 à propos de l’inscription d’un nouvel alinéa à l’article 4 C° à l’occasion de la révision constitutionnelle du 28 juillet 2008 qui a justifié le réexamen de dispositions relatives à la publicité des parrainages des candidats à l’élection présidentielle). Mais, comme a pu le signaler le Conseil d’Etat, il faut encore qu’elle soit opposable ou applicable à la disposition législative (CE, 20 avril 2011, Département Seine-Saint-Denis et Département Hérault, req. n°346205 et n°346239 où le Conseil d’Etat a estimé qu’il n’y avait pas changement dans les circonstances de droit eu égard au fait que « les dispositions du quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, relatives à la compensation des transferts de compétences entre l’Etat et les collectivités territoriales, ne sont applicables, eu égard à leur objet, qu’aux lois postérieures à leur entrée en vigueur »).
v) L’exemple du changement dans les circonstances de fait
595 • Concernant les circonstances de fait, il faut d’abord les définir comme étant des circonstances qui ont globalement affecté la portée de la disposition législative contestée et non comme des circonstances individuelles propres à une instance donnée. La décision du Conseil constitutionnel relative à la procédure de placement en garde à vue (CC, n° 2010-14/22 QPC, 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres [Garde à vue], JO, 31 juillet 2010, p. 14198, Rec. CC, p. 179), a donné le 1er exemple de mise en œuvre de la notion de changement des circonstances de fait. L’une des exigences premières du changement des circonstances de fait tient à sa justification par des données quantifiables, non au simple constat de l’existence d’un débat. Il y a, à ce sujet souvent des considérations de droit qui se mélangent aux considérations de fait. Le Conseil a estimé, en l’espèce, que « certaines modifications des règles de la procédure pénale ainsi que des changements dans les conditions de sa mise en œuvre ont conduit à un recours de plus en plus fréquent à la garde à vue et modifié l’équilibre des pouvoirs et des droits fixés par le code de procédure pénale » (cons. n°15) pouvaient engendré un changement dans les circonstances de droit et de fait (le Conseil citant, par exemple, la généralisation de la pratique du traitement dit « en temps réel » des procédures pénales, la réduction des exigences conditionnant l’attribution de la qualité d’officier de police judiciaire aux fonctionnaires de la police nationale et aux militaires de la gendarmerie nationale ou encore de l’augmentation de 25 000 à 53 000 du nombre de ces fonctionnaires civils et militaires ayant la qualité d’officier de police judiciaire). Par contre, le Conseil confirme, a priori, que « les changements ayant affecté la vie politique et l’organisation institutionnelle du pays », invoqués sans davantage de précisions, ne caractérisent pas un « changement des circonstances » de fait (CC, n° 2012-233 QPC, 21 février 2012, Mme Marine LE PEN [Publication du nom et de la qualité des citoyens élus habilités à présenter un candidat à l’élection présidentielle] précité) contrairement à ce qu’avait décidé le Conseil d’Etat dans sa décision de renvoi et qui avait estimé que « les changements ayant affecté la vie politique et l’organisation institutionnelle du pays » depuis 1976 justifiaient un nouvel examen de la disposition (CE, 2 février 2012, Mme Le Pen, req. n°355137). La chambre criminelle de la Cour de cassation a pu également jugé, à deux reprises, s’agissant des QPC relatives aux articles 706-54 et 706-56 du Code de procédure pénale relatifs au fichier des empreintes génétiques, que les avancées de la science génétique « ne sauraient s’analyser en un changement des circonstances au sens de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel » (Cass., crim., QPC, 19 juin 2012, n° de pourvoi : 12-90022 et Cass., crim., QPC, 11 juillet 2012, n° de pourvoi : 12-81533).
d) Le choix large du Conseil sur la modulation dans le temps des décisions prises dans son contrôle a posteriori
i) Un Conseil d’État qui reconnait le pouvoir de modulation sur l’exemple du juge de l’Union : la décision Association AC !
596 • C’est d’abord le juge de l’Union qui a admis que la consécration d’une solution prétorienne nouvelle pouvait, dans certains cas, être dissociée de son application à des faits antérieurs (CJCE, 8 avril 1976, Gabrielle Defrenne contre Société anonyme belge de navigation aérienne Sabena, Aff. n°43/75, Rec. CJCE, p. 455, § 69 et suivants). Le pouvoir de modulation dans le temps des décisions de justice a ensuite été l’apanage des juges ordinaires devant les critiques émises maintes fois quant aux effets des revirements appliqués rétroactivement, ces derniers apparaissant comme attentatoires à la sécurité juridique. En effet, à partir du moment où le juge substitue une nouvelle règle jurisprudentielle à celle prise en considération par les sujets de droit, ces derniers se voient sanctionnés alors même qu’ils se sont conformés à la règle. C’est d’abord le Conseil d’Etat qui a octroyé la possibilité au juge administratif de déroger, à titre exceptionnel et sous réserve des instances en cours à la date où le juge statue, au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses d’un acte administratif en raison, notamment « des effets que cet acte a produit et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur » (CE, Ass., 11 mai 2004, Association AC !, req. n°255886, Rec. CE, p. 197, AJDA 2004, p. 1183, chron. C. Landais et F. Lenica, p. 1049, tribune J.-C. Bonichot, p. 1219, étude F. Berguin, Justice et cassation 2007, p. 15, étude J. Arrighi de Casanova, Droit social 2004, p. 762, étude P. Langlois, p. 766, note X. Prétot, RFDA 2004, p. 438, note J.-H. Stahl et A. Courrèges, p. 454, concl. C. Devys). Par la suite, le Conseil d’Etat s’est appuyé spécifiquement sur le principe de sécurité juridique, sous-jacent à la première décision et tel qu’il découlait de l’article 6-1 ConvEDH, pour reconnaitre que dernier n’était pas violé par l’absence de modulation de la rétroactivité des revirements de jurisprudence (CE, 14 juin 2004, SCI Saint-Lazare, req. n°238199, Rec. CE, tables, p. 563).
ii) Une Cour de cassation qui suit la prise d’initiative du Conseil d’État
597 • La Cour de cassation a fait un pas supplémentaire en considérant que si les exigences de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime ne sauraient consacrer un droit acquis à une jurisprudence constante (Cass., 2ème civ., 8 juillet 2004, n° de pourvoi : 03-14717, Bull. civ. 2004, II, n°361), il y avait lieu de différer l’entrée en vigueur d’un revirement de jurisprudence dont l’application immédiate aboutirait à priver les victimes de certains droits. C’est la 2ème chambre civile qui a ainsi consacré cette solution jurisprudentielle nouvelle tout en refusant de l’appliquer au litige (Cass. 2ème civ., 8 juillet 2004, n° de pourvoi : 01-10426, Bull. civ. 2004, II, n°387, D. 2004, p. 2956, note C. Bigot, RTDCiv. 2005, p. 176, obs. P. Théry). La solution a été reprise par d’autres chambres de la Cour de cassation (par ex., Cass., soc., 17 décembre 2004, n° de pourvoi : 03-17031, Bull. civ. 2004, V, n° 346, RTD civ. 2005, p. 159, note P.-Y. Gautier et p. 625, obs. P. Théry) et même consacrée par sa formation la plus solennelle (Cass., Ass. Plén., 21 décembre 2006, n° de pourvoi : 00-20493, Bull. civ. Ass. Plén. 2006, n° 15, JCP 2007, G, II, n°10010, note E. Dreyer et n°10111, note X. Lagarde, D. 2007, p. 837, note P. Morvan, RTDCiv. 2007, p. 72, obs. P. Deumier et p. 168, obs. P. Théry).
iii) Une reconnaissance large du pouvoir de modulation des effets d’un changement de la règle jurisprudentielle
598 • Le principe de sécurité juridique a, par la suite, été consacré comme PGD par le Conseil d’Etat obligeant le pouvoir réglementaire à édicter des mesures transitoires en cas de réglementation nouvelle (CE, Ass., 24 mars 2006, Société KPMG et Société Ernst & Joung, audit et autres, req. n°288460, précité). Puis, c’est le Conseil d’Etat qui va faire usage, pour la 1èrefois, de son pouvoir de moduler dans le temps les effets d’un changement de la règle jurisprudentielle (CE, Ass., 16 juillet 2007, Société Tropic travaux signalisation, req. n°291545, Rec. CE, p. 360, concl. D. Casas, AJDA 2007, p. 1577, chron. F. Lenica et J. Boucher, p. 1497, tribune S. Braconnier, p. 1777, tribune J.-M. Woehrling, D. 2007, p. 2500, note D. Capitant, RFDA 2007, p. 696, concl. D. Casas, p. 917, étude F. Moderne, p. 923, note D. Pouyaud, p. 935, étude M. Canedo-Paris). Ce pouvoir s’est consolidé au fil des décisions intervenues depuis lors pour le Conseil d’Etat (CE, Ass., 4 avril 2014, Département du Tarn-et-Garonne, req. n°358994, AJDA 2014, p. 945, tribune S. Braconnier, chron. A. Bretonneau et J. Lessi, D. 2014, p. 1179, obs. M.-C. de Montecler, note M. Gaudemet et A. Dizier, RFDA 2014, p. 425, concl. B. Dacosta, p. 438, note P. Delvolvé) comme pour la Cour de cassation (Cass., 1ère civ., 6 avril 2016, n° de pourvoi : 15-10552, D. 2016, p. 181, obs. E. Dreyer, JCP 2016, G, n° 1225, obs. G. Beaussonie, RTDCiv. 2017, p. 207, obs. P. Théry). Solution à laquelle le Tribunal des conflits s’est à son tour ralliée (TC, 9 mars 2015, Société Autoroutes du Sud de la France, req. n°3984, RFDA 2015, p. 270, concl. N. Escaut, p. 273, note M. Canedo-Paris). Le Conseil constitutionnel n’y a pas vu d’atteinte à « une situation légalement acquise » lorsqu’il fut saisi d’une QPC sur les effets dans le temps d’un revirement de jurisprudence (CC, n° 2013-336 QPC, 1er août 2013, Société Natixis Asset Management [Participation des salariés aux résultats de l’entreprise dans les entreprises publiques], JO, 4 août 2013, p. 13317, Rec. CC, p. 918, cons. n°10). La CourEDH, saisie en d’autres circonstances, n’y a pas non plus vu d’atteinte à la sécurité juridique ni à la protection de la confiance légitime des justiciables (CourEDH, 26 mai 2011, Legrand contre France, req. n°232208/08. Voir A. Marais, « Modulation dans le temps des revirements de jurisprudence, requiem européen en si(x) bémol(s) », JCP 2011, G, n°1238).
iv) Un Conseil constitutionnel qui a également posé les conditions d’entrée en vigueur de ses décisions dans le temps
599 • C’est d’abord l’article 62 alinéa 2 C° qui donne au Conseil un pouvoir de modulation particulièrement large. Ce dernier peut, selon ce texte, différer l’abrogation de la disposition législative tout comme, par principe et sans aucune restriction, remettre en cause, les effets de la disposition déclarée inconstitutionnelle. Ce texte, qui donnait ainsi de larges possibilités d’intervention au Conseil, a été précisé, par voie jurisprudentielle, dans une décision QPC du 25 mars 2011 (CC, n°2010-108 QPC, 25 mars 2011, Mme Marie-Christine D. [Pension de réversion des enfants], JO, 26 mars 2011, p. 5404, Rec. CC, p. 154) où il établi que « si, en principe la déclaration d’inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la QPC et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l’article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l’abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l’intervention de cette déclaration » (cons. n°5). Par cette décision, le Conseil pose une 1ère règle de rétroactivité de principe ou d’application immédiate qui s’adresse essentiellement aux juges et qui concerne essentiellement les traces de la décision dans le passé. La déclaration d’inconstitutionnalité doit, ainsi, d’abord « bénéficié à la partie qui a présenté la QPC » (CC, n°2010-14/22 QPC, M. Daniel W. et autres [Garde à vue] précité, cons. n°30) et s’appliquer dans le procès ayant donné lieu à la QPC montrant par la même, la nature d’abord subjective de la procédure. Mais la déclaration d’inconstitutionnalité doit aussi s’appliquer à toutes instances en cours à la date de publication de la décision. Il s’agit là d’une règle d’ordre public, l’applicabilité immédiate aux instances en cours ayant un effet automatique, pas besoin de mention expresse dans la décision. Toutes les juridictions doivent soulever d’office le vice d’inconstitutionnalité frappant les dispositions soumises à leur contrôle. Cela concerne aussi les réserves d’interprétation : celle que le Conseil constitutionnel a adoptée à propos des hospitalisations d’office a eu un effet immédiat dont les juges de droit commun ont dû tenir compte dans les instances engagées(CC, n°2010-71-QPC, 26 novembre 2010, Mlle Danielle S. [Hospitalisation sans consentement], JO, 27 novembre 2010, p. 21119, Rec. CC, p. 343, cons. n°39).
v) Une rétroactivité dont le bénéfice amène à une jurisprudence complexe et variée
600 • Si la règle s’avère logique et simple d’apparence, il faut relever, comme Mathieu Disant, « que la restriction de la rétroactivité donne lieu, en réalité, à plusieurs variétés subtilement dissociables et dont l’ensemble forme un paysage éminemment (et inévitablement) complexe » (M. Disant, « Les effets dans le temps des décisions QPC », Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°40, p. 63). Le bénéfice de la rétroactivité peut, par exemple, être, purement et simplement, supprimé au motif que la sécurité juridique doit primer (par ex., CC, n°2012-235 QPC, 20 avril 2012, Association Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie [Dispositions relatives aux soins psychiatriques sans consentement], JO, 21 avril 2012, p. 7194, Rec. CC, p. 202, cons. n°31 ou CC, n°2012-284 QPC, 23 novembre 2012, Mme Maryse L. [Droit des parties non assistées par un avocat et expertise pénale], JO, 24 novembre 2012, p. 18549, Rec. CC, p. 613, cons. n°5), être limitée aux instances en cours dans lesquelles une partie a « invoqué le moyen » ou l’invoquera(par ex., CC, n° 2012-250 QPC, 8 juin 2012, M. Christian G. [Composition de la commission centrale d’aide sociale], JO, 9 juin 2012, p. 9794, Rec. CC, p. 281, cons. n°8), circonscrit afin de tenir compte des modifications de la loi (par ex., CC, n°2012-298 QPC, 28 mars 2013, SARL Majestic Champagne [Taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises – Modalités de recouvrement], JO, 30 mars 2013, p. 5457, Rec. CC, p. 513, cons. n°9), suspendue jusqu’à la survenance de la nouvelle législation qui sera applicable aux instances en cours (par ex., CC, n° 2011-190 QPC, 21 octobre 2011, M. Bruno L. et autre [Frais irrépétibles devant les juridictions pénales], JO, 22 octobre 2011, p. 17969, Rec. CC, p. 522, cons. n°12) ou encore délégué à l’appréciation du législateur (par ex., CC, n°2011-112 QPC, 1er avril 2011, Mme Marielle D. [Frais irrépétibles devant la Cour de cassation], JO, 2 avril 2011, p. 5892, Rec. CC, p. 170, cons. n°9).
vi) Un Conseil constitutionnel qui s’octroie la possibilité de reporter dans le futur les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité (1)
601 • Par la décision précitée du 25 mars 2011 (Cf. Supra n°599), le juge constitutionnel pose une 2nde règle qui réside dans la possibilité que s’octroie le Conseil de reporter dans le futur les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité, la règle s’adressant alors en priorité au législateur. L’abrogation immédiate dès la publication de la décision est, en pratique, le cas le plus fréquent. Si cette façon de faire respecte le principe de légalité, elle laisse peu de marge de manœuvre au législateur, son intervention n’est pas forcément nécessaire mais elle peut aussi s’avérer urgente surtout si le droit provisoire fixé alors par le Conseil ne convient pas au gouvernement. Contrairement à l’abrogation immédiate, le report des effets de l’abrogation à une date postérieure à la publication de sa décision fait en sorte que la déclaration d’inconstitutionnalité ne puisse s’appliquer aux instances en cours. Le report doit, bien entendu, faire l’objet d’une mention expresse dans la décision du Conseil et il s’avère assez paradoxal dans la mesure où il conduit à décider, à titre provisoire, que des dispositions législatives continueront à s’appliquer à l’avenir alors que le Conseil les a expressément reconnues inconstitutionnelles. Le Conseil diffère les effets futurs de sa décisionlorsque l’abrogation immédiate de la disposition lui ferait jouer à lui ou au juge ordinaire le rôle normalement dévolu aux parlementaires, notamment lorsqu’il existe différents choix à opérer pour remédier à l’inconstitutionnalité, que. Cela a été le cas dès les 1ères saisines du Conseil. Le Conseil se gardant de ne pas se « prononcer sur l’opportunité de dispositions législatives » ou de « substituer son appréciation à celle du législateur ». Il peut indiquer, à cet égard, qu’il ne lui appartient pas d’indiquer « les modifications des règles de procédure pénale » (CC, n° 2010-14/22 QPC, 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres [Garde à vue], précité, cons. n°30), « les modifications des règles de la procédure répressive en matière douanière » (CC, n°2010-32 QPC, 22 septembre 2010, M. Samir M. et autres [Retenue douanière], JO, 23 septembre 2010, p. 17291, Rec. CC, p. 241, cons. n°9 ou « les principes fondamentaux des obligations civiles ou commerciales » (CC, n°2010-45 QPC, 6 octobre 2010, M. Mathieu P. [Noms de domaine Internet], JO, 7 octobre 2010, p. 18156, Rec. CC, p. 270) qui doivent être choisis pour qu’il soit remédié à l’inconstitutionnalité constatée.
vii) Un Conseil constitutionnel qui s’octroie la possibilité de reporter dans le futur les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité (2)
602 • Le Conseil doit être néanmoins suffisamment clair sur ce que peut ou devra être la législation à venir. Il n’existe, aussi, aucun minimum ni maximum dans les textes quant au délai fixé par le Conseil, celui-ci disposant d’une appréciation souveraine en la matière. Le législateur dispose néanmoins d’un délai relativement long en moyenne (10 mois) pour conserver son pouvoir d’appréciation et choisir entre le simple remplacement des dispositions non conforme ou la mise en place d’une loi nouvelle permettant d’y pallier. Enfin, le pouvoir d’appréciation dans le temps de l’abrogation prononcée par le Conseil lui donne un pouvoir considérable. Il peut immédiatement imposer au législateur sa propre interprétation voire limiter l’appréciation future du législateur tout comme, de façon plus générale, imposer aux juridictions les conditions d’application de la loi dans le temps. C’est un mode d’emploi qui est ainsi fourni par le Conseil au législateur. Si on peut, en ce sens, critiquer l’action du Conseil en ce qu’il outrepasse ces compétences et faire ainsi ressurgir la critique, persistante, du « gouvernement des juges », la modulation dans le temps des effets de ces décisions s’inscrit plutôt dans un dialogue avec le législateur, dialogue s’inscrivant alors « dans la tradition kelsénienne du juge aiguilleur » (G. Bergougnous, « Le Conseil constitutionnel et le législateur », Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°38). Le Conseil impose les effets dans le temps de la loi mais il ne porte pas de jugement moral sur la loi, il ne choisit pas à la place du législateur, la sanction porte plus sur la forme que sur le fond. Il lui arrive, certes, d’imposer sa propre appréciation au législateur comme lorsqu’il définit les conséquences immédiates les plus concrètes de sa décision, y compris en prévoyant la composition conforme à la Constitution d’une juridiction compétente pour statuer sur les litiges en cours, dans l’attente d’une éventuelle réforme (CC, n°2010-10 QPC, 2 juillet 2010, Consorts C. et autres [Tribunaux maritimes commerciaux], JO, 3 juillet 2010, p. 12120, Rec. CC, p. 131, cons. n°5). Ces décisions peuvent amener à des divergences d’interprétation avec les juges ordinaires quant aux modalités d’application des effets dans le temps décidées par le Conseil ou encore à des problèmes liés à l’articulation des contrôles de constitutionnalité et de conventionnalité. Mais, dans l’ensemble, c’est au côté du législateur qu’il agit et non contre lui et il s’emploie à toujours respecter ces choix.
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