REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, 1°, sous le n° 293764, la requête, enregistrée le 26 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’ASSOCIATION « FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT », dont le siège est au Muséum National d’Histoire Naturelle, …, représentée par son président en exercice ; l’ASSOCIATION « FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT » demande au Conseil d’Etat :
1° d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 24 mars 2006 du ministre de l’écologie et du développement durable relatif à l’ouverture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau en tant qu’il fixe avant le 1er septembre l’ouverture de la chasse aux canards et rallidés sur le domaine public maritime des départements côtiers de la Manche, de l’Atlantique et de la mer du Nord, à l’exception des plans d’eau salés reliés ou non à la mer, sur la partie de l’estuaire de la Gironde relevant du domaine public fluvial ainsi que sur certains étangs de la Gironde et des Landes ;
2° de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°, sous le n° 293782, la requête, enregistrée le 26 mai 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, dont le siège est Corderie Royale, …, représentée par son président en exercice ; la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX demande au Conseil d’Etat :
1° d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 24 mars 2006 du ministre de l’écologie et du développement durable relatif à l’ouverture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau en tant qu’il fixe avant le 1er septembre l’ouverture de la chasse, d’une part, aux canards et rallidés sur le domaine public maritime des départements côtiers de la Manche, de l’Atlantique et de la mer du Nord, à l’exception des plans d’eau salés reliés ou non à la mer, et, d’autre part, à toutes les espèces de gibier d’eau (oies, canards, rallidés et limicoles) sur la partie de l’estuaire de la Gironde relevant du domaine public fluvial ainsi que sur certains étangs de la Gironde et des Landes ;
2° de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 3°, sous le n° 293883, la requête sommaire et le mémoire complémentaires, enregistrés les 30 mai et 12 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS, dont le siège est …, représentée par son président en exercice ; la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS demande au Conseil d’Etat :
1° d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 24 mars 2006 du ministre de l’écologie et du développement durable relatif à l’ouverture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau en tant qu’il fixe avant le 1er septembre l’ouverture de la chasse aux gibiers d’eau sur le domaine public maritime des départements côtiers de la Manche, de l’Atlantique et de la mer du Nord à l’exception des plans d’eau salés reliés ou non à la mer, et sur la partie de l’estuaire de la Gironde relevant du domaine public fluvial ainsi que sur certains étangs de la Gironde et des Landes ;
2° d’enjoindre au ministre de l’écologie et du développement durable de prendre dans un délai de quinze jours un nouvel arrêté fixant au plus tôt au dernier samedi du mois d’août la date d’ouverture anticipée de la chasse au gibier d’eau sur le domaine public maritime, l’estuaire de la Gironde et certains étangs aquitains, ou, à titre subsidiaire, la date d’ouverture anticipée de la chasse des canard et rallidés sur ces mêmes territoires, sous astreinte de 1500 euros par jour de retard ;
3° de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive 79/409/CEE, du Conseil, du 2 avril 1979 ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la fédération nationale des chasseurs et la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS
– les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de l’ASSOCIATION « FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT », de la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX et de la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS sont dirigées contre le même arrêté du 24 mars 2006 par lequel le ministre de l’écologie et du développement durable a fixé les dates d’ouverture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d’eau ; qu’elles présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les interventions en défense présentées pour la Fédération nationale des chasseurs :
Considérant que la Fédération nationale des chasseurs a intérêt au maintien de l’arrêté attaqué par les associations requérantes ; qu’ainsi ses interventions en défense sont recevables ;
Sur les conclusions des requêtes tendant à l’annulation partielle de l’arrêté du 24 mars 2006 :
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des objectifs de la directive 79/409/CE, du Conseil, du 2 avril 1979 (directive « oiseaux ») :
Considérant qu’aux termes de l’article 7, § 4, de la directive 79/409/CEE, du Conseil, du 2 avril 1979, concernant la conservation des oiseaux sauvages (directive « oiseaux »), les Etats membres veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s’applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance. Lorsqu’il s’agit d’espèces migratrices, ils veillent en particulier à ce que les espèces auxquelles s’applique la législation de la chasse ne soient pas chassées pendant leur période de reproduction et pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification (…) ; que l’article L. 424-2 du code de l’environnement prévoit que : Nul ne peut chasser en dehors des périodes d’ouverture de la chasse fixées par l’autorité administrative selon des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat./ Les oiseaux ne peuvent être chassés ni pendant la période nidicole ni pendant les différents stades de reproduction et de dépendance. Les oiseaux migrateurs ne peuvent en outre être chassés pendant leur trajet de retour vers leur lieu de nidification (…) ; qu’il résulte notamment de ces dispositions, qui doivent être interprétées compte tenu des objectifs de la directive, tels qu’ils ont été explicités par la Cour de justice des Communautés européennes, que la protection prévue pour ces espèces, tant pour la période nidicole et les différents stades de reproduction et de dépendance que pour le trajet de retour des espèces migratrices vers leur lieu de nidification, doit être une protection complète, excluant des risques de confusion entre espèces différentes, et que la fixation de dates échelonnées en fonction des espèces ou en fonction des différentes parties du territoire n’est légalement possible que s’il peut être établi, au regard des données scientifiques et techniques disponibles, que cet échelonnement est compatible avec l’objectif de protection complète ; qu’à cet égard, la Cour de justice des Communautés européennes a notamment précisé que les méthodes de détermination des dates de la chasse aux oiseaux qui visent ou aboutissent à ce qu’un pourcentage donné des oiseaux d’une espèce échappent à cette protection ne sont pas conformes à l’article 7, §4, de la directive « oiseaux » ;
Considérant que l’arrêté attaqué du 24 mars 2006 autorise la chasse à différentes espèces d’oies, de canards, de rallidés et de limicoles, à compter du premier samedi du mois d’août à 6 heures, sur le domaine public maritime des départements côtiers de la façade maritime de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord, sur une partie de l’estuaire de la Gironde et sur certains étangs de la Gironde et des Landes ; qu’il ressort du rapprochement entre, d’une part, l’ensemble des données scientifiques actuellement disponibles, telles qu’elles ressortent notamment des rapports établis par les organismes compétents dans le domaine cynégétique et ont été précisées et discutées par les parties et, d’autre part, l’interprétation mentionnée ci-dessus de l’article 7, § 4, de la directive du 2 avril 1979 que la date retenue par l’arrêté ne méconnaît pas l’objectif de protection complète fixé par celle-ci ; que la Commission européenne, à laquelle le projet d’arrêté a été notifié, a, d’ailleurs, décidé de ne pas poursuivre la procédure engagée contre la France pour méconnaissance à ce titre de la directive ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution :
Considérant qu’ainsi qu’il a été dit, la fixation au premier samedi du mois d’août de la chasse aux oies, canards, rallidés et limicoles sur le domaine public maritime des départements côtiers de la façade maritime de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord, sur une partie de l’estuaire de la Gironde et sur certains étangs de la Gironde et des Landes ne méconnaît pas l’objectif de protection complète fixé par la directive du 2 avril 1979 ; que, par voie de conséquence, elle ne méconnaît pas le principe de précaution formulé dans la Charte de l’environnement ainsi qu’à l’article L. 110-1 du code de l’environnement ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêté du 24 mars 2006 en tant qu’il autorise la chasse à différentes espèces d’oies, de canards, de rallidés et de limicoles, à compter du premier samedi du mois d’août à 6 heures, sur le domaine public maritime des départements côtiers de la façade maritime de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord, sur une partie de l’estuaire de la Gironde et sur certains étangs de la Gironde et des Landes ; que leurs conclusions aux fins d’injonction ainsi que celles tendant au bénéfice de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu’être rejetées ; qu’enfin, la Fédération nationale des chasseurs n’ayant pas, en l’espèce, la qualité de partie à l’instance mais seulement celle d’intervenant, ses conclusions tendant au bénéfice de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les interventions de la Fédération nationale des chasseurs sont admises.
Article 2 : Les requêtes de l’ASSOCIATION « FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT », de LA LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX et de la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la Fédération nationale des chasseurs tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION « FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT », à la LIGUE POUR LA PROTECTION DES OISEAUX, à la LIGUE POUR LA PRESERVATION DE LA FAUNE SAUVAGE ET LA DEFENSE DES NON-CHASSEURS, à la Fédération nationale des chasseurs et au ministre de l’écologie et du développement durable.