REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Donne acte à la société Axa France IARD du désistement partiel de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre M. X…, pris en qualité de liquidateur amiable de la société Groupe Septentrion et de la société Laboratoire Biolille ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Douai, 6 novembre 2014) que, le 11 mars 2004, Christophe Y…, médecin gynécologue, assurant le suivi de la grossesse de Mme Z…, lui a prescrit, à la vingt-neuvième semaine, des analyses réalisées par la société Laboratoire Biolille ayant mis en évidence la présence d’un streptocoque du groupe B ; que les résultats de ces analyses n’ayant pas été versés au dossier médical de Mme Z…, celle-ci a, le 19 mai 2004, donné naissance à l’enfant Aimé A… à la clinique Lille Sud, faisant partie de la société Groupe Septentrion, sans que la sage-femme et le médecin-gynécologue ayant procédé à l’accouchement, n’en aient eu connaissance ; que, le lendemain, l’enfant a présenté une septicémie et une méningite à streptocoque B dont il a gardé d’importantes séquelles ; que M. A… et Mme Z…, agissant en leur nom personnel et en qualité d’administrateurs légaux de leur fils, ont assigné en responsabilité et indemnisation Christophe Y…, assuré par la société Axa France IARD (la société Axa), et celui-ci a appelé en garantie la société Groupe Septentrion et la société Laboratoire Biolille ;
Attendu que la société Axa fait grief à l’arrêt de juger Christophe Y…, décédé au cours de la procédure, seul responsable du préjudice subi par l’enfant, rejeter ses demandes à l’encontre de la société Groupe Septentrion et la condamner à payer différentes sommes à M. A… et Mme Z… ;
Attendu qu’après avoir retenu, en se fondant sur les constatations de l’expert, l’existence d’une faute de Christophe Y…, qui ne s’est pas inquiété du résultat des analyses prescrites et n’a pas prescrit un nouvel examen bactériologique en fin de grossesse, de sorte qu’aucune antibiothérapie, permettant de limiter les risques d’infection pour l’enfant, n’a été administrée à Mme Z…, l’arrêt retient que les résultats des analyses ont été adressés par le laboratoire à la clinique à l’attention du médecin prescripteur, qu’il n’est pas établi que les analyses auraient été égarées à la suite d’une faute du personnel salarié de la clinique, que Christophe Y… a reçu à plusieurs reprises Mme Z…, entre la prescription des analyses et l’accouchement, sans faire d’observations sur l’absence des analyses ou s’inquiéter de leur résultat, et qu’il appartient au médecin de s’enquérir des résultats des analyses prescrites afin d’adapter, le cas échéant, la prise en charge du patient ; que la cour d’appel a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que l’absence au dossier médical des résultats des analyses prescrites par Christophe Y… ne suffisait pas à caractériser la faute de la clinique ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD.
IL EST REPROCHÉ à l’arrêt attaqué confirmatif attaqué d’AVOIR dit que le docteur Y… était seul responsable du préjudice survenu à l’enfant Aimé A…, né le 19 mai 2004, d’AVOIR rejeté les demandes formées à l’encontre du GROUPE SEPTENTRION et d’AVOIR condamné la compagnie AXA à payer diverses sommes à Monsieur A…, à Madame Z…, tant en leurs noms personnels qu’en qualité d’administrateur de leur enfant ainsi qu’à la CPAM de LILLE ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la responsabilité du laboratoire : il n’est pas contesté que les résultats des analyses ont bien été envoyés par le laboratoire BIOLILLE à la clinique LILLE SUD. La responsabilité du laboratoire n’est d’ailleurs plus réellement recherchée et c’est à juste titre que le jugement rendu en première instance l’avait mis hors de cause. Les demandes présentées contre lui par la CPAM seront donc rejetées. Sur la responsabilité de la clinique : Le responsable du laboratoire BIOLILLE a précisé à l’expert que les résultats étaient toujours adressés à la clinique, à l’attention du médecin prescripteur. L’assureur du docteur Y… n’apporte aucun élément au soutien de son affirmation selon laquelle il était habituel, au sein de cet établissement, que de tels documents soient ensuite classés au dossier de la personne concernée par le personnel de la clinique de manière à ce que le médecin puisse en prendre connaissance en temps utile. Il n’est pas établi que les documents auraient été égarés à la suite d’une faute commise par l’un des salariés de la clinique alors même que leur absence est constatée le jour de l’accouchement, soit le 19 mai 2004, qu’ils avaient été transmis en mars 2004 et que, dans l’intervalle, le docteur Y… a reçu Madame Z… en consultation à plusieurs reprises sans faire d’observations sur leur absence ou s’inquiéter du résultat des analyses qu’il avait pourtant, à juste raison, prescrites. Or, il appartient bien au médecin qui a prescrit des analyses de s’enquérir ensuite de leurs résultats afin d’adapter en conséquence, si cela est nécessaire, la prise en charge du patient. La société AXA indique par ailleurs que la sage-femme, salariée de la clinique, aurait dû pratiquer, au cours de l’accouchement, un prélèvement vaginal à la recherche d’un germe, conformément aux recommandations du collège national des gynécologues obstétriciens français dans un tel cas. Toutefois, le docteur Y… a lui-même précisé à l’expert qu’il était de garde lors de l’arrivée de Madame Z… à la clinique, après la rupture de la poche des eaux, et qu’aucune prescription n’était habituellement faite par la sage-femme sans décision médicale. L’expert indique d’ailleurs à ce propos qu’il « n’était pas demandé à l’époque aux sage femmes de cette clinique de faire de prélèvement systématique en début de travail, en l’absence de prélèvement en cours de grossesse » et relève qu’il appartenait essentiellement à la sage-femme de « suivre la conduite à tenir prescrite par le médecin dont elle dépendait », en l’espèce le docteur Y… lors de l’admission de Madame Z… puis, le lendemain lors de l’accouchement, le docteur B…. L’expert conclut d’ailleurs son rapport en indiquant qu’il n’a « pas mis en évidence de manquements de la part de la clinique LILLE SUD ou de son personnel salarié, en rapport avec les séquelles « de l’enfant » ; la société AXA impute enfin à un dysfonctionnement de l’établissement le fait que l’enfant n’ait été examiné par un pédiatre que 24 heures après sa naissance. La société AXA produit un article de la revue Gynécologie Obstétrique, paru en 2004, qui indique que « 90 % environ des nouveaux nés atteints d’une infection materno-foetale précoce à streptocoque du groupe B ont des signes cliniques avant 12 heures de vie ». Pour sa part, le rapport d’expertise indique, à propos d’Aimé : « Les signes cliniques sont apparus comme cela est le plus décrit dans la littérature dans les 48 premières heures de vie, soit H 27 ». L’enfant est né le 19 mai à 10h58 et l’examen du pédiatre a permis de repérer l’existence d’une infection le 20 mai à 9h45 avant que le diagnostic soit ensuite plus précisément établi à l’hôpital Saint-Vincent où l’enfant avait été rapidement transféré. Le rapport d’expertise précise encore que « les soins donnés tant à Saint-Vincent de Paul qu’en réanimation néo-natale à Jeanne de Flandre ont été précoces et adaptés » ce qui ne permet pas de retenir l’idée d’un retard dans le diagnostic ou la prise en charge. L’expert conclut son rapport en indiquant que la « prise en charge pédiatrique n’appelle pas de commentaire ou de remarque particuliers » alors même que les deux parents avaient souligné, lors des opérations d’expertise, qu’ils avaient été surpris qu’un pédiatre ne voit pas leur fils plus rapidement. A l’inverse, aucune observation n’a été faite à ce sujet par les médecins ou conseils présents et aucun dire n’a été soumis à l’expert ou au sapiteur par rapport à un éventuel retard dans l’intervention d’un pédiatre. Enfin, à supposer qu’un examen plus précoce était nécessaire, aucun élément médical produit aux débats ne permet de retenir qu’un diagnostic de l’infection quelques heures plus tôt aurait permis de diminuer efficacement les séquelles comme l’affirme la société AXA et ceci n’a pas été discuté au cours de l’expertise. Il n’est donc pas établi que la clinique LILLE SUD a commis une faute à l’origine du dommage dont la réparation est recherchée que ce soit par rapport à la prise en charge effectuée par la sage-femme salariée ou en ce qui concerne l’organisation des soins pédiatriques après la naissance. Il est bien évident que Madame Z… n’a commis aucune faute ayant pu contribuer à la survenue du dommage et ceci n’est d’ailleurs plus soutenu en appel. Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu que le Docteur Y… était seul responsable du préjudice survenu à l’enfant Aimé A… et a mis hors de cause la clinique LILLE SUD » ;
ET AUX MOTIFS SUPPOSÉS ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE « sur la présence ou non des résultats dans le dossier de la clinique, il faut observer que, soit ces résultats sont urgents et attendus comme dans le cas d’une intervention chirurgicale en urgence, soit ils sont demandés sans urgence dans le cadre d’un suivi habituel de la bonne pratique médicale relative au cas traité. Dans ce deuxième cas non urgent qui concerne ce contentieux, les résultats n’ont un intérêt que s’ils sont étudiés en temps utile afin de prévenir tout problème qui serait mis en valeur. En demandant ces examens en raison du risque d’accouchement prématuré pour ensuite ne plus s’inquiéter de leur retour et à fortiori de leurs résultats alors même qu’il a revu sa patiente plusieurs fois entre le jour des prélèvements et celui de l’accouchement, le docteur Y… s’est comporté comme s’il s’en était désintéressé laissant dès lors ceux-ci rejoindre le dossier médical de la patiente détenu à la clinique sur la situation supposée que lui-même ou un autre collègue obstétricien ou encore la sage-femme de service, les liront le jour de l’arrivée de Madame Z… pour son accouchement. Le fait que les résultats du laboratoire BIOLILLE aient matériellement rejoint ou non le dossier médical de la clinique s’analyse en une situation administrative qui importe peu au regard de la responsabilité médicale du médecin prescripteur des examens devant s’inquiéter des résultats des examens qu’il sollicite en raison d’un risque décelé chez son patient. Il s’ensuit que le personnel de la clinique mis à disposition du médecin accoucheur, en l’espèce, la sage-femme qui déclare comme le médecin accoucheur, le docteur B…, n’avoir pas vu ces résultats de « culture » dans le dossier, ne peuvent se voir reprocher une faute professionnelle dont le fondement serait l’égarement dans un circuit administratif d’un document demandé sans urgence par un médecin ne s’inquiétant pas de son retour ni d’en prendre connaissance. A titre purement documentaire, il faut relever que le laboratoire BIOLILLE démontre la trace d’un envoi de ceux-ci le 12 mars 2004 à la clinique par télétransmission. Sans méconnaître les possibilités d’erreurs que peuvent présenter ce type de relevé, il faut admettre qu’il y a une forte présomption d’envoi de ceux-ci à la clinique ce d’autant que le docteur B…, devant l’expert, a bien reconnu avoir vu dans le dossier médical le résultat négatif de l’examen « direct » des urines adressé lui aussi le 11 mars 2004 par une télétransmission dont le laboratoire produit également la trace » ;
ALORS QUE en vertu du contrat d’hospitalisation et de soins liant la femme enceinte à l’établissement de santé où elle doit accoucher, celui-ci, tenu d’assurer la continuité des soins, doit procéder au regroupement, dans le dossier de l’intéressée mis à la disposition du personnel médical présent à la date de l’accouchement, des résultats des analyses prescrites par le gynécologue au cours de la grossesse et transmis directement à la Clinique par le laboratoire ; que la Cour d’appel a constaté en l’espèce que les résultats des analyses d’urine prescrites par le docteur Y… à Madame Z… à la 29ème semaine de grossesse mettaient en évidence la présence d’un streptocoque du groupe B ; que ces résultats avaient été transmis à la Clinique LILLE SUD, à l’attention du médecin, par le laboratoire BIOLILLE (not. arrêt p ; 14, § 7 ; p. 15, § 1) ; que ces résultats ne figuraient pas au dossier de la parturiente, tenu à la disposition de la sage-femme et du gynécologue ayant procédé à l’accouchement ; que, par conséquent ceux-ci n’avaient pas mis en place l’antibiothérapie qui aurait limité le risque d’infection pour l’enfant ; qu’en l’état de ces constatations la Cour d’appel, qui a considéré que le Docteur Y… était seul responsable, à l’exclusion de la Clinique Lille Sud, du préjudice subi par l’enfant atteint le lendemain de sa naissance d’une septicémie et d’une méningite à streptocoque B, n’a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qu’elles emportaient en violation de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique.