Contexte : Comme le rappelle cette décision rendue le 6 février 2013, il ne suffit pas, pour engager la responsabilité d’une clinique, à la victime d’un grave accident médical de démontrer que les soins reçus n’étaient pas conformes aux règles de l’art. Encore faut-il, ce qui n’a pas été le cas dans cette affaire, convaincre le juge de l’existence d’un lien de causalité entre la faute de la clinique et le dommage.
Litige : Le 16 mars 1999, une patiente subit une coronarographie. Au cours de cet examen se produit une complication hémorragique qui a été prise en charge dans le respect des règles de l’art. Le 3 avril 1999, soit après une période de 17 jours durant laquelle l’état neurologique de la patiente n’a pas été surveillé, celle-ci est victime d’un accident vasculaire ischémique à l’origine de graves troubles moteurs et cognitifs. En première instance, la responsabilité de l’hôpital privé est retenue mais, sur appel de ce dernier, la demande du fils et tuteur de la patiente est rejetée par la Cour d’appel de Paris.
Solution : La première chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt attaqué en jugeant que : « que la cour d’appel, faisant siennes les conclusions des experts, a constaté que l’accident ischémique du 3 avril, de survenue brutale, ne saurait être, notamment en raison de sa localisation et du délai écoulé, la conséquence directe et certaine des épisodes de « bas débit » subis par Mme Y… et que, si l’absence de surveillance neurologique de cette dernière après le 16 mars n’était pas conforme aux règles de l’art, il n’aurait pas été possible, quand bien même des signes en rapport avec l’ischémie eussent été mis en évidence, de la soumettre à un traitement anticoagulant préventif en raison d’un risque d’accident hémorragique gravissime ; qu’elle en a exactement déduit l’absence de tout lien de causalité entre la complication hémorragique et les dommages subis, y compris sur le terrain d’une perte de chance, répondant ainsi aux conclusions du demandeur sur la nécessité d’une expertise complémentaire destinée à évaluer l’indication du geste chirurgical à l’origine de cette complication et rendant surabondants les motifs critiqués par les griefs de dénaturation du rapport d’expertise à cet égard ».
Analyse : Même si certaines coïncidences sont parfois troublantes, elles ne suffisent pas toujours à convaincre le juge de la réalité d’un fait qui est contesté.
Dans la présente affaire, la première Chambre civile a approuvé les juges du fond d’avoir écarté la responsabilité d’un hôpital qui n’a pourtant pas réalisé une surveillance neurologique de la patiente conformes aux règles de l’art.
L’explication réside dans le fait que, même si des signes annonciateurs de l’accident vasculaire cérébral avaient été mis en évidence par une surveillance adéquate, il n’aurait pas été possible de l’éviter en soumettant la patiente à un traitement anticoagulant préventif en raison du risque d’accident hémorragique gravissime.
Autrement dit, entre deux maux, les médecins auraient choisi de lui faire courir le moindre, c’est-à-dire précisément celui qui s’est réalisé.
L’accident vasculaire cérébral n’aurait pas été évité sans la faute de surveillance neurologique commise par l’hôpital. Dans ces conditions, la faute n’est évidemment pas à l’origine des troubles moteurs et cognitifs dont demeure atteinte la patiente. Elle n’est même pas à l’origine d’une perte de chance puisque, selon ce même raisonnement, la patiente n’avait aucune chance d’éviter le dommage.
En l’espèce, cette solution se justifie aussi par la circonstance que la complication hémorragique survenue lors de la coronarographie n’avait pas une origine fautive. En effet, l’expert ayant considéré que l’accident vasculaire cérébral « est incontestablement survenu dans ses suites », les juges n’auraient sans doute pas hésité à le rattacher à une faute commise en amont au cours de l’examen initial.
Aucune faute n’ayant été retenue lors de la coronarographie réalisée en 1999, le rattachement de l’accident vasculaire cérébral à la complication hémorragique survenue lors de la coronarographie ne peut, en outre, donner lieu à aucune indemnisation au titre de la solidarité nationale en application de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 puisque celle-ci n’est applicable qu’aux actes médicaux réalisés à compter du 5 septembre 2001.