AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 13 août et 13 décembre 2004, présentés pour la SOCIETE BANQUE PRIVEE FIDEURAM WARGNY ayant son siège 7 place Vendôme à Paris (75001) ; la SOCIETE BANQUE PRIVEE FIDEURAM WARGNY demande l’annulation de la décision en date du 6 mai 2004 de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers en tant que celle-ci a prononcé un avertissement à son encontre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code monétaire et financier ;
Vu la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 de sécurité financière ;
Vu le décret n° 2003-1109 du 21 novembre 2003 relatif à l’Autorité des marchés financiers ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mlle Maud Vialettes, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIÉTÉ BANQUE PRIVÉE FIDEURAM WARGNY, de la SCP Coutard, Mayer, avocat de M. X et de la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de l’Autorité des marchés financiers,
– les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SOCIETE BANQUE PRIVEE FIDEURAM WARGNY demande l’annulation de la décision en date du 6 mai 2004 de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers en tant que celle-ci a prononcé un avertissement à son encontre ;
Sur la régularité de la décision attaquée :
Considérant que, quand elle est saisi d’agissements pouvant donner lieu à des sanctions prévues par l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers doit être regardée comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale au sens de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que toutefois, compte tenu du fait que sa décision peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat, la circonstance que la procédure conduite devant elle ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions de l’article 6§1 de la convention n’est pas de nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable ; que cependant-et alors même que la commission n’est pas une juridiction au regard du droit interne-, les moyens tirés de ce qu’elle aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d’impartialité et le principe du respect des droits de la défense rappelés à l’article 6 de la convention européenne peuvent, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme, être utilement invoqués à l’appui d’un recours formé devant le Conseil d’Etat à l’encontre de sa décision ;
Considérant qu’en vertu de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier, lorsque le collège de l’Autorité a décidé l’ouverture d’une procédure de sanction, il notifie les griefs aux personnes concernées et transmet ces griefs à la commission des sanctions laquelle désigne un rapporteur parmi ses membres ; qu’en vertu de l’article 19 du décret du 21 novembre 2003, le rapporteur peut entendre la personne mise en cause et toute personne dont l’audition lui paraît utile ; que dans les cas où il estime que les griefs doivent être complétés, le rapporteur saisit le collège qui statue sur sa demande ; qu’il consigne par écrit le résultat de ses observations dans un rapport qui est communiqué à la personne mise en cause ; qu’il présente l’affaire lors de la séance de la commission ; que la commission statue, en vertu de l’article L. 621-15, hors de sa présence ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions, que sauf lorsque la saisine a été élargie dans les conditions prévues par l’article 19 du décret, la commission ne doit statuer que sur les seuls griefs qui avaient été préalablement notifiés et sur lesquels il est fait rapport ; que le rapport du rapporteur n’est qu’un des éléments du dossier au vu desquels la commission se prononce ; que, dès lors, si les conditions dans lesquelles le rapporteur a été nommé peuvent être mises en cause à l’occasion d’un recours contre la décision de la commission, le contenu et les conclusions de son rapport sont, eux, sans incidence sur la légalité de cette décision ; qu’ainsi, le fait, que conformément à sa mission, le rapporteur ait pris parti sur la nature et la qualification des faits susceptibles d’être retenus à l’encontre de la requérante, n’est pas de nature à mettre en cause l’impartialité de la commission ; que la circonstance que la commission n’ait pas suivi certaines appréciations du rapporteur sur les griefs qui avaient été préalablement communiqués à la requérante, n’est pas non plus de nature à porter atteinte aux droits de la défense ni à entacher sa décision d’une insuffisance de motivation ;
Considérant que la requérante ne saurait utilement soutenir que l’absence de lecture publique de la décision de la commission, qui n’est pas en droit interne une juridiction, méconnaîtrait l’article 6§1 de la convention ; qu’elle ne méconnaît ni les dispositions de l’article L. 621-15 du code monétaire et financier ni aucun principe ou aucune règle applicable à la matière ;
Sur le bien-fondé de la décision attaquée :
Considérant, en premier lieu, que la commission a relevé à la charge de la requérante la méconnaissance de l’article 2-1-3 du règlement général du Conseil des marchés financiers, auquel l’Autorité des marchés financiers a succédé, en relevant que l’activité de son mandataire, la société EBS qu’elle avait désignée, ne s’était pas exercée dans le cadre de son service d’investissement ; qu’elle a retenu que le choix de ce mandataire n’avait pas été entouré des précautions nécessaires ; que ce mandataire n’avait pas été convenablement informé du fonctionnement et des règles du marché ; que si elle a mentionné l’absence de contrôle sur place de son Point Bourse à Nice dont le fonctionnement a été à l’origine des anomalies reprochées à la requérante, c’est au soutien d’un grief général qui a été fait à celle-ci de ne pas avoir suivi avec suffisamment de vigilance l’activité de son mandataire ; que, dans ces conditions, la commission n’a entaché sa décision ni d’erreur de droit, ni d’erreur d’appréciation ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’en retenant, sur la base de l’article 3-3-5 du même règlement, la méconnaissance de son obligation d’évaluation de la compétence professionnelle des clients alors qu’une simple interrogation de ceux-ci lui aurait permis de constater leur ignorance des mécanismes boursiers et plus précisément du marché sur lequel ils intervenaient, la commission n’a pas commis non plus d’erreur de droit, ni d’erreur de fait ;
Considérant, en troisième lieu, que sur le fondement des articles 2-4-15 et 2-4-16 du même règlement, la commission a fait grief à la requérante de n’avoir pas mis en place un contrôle interne suffisant notamment par l’octroi au responsable de ce contrôle d’une autonomie appropriée ; qu’il résulte de l’instruction que le dispositif de contrôle n’était pas conforme à ces prescriptions ; que dès lors la société requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle avait accompli toutes les diligences nécessaires ;
Considérant, enfin, que si, postérieurement aux faits reprochés, la société Wargny Associés qui détenait le capital de la société Wargny, l’a cédé à la société Banca FIDEURAM S.P.A et que cette cession a conduit au changement des dirigeants de la société et à la modification de sa dénomination sociale, la continuité de la personne morale en cause n’a pas été affectée, non plus, d’ailleurs, que la nature de ses activités ; que, dès lors, la société requérante ne peut se prévaloir à l’encontre de la décision attaquée, ni du principe de personnalité des peines, ni des stipulations relatives à la présomption d’innocence figurant à l’article 6§2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’en lui infligeant un avertissement pour les manquements relevés, en prenant d’ailleurs en compte pour la détermination de cette sanction, le changement intervenu dans la répartition du capital de la société et les mesures correctrices prises en matière de contrôle interne, la commission des sanctions n’a pas prononcé une sanction excessive ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE BANQUE PRIVEE FIDEURAM WARGNY est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BANQUE PRIVEE FIDEURAM WARGNY et à l’Autorité des marchés financiers.
Copie de la présente décision sera adressée au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.