Vu la requête sommaire et le mémoire ampliatif présentés pour la Compagnie générale d’énergie radio-électrique, dont le siège social est à Paris, agissant poursuites et diligences de son président-directeur général en exercice, ladite requête et ledit mémoire enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 2 avril 1960 et 21 décembre 1960 et tendant à ce qu’il plaise au Conseil annuler 1° le jugement avant-dire-droit du Tribunal administratif de Paris en date du 26 mars 1958, 2° le jugement du même tribunal en date du 6 janvier 1960, rejetant la demande de la société requérante tendant à l’annulation de la décision en date du 4 octobre 1950 par laquelle le Préfet de la Seine avait rejeté la demande d’indemnité présentée par elle à la suite de la réquisition par l’ennemi du « Poste Parisien » et à la condamnation de l’Etat à verser l’indemnité sollicitée ; Vu la loi du 30 avril 1946 ; Vu la Convention de La Haye du 18 octobre 1907 publiée en exécution du décret du 2 décembre 1910 ; Vu l’acte final de la conférence de Paris du 14 janvier 1946 publié en exécution du décret du 5 mars 1946 ; Vu l’accord de Londres du 27 février 1953 publié en exécution du décret du 10 octobre 1953 ; Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; Considérant que pour demander à l’Etat français la réparation du préjudice correspondant tant à la privation de jouissance de locaux réquisitionnés par l’armée d’occupation qu’à la perte d’industrie afférente à cette réquisition la Compagnie générale d’énergie radio-électrique se fonde en premier lieu sur les dispositions de la loi du 30 avril 1946, relative aux réclamations nées à l’occasion des réquisitions allemandes en matière de logement et de cantonnement ; Considérant qu’aux termes de l’article 1er de ladite loi « le préfet statue sur les réclamations auxquelles donne lieu l’évaluation des indemnités de réquisition exercées en vue du logement et du cantonnement des troupes allemandes » ; qu’il ressort des termes mêmes de cet article que ladite loi n’a mis à la charge de l’Etat français que les indemnités dues à raison de réquisitions prononcées pour satisfaire aux seuls besoins du logement ou du cantonnement des troupes allemandes ; qu’il est constant que la réquisition en 1940 par la puissance occupante des locaux et installations techniques de la station de radiodiffusion « Poste Parisien » dont la Compagnie générale d’énergie radio-électrique était propriétaire n’a pas été exercée en vue d’un tel objet ; qu’il s’ensuit que la compagnie requérante ne tient de la loi du 30 avril 1946 aucun droit à indemnité à l’encontre de l’Etat français ; Considérant en second lieu qu’aux termes de l’article 53 de l’annexe jointe à la convention de La Haye du 18 octobre 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre « tous les moyens affectés sur terre … à la transmission des nouvelles … peuvent être saisis, même s’ils appartiennent à des personnes privées, mais devront être restitués et les indemnités seront réglées à la paix » ; que la compagnie requérante soutient que les conditions d’exercice du droit de créance que l’article 53 précité lui reconnaît à l’encontre de la puissance occupante ont été modifiées à son détriment par l’intervention de l’accord concernant les réparations à recevoir de l’Allemagne et l’institution d’une agence interalliée des réparations signé à Paris le 14 janvier 1946 et surtout par l’accord sur les dettes extérieures allemandes signé à Londres le 27 février 1953 entre les gouvernements alliés et la République fédérale d’Allemagne et dont l’article 5 paragraphe 2 diffère « jusqu’au règlement définitif du problème des réparations l’examen des créances, issues de la deuxième guerre mondiale des pays qui ont été en guerre avec l’Allemagne ou ont été occupés par elle … et des ressortissants de ces pays à l’encontre du Reich … ». Qu’en conséquence ladite compagnie prétend avoir droit au paiement d’une indemnité à la charge de l’Etat français à raison du préjudice résultant de la rupture d’égalité devant les charges publiques que la signature par le Gouvernement français d’accords internationaux entravant ou retardant le règlement de sa créance a entraînée pour elle ; Considérant que la responsabilité de l’Etat est susceptible d’être engagée sur le fondement de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, pour assurer la réparation de préjudices nés de conventions conclues par la France avec d’autres Etats et incorporées régulièrement dans l’ordre juridique interne, à la condition d’une part que ni la convention elle-même ni la loi qui en a éventuellement autorisé la ratification ne puissent être interprétées comme ayant entendu exclure toute indemnisation et d’autre part que le préjudice dont il est demandé réparation soit d’une gravité suffisante et présente un caractère spécial ; Considérant qu’il résulte de l’instruction que cette dernière condition n’est pas remplie en l’espèce ; qu’eu égard en effet à la généralité des accords susmentionnés et au nombre des ressortissants français victimes de dommages analogues au dommage allégué par la compagnie requérante, celui-ci ne peut être regardé comme présentant un caractère spécial de nature à engager la responsabilité sans faute de l’Etat envers ladite Compagnie ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d’indemnité ; DECIDE : Article 1er – La requête susvisée de la Compagnie générale d’énergie radio-électrique est rejetée. Article 2 – La Compagnie générale d’énergie radio-électrique supportera les dépens. Article 3 – Expédition de la présente décision sera transmise au Ministre de l’Economie et des finances et au Ministre des Affaires Etrangères.
Conseil d’Etat, Assemblée, 30 mars 1966, Compagnie générale d’énergie radio-électrique, requête numéro 50515, rec. p. 275
Citer : Revue générale du droit, 'Conseil d’Etat, Assemblée, 30 mars 1966, Compagnie générale d’énergie radio-électrique, requête numéro 50515, rec. p. 275, ' : Revue générale du droit on line, 1966, numéro 6218 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=6218)
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