Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat les 24 février et 7 avril 1994, présentés pour le Gouvernement suisse, représenté par son agent M. Olivier X…, habilité à cet effet par une décision du conseil fédéral en date du 16 février 1994 ; le Gouvernement suisse demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision verbale du 29 décembre 1993 par laquelle le gouvernement français a refusé aux autorités suisses l’extradition de MM. Moshen Y… et Ahmad Z… et retiré les décrets du 31 août 1993 accordant cette extradition ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne d’extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Chauvaux, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du Gouvernement suisse,
– les conclusions de M. Vigouroux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que par deux décrets en date du 31 août 1993 le gouvernement a accordé aux autorités suisses l’extradition des ressortissants iraniens Y… et Z… ; que par une décision portée à la connaissance des autorités suisses le 29 décembre 1993 le gouvernement a retiré lesdits décrets et rejeté la demande d’extradition ; que le Gouvernement suisse demande au Conseil d’Etat d’annuler cette décision ;
Sur l’intervention de l’association SOS Attentats :
Considérant que l’association SOS Attentats a intérêt à l’annulation de la décision attaquée ; qu’ainsi son intervention est recevable ;
Sur la compétence de la juridiction administrative :
Considérant que la décision rejetant une demande d’extradition est détachable de la conduite des relations diplomatiques de la France avec l’Etat dont émane cette demande ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient le Premier ministre, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la requête du Gouvernement suisse ;
Sur la légalité de la décision attaquée, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la convention européenne d’extradition : « Obligation d’extrader. -Les parties contractantes s’engagent à se livrer réciproquement, selon les règles et sous les conditions déterminées par les articles suivants, les individus qui sont poursuivis pour une infraction ou recherchés aux fins d’exécution d’une mesure de sûreté par les autorités judiciaires de la partie requérante » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’ensemble des conditions auxquelles la convention européenne d’extradition subordonne l’obligation d’extrader prévue par les dispositions précitées de son article 1er se trouvaient remplies dans le cas des ressortissants iraniens Z… et Y… recherchés pour assassinat par les autorités suisses et appréhendés le 16 novembre 1992 sur le territoire français ; que cette extradition a d’ailleurs été accordée par les décrets susmentionnés du 31 août 1993 ; que si le gouvernement soutient qu’à la date de la décision attaquée par laquelle il a prononcé le retrait de ces décrets des circonstances postérieures à leur signature en rendaient l’exécution illégale, il ne fournit en tout état de cause aucune précision sur la nature de ces circonstances ; que, dès lors, le Gouvernement suisse est fondé à soutenir que la décision attaquée est intervenue en violation de la convention européenne d’extradition et à demander qu’elle soit annulée pour ce motif ;
Article 1er : L’intervention de l’association SOS Attentats est admise.
Article 2 : La décision du 29 décembre 1993 par laquelle le gouvernement a retiré les décrets du 31 août 1993 accordant aux autorités suisses l’extradition de MM. Y… et Z… est annulée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Gouvernement suisse, au Premier ministre, au ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et au ministre des affaires étrangères.