Contexte : Bien que prononçant une cassation purement disciplinaire dans cette décision rendue le 22 juin 2017, la Cour de cassation livre un message sur le degré de certitude requis pour retenir l’imputabilité de certaines pathologies invoquées par les demanderesses en réparation au DES.
Litige : Une femme souffrant de malformations gynécologiques ayant entrainé des grossesses difficiles soutient que celles-ci sont imputables au DES que sa mère prenait durant sa vie in utero. Elle dirige son action contre l’un des deux laboratoires ayant commercialisé ladite molécule mais l’autre est appelé en garantie. Finalement la cour d’appel de Versailles ne retient que la responsabilité du premier laboratoire en relevant, d’abord, que l’exposition au DES n’est pas contestée et, ensuite, qu’au vu des affirmations de la mère, selon lesquelles il lui a été prescrit le médicament d’un des deux laboratoires, l’autre doit être mis hors de cause.
Solution : La première chambre civile casse cet arrêt aux motifs :
« Qu’en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, la société UCB Pharma demandait, notamment qu’il soit jugé que Mme X… ne pouvait se prévaloir d’une présomption d’exposition au DES, à défaut de démontrer qu’elle présentait une pathologie ayant pour seule cause possible une exposition in utero à cette molécule, la cour d’appel a violé (l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis) ».
Analyse : La portée d’un arrêt censurant une cour d’appel pour avoir dénaturé les écritures des parties est a priori très limitée. Il lui est simplement reproché d’avoir fait dire à une partie autre chose, et même en l’occurrence le contraire, que ce qu’elle a dit dans ses conclusions. A ce stade, il ne saurait en être déduit d’autres enseignements, en particulier sur la pertinence de la prétention alléguée.
Toutefois, les motifs de la Cour de cassation retiennent l’attention dans le contexte particulier de ces pathologies qui ne sont pas « signées », de sorte qu’il est généralement impossible d’affirmer qu’elles sont certainement imputables au produit commercialisé par le laboratoire incriminé. C’est tout particulièrement le cas des troubles de fertilité et de la gestation qui peuvent avoir des causes diverses, lesquelles peuvent être parfaitement étrangères au DES. A partir de là, les juges du fond ne peuvent pas se fonder sur la seule constatation de ces troubles pour présumer l’exposition au DES. C’est le message que la Cour de cassation nous parait adresser à la cour d’appel de renvoi qui devra répondre au moyen du laboratoire, qui soutenait que la demanderesse ne démontrait pas « qu’elle présentait une pathologie ayant pour seule cause possible une exposition in utero à cette molécule ».
Par ces motifs, la première chambre civile ne fait d’ailleurs que reprendre le principe qu’elle a elle-même posé, dans l’un des deux premier arrêts rendus en matière de causalité dans l’affaire du DES, en approuvant une cour d’appel d’avoir débouté une femme prétendant avoir été exposée au médicament litigieux, « dès lors qu’il n’était pas établi que le diéthylstilbestrol était la seule cause possible de la pathologie dont elle souffrait » (Cass. 1re civ., 24 septembre 2009, n° 08-10.081, Bull. I, n° 186).