Nemo censetur ignorare legem
Il est des adages en droit qui nécessitent au moins de passer par les bancs de la faculté de droit sinon d’avoir quelques connaissances en la matière pour prendre conscience de leur existence, en comprendre la teneur ainsi que les conséquences juridiques qui peuvent y être attachées.
« nemo auditur turpitudinem propriam allegans » ou encore « res inter alios acta » parleront forcément à un juriste mais le commun des mortels y sera sans doute moins sensible. En revanche, celui qui veut que « nul n’est censé ignorer la loi » est pleinement ancré dans la vie de tous les jours même si les enjeux qui l’entourent ne sont pas forcément perceptibles de prime abord.
L’administré, le justiciable et plus généralement le citoyen doit connaitre la loi qui lui est applicable et force est d’admettre que ce n’est pas toujours évident. En effet, pour prendre l’exemple de la jurisprudence, l’individu lambda n’ira pas forcément la consulter et pourtant, elle est essentielle pour la concrétisation des normes qui nous gouvernent ; même si, pour se donner bonne conscience, on avance généralement que ce n’est pas une source du droit. Plus communément, on a tendance à insister sur le phénomène « d’inflation législative » lequel veut qu’il y ait trop de lois adoptées de sorte que même certains professionnels finissent par s’y perdre.
Pourtant, exception faite de toutes ces problématiques, il n’en demeure pas moins que la loi, une fois délibérée, votée, et éventuellement déférée au Conseil constitutionnel avant d’être enfin promulguée par le président de la République sera finalement publiée au Journal Officiel de la République française pour entrer en vigueur, généralement un jour franc après sa publication
Article 1er du Code civil (ordonnance n°2004-164 du 20 février 2004) Les lois et, lorsqu’ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l’entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l’exécution nécessite des mesures d’application est reportée à la date d’entrée en vigueur de ces mesures
En version papier à l’origine, tout le monde peut la consulter sur internet via le site www.legifrance.gouv.fr. Y figurent aussi les actes administratifs et une part importante des jurisprudences du Conseil d’État et de la Cour de cassation lesquels assurent l’unité juridique des interprétations effectuées par les juges du fond permettant par la même de connaitre l’état actuel du droit.
Si cela est possible aujourd’hui, nous le devons en partie aux hommes politiques de la période révolutionnaire, qui à la manière de Rome lorsqu’elle décida que les lois ne seraient plus secrètes mais publiques (vers -450 avec la Loi des Douze Tables) adopta le décret du 4 décembre 1793 faisant du Bulletin des Lois le recueil officiel des lois de la République.
En réalité, on peut déjà en déceler les prémices sous l’Ancien Régime et plus précisément au XVIIème siècle lorsque le Roi de France, après avoir longtemps achoppé sur une production normative diffuse au sein de l’ensemble du Royaume, finît par devenir la seule source du droit (rex legislator).
Rarement écrite, même dans la partie de la France que l’on dit alors « de droit écrit », la loi est surtout orale et les villageois dans les bourgs et paroisses prennent connaissance de celle-ci grâce au crieur public ou tambour des villes.
L’idée même de la mettre par écrit dans un recueil de compilations adressé à tous trouvera sa source dans le premier journal en France créé en 1631 par Théophraste Renaudot et titré La Gazette. Y sont retranscris les récits de guerre mais également les commentaires sur la vie politique.
La Monarchie d’alors, déjà soucieuse de contrôler l’opinion, aura très vite fait de s’en emparer ce qui aura pour effet de rendre officiel La Gazette à partir de 1762. Attaché au Ministre des affaires étrangères, il sera même renommé La Gazette de France.
Après les évènements de 1789, un décret du mois de novembre de la même année adopté par l’Assemblée nationale constituante se l’appropria. La Gazette de France devint La Gazette nationale de France et compilait les débats parlementaires ainsi que les informations concernant le fonctionnement de l’administration.
Un second décret créait en parallèle le Bulletin des lois en janvier 1791. Sous l’impulsion du conventionnel Billaud-Varenne, alors membre du Comité de Salut public, il fut consacré par le décret du 14 frimaire an II (4 décembre 1793) comme étant le « recueil officiel des lois, ordonnances et règlements qui les régissent ».
Nous avons donc deux documents lesquels emprunteront chacun un chemin différent. La Gazette nationale de France deviendra Le Moniteur en 1799 et comportera lui aussi en première partie tous les actes officiels du Gouvernement avec à la différence du Bulletin des lois une seconde partie consacrée à des sujets plus classiques comme la littérature et les sciences.
Le premier numéro du Bulletin des lois parut le 10 juin 1794 ; de sorte que la première loi de la première République française publiée fut la fameuse mais non moins funeste loi du 22 prairial an II relative au Tribunal révolutionnaire. Celle-ci fut à l’origine d’environ 1285 exécutions entre le 10 juin et le 9 juillet 1794.
Concurrencé par le Journal Officiel à partir de 1868 puis n’ayant plus le monopole de la diffusion des actes législatifs en 1870, il sera mis fin au Bulletin des lois à partir du 1er avril 1931 par un décret adopté la veille et portant cessation de sa publication.
Aujourd’hui, le service de diffusion des données juridiques hébergé sur le site Légifrance a été considéré comme étant un service public par nature au bon accomplissement duquel l’État est tenu de veiller (Conseil d’Etat, 17 décembre 1997, Ordre des avocats à la Cour de Paris).
La loi la plus prolixe publiée dans le BO est celle du 24 mars 2014 relative à l’Accès au Logement et Urbanisme Rénové (ALUR) composée de 177 articles pour 479 pages. La plus normative est la loi sur les sociétés du 24 juillet 1966 avec 509 articles pour 200 pages.
Enfin, la loi la plus courte est celle du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien :
« La France reconnait publiquement le génocide arménien de 1915 »