Selon Prosper Weil, professeur émérite de l’Université Panthéon-Assas, il est d’autant plus étonnant de constater la survivance du droit administratif français lorsque l’on observe de près les termes de la loi des 16 et 24 août 1790 ainsi que ceux du décret du 16 fructidor an III lesquels énoncent, certes, un principe fort avec la séparation des affaires de l’administration d’avec celles intéressant les tribunaux de l’ordre judiciaire, mais le font manière entièrement négative. Afin de bien comprendre les raisons qui ont poussé les révolutionnaires à adopter de telles dispositions ainsi que les divers chemins empruntés jusqu’à l’avènement du Conseil d’État, un petit détour par l’Histoire de l’Ancien Régime s’impose.
Au XIIIème siècle en France, le Roi ne dispose pas encore d’une compétence générale pour légiférer. Celle-ci s’exerce de manière diffuse au sein du Royaume et dans le giron des seigneuries lesquelles sont inféodées au monarque mais dont la relation de féodale-vassalique qui les unit éloigne un peu plus ce dernier de la majorité de ses sujets. De plus, une grande partie du territoire français se trouve régi par la coutume au nord et par le droit romain au sud. On arrive à cette situation inouïe d’un pays scindé en deux par une ligne de séparation juridique imagée partant de Genève et aboutissant à l’embouchure de la Charente. Comme l’écrira un peu plus tard Voltaire : « de poste en poste, on changeait de jurisprudence en changeant de chevaux ».
En outre, le Roi n’est pas habilité à intervenir dans le domaine touchant au droit privé. Au cours de la cérémonie du sacre, à l’occasion de la prestation de son serment, il promet en effet de maintenir la paix au sein même du royaume en se faisant le simple garant des coutumes et usages du pays et en écartant celles et ceux considérés comme étant mauvaises. Il ne peut ainsi connaitre que des règles ayant trait au « commun profit ».
Par ailleurs, le droit féodal eut toujours le souci d’instaurer une relation de protection/conseil entre le suzerain et son vassal. C’est la raison pour laquelle le Roi, lorsqu’il décide d’intervenir dans des domaines cruciaux comme la fiscalité, a pris pour habitude de réunir son conseil (vers 1302). Il comprend généralement la noblesse et quelques membres du clergé. Seront progressivement intronisés ceux de la bourgeoisie des grandes villes qu’on nommera par la suite le « Tiers-Etat ». Nait alors une nouvelle institution : les « États Généraux de la Province ».
Dans le cadre d’un royaume administré de manière judiciaire, le Roi est aussi considéré comme fontaine de justice (fons iustitia). Son administration est substantiellement réorganisée au cours du règne de Louis IX (1226-1270). Ainsi, exercée principalement par les seigneurs, elle devint par la suite la prérogative suprême et pendant longtemps la seule, à appartenir définitivement au monarque. Au XVIème siècle, on trouve la formule : « Le Roi, la Couronne et la Justice ne meurent jamais ».
Mais pour ce faire, il a fallu introduire en France des cours royales qui prendront le nom de Parlements. Organes d’appel (supplicatio) pour le justiciable qui n’a pas obtenu satisfaction au cours d’un procès instruit par le seigneur, ils eurent aussi et surtout pour tâche d’enregistrer les textes adoptés par le Roi. On dénombrera 13 cours sur l’ensemble du territoire à la veille de la Révolution française.
I – L’accaparement des affaires publiques par le Roi
C’est donc un enchevêtrement d’institutions qui caractérise l’Ancien Régime et que son droit avait pour mission d’organiser. En sus de celles susmentionnées, nous pouvons ajouter le « Conseil du Roi » ou « Conseil Étroit » qui fut placé auprès du souverain de manière permanente et le conseilla dans le gouvernement et l’administration du royaume. Toutes les affaires contentieuses estimées comme ne pouvant relever des juridictions ordinaires en raison des parties en présence ou des causes défendues y seront également traitées après évocation.
Compte tenu de sa spécificité, cette fonction sera dévolue à un organe particulier dénommé le Grand Conseil à partir du XIVème siècle lequel finit par disparaitre sous Henri II puisque les membres qui le composaient étaient titulaires de leur charge ce qui les fit échapper à la nomination royale. Pour récupérer l’ensemble de ce contentieux, le Roi décida de le confier directement à sa Curiae Regis qui prit le nom en 1578 de « Conseil d’État ».
Quant à l’enregistrement des édits royaux, ordonnances et autres règlements, confié aux Parlements dans lesquels on discute (Curiae in parliamento) sur la manière de légiférer du Roi, il va devenir un véritable moyen de pression pour les cours qui répondirent régulièrement au monarque par des remontrances en cas de désaccord profond avec le texte déposé. Le Roi pouvait accepter les remontrances des parlements mais bien souvent, dominé par le souci d’affirmer son autorité, il préférait les rejeter par « lettre de jussion ».
Cette sorte de navette compromissoire était donc vouée à s’éterniser étant entendu que les Parlements prirent sur eux de réitérer leurs refus de procéder à tout enregistrement par le biais « d’itératives remontrances ». C’est par le mécanisme du « lit de justice », séance solennelle au cours de laquelle le Roi se déplace personnellement en son Parlement, qu’il parvenait à forcer les magistrats à enregistrer la loi qu’il souhaitait voir appliquer. Ceci explique en grande partie la raison pour laquelle le royaume de France n’a pu aboutir à se réformer et qu’il finit par se scléroser.
Pour obvier à cette impasse législative, les rois qui se sont succédé ont tenté à maintes reprises d’instaurer une véritable séparation entre ce qui relevait uniquement des affaires du Gouvernement et celles qui regardaient les tribunaux.
Tout d’abord, par l’ordonnance de Vivier-en-Brie de janvier 1319 sont mises en place des chambres des comptes chargées de la surveillance des domaines et des finances de la Couronne ainsi que du contrôle des dépenses et des recettes. Elles seront refondues en septembre 1807 sous le règne de Napoléon Ier en une Cour des comptes.
Louis XIII adopta quant à lui en février 1641 l’ordonnance de Saint Germain-en-Laye laquelle disposera :
« expresses inhibitions et défenses sont faites de connaitre des affaires qui concernent l’État, gouvernement ou administration d’icelui ».
On ôtait alors aux Parlement la prérogative de pouvoir protester contre la majorité des textes qui leur étaient soumis. Néanmoins, le 14 mai 1643, le Roi mourut et la Régence de son épouse Anne d’Autriche s’annonçait mal en raison des limites que lui imposait justement le testament royal. Pour en sortir, Anne d’Autriche et Mazarin durent obtenir sa cassation par le Parlement de Paris sur demande du Roi. C’est donc à l’âge de 5 ans seulement que le 18 mai 1643 Louis XIV tint son premier lit de justice à l’occasion duquel le pouvoir royal marchanda la cassation du testament de feu Louis XIII en échange du rétablissement des parlements dans toutes leurs prérogatives.
Mais l’enfant docile qu’il était alors fut profondément troublé par l’épisode de la Fronde (1648-1653) si bien que Louis XIV devenu adulte n’eut de cesse de consolider son pouvoir. Il prit une première ordonnance en 1667 pour limiter dans le temps le délai de remontrance des parlements (8 jours après dépôt du texte). La deuxième datant de 1673 interdisait purement et simplement toute remontrance préalable à l’adoption d’un texte. Le Roi-Soleil put ainsi jouir d’un règne paisible pendant près de cinquante-deux ans sans rencontrer la moindre protestation de la part des magistrats.
Au lendemain de sa disparition (2 septembre 1715) les choses s’emballèrent à nouveau puisqu’une nouvelle Régence est mise en place. On sollicita encore une fois la cassation du testament royal auprès du Parlement de Paris qui avait accueilli favorablement la requête à condition de rendre aux parlements leur droit ancestral de remontrance.
Lorsque Louis XV fut en âge de diriger les affaires du pays, il achoppa ainsi comme ses aïeuls sur les résistances des Parlements. De plus, les membres qui les composaient avaient lu la plupart des ouvrages qui parurent à l’époque et notamment l’Esprit des lois de Montesquieu (1748) ou le Contrat social de Jean-Jacques Rousseau (1762). Convaincus par l’idée qu’ils étaient les représentants de la Nation (remontrance du Parlement de Bretagne en 1764) ces cours élaborèrent même une ébauche de constitution du royaume dans laquelle on put lire que le Roi ne devait adopter que des textes conformes à l’intérêt du peuple et que les membres des Parlements, inamovibles, auront toujours le droit de remontrance pour y veiller.
Or, la Monarchie absolue qui veut que tous les pouvoirs soient confondus dans les seules mains du Roi ne put tolérer l’idée d’un corps distinct du monarque pouvant lui faire ombrage. Lors d’une séance restée célèbre et dite « séance de la flagellation » le 3 mars 1766, Louis XV se rendit au Parlement de Paris pour rappeler les grands principes qui jalonnent la monarchie française :
« Que c’est en ma personne seule que réside la puissance souveraine, dont le caractère propre est l’esprit de conseil, de justice et de raison ; que c’est de moi seul que mes cours tiennent leur existence et leur autorité ; que la plénitude de cette autorité, qu’elles n’exercent qu’en mon nom, demeure toujours en moi, et que l’usage n’en peut être tourné contre moi ».
Après s’être cachés derrière les « Lois fondamentales » du royaume pour justifier leur résistance, les Parlements se virent tenir la bride par un édit de 1770 disposant qu’aucune restriction tenue sur de telles lois ne pût être apportée au pouvoir souverain détenu par le monarque. La réforme Maupeou de décembre 1770 eut d’ailleurs pour ambition de réduire à néant le pouvoir des magistrats qu’on appelait dédaigneusement des « robins ».
Véritable succès au départ, la réforme fut abandonnée par Louis XVI en 1774 à la mort de son prédécesseur. La réforme judiciaire Lamoignon de la fin des années 1788 était quant à elle un véritable fiasco. La Révolution française éclatait quelques mois plus tard.
II – Un droit positif hanté par le pouvoir des anciens Parlements
Malgré la multitude de textes adoptés sous l’Ancien Régime pour contenir la hargne des Parlements, aucun n’était parvenu à faire ce que les révolutionnaires entreprirent dans les dix années qui succèderont à 1789. Conscients du fait qu’il fallût tout d’abord procéder à une séparation fonctionnelle des pouvoirs, ils oublièrent néanmoins de les distinguer au sein même de certains organes et notamment de l’administration.
La première loi la plus emblématique en la matière est celle des 16 et 24 août 1790 laquelle prévoit tout d’abord l’interdiction aux tribunaux d’interférer dans le pouvoir législatif.
Article 10
Les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du corps législatif, sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture.
La même loi poursuit avec la prohibition pour les juges judiciaires de se prononcer par voie de règlement. Ceci consacre autant le rejet que la distinction fondamentale entre notre pays de tradition latine ou civiliste et les pays à tradition de Common Law où les arrêts de règlement (stare decisis) sont de principe.
Article 12
Ils ne pourront point faire de règlements, mais ils s’adresseront au corps législatif toutes les fois qu’ils croiront nécessaire, soit d’interpréter une loi, soit d’en faire une nouvelle.
Enfin et surtout, l’article 13 consacre la séparation des affaires administratives et judiciaires.
Article 13
Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions.
L’objectif clairement avoué à travers cette législation ne traduit rien d’autre que la méfiance du pouvoir exécutif envers la fonction judiciaire. Afin de laisser une marge de manœuvre pleine et entière à l’administration, on régla directement en son sein toutes les affaires qui la concernent. La Révolution française retranscrivait également dans une loi des 17 juillet et 8 août 1790 le principe de « l’État débiteur » lequel veut que seule l’administration fût habilitée à fixer une sanction pécuniaire pour les dommages qu’elle eût occasionné.
Pour autant, on n’opère aucune distinction au niveau de l’administration entre la fonction d’administrer au sens le plus général du terme et celle de juger. La loi des 7 et 11 septembre 1790 précise que toute contestation faite envers l’administration pour un litige auquel elle est partie devra être portée au directoire de l’assemblée du district ou de celle du département. Quelques mois plus tard, la loi du 25 avril – 25 mai 1791 envisageait la même hypothèse avec cette différence que la requête dût être adressée au conseil des ministres présidé par le Roi. Ces textes eurent d’une ampleur considérable pour la suite puisque sur leurs fondements, le Conseil d’État consacra de manière jurisprudentielle la possibilité du recours pour excès de pouvoir (CE, 29 août 1921 Martin).
La Révolution française, sans le savoir, avait consacré le principe du « ministre-juge » qui veut que l’administration est à la fois juge et partie ce qui, aux yeux de certains, rendait la situation bien souvent inique et pas seulement en apparence. De cette confusion, Henrion de Pansey écrivit d’ailleurs que : « juger l’administration c’est encore administrer ».
Sous les différents régimes qui se succèdent entre 1789 et 1799, d’autres textes en ce sens sont adoptés par les pouvoirs publics. On pense notamment au décret du 16 fructidor an III (2 septembre 1795) qui ne comprend qu’un seul paragraphe reproduit ci-après :
« La convention nationale, après avoir entendu son comité des finances, décrète qu’elle annule toutes procédures et jugements intervenus, dans les tribunaux judiciaires, contre les membres des corps administratifs et comités de surveillance, sur réclamations d’objets saisis, de taxes révolutionnaires, et d’autres actes d’administration émanés desdites autorités pour l’exécution des lois et arrêtés des représentants du peuple en mission, ou sur répétition des sommes et effets versés au Trésor public. Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit, sauf aux réclamants à se pourvoir devant le comité des finances pour leur être fait droit, s’il y a lieu, en exécution des lois, et notamment de celle du 13 février dernier ».
Il faut attendre l’avènement du Consulat et la Constitution du 22 frimaire an VIII (13 décembre 1799) pour voir la création d’un nouvel organe, résurgence de celui qu’on trouvait alors sous l’Ancien Régime, le Conseil d’État (article 52 de la Constitution). Instrument d’autorité mais aussi de centralisation administrative, il sert surtout à la préparation des textes de loi et pratiqua exclusivement et donc initialement la seule fonction consultative. Ce n’est que par un décret du 11 juin 1806 qu’une commission du contentieux est instituée en son sein. Celle-ci gagna progressivement en influence et en autonome puisque petit à petit, le Chef de l’État reprit systématiquement les projets qu’elle aura élaborés.
Cette séparation organique n’a toutefois pas été exempte de critiques à la fois endogènes mais aussi exogènes à la France. Alphonse Beranger, homme politique français, dit ainsi du Conseil d’État en 1818 dans son ouvrage De la justice criminelle en France qu’il: « n’est pas d’institution plus dangereuse en France ; corps tout à la fois politique et judiciaire, elle est une espèce d’usurpation qui menace trop nos libertés pour ne pas être l’objet de protestations continuelles ».
Fort heureusement, la suppression réclamée du Conseil d’État antérieurement à l’arrivée au pouvoir du parti libéral sous la Monarchie de juillet n’aboutit pas. On a préféré se montrer beaucoup plus sage en adoptant certaines réformes afin de pallier les défauts les plus criants. C’est ainsi par exemple que le décret du 2 février 1832 instaura la publicité de l’audience, le renforcement de la séparation des fonctions consultative et juridictionnelle ainsi que la création d’un ministère public auprès du Conseil d’État sous la forme de commissaires du Gouvernement.
L’un des plus féroces contempteurs de la juridiction administrative fut le juriste britannique A. V. Dicey lequel est connu notamment pour avoir rendu populaire le terme de « Rule of Law » homologue de la notion de « l’État de droit » en France et de « Rechtsstaat » en Allemagne. Ayant beaucoup travaillé sur le thème du dualisme juridictionnel pour en expliquer les méfaits démontrer son incompatibilité avec le système adopté en Grande-Bretagne, il prit pour cible la Français au sortir de la Révolution française.
Au cours d’un débat organisé entre Henri Berthélémy et A. V. Dicey à la fin du XIXème siècle, le premier questionna le second sur l’état du droit administratif en Angleterre. La réponse du juriste anglais fut des plus cinglantes : « En Angleterre, nous n’avons pas connaissance d’un droit administratif et nous ne voulons pas en connaitre ».
S’évertuant à démontrer que le Conseil d’État était un organe complètement inutile parce qu’il n’était pas parvenu à limiter les abus du pouvoir exécutif – notamment sous le Second Empire – il revint toutefois mais bien plus tard sur ses critiques envers le droit administratif en général et l’institution en particulier, en raison notamment du développement de sa jurisprudence vers toujours plus de contrôle sur l’action de l’administration. Il n’abandonna pas pour autant sa préférence pour un ordre juridictionnel unique tel que celui existant alors en Angleterre.
Du côté des défenseurs du Conseil d’État, on note le discours de Léon Gambetta à l’Assemblée nationale au cours du processus d’adoption de la loi du 24 mai 1872 qui allait concéder pour toujours la justice déléguée à la Haute juridiction. Il souligna notamment que l’idée selon laquelle l’État était à la fois juge et partie était erronée parce que les hommes qui siègent au Conseil d’État sont parfaitement indépendants. Il dit plus loin que : « Pour ne pas se laisser entamer par les services publics, pour ne pas laisser toucher à ce qui est son pouvoir conservateur, administratif ou supérieur, l’État a bien le droit à une juridiction spéciale ». Il finit par cette phrase qui vient directement répondre aux allégations de Dicey : « Cette création du Conseil d’État, qu’on ne retrouve pas dans les autres pays de la terre, est en effet une création française, et c’est même l’une des meilleures de la monarchie française ».
Plus proche de nous, on retient cette belle présentation donnée par Jean Rivéro en 1962 :
« Le Conseil d’État, depuis plus de cinquante ans, réussit ce singulier tour de force : servir à la fois l’autorité vraie du pouvoir en la gardant contre sa naturelle propension à l’arbitraire, et la liberté des citoyens ; non sans erreur certes, il est des arrêts discutés et discutables ; mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt ; l’action du Conseil d’État, envisagée dans la durée, est une réussite historique exceptionnelle ».
En définitive, le dualisme juridictionnel et fonctionnel que connait la France aujourd’hui doit donc tout à son histoire. Abondamment critiquée mais jamais supplantée jusqu’à présent, force est de constater que l’abandon de cette « spécificité à la française » pour un retour à un monisme juridictionnel ne garantirait sans doute pas les mêmes protections que celles qui ont été consacrées, qui le sont et le seront encore par le juge administratif. Au cours du discours de nomination du Vice-président du Conseil d’État le 26 février 1987, Jacques Chirac, alors Premier ministre, prononça ces quelques mots qui résument assez bien l’idée sous-jacente qui milite en faveur du maintien d’un tel système :
« l’administration doit disposer d’un juge qui lui soit propre, car loin de se montrer complaisant, il est d’autant mieux à même de la soumettre au respect de la règle de droit qu’il en connait les rouages et n’est pas dupe des apparences ».
Sources bibliographiques :
HARLOW (C) La distinction public-privé dans le système juridique anglais, management public Volume 5 n°5-1, 1987, pp. 199-215
DUGUIT (L) Les transformations du droit public, Ed. La Mémoire du Droit, 1999, p. 304
CASSESE (S) La construction du droit administratif. France et Royaume-Uni, Ed. Montchrétien, juin 2000, p. 155
DRAGO (G) Contentieux constitutionnel français, Ed. PUF, mai 2011, p. 604
DENOIX-DE-SAINT-MARC (R) L’Etat, Ed. PUF, Collection Que sais-je ?, octobre 2012, p. 124
TIFINE (P) Droit administratif français, Ed. EJFA, 2012, p. 532
WEIL (P) PUYAUD (D) Le droit administratif, Ed. PUF, Collection Que sais-je ?, mai 2013, p. 124
GUYOMAR (M) SEILLER (B) Contentieux administratif, Ed. Dalloz, 2014, p. 512
TULARD (J) TULARD (M-J) Napoléon et 40 millions de sujet. La centralisation et le Premier Empire, Ed. Tallandier, mai 2014, p. 402
CARCASSONNE (G) La Constitution, Ed. Points Essais, août 2014, p. 480