La liberté d’expression englobe aussi les idéologies anticonstitutionnelles. Ceci vaut pour le fondamentalisme religieux ainsi que pour l’extrémisme de droite, ce dernier étant, en raison de notre histoire, particulièrement provoquant. La tâche du débat libre dans une société civile courageuse est de contrer ces idéologies. Ce n’est pas le rôle de l’Etat d’intervenir sous forme d’interdictions. Les leçons de Weimar ne se trouvent pas dans une justice d’opinion contre les ennemis de la liberté, mais dans le fait d’imposer consciemment la liberté elle-même. Il s’agit par exemple de la garantie d’une protection, au cas où des positions extrémistes se transforment en atteintes à des droits concrets.1
I. Introduction : la liberté d’expression représente un risque
La liberté est dangereuse. En faisant de la liberté la base de notre ordre démocratique, nous l’offrons à la critique et l’ouvrons à un processus ouvert. Ceci a pour conséquence de produire des effets imprévisibles et non maîtrisables : que ce soit la liberté scientifique ou la liberté des marchés financiers, la liberté entraîne une dynamique déroutante ; des risques et une insécurité sont inhérents à celle-ci. A l’origine d’un ordre libéral, il existe une foi profonde dans la liberté, une confiance qui doit continuer à perdurer en tant que disposition au courage et aux risques.
Ceci est d’autant plus vrai pour la liberté d’expression. Les opinions sont dangereuses. Elles réagissent sur les convictions des autres, changent les perceptions, rassemblent les gens et les séparent, deviennent des points de cristallisation d’une identification personnelle, visent des conséquences et deviennent des actes : « Ce n’est pas un poignard qui a tué le duc de Berry, mais une idée libérale », disait jadis le Ministre de l’Intérieur français Faguet.2 On peut voir que ces dangers sont d’actualité, comme le démontrent les réactions aux caricatures de Mohamed, du dessinateur danois Westergaard ainsi que la discussion sur l’autodafé du Coran aux Etats-Unis.3 Quand la liberté est reconnue comme vraie liberté – si elle est prise au sérieux –, les lois ne peuvent pas garantir qu’au bout du compte elle aboutisse à quelque chose de positif – d’autant moins si la liberté est la même pour tous. Et pourtant : la foi en cela ainsi que dans la subjectivité de chaque individu en tant que dernière instance est la conditio sine qua non d’un Etat de droit démocratique.4
Toutefois, cette foi commence à perdre de sa puissance. Pour beaucoup de gens, la liberté devient inquiétante quand des convictions visent à bouleverser notre ordre, voire même ses bases : il est vrai que des conceptions néo-nazies, tout comme d’autres convictions racistes, fondamentalistes-théocratiques ou dictatoriales-élitistes, sont elles-mêmes des enfants de la liberté d’expression – même si elles se retournent contre cette dernière. Et c’est également au nom de la liberté que l’abolition partielle des droits de l’homme est revendiquée, en commençant par la remise en cause de l’égalité entre les hommes (par exemple, sous un angle raciste), et les sexes ou de l’orientation sexuelle et voire même la négation de la liberté religieuse et la revendication de peines contraires aux droits de l’homme. Dans beaucoup de pays, on perçoit de la même manière les positions séparatistes ou internationalistes. Elles sont interprétées comme de véritables déclarations de guerre à leur propre ordre, ce qui a pour conséquence que la confiance en la liberté d’un débat public s’épuise assez vite.5
En effet, il serait naïf de penser que de telles idées ne contiennent aucun potentiel de danger. Et, dans un monde, dans lequel grâce à de nouvelles techniques de communication et une internationalisation rapide, on est confronté de plus en plus directement aux divergences des conceptions de l’ordre politique et social, la confiance en une marginalisation des conceptions dangereuses diminue. Les expériences concernant les effets irrationnels de la communication véhiculée par les médias,6 contribuent, elles aussi, à nourrir le scepticisme dans les forces de l’autorégulation de la libre formation d’opinion.
Par conséquent, la liberté d’expression n’a jamais été garantie de manière illimitée. Naturellement, de tout temps, des appels à des violations des droits des autres et des biens de l’Etat peuvent être interdits. Les circonstances dans lesquelles des opinions sont diffusées, peuvent être également soumises à une réglementation étatique.7 Ce qui est récent, pourtant, ou du moins qui prend une importance accrue, c’est la disposition concernant l’interdiction de la seule propagation d’opinions et d’idéologies, seulement à cause de leurs contenus dangereux pour l’ordre constitutionnel.8 Dans le droit de réunion, on distingue de plus en plus de telles tentatives – parfois de manière masquée, parfois très ouvertement.9 En Allemagne, les autorités tentent quelques fois assez ouvertement d’empêcher les extrémistes de droite de manifester. La Cour constitutionnelle a dû assurer leur droit à se réunir à maintes reprises (et les collaborateurs de la Cour assurent même un service de garde les weekends pour garantir la liberté de réunion – très souvent pour l’extrême droite). En dehors de cela, l’idée est assez répandue selon laquelle des opinions fondamentalistes, qu’elles soient de la gauche ou de la droite radicale ou encore des groupes religieux, seraient illégales et devraient être interdites. Bref, on est de plus en plus disposé à supprimer par des mesures d’autorité publique des conceptions qui remettent en cause les bases du monde occidental, par exemple sur internet.10
II. L’interdiction d’idées dangereuses ?
La question de savoir si des opinions peuvent être interdites à cause de leur seule dangerosité pour l’ordre constitutionnel, concerne le cœur de la liberté d’expression. Elle était déjà discutée lors de la République de Weimar entre le conservateur Smend et les positivistes libéraux qui défendaient la « Sonderrechtslehre ». Il s’agit là d’un débat célèbre et fondamental et ce jusqu’à nos jours. (Le mot « Sonderrechtslehre » est intraduisible ; traduction littérale serait « la théorie de droit/loi spéciale » ; elle postule que la liberté d’expression interdit toute loi qui n’est ni générale ni neutre, mais « spéciale « dans le sense qu’elle est dirigée contre une opinion ou idée spécifique).
D’un côté, la « Sonderrechtslehre » a considéré de manière conséquemment libérale la diffusion d’opinion comme étant inattaquable tant qu’il s’agissait d’un échange de pensées « purement intellectuel ». En revanche, Smend quant à lui estimait que la liberté d’expression n’était qu’une promesse relative : des lois prohibitives étaient toujours admissibles quand l’intérêt de la société était plus important que la liberté d’expression.11 Une « surestimation matérielle » était suffisante.12 « Les droits fondamentaux trouvent leurs limites dans les valeurs de la société, l’ordre public et la sécurité, les droits concurrents et les libertés d’autrui – la moralité, l’ordre public, la sécurité étatique. La détermination en détail de celles-ci est la tâche des lois exécutives. »13 Bref, selon lui, la dangerosité des idées pour des valeurs constitutionnellement protégées constitue une raison suffisante pour les interdire.
Cette idée, que la liberté d’expression devrait avoir des limites au niveau même de son contenu, se retrouve de la même façon dans la discussion actuelle. La liberté d’expression serait – selon les défenseurs de cette approche – à comparer avec d’autres valeurs constitutionnelles. Il en résulte que « selon la Constitution, certaines opinions politiques peuvent ou devraient être exclues du processus démocratique ».14 En particulier, le législateur pourrait donc interdire des positions contraires aux droits de l’homme, dans tous les cas celles que l’on ne pourrait pas mettre en œuvre légalement contenu de la « clause éternelle », qui garantit certains principes de la Constitution. L’interdiction de la diffusion d’idées national-socialistes ou bien d’idéologies d’extrême droite serait intrinsèque à la Constitution.15 Sous cette forme radicale, cette position est, à ce jour, seulement utilisée concernant les extrémistes de droite. Pourtant, la thèse de la restriction de la liberté d’expression au prorata d’une pesée des valeurs constitutionnelles, met de manière consciente et générale un instrument à disposition en vue d’interdire des opinions, notamment en raison de leur contenu dangereux. La portée de la liberté d’expression est ainsi, vis-à-vis de la protection de l’ordre constitutionnel, une question de pesée des intérêts.
Une telle approche satisfait les âmes simples et donne raison à ceux qui partagent l’avis selon lequel le droit constitutionnel ne serait de toute façon qu’une pesée des intérêts entre des positions extrêmes cherchant une solution de bonne moyenne enrobée de jolis mots : trop, c’est trop. En réalité, cette approche prive la liberté d’expression de sa substance. Si la liberté d’expression n’est valable qu’en fonction d’une pesée des valeurs constitutionnelles, elle se place sous la condition du bon sens et de la prise en considération de la bienséance. Elle perdrait alors son aiguillon provoquant. Aucun droit fondamental n’est autant un droit des minorités que le droit à la liberté d’expression. La liberté d’expression ne prend vraiment son importance qu’au moment où des opinions vont à l’encontre du bon sens et sont choquantes. Une considération matérielle des valeurs risquerait forcément de faire sauter les digues, entraînant ainsi des conséquences irréparables : de quelques préceptes anciens de l’Eglise jusqu’aux revendications d’une dictature du prolétariat ou d’un ordre fondamental islamique, la diffusion de ces différentes conceptions du monde pourrait être remise en question. Il serait facile de proscrire ainsi la discussion sur la torture, l’introduction de la peine de mort ou bien la remise en question d’interdictions de la discrimination, comme étant une menace pour les valeurs fondamentales de notre ordre démocratique. Ainsi, dans le but de protéger préventivement nos fondements de valeurs, cette sorte de raisonnement pourrait trouver des adhérents dans beaucoup de débats politiques qui essaient toujours de créer des nouveaux tabous. En outre, à partir de cette compréhension, l’acceptation d’opinions absurdes nous laisse à l’inverse un arrière-goût désagréable : sont-elles autorisées à être diffusées parce qu’elles se trouvent dans les limites du bon sens ? Par exemple le créationnisme, la justification du colonialisme, le communisme… – sont-ils couverts par la liberté d’expression,16 parce que suite à une pesée des valeurs constitutionnelles, on estime que c’est défendable, c’est acceptable? Certainement pas ! La raison est plutôt une question de principe : il s’agit ici de la neutralité de l’Etat sur le fond face à toutes les opinions ; une neutralité qui exclut, en principe, une interdiction motivée par la dangerosité des effets intellectuels d’une pensée. Il est possible de le formuler plus théoriquement : la liberté d’expression n’est pas valable conformément à des décisions prises à la majorité ; ce sont plutôt les décisions prises à la majorité qui sont valables conformément à un débat politique libre.
III. Les restrictions de la liberté d’expression pour la protection des droits – la jurisprudence de la Cour constitutionnelle allemande
La Cour constitutionnelle allemande a rejeté à juste titre une telle relativisation de la liberté d’expression.17 Des « mesures de protection face aux effets des expressions purement intellectuelles d’une opinion sont incompatibles avec la liberté d’expression. L’intention d’interdire des propos dont le contenu puisse être dommageable ou dont les conséquences intellectuelles seraient dangereuses, abroge le principe même de la liberté d’expression ; une telle intention du législateur est illégitime. Cela concerne également […] la préoccupation d’empêcher la circulation d’opinions anticonstitutionnelles. La nullité, voire la dangerosité des opinions en tant que telles, n’est pas une raison pour les interdire. L’article 5 al. 1 de la Loi fondamentale n’autorise pas de mettre la liberté d’expression sous une réserve générale de pesée des valeurs constitutionnelles. »18 La Cour dit explicitement que même l’incompatibilité des revendications avec l’article 79 al. 3 de la Loi fondamentale ne constitue pas une raison pour les interdire.19 Il faut savoir que cet article fixe les principes auxquels même une révision constitutionnelle ne peut pas toucher. Donc, la liberté d’expression n’est pas seulement un corollaire à une marge de manœuvre légale, mais est détachée des actions légales et constitutionnelles. Indépendamment du fait de savoir si une opinion est anodine ou dangereuse, la liberté d’expression comprend même la diffusion d’idées national-socialistes.20 Eu égard au potentiel menaçant d’idéologies extrémistes, comme nous l’avons connu dans notre histoire, mais qui est encore sous-jacent dans beaucoup d’endroits dans le monde, il faut se demander, de façon d’autant plus urgente : où poser les limites ? Le point d’ancrage ne doit pas être la seule dangerosité de l’opinion, mais uniquement l’atteinte aux droits qui vont au-delà d’un échange d’idées.21 Le législateur peut, selon la formule de la Cour, restreindre les expressions d’une opinion dans la mesure où « celles-ci franchissent le seuil de dangerosité d’une violation de la loi, concrète et attribuable individuellement […]. Le législateur peut […] se rattacher à des expressions d’une opinion qui, au-delà de la propagation d’une conviction, visent à des effets concrets, par exemple sous forme d’appels à la violation de la loi ou en provoquant des émotions agressives ou en réduisant des inhibitions, et qui déclenchent directement des conséquences susceptibles de mettre en danger des droits ».22 Ainsi, des restrictions doivent se limiter a priori à la protection des droits contre des effets directs extérieurs relatifs aux expressions d’une opinion.23.))
IV. Les rapports avec la discussion à l’époque de Weimar
Conformément à cela, la Cour a recours aux critères de la théorie de « Sonderrecht » de Weimar.24 Contrairement à la théorie de la comparaison de Smend, la première théorie a cherché les limites à la liberté d’expression dans la détermination de son idée intrinsèque25 : la liberté d’opinion protégera la liberté de l’esprit et ainsi la « portée purement mentale » des opinions. On sous-entend par là, l’échange et le débat concernant la justesse de la conception en tant que telle, ainsi que ceux sur la simple adhésion à une conviction politique ou autre. En revanche, la production d’effets dans le monde réel par des violations de la loi ou la mise en œuvre d’actions n’est pas protégée.26 En tant que liberté d’esprit, la liberté d’expression était garantie formellement et strictement. Une suppression de la liberté d’agir intellectuellement sur l’opinion d’autrui, était équivalente à un accès au moi profond de l’homme et à ses choix moraux. Cela devait être interdit catégoriquement à l’Etat, et cela dès le début, de faire dépendre les interdictions du contenu seul d’une opinion – dans la mesure où il s’agit uniquement de promouvoir cette opinion ainsi que sa portée « intellectuelle ».27 Pour autant, la liberté d’expression garantit, selon Häntzschel, « la liberté de manifester un objectif mental, correspondant à l’opinion de celui qui s’exprime […] de telle manière que d’autres peuvent être convaincus de la pertinence de cet objectif », et ceci « sans considération de la question de savoir si cela est conforme aux lois et coutumes ».28 C’est, bien sûr, un risque, mais ce risque serait à prendre :
« Certes, une expression d’opinion peut mettre gravement en danger l’Etat et la société. Aussi longtemps que cette menace n’est que de nature mentale, en influençant de manière néfaste la conscience des lecteurs, des auditeurs ou des spectateurs […] et leur confiance en des enseignements […] que jusqu’à présent l’on a considéré comme justes, cette menace doit être acceptée en raison des effets positifs de la liberté d’expression. Les progrès de l’humanité n’étant guère envisageables sans ces derniers ».29
Cependant, la liberté d’expression devait par la suite trouver ses limites quand l’effet purement intellectuel était dépassé et conduisait à l’action. Désormais, celui qui franchit le pas de la parole à l’acte, quitte le domaine de la liberté de l’esprit.30 Déjà à l’époque, la doctrine n’a pas su dire de manière claire et définitive où se trouvaient les limites dans le détail. Quoiqu’il en soit, il n’était pas seulement sous-entendu une action réelle et immédiate, mais il suffisait que l’expression d’une opinion ne se contente pas de cibler l’acquisition d’une conviction mais qu’elle vise des actions. Les limites sont surtout franchies quand il s’agit d’appels à des actions.31 Tout ceci est démontré de manière exemplaire par Rothenbücher : « Au niveau juridique, il est admis de démontrer que l’histoire est une histoire de luttes de classe, que dans la société d’aujourd’hui une classe règne sur l’autre, que le règne d’une classe n’est guère juste, qu’elle fût établie par la violence, qu’elle ne peut être empêchée que par la violence – on quitte alors seulement ce domaine de la liberté d’expression, quand la désobéissance aux lois ou des actes violents sont encouragés. »32 Il va sans dire qu’en se rattachant à ces critères, la Cour constitutionnelle allemande a hérité des difficultés concernant la définition de leur application : à quel moment la diffusion d’opinions constitue-t-elle un échange intellectuel de convictions et à quel moment se transforme-t-elle en atteintes réelles aux droits ? S’appuyer formellement sur des limites d’appel à des actions ne peut être satisfaisant aujourd’hui : d’un seul point de vue linguistique, nous savons qu’entre faire l’apologie publique d’un meurtre et un appel à ce dernier, ne devrait pas être une limite substantielle. Et justement, en ce qui concerne l’expression d’idéologies extrémistes et contraires aux droits de l’homme, le passage à l’agression immédiate se fait vite. Etant donné qu’il n’y a pas de limites évidentes et que des chevauchements sont possibles, la Cour a attribué au législateur une marge d’appréciation dans l’évaluation.33 En outre, l’application des lois devrait surtout être guidée par ce tracé des frontières : une interdiction ne devrait pas étouffer le contenu des opinions et leur communication en tant que tel, mais limiter uniquement les formes de la diffusion, qui portent déjà en elles le passage à la violation du droit de manière palpable.34 Ce tracé des frontières est exigeant et continuera à occuper les tribunaux encore et toujours. Mais elle propose un critère plus précis et plus solide que la comparaison libre des opinions et des valeurs, qui opposerait en fin de compte une opinion meilleure à une opinion moins bonne.
V. La protection de l’ordre public par le droit pénal
Par ce biais, de nombreuses normes du droit pénal servant l’ordre public se voient attribuer un profil plus clair. L’ordre public ne peut être un objet de protection que de manière limitée dans le cadre d’un Etat de droit démocratique. En particulier, il ne suffit pas de se référer de façon générale et vague à cette formule. « Une compréhension de l’ordre publique n’est pas assez étoffée pour justifier des atteintes à la liberté d’expression, si elle vise simplement la protection des préoccupations subjectives des citoyens contre la confrontation avec des opinions et idéologies provocantes ou la préservation des convictions sociales ou éthiques qui sont considérées comme étant fondamentales. Une inquiétude qui résulte de la lutte d’opinions, c.-a.-d. uniquement du contenu des idées et de ces conséquences intellectuelles, est le revers nécessaire de la médaille de la liberté d’opinion et ne peut être une fin légitime pour ses restrictions ».35 La Cour n’a également retenu comme motif pour sanctionner, ni des atteintes au « sentiment général de tranquillité » ni « l’empoisonnement du climat intellectuel »,36 ni une injure à la conscience juridique par des idéologies totalitaires ou une interprétation fausse de l’histoire. Le but de consolider les droits de l’homme dans la conscience juridique ne permet pas non plus d’exprimer des points de vue contradictoires.37 En revanche, l’Etat doit protéger l’ordre public tout en garantissant la sécurité. « L’objectif est ici la protection des propos, qui […] incitent de manière visible à des actions qui sont susceptibles de porter atteinte aux droits, c.-a.-d. qui marquent le passage à l’agression ou à la violation du droit. Ainsi, la préservation de l’ordre public se réfère aux effets extérieurs des expressions d’une opinion, par exemple par le biais d’appels à des actions ou au déchainement des passions, qui soit suscitent une disposition à agir auprès de ceux et de celles qui sont visés, soit suppriment des blocages, soit utilisent des mesures d’intimidation directement contre des tiers ».38
Dans ce sens, le droit pénal recherche une protection de la paix et de la sécurité de tout temps et avec raison. L’interdiction d’inciter à la guerre offensive, ou d’inciter à commettre des délits ou de menacer de les commettre, sert ce but.39 Ces actes peuvent, au prorata du principe de la proportionnalité, être condamnés, car ils comprennent des expressions d’une opinion qui vont au-delà d’une simple portée intellectuelle d’échange de convictions et qui ont un effet direct dans le monde réel. De la même manière, la limite de la diffusion purement intellectuelle d’opinions est abandonnée lorsque des passions sont exacerbées, qui lèvent des freins à des actes de violence. Ainsi, le délit « incitation à la haine » ne pénalise pas la diffusion seule d’idées racistes ou national-socialistes, mais uniquement quand celle-ci va de pair avec une « incitation » concrète « à la haine ». De même, la Cour constitutionnelle allemande a consenti à un article nouveau dans le Code pénal allemand qui pénalise l’exaltation de la tyrannie et du despotisme du national-socialisme : cependant, elle a exigé une interprétation où l’exaltation concerne la violence et l’arbitraire de l’époque national-socialiste et pas seulement l’approbation des éléments idéologiques de l’extrême droite.40 Avec cette interprétation cette norme ressemble à d’autres normes pénales bien connues telles que l’approbation de délits graves – notamment l’approbation des crimes de guerre – ou également l’exposé d’actes de violence.41 (Dans l’approbation ostensible de la violence, le législateur est autorisé à voir en plus de l’échange de convictions, un élément encourageant à commettre un acte de violence.) Au demeurant, dans quasiment tous les cas de figure, ces normes exigent de façon générale un trouble à l’ordre public. Par conséquence, le juge qui applique ces normes doit établir le fait qu’il y avait un trouble à l’ordre dans les circonstances concrètes. Cela constitue un correctif,42 qui garantit à la liberté d’expression sa place dans des situations, dans lesquelles une mise en danger de la paix publique peut concrètement être exclue.
Dans ce sens, la jurisprudence la Cour constitutionnelle allemande contrôle, depuis toujours, l’application des normes pénales destinées à protéger l’Etat et l’ordre public. A maintes reprises, la Cour (souvent par ses Chambres) a dû annuler des décisions, qui ne se sont pas arrêtées, dans leur interprétation, à des atteintes aux droits, perceptibles selon les circonstances, mais elles se sont référées à l’articulation de certaines opinions par rapport à leur contenu intellectuel – par exemple s’il s’agissait des expressions d’opinion anticonstitutionnelles. Ceci vaut en particulier pour des normes telles que paragraphe 90a du Code pénal allemand (dénigrement de l’État et de ses symboles). Justement, ce paragraphe ne peut pas être considéré comme applicable – ce qu’on pourrait croire en le lisant sans tenir compte de la Constitution –, quand quelqu’un émet une polémique corrosive contre l’ordre étatique. Son champ d’application sous l’ordre de la Loi fondamentale allemande est très étroit.43 Ceci concerne également l’application des délits de démagogie dans le paragraphe 130 du Code pénal allemand. Tous ces délits présupposent une application prudente, autrement dit : une subsomption minutieuse selon les faits constitutifs de l’infraction. Il faut une interprétation conforme à la Constitution, qui limite leur champs d’application de la sorte que les exigences de la liberté d’expression soient remplies.44 Des telles exigences ne sont en aucun cas l’expression d’une froideur formaliste ou d’excès d’un positivisme juridique. Il s’agit plutôt d’une interprétation qui s’appuie sur les valeurs libérales de notre constitution. Ceux qui y voient une sorte de détournement des évaluations prévues par la loi, succombe à la tentation d’une justice d’opinion – tentation à laquelle un Etat libéral doit s’opposer.
VI. La loi générale et l’exception de l’exigence de la généralité de la loi
J’en arrive maintenant à un tournant de la présentation où devient apparent que le sujet reste délicat, surtout en Allemagne ; et l’on voit que les réponses ne se font pas clairement et simplement et de façon formaliste. Toutes les explications qu’on vient d’exposer, sont des distinctions que la Cour a développé dans l’arrêt Wunsiedel. L’arrêt concerne la constitutionnalité d’une norme pénale qui pénalise l’exaltation de la tyrannie et du despotisme du national-socialisme – donc la norme dont on parlait tout à l’heure. L’examen de la constitutionnalité de cette norme relève un autre problème qu’ on n’a pas encore traité : cette norme pénalise uniquement l’exaltation du national-socialisme et non pas l’exaltation de tyrannies quelconques. Pourtant, la Constitution allemande exige que les lois qui restreignent la liberté d’expression soient générales. La Cour constitutionnelle a constaté qu’en effet cette norme n’est pas une norme générale parce qu’elle s’adresse exclusivement aux néo-nazis. Mais la Cour a malgré tout déclaré la loi conforme à la Constitution en acceptant une exception non écrite pour des raisons qui se fondent sur notre histoire. Cette exception a été reçue avec scepticisme dans la littérature. En faisant abstraction de l’exigence de la loi « générale » au regard du national-socialisme, cet arrêt n’a-t-il pas malgré tout sanctionné les interdictions des contenus d’opinions?
La présentation de cette exception se trouve volontairement à la fin de l’exposé, pour démontrer clairement que la réponse à cette question est négative. Cette exception ne crée pas de droit pénal de conviction face aux idées national-socialistes. Sur le fond, les critères présentés ci-dessus s’appliquent par référence au national-socialisme autant qu’à toutes autres positions extrémistes. L’exception ne les concerne pas. En effet, elles font partie dogmatiquement des exigences de la proportionnalité, qui valent pour chaque restriction d’une opinion. La place de cette discussion diffère ainsi fondamentalement de celle de la discussion Weimarienne : cette dernière discutait des limites de la liberté d’expression uniquement sous le terme de « loi générale ». Contrairement à cela, la Cour constitutionnelle comprend la question de savoir si une mesure s’oppose à une opinion en tant que telle, comme une question de la détermination légitime du but, dans le cadre de la proportionnalité.45 A priori, l’empêchement d’opinions dangereuses en tant que telles n’est pas un but légitime. Seule la protection de droits concrètement en danger est légitime. Afin de garantir cette protection, chaque mesure doit être appropriée, nécessaire et adéquate au but recherché. Le contrôle de la proportionnalité est ainsi plus différencié et flexible que le contrôle dans le cadre de la doctrine à l’époque de Weimar ; il est également plus substantiel.
Cependant, avant l’examen de la proportionnalité, la Loi fondamentale statue en outre sur l’exigence de la loi générale. L’exception se réfère à cette exigence.46 Dans la distinction des différents niveaux du problème, au regard de l’exigence de la loi générale, la limite de la liberté d’expression n’est pas traitée, au niveau matériel, dans son ensemble. Il est plutôt question ici de savoir si la loi qui restreint la liberté d’expression est, en tant que telle, formulée de manière neutre par rapport aux opinions différentes. Ainsi, il s’agit d’un mécanisme de protection additionnel de la Loi fondamentale, qui n’est pas retenu, du moins pas explicitement, par la Convention Européenne des Droits de l’Homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne.47 Selon ce mécanisme, les lois doivent être rédigées de manière générale, même quand elles visent, matériellement et à juste titre, la protection des droits ou le maintien de la paix. Ce filtre interdit au législateur de créer des normes qui se réfèrent aux points de vue spécifiques et qui visent des opinions concrètes.48 Ainsi, le législateur devrait aménager la protection des droits, de telle manière que les normes soient ouvertes sur le fond et restent générales, afin qu’elles puissent s’adresser à des expressions d’opinion différentes. Déjà, de par leur apparence, cette protection ne doit pas alors se présenter comme une réponse à certains courants de pensée, opinions, ou idéologies. En conséquence, une norme concernant l’apologie du national-socialisme est aussi inadmissible que des normes qui viseraient spécifiquement la violence à l’égard des Arméniens,49 la glorification du 11 septembre ou la protection des victimes du stalinisme. Donc on aurait dû annuler la norme en question pour manque de « généralité ».
A ce propos, la Cour constitutionnelle a reconnu une exception pour des restrictions de la liberté d’expression, concernant l’apologie du national-socialisme.50 Et elle a limité cette exception strictement au national-socialisme à cause de notre histoire. L’inhumanité du national-socialisme était, de manière antithétique, d’une telle signification pour l’identité de la Loi fondamentale, qu’elle justifiait une exception. Son cautionnement propagandiste n’était pas comparable avec d’autres expressions d’opinion. Pour ces raisons complètement extraordinaires l’article 5 al. 2 de la Loi fondamentale n’excluait pas des lois qui se réfèrent spécifiquement au national-socialisme. Ici, la Cour ne remet pas en question que de telles lois puissent servir seulement la protection des droits, et ne doivent pas être dirigées contre l’effet intellectuel en tant que tel. Cependant, la Cour admet des lois qui traitent uniquement du national-socialisme. On peut être tenté de critiquer cette position comme étant inconséquente. Mais est-ce qu’il est vraiment indispensable de supposer que la Loi fondamentale veuille voir de telles normes traitées comme inadmissibles – celles-ci prenant en compte les effets non comparables des exaltations du national-socialisme par rapport aux autres propos extrémistes ? Est-ce que l’article 5 al. 2 de la Loi fondamentale doit en effet être lu de telle manière que le fait d’aborder des effets particuliers d’une exaltation du national-socialisme ne puisse être pris en compte par le législateur?
Eu égard aux conséquences, il faut souligner que cette question peut être décidée au niveau politique. La Cour admet une telle exception, mais elle ne l’impose pas. Il y aura toujours matière à discussion de savoir si nous devrions recourir à des normes qui se portent exclusivement contre les apologistes du national-socialisme. Dans ce sens, la Cour a assumé les dispositions du législateur démocratique comme une interprétation admissible de la Loi fondamentale.51 Il est à remarquer que la décision de la Cour constitutionnelle continue à être critiquée, dans la presse quotidienne52 ainsi que dans la littérature spécialisée,53 concernant l’acceptation exceptionnelle de cette loi non générale. Cependant, celle-ci s’est exprimée différemment, dans le passé concernant la loi elle-même. Dès le début il était évident que cette loi ne remplit pas l’exigence d’une loi générale, mais il n’y avait pratiquement pas de voix qui contestaient la constitutionnalité de cette loi. De même, la critique contre la décision dans la presse n’est pas cohérente avec celle qui est exprimée quand il s’agit d’autoriser les manifestations d’extrême droite. En tout état de cause, créer de telles normes pour ensuite nier qu’elles ne sont pas générales, ou bien présenter des soit disant arguments afin de les dissimuler, ne serait guère une alternative plus convaincante. Une telle dissimulation mènerait, inéluctablement, à des brèches argumentatives, qui rendrait l’exigence de la généralité (de l’article 5 al. 2 de la Loi fondamentale) plus souple et, en fin du compte, la viderait de son sens. Cependant, il est clair qu’en tant qu’exception étroite, elle n’est pas transmissible à d’autres cas de figure. Par la décision de Wunsiedel, la Cour a plutôt donné aux exigences de la « loi générale », des contours plus forts et plus résistants, qu’elle n’en a eu jusqu’à ce jour. De plus, dans l’absolu, elle a, au niveau du fond, posé des limites plus claires et plus durables aux restrictions de la liberté d’expression, qu’il n’existait jusqu’alors.
VII. La discussion Weimarienne dans la jurisprudence constitutionnelle : nouvelle discussion
Si on regarde à présent cette jurisprudence dans son ensemble, on est tenté de poser la question de savoir si la théorie du « Sonderrecht », dans son ensemble, a su s’imposer. La décision Wunsiedel, démontre-t-elle que la Cour constitutionnelle a écarté l’influence de Smend – contrairement à l’idée répandue sur la jurisprudence de Karlsruhe considérée comme « smendienne » ?
Une telle interprétation de cette jurisprudence serait insuffisante. De toute façon, la Cour ne s’est jamais trouvée devant la décision de devoir trancher entre ces deux théories. De tout temps, elle a cherché sa propre interprétation de l’article 5 al. 1 et 2 de la Loi fondamentale. Déjà par principe, cette interprétation n’y a vu dans aucune de ces théories une référence autoritaire. Cependant, la Cour a su, dans son interprétation, se prévaloir des deux théories. Cela ne mène pas forcément à des contradictions. Mais, comme nous l’avons démontré, la théorie de Smend fut rejetée clairement dans la mesure où elle place la liberté d’expression de manière générale sous une condition préalable de réserve générale, comprise comme pesée des valeurs constitutionnelles et, par conséquent, autorisait d’empêcher la diffusion d’idées en tant que telles, selon des critères extrêmement subjectifs. La conception stricte de la théorie du « Sonderrecht », selon laquelle des opinions ne doivent jamais être opprimées seulement au regard de leur « effet purement intellectuel »,54 constitue un noyau incontournable pour l’article 5 al. 1, 2 de la Loi fondamentale. D’un côté, elle donne à l’interprétation de ce droit fondamental une direction. En revanche, la pensée plus générale de Smend, selon laquelle les différentes garanties constitutionnelles devraient être balancées et pesées, n’est pas caduque – notamment quand elle concerne la liberté d’expression. Quand des opinions peuvent être légitimement restreintes quant à leurs effets « qui ne restent pas purement intellectuelles » – tels que des appels à la haine ou au boycott ainsi que des atteintes à la personne –, il est nécessaire de prendre les différents intérêts en considération et de balancer les différentes valeurs constitutionnelles. Cette pesée des valeurs constitutionnelles ne peut cependant pas obéir à des critères objectifs et formels, tels que la théorie du « Sonderrecht » les a revendiqués. Sur ce point, il est nécessaire d’opérer un rééquilibrage dans le cadre de la concordance pratique et de la prise en considération de l’interaction des différents droits fondamentaux. Pour toutes ces raisons, le champ d’application de la liberté d’expression peut être appréhendé de manière plus large de nos jours qu’à l’époque selon la théorie du « Sonderrecht ». En effet, la doctrine « smendienne » fait de façon générale partie de la doctrine actuelle des droits fondamentaux, qui distingue entre champ d’application, atteinte et justification. Tandis que la théorie du « Sonderrecht » a conçu la liberté d’expression uniquement comme une liberté d’esprit, qui par principe prenait fin au regard de son droit à la protection, quand étaient en cause d’expressions d’opinion ayant l’intention de commettre des actes et qui menaçaient directement des droits de tiers, la liberté d’expression, telle qu’elle est comprise aujourd’hui, protège, en principe, également d’appels au boycott et de propos, qui portent atteinte aux droits d’autrui ou qui pourraient entrer en conflit avec des lois générales. Dans ce cadre, la revendication de Smend de balancer les différentes valeurs constitutionnelles a des succès impressionnants – aujourd’hui évidemment liée aux règles du principe de la proportionnalité et d’interprétation qui peuvent en être déduites.
La notion de « loi générale », expliquée ci-dessus, n’emprunte pas non plus totalement les critères de la théorie du « Sonderrecht » – du moins pas stricto sensu :55 ainsi, une loi ne perd pas sa « généralité » du seul fait qu’elle se réfère au contenu d’une expression d’opinion. En se référant à la jurisprudence, les lois sur l’obligation de réserve concernant les soldats,56 ainsi que les délits d’offense,57 ou des normes pénales qui visent le dénigrement de l’Etat et de ses symboles,58 peuvent être des « lois générales ». Certes, il n’y a pas à la base de compréhension matérielle dans le sens de Smend, qui estime que toute loi qui établit une comparaison entre les valeurs constitutionnelle, est générale. Il s’agit ici plutôt d’une exigence générale de la neutralité constitutionnelle : la loi doit être formulée de manière générale et doit être aménagée indépendamment de conceptions concrètement préexistantes. Il est primordial « que la norme dans le champ des différentes forces politiques paraisse ouverte vis-à-vis de divers groupements et que l’expression d’une opinion pénalisée ou interdite puisse être déduite des différents fondements politiques, religieux ou idéologique différents ».59 Eu égard à ce critère de la généralité, qui est compris au sens large et qui n’est pas en contradiction avec des lois visant la protection de l’honneur ou de la jeunesse, il est logique que l’exigence de la généralité soit élargie à toutes les lois qui sont susceptibles de limiter des opinions, selon l’article 5 al. 2 de la Loi fondamentale.60
En résumé, on peut retenir que la Cour constitutionnelle ne se laisse influencer ni uniquement par la théorie du « Sonderrecht », ni par la conception de Smend. Elle suit plutôt son propre chemin et utilise sans doute des éléments de ces deux théories à des niveaux différents.
VIII. Le concept de la liberté dans une démocratie prête à se défendre
Pour finir, on va quitter les profondeurs de la doctrine pour retrouver une vue d’ensemble. Une telle accentuation de la liberté d’expression n’affaiblit-elle pas l’ordre juridique face aux radicaux ? La Loi fondamentale se comprend justement comme une démocratie combattante – à savoir une démocratie qui est prête à défendre ses institutions. Elle s’oppose explicitement à un dérapage ostensiblement légal vers le totalitarisme.
En effet, la Loi fondamentale est conçue comme une démocratie militante61) et utilise quelques instruments à cette fin, tels que des interdictions de réunions62 et de partis politiques63 jusqu’à la déchéance des droits fondamentaux.64 Or, ces instruments possèdent de grandes similitudes avec les limites présentées ci-dessus : des partis politiques et des réunions ne peuvent être interdits seulement en raison de leurs buts anticonstitutionnels ou parce qu’ils propagent des idéologies contraires aux droits de l’homme. Certes, ils peuvent être interdits quand leur but est l’atteinte, voire la suppression de l’ordre démocratique. Mais selon la jurisprudence, ceci est seulement le cas quand, au rejet de l’ordre démocratico-libéral se rajoute un « esprit activement combatif et agressif ».65 Ces interdictions ne sont pas un moyen pour s’affirmer symboliquement contre des idéologies radicales. Leur rôle est plutôt de s’opposer à des dangers contre l’ordre établi par la Loi fondamentale, qui résultent de la forme menaçante d’un conflit – encore qu’il ne soit pas nécessaire que les actes soient continûment saisissables pénalement.66 (Ce sont ici les critères qui vont être décisifs pour décider si le parti NPD peut être interdit ou non.) Il en est de même pour la déchéance des droit fondamentaux : quand une personne « abuse des droits fondamentaux en vue de lutter contre l’ordre démocratico-libéral », elle est alors et seulement déchue de ses droits.67 Les critères de la théorie du « Sonderrecht » ont été intégrés dans le texte de la Constitution.
Comme pour ces institutions, le passage à l’agression définit la limite de la liberté d’expression de façon générale. C’est alors que l’Etat de droit n’est par conséquent pas impuissant : à la condition qu’une manifestation devienne violente ou démagogue à tel point qu’elle soit considérée comme délictuelle, l’Etat peut et doit intervenir, – et d’ailleurs, ceci est également le cas quand une telle manifestation est violemment empêchée par des tiers. Quand les rues deviennent, sous l’emprise d’extrémistes, dangereuses, quand des étrangers et des femmes sont opprimés, l’Etat doit s’interposer de toutes ses forces – il n’a pas besoin d’attendre jusqu’à ce qu’un crime d’honneur soit commis. L’Etat se doit alors d’intervenir, de manière effective, contre l’oppression et la violence – aussi bien dans des familles que dans des groupements religieux ou politiques. L’Etat doit offrir des possibilités de protection et de sortie. Cette tâche est particulièrement primordiale dans le cadre de la protection contre la formation de réseaux totalitaires. En tout cas, les possibilités ne sont, de loin, pas encore épuisées.
Dans ce contexte, l’Etat de droit doit pourtant garder une certaine distance par rapport à la moralité des citoyens. Le point fondamental de celle-ci forme la neutralité vis-à-vis d’opinions et de convictions en tant que telles.68 En plus, il faut un certain esprit qui accepte cette distance :69 on ne peut pas accepter que les autorités étatiques soient félicités par la presse parce qu’elles ont pu écarter une manifestation encombrante grâce à l’appui d’une tactique policière – ceci est aussi vrai pour les manifestations contre des hôtes officiels que pour celles ayant un fondement radical de droite ou de gauche.
Les critères de l’Etat de droit sont extrinsèques. Ils n’ont pas accès au for intérieur des hommes. Ce n’est pas la morale, mais la cohabitation pacifique qui constitue sa catégorie. Ceci est susceptible de rendre éventuellement quelques-uns confus ; spécialement ceux qui voient dans une telle distanciation, une raison expliquant la fin de la République de Weimar et qui pensent devoir en tirer une autre leçon. Ceux qui croient devoir exiger la mise en vigueur des convictions démocratiques elles-mêmes, sans condition et avec tous les moyens du droit. En particulier, concernant les idéologies de l’extrême droite, l’idée est répandue selon laquelle l’ordre fondé sur des valeurs démocratiques ne devrait pas garder de distance, mais devrait plutôt détruire des idées antidémocratiques à la racine, en interdisant avec force leurs propos. Ainsi, cette idée est placée sous des exigences morales élevées. Toutefois, une telle vision est trop simpliste et mène à une justice d’opinion. Elle n’est guère autre chose qu’une déclaration de guerre contre un ennemi dans la logique de Carl Schmitt : aucun droit pour les ennemis du droit.70 L’ordre démocratique ne peut pas défendre la « mise hors la loi ». La reconnaissance de l’apparence de l’Etat de droit ne se comprend pas comme une interprétation « sans un jugement de valeur ». Elle n’est pas non plus détachée des conséquences d’ordre politique. Cette reconnaissance est plutôt une interprétation de la Constitution liée par des valeurs dans l’esprit d’un ordre libéral substantiel. A la base de cette reconnaissance, se trouve une confiance en des forces d’un débat intellectuellement libre. Cela ne sous-entend pas la conviction naïve selon laquelle les personnes concernées pourraient être convaincues par la seule force de l’argumentation. Or, une telle vision libérale se fonde sur une répartition de la responsabilité : au niveau des convictions, la société est responsable concernant la lutte contre des dangers. L’inquiétude causée par des idéologies et concepts calamiteux est censée pousser les citoyens à assumer leur responsabilité. Elle est censée s’opposer à ces idéologies et concepts, et les marginaliser. La question quelles positions sont considérées comme étant tabou, inacceptables ou, au contraire, comme défendables doit demeurer dans le discours politique. Et elle doit être reconsidérée sans cesse. Cette liberté fournit en même temps une soupape de sécurité qui sert à relâcher la pression causée par les tensions sociales. On voit par là qu’il s’agit d’un concept matériel de la liberté, qui n’est pas aveugle aux résultats. Ce n’est pas l’Etat qui doit supprimer ces opinions pour notre confort, mais c’est un devoir de la société libre : des interdictions ne peuvent pas remplacer des contre-manifestations.
Notre ordre est construit sur la confiance en la force de la liberté. La Loi fondamentale assortie de garanties de liberté et de dispositions conséquemment limitées et aliénables concernant la défense de la démocratie, a revendiqué cela avec beaucoup de courage. Et même à ce jour, nous devons et pouvons avoir une telle confiance. Si nous la perdons, nous perdons ce que nous essayons de sauver, tout en nous perdant nous-mêmes.
- La base de ce texte est un exposé du congrès annuel de la Commission Internationale de Juristes, section allemande, en 2011 et fut – retouché légèrement et complété par quelques précisions – laissé, essentiellement, sous forme d’exposé. Version allemande : JZ 2012, p. 585. [↩]
- E. Faguet, Le Libéralisme, 1902, p. 95, cité d’après K. Rothenbücher, VVDStRL, cahier n° 4, 1928, p. 6 (8). [↩]
- Cf. sur le conflit concernant les caricatures de Mohamed de 2006, p. ex. Die Zeit, édition numérique du 15.02.2006, disponible sur : http://www.zeit.de/online/2006/07/karikaturenstreit_102 (consulté le 08.02.2013) ; ainsi que par exemple sur le conflit dans le cadre de l’autodafé du Coran, Süddeutsche Zeitung, édition numérique du 08.09.2010, disponible sur http://www.sueddeutsche.de/politik/geplante-koran-verbrennung-entruestung-ueberall-1.997308 (consulté le 08.02.2013). [↩]
- Cf. BVerfGE 7, 198 (208 sq.); 20, 56 (97) ; cf. aussi l’article 12 de la Virginia Declaration of Rights de 1776 : « That the freedom of the press is one of the greatest bulwarks of liberty and can never be restrained but by despotic governments. » [↩]
- Cf. p. ex. les explications sur la situation en Chine dans « Amnesty Report 2011 » d’amnesty international, p. 132 sq. ; ainsi que les explications sur la situation en Turquie, ibid., p. 492. [↩]
- Cf. M. Klöpfer, Öffentliche Meinung, Massenmedien, in: HdStR, 3ème éd., vol. III, 2005, § 42, annotation 39 sq. [↩]
- Cf. p. ex. les explications concernant les possibilités de restriction de C. Degenhardt, in : Bonner Kommentar zum Grundgesetz, Art. 5 al. 1, 2, annotation 197 sqq., ainsi que celles de C. Starck, in : v. Mangoldt/Klein/Starck, Kommentar zum Grundgesetz, 6ème éd., Art. 5 al. 1, 2, annotation 245 sqq. [↩]
- Cf. p. ex. M. Kniesel, Versammlungswesen, in : Handbuch des Polizeirechts, 3ème éd., 2001, p. 603 (713); approuvé par : H. Sander, Wiederkehrthema : Die öffentliche Ordnung – das verkannte Schutzgut?, in : NVwZ 2002, p. 831 (833 sq.). Voir aussi : U. Battis/K.-J. Grigoleit, Neue Herausforderungen für das Versammlungsrecht?, in : NVwZ 2001, p. 121 (125). [↩]
- Cf. p. ex. C. Brüning, Das Grundrecht der Versammlungsfreiheit in der „streitbaren Demokratie“. Rechtsextremistische Demonstrationen im Streit der Gerichte, in : Der Staat 2002, vol. 41, p. 213 (234 sqq.) ; voir également : U. Battis/K.-J. Grigoleit, ibid., p. 128 ; notamment, la disposition dans la sphère politique d’interdire la démonstration de telles idées extrémistes, voir p. ex. les efforts du Ministre de l’Intérieur de l’époque, O. Schily, décrit dans DER SPIEGEL, édition numérique du 21.06.2004, disponible sur : http://www.spiegel.de/politik/deutschland/0,1518,305021,00.html (consulté le 09.02.2013). [↩]
- Voir p. ex. les propos de l’Eurodéputé M. Weber, documenté dans la Rheinischen Post, édition numérique du 26.07.2011, disponible sur : http://www.rp-online.de/panorama/ausland/norwegen/Politiker-fordern-Bann-radikaler-Internet-Seiten_aid_1015753.html (consulté le 22.09.2011). [↩]
- R. Smend, VVDStRL, cahier n° 4, 1928, p. 44 (52). [↩]
- R. Smend, VVDStRL, cahier n° 4, 1928, p. 44 (52). [↩]
- R. Smend, VVDStRL, cahier n° 4, 1928, p. 44 (52). [↩]
- U. Battis/K.-J. Grigoleit, ibid., p. 122, 123 sqq. [↩]
- Cf. U. Battis/K.-J. Grigoleit, ibid., notamment p. 125. [↩]
- A ce sujet, voir BVerfGE 90, 1 (18 sqq.). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (331 sq.) – Wunsiedel (2009) ; voir aussi BVerfGE 111, 147 (155 sqq.) – Synagoge Bochum (2004). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (332). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (330). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (320 sq.). [↩]
- Récemment, la CEDH s’est retrouvé devant une délimitation similaire : CEDH, Vejdeland et autres contre Suède, arrêt du 09.02.2012, n° 1813/07. La décision prise à la majorité, qui a trouvé une solution dans la combinaison d’une argumentation de fond et une argumentation se référant à des biens protégés par une disposition légale, est peu claire – ceci devrait cependant être revu à la lumière du fait que la Cour soit seulement amenée à assurer un standard minimum de protection. Quoi qu’il en soit, l’opinion concordante des juges D. Spielmann et A. Nußberger est – contrairement à l’opinion des juges M. Yudkivska et G. Villiger – proche de la ligne de la Cour constitutionnelle. [↩]
- BVerfGE 124, 300 (332). [↩]
- Ainsi, comme en France (voir sur ce point note n° 50), une stipulation qui interdirait la négation du caractère génocidaire des déportations et des homicides des Arméniens au début de la second guerre mondiale par l’Empire ottoman et qui la pénaliserait, serait incompatible avec la liberté d’expression, et ceci indépendamment de la question de la généralité de la loi. Contrairement au négationnisme de l’Holocauste – voir BVerfGE 90, 241 (251 sqq.) – une atteinte à l’honneur des descendants des Arméniens ne sera pas également considérée, en Allemagne comme une violation de la loi : la protection de l’honneur (et conformément à cela, la protection de la dignité) vaut pour des dépréciations atteignant concrètement des personnes individuelles ainsi que des groupements de personnes. Cette protection ne garantit cependant pas le droit des descendants d’un groupement poursuivi dans le passé, à une réévaluation de l’histoire et à une reconnaissance du tort que ce groupe a dû endurer il y a plus de cent ans. Il reste que ceci peut être présenté différemment et de ce fait se détache de ce qu’on a dit précédemment, dans le cas où l’histoire du pays auquel on appartient est concernée, à la lumière des conditions historiques particulières dans lesquelles la négation des affirmations des faits se sont révélées comme fausses, et que par cela l’honneur des survivants et des descendants peut en effet être violé (voir l’argumentation convaincante de BGHZ 75, 160 ; confirmé par BVerfGE 90, 241 (251 sq. [↩]
- Déjà analysé par W. Höfling/S. Augsberg, Grundrechtsdogmatik im Schatten der Vergangenheit – zugleich zum Wunsiedel-Beschluß des BVerfG, in : JZ 2010, 1088, 1092 ; voir également M. Hong, Das Sonderrechtsverbot als Verbot der Standpunktdiskriminierung – der Wunsiedel-Beschluss und aktuelle versammlungsgesetzliche Regelungen und Vorhaben, in : DVBl 2010, p. 1267 (1268). [↩]
- Voir, sur ce point K. Rothenbücher, ibid., p. 6 (19 sqq.), ainsi que K. Häntzschel, in : Handbuch des deutschen Staatsrechts, tome 2, 1932, p. 651 (659 sqq.). [↩]
- Voir K. Häntzschel, ibid., p. 651 (659 sq.). [↩]
- Voir K. Häntzschel, ibid., p. 651 (659). [↩]
- K. Häntzschel, ibid., p. 651 (659). [↩]
- K. Häntzschel, ibid., p. 651 (660). [↩]
- Voir K. Häntzschel, ibid., p. 651 (659). [↩]
- D’une certaine manière, la terminologie est trompeuse : bien évidemment, une telle proclamation n’a stricto sensu que des effets au niveau « intellectuel » ; dans le sens de la « Sonderrechtslehre », ceci va au-delà l’« effet intellectuel stricto sensu » parfaitement protégé, dans lequel l’Etat n’a pas le droit d’intervenir. Ici, les limites qui autorisent le législateur à procéder à des restrictions – détachées de toute opinion – sont franchies. [↩]
- Voir K. Rothenbücher, ibid., p. 22. [↩]
- BVerfGE 124, 300 (333). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (330 sq.). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (334) ; voir aussi T. Hörnle, JZ 2010, 310 (312 sq.). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (334). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (334). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (335). [↩]
- Voir, dans ce contexte, §§ 80a, 111, 126, 130a du Code pénal. [↩]
- BVerfGE 124, 300 (336). [↩]
- Voir, à ce sujet, § 140 n° 2 du Code pénal, notamment lu conjointement avec § 126 al. 1, n° 2, ainsi que § 131 du Code pénal ; sur cette catégorisation, voir aussi BVerfGE 124, 300 (335 sq.). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (340 sq.). [↩]
- Voir BVerfG (Chambre), décision du 29.07.1998 – 1 BvR 287/93 – (Oktoberfest-Flugblatt), annotation 40 sqq. ; 15.09.2008 – 1BvR 1565/05 – (Bundesflagge), annotation 13 sqq. ; 28.11.2011 – 1 BvR 917/09 – (Georg Elser), annotation 16 sqq. Notamment, l’encouragement seul à une suppression – non violente – de l’ordre étatique existant ne peut être considéré comme un comportement où tous les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis ; voir BVerfG (Chambre), décision du 09.07.2008 – 1 BvR 519/08 – (Jugendzeitschrift perplex), annotation 44. [↩]
- Voir BVerfG (Chambre), décision du 06.09.2000 – 1 BvR 1056/95 – (Kultur: Ein Jude?), annotation 28 sqq. ; 12.11.2002 – 1 BvR 232/97 – (Benehmen sich so Gäste), annotation 5 sqq. ; 25.03.2008 – 1 BvR 1753/03 – (Heimatvertriebenenlied), annotation 29 sqq. ; 4.2.2010 – 1 BvR 369/04 – (Ausländerrückführung), annotation 24 sqq. ; 09.11.2011 – 1 BvR 461/08 – (Holocaust-Leugnung), annotation 15 sqq. [↩]
- BVerfGE 124, 300 (331 sqq.). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (327 sq.). [↩]
- Lorsqu’il s’agit des normes de protection qui ne sont pas générales l’hypothèse est proche, que l’interdiction de certains propos ne concerne pas seulement la protection de biens concrets, mais aussi leur contenu en tant que tel. Pour illustrer cela, nous pouvons citer l’interdiction du négationnisme du génocide des Arméniens en France (voir, inf., note n° 49). Dans ce contexte, l’interprétation de la liberté d’expression selon les conventions internationales sera amenée à s’occuper du problème du « Sonderrecht » (voir, p. ex., CEDH, sup. note n° 20). Cependant, un tel rapport n’est pas obligatoire. Cependant, il est possible que certains propos atteignent typiquement le seuil des violations des droits plus rapidement que d’autres, ce qui entraîne que la consécration non-générale de propos, qui franchissent le seuil de la discussion purement intellectuelle, peut être ainsi orientée vers une protection des droits non arbitraire. [↩]
- BVerfGE 124, 300 (322 sqq.). Un critère similaire, à savoir celui de la « viewpoint discrimination » est un composant clé de la jurisprudence de la Cour suprême des Etats-Unis au premier amendement de la Constitution américaine. Ainsi, dans la décision Rosenberger v. University of Virginia, 515 U.S. 819, 829 (1995), il est écrit : « When the government targets not subject matter, but particular views taken by speakers on a subject, the violation of the First Amendment is all the more blatant. […] The government must abstain from regulating speech when the specific motivating ideology or the opinion or perspective of the speaker is the rationale for the restriction. […] These principles provide the framework forbidding the State to exercise viewpoint discrimination […]. » [↩]
- Concernant une tentative française similaire d’une interdiction par la loi (« Loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi »), que l’Assemblée nationale a adopté le 22.12.2011 et le Sénat le 31.01.2012, voir la décision du Conseil Constitutionnel du 28.02.2012, 2012-647 DC ; cette décision a déclaré la loi anticonstitutionnelle ; elle est disponible sur : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/cc2012647dc.pdf, voir aussi le « Commentaire » respectif, disponible sur http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/2012647DCccc_647dc.pdf, (respectivement consulté la dernière fois le 05.05.2012). [↩]
- BVerfGE 124, 300 (325). [↩]
- Voir, O. Lepsius, Einschränkung der Meinungsfreiheit durch Sonderrecht, in : Jura 2010, 527 (533 sq.), qui fait référence à cela. [↩]
- Voir, sur ce point, p. ex., C. Rath, Falsches Gesetz trifft die Richtigen, in : die tageszeitung, édition numérique du 18.11.2009, disponible sur : http://www.taz.de/!44054/, consulté le 15.04.2013 ; voir aussi H. Meier, Nachholender Antifaschismus, in : Der Tagesspiegel, édition numérique du 04.09.2011, disponible sur : http://www.tagesspiegel.de/meinung/nachholender-antifaschismus/4572012.html?p4572012=2,
consulté le 15.04.2013. [↩]
- Voir, à ce sujet W. Höfling/S. Augsberg, ibid., notamment p. 1094 sq. ; T. Holzner, Einschränkung des Versammlungsrechts für rechtsradikale Gruppierungen verfassungsgemäß – Anmerkung zu BVerfG (1.Senat), Beschluss vom 4.11.2009 – 1 BvR 2150/08, in : DVBl, p. 48 (50, 52) ; idem., „Kein Schutz für die Freiheit der Gegner der Freiheit?“ – Die Entscheidung des BVerfG zum Sonderrecht gegen Rechts, in : Die Polizei 2010, p. 69 (70 sq.) ; M. Hong, ibid., p. 1271 (1276) ; idem, Hassrede und extremistische Meinungsäußerungen in der Rechtsprechung des EGMR und nach dem Wunsiedel-Beschluss des BVerfG, in : ZaöRV 2010, p. 73 (119, 124) ; A. Kirsch, Rudolf-Heß-Gedenkmärsche, Volksverhetzung und die Meinungsfreiheit, in : NWVBl 2010, p. 136 (138 sq.) ; O. Lepsius, ibid., p. 532 sqq. ; S. Martini, Diskriminierung (rechts)extremer Meinungen nach Art. 5 Abs. 2 GG. Überlegungen aus Anlass der Ausnahme-Entscheidung des Bundesverfassungsgerichts vom 04.11.2009, in : JöR 2010, tome 59, p. 279 (293 sqq., notamment 301 sq.) ; J. P. Schaefer, Wie viel Freiheit für die Gegner der Freiheit? – Zum Wunsiedel-Beschluss des Bundesverfassungsgerichts, in : DÖV 2010, p. 379 (notamment 383 sq.). Voir aussi B. Pieroth/B. Schlink, Grundrechte. Staatsrecht II, 26ème éd., annotation 645. [↩]
- Dans le sens mentionné, voir sup., note n° 28. [↩]
- Dans ce sens, la « Sonderrechtslehre » est certes peu claire : pendant que sous la Loi fondamentale, toute loi liée au contenu de celle-ci – et en particulier les délits d’offense et les lois sur la protection des mineurs – peut être considérée comme allant dans le sens de la « Sonderrechtslehre » des lois « non-générales » , voir, dans ce sens p. ex. K.A. Bettermann, Die allgemeinen Gesetze als Schranken der Pressefreiheit, in : JZ 1964, 601 (603 sqq., 608 sq.), ainsi que R. WENDT, in : von Münch/Kunig, 5ème éd., Art. 5, annotation. 71, dans le débat weimarien, les délits d’offense furent considérés, et ceci aussi par les avocats de la « Sonderrechtslehre », comme des lois « générales » – même si, de par leur nature, elles présupposent des rattachements au niveau du contenu. [↩]
- Voir BVerfGE 28, 191 (200). [↩]
- BVerfG (Chambre), NJW 2003, p. 3760; voir aussi BVerfGE 69, 257 (269). [↩]
- Voir BVerfGE 47, 198 (252). [↩]
- Voir BVerfGE 124, 300 (324). [↩]
- Voir BVerfGE 124, 300 (326 sq.). [↩]
- Voir, dans ce sens et à titre exemplaire, BVerfGE 28, 36 (48 sq.), 30, 1 (19 sq. [↩]
- Voir Art. 9 al. 2 de la Loi fondamentale. [↩]
- Art. 21 al. 2 de la Loi fondamentale ; voir, dans ce sens, les décisions de la Cour constitutionnelle sur l’interdiction du SRP (Parti socialiste du Reich), BVerfGE 2, 1, et l’interdiction du KPD (Parti communiste d’Allemagne), BVerfGE 5, 85. [↩]
- Voir Art. 18 de la Loi fondamentale. [↩]
- BVerfGE 5, 85 (dispositif 5) ; voir aussi CEDH, Refah Partisi et autres contre Turquie, arrêt du 13.02.2003, no. 41340/98 et autres, § 102 (« danger […] for democracy is sufficiently established and imminent »). [↩]
- Egalement sur le débat actuel sur la demande d’interdiction possible du parti NPD, les critères ne peuvent être recherchés que dans ce contexte. Concernant la question elle-même, de savoir comment évaluer la situation qui s’y relie, rien ne peut être déduit du texte actuel. [↩]
- Voir Art. 18 a. 1 de la Loi fondamentale ; voir aussi BVerfG (Chambre), décision du 08.12.2010 – 1 BvR 1106/08 – (Führungsaufsicht), annotation 24 sq. [↩]
- Voir, à ce sujet la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, notamment concernant la protection de données, voir, dans ce sens BVerfGE 109, 279 (350 sqq.), 115, 320 (346), 120, 274 (326 sqq.), 120, 378 (428 sq.), 125, 260 (329 sqq.). [↩]
- Voir, à ce sujet BVerfG (Chambre), décision du 17.08.2010 – 1 BvR 2585/06 – (Bundeszentrale für Politische Bildung), annotation 21 sqq. [↩]
- Voir C. Schmitt, Der Begriff des Politischen, 1933, p. 28 sqq. [↩]