CAA de NANTES
N° 12NT02907
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre
M. ISELIN, président
M. Antoine DURUP de BALEINE, rapporteur
Mme GRENIER, rapporteur public
CEBRON DE LISLE, avocat
lecture du vendredi 28 février 2014
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la décision n° 341173 du 29 octobre 2012 par laquelle le Conseil d’Etat statuant au contentieux, saisi d’un pourvoi présenté pour la commune de Tours, a annulé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes n° 09NT00705 du 4 mai 2010 et renvoyé l’affaire devant la même cour ;
Vu la requête, enregistrée le 19 mars 2009, présentée pour la société Photo J.L. Josse, venant aux droits de la société Photo Josse EURL, représentée par son gérant en exercice, dont le siège est 32 rue Rosa Bonheur à La Rochette (77000), par Me Reynaud, avocat au barreau de Paris ; la société Photo J.L. Josse EURL demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0603317 du 20 janvier 2009 par lequel le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le maire de la commune de Tours (Indre-et-Loire) a rejeté sa demande du 11 mai 2006 tendant à ce que lui soit accordée l’autorisation de photographier certaines des oeuvres exposées dans le musée de la commune ;
2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
elle soutient que :
– le jugement est irrégulier en ce qu’il est fondé sur les articles L. 2241-1 et L. 1421-6 du code général des collectivités territoriales et L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques qui lui ont été opposés comme des moyens relevés d’office sans que les parties en aient été informées avant l’audience en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative ;
– compte tenu du silence gardé par l’administration, il n’est pas exclu que la décision implicite de rejet soit entachée d’incompétence, son auteur étant peut-être tenu de transmettre la demande à une autre autorité, ou d’une irrégularité de procédure, la commune de Tours n’ayant communiqué aucune réglementation du musée municipal ;
– la décision implicite de refus qui lui a été opposée méconnaît les dispositions de l’article L. 28 du code du domaine de l’Etat ;
– le principe de la liberté du commerce et de l’industrie n’a pas été respecté et la décision est dénuée de base légale, car les articles L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 410-2 du code du patrimoine confirment que les collections du musée communal appartiennent au domaine public, et aucune loi n’interdit de photographier des oeuvres appartenant au domaine public en vue du commerce des images ;
– compte tenu de sa notoriété professionnelle, qui aurait dû favoriser la délivrance de l’autorisation sollicitée, la décision est entachée d’erreur manifeste d’appréciation, car elle compte parmi ses clients notamment les éditeurs les plus réputés de manuels scolaires ;
– le principe d’égalité a été méconnu dès lors que l’autorisation de photographier des oeuvres exposées au musée des Beaux Arts de Tours a été accordée à d’autres ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2009, présenté pour la commune de Tours, représentée par son maire en exercice, par Me Cebron de Lisle, avocat au barreau de Tours ; la commune de Tours demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de la société Photo J.L. Josse EURL une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle fait valoir que :
– les mentions dans le jugement des articles L. 2241-1 et L. 1421-6 du code général des collectivités territoriales et L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques ne constituent pas des moyens irrégulièrement soulevés d’office par le Tribunal dès lors que ces dispositions étaient expressément ou implicitement invoquées dans le mémoire en défense de la commune ;
– la demande de l’EURL Photo Josse devant le tribunal était irrecevable car elle ne comportait pas un énoncé des faits et des moyens suffisamment précis pour répondre aux exigences de l’article R. 411-1 du code de justice administrative ;
– le conseil municipal et le maire ayant en charge la gestion des biens communaux et l’article L. 410-2 du code du patrimoine prévoyant que les musées des collectivités territoriales sont organisés et financés par la collectivité dont ils relèvent, la décision de refus pouvait être valablement prise par le maire de Tours ;
– les dispositions de l’article L. 28 du code du domaine de l’Etat ne sont pas applicables en l’espèce, dès lors qu’en vertu de l’article L. 1423-1 du code général des collectivités territoriales les musées des communes sont organisés et financés par celles-ci, et qu’en vertu de l’article L. 1423-4 les musées des collectivités territoriales sont uniquement soumis aux dispositions de l’ordonnance n° 45-1546 du 13 juillet 1945 portant organisation provisoire des musées des Beaux Arts ;
– l’article 25 de l’arrêté du maire de Tours du 26 juin 1984 portant règlement intérieur applicable aux visiteurs des musées des Beaux Arts précise que les oeuvres peuvent être uniquement photographiées pour l’usage privé de l’opérateur à l’exclusion de toute utilisation commerciale, seule cette disposition générale s’appliquant dès lors que la réglementation particulière prévue par l’article 28 pour la photographie professionnelle n’a jamais été édictée, il en résulte que seul le droit de reproduction à des fins commerciales a été refusé mais pas le droit de photographier ;
– l’interdiction de reproduction dans un but commercial des photographies des oeuvres d’art propriétés de la commune ne constitue pas une violation du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, car la commune peut préserver le droit de reproduction de ces oeuvres pour éviter qu’il soit porté atteinte à leur image, à leur intégrité et à leur mode d’exploitation par une divulgation non contrôlée par elle, une diffusion trop importante étant de nature à porter atteinte à la fréquentation du musée de Tours, ce dont il résulte également que les impératifs d’une meilleure exploitation de ce musée ne permettent pas de considérer que la décision serait entachée d’erreur manifeste d’appréciation ;
– subsidiairement, la commune de Tours n’est pas propriétaire de trois des vingt-deux oeuvres que l’EURL JOSSE souhaite photographier et ne pouvait décider d’autoriser la photographie et reproduction de celles-ci ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 mars 2010, présenté pour la société Photo J.L. Josse EURL, tendant aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 22 mars 2010, présenté pour la commune de Tours, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Vu l’ordonnance du 23 novembre 2012 fixant la clôture de l’instruction au 8 janvier 2013 ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 10 décembre 2012, présenté pour la commune de Tours, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et conclut, en outre, à ce que soit mise à la charge de la société Photo J.L. Josse EURL le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 4 janvier 2013, présenté pour la société Photo J.L. Josse EURL, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens, et conclut, en outre, à ce que soit mise à la charge de la commune de Tours le versement d’une somme de 6 000 euros ;
elle soutient également que :
– l’article 25 du règlement intérieur du musée des Beaux-Arts de Tours énonce une interdiction générale et absolue et méconnaît le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ;
– la commune de Tours ne saurait, sur le fondement du principe d’inaliénabilité du domaine public, s’arroger le droit d’interdire toute reproduction d’oeuvres tombées dans le domaine public et ce, au mépris de l’article L. 1213-1 du code de la propriété intellectuelle ;
– l’atteinte portée au principe de liberté du commerce et de l’industrie ou de libre concurrence est disproportionnée aux buts dont la commune de Tours prétend qu’ils sont ceux poursuivis par la décision en litige ;
– cette décision constitue également une atteinte injustifiée au principe d’égalité ;
Vu l’ordonnance du 8 janvier 2013 décidant la réouverture de l’instruction ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 7 mars 2013, présenté pour la commune de Tours, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 20 juillet 2013, présenté pour la société Photo J.L. Josse EURL, qui conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens et conclut, en outre, à ce qu’il soit enjoint à la commune de Tours de prendre, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, toutes dispositions propres à garantir à la société Photo J.L. Josse des conditions d’accès égales à celles dont bénéficient les autres photographes professionnels pour réaliser des clichés photographiques au sein du musée des Beaux-Arts de Tours ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 3 février 2014, présenté pour la société Photo J.L. Josse EURL, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 février 2014 :
– le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;
– les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
– et les observations de Me Reynaud, avocat de la société Photo J.L. Josse EURL ;
1. Considérant que, par une lettre du 11 mai 2006 reçue par son destinataire le 15 mai suivant, la société Photo Josse EURL, aux droits de laquelle vient la société Photo J.L. Josse EURL et qui exerce une activité de photographe, a demandé au maire de la commune de Tours l’autorisation de photographier vingt-deux oeuvres appartenant aux collections du musée des Beaux-Arts de cette commune ; que cette demande précisait que ces photographies étaient destinées à être ultérieurement publiées dans des livres ou des périodiques ; que, du silence gardé par le maire sur cette demande, une décision implicite de rejet est née le 15 juillet 2006 ; que la société Photo J.L. Josse EURL relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette décision implicite de rejet ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que les premiers juges ont estimé qu’en se bornant à faire état du principe de la liberté du commerce et de l’industrie et en alléguant une erreur manifeste d’appréciation compte tenu de sa notoriété professionnelle et en annonçant que ce moyen sera développé dans un mémoire ampliatif, l’EURL Photo Josse ne permettait pas au tribunal d’apprécier la portée de son moyen au regard des dispositions pertinentes des articles L. 2241-1 et L. 1421-6 du code général des collectivités territoriales et L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, qui confient à la ville la gestion des musées dont elle est propriétaire et en particulier des collections des musées ; qu’en statuant par de tels motifs, les premiers juges se sont bornés, sans relever d’office aucun moyen ni méconnaître les dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, à répondre aux moyens de la demande dont ils étaient saisis, tirés de la méconnaissance par la décision contestée du principe de la liberté du commerce et de l’industrie ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision contestée :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Considérant que l’article L. 1421-6 du code général des collectivités territoriales prévoit que les règles relatives aux musées des collectivités territoriales sont fixées par les dispositions des articles L. 410-2 et L. 410-4 du code du patrimoine ; que l’article L. 410-2 de ce dernier prévoit que les musées des collectivités territoriales sont organisés et financés par la collectivité dont ils relèvent ; qu’il ressort des pièces du dossier que le musée des Beaux-Arts de la commune de Tours n’est pas doté de la personnalité civile ; que la prise de vues d’oeuvres relevant des collections d’un musée, à des fins de commercialisation des reproductions photographiques ainsi obtenues, constitue une utilisation privative du domaine public mobilier, impliquant la nécessité, pour celui qui entend y procéder, d’obtenir une autorisation ; qu’il en résulte que, sans qu’y fasse obstacle aucune des dispositions du règlement intérieur du musée des Beaux-Arts de Tours, le maire de la commune de Tours, qui, en vertu des dispositions des articles L. 2122-18 et L. 2122-21 du code général des collectivités territoriales, est seul chargé de l’administration de la commune et notamment de conserver et d’administrer les propriétés de la commune, était compétent pour rejeter la demande, qui lui avait été présentée le 15 mai 2006 par l’EURL Photo Josse et ce, y compris s’agissant des trois oeuvres énumérées par cette demande appartenant aux collections nationales, confiées en dépôt au musée des Beaux-Arts de la commune de Tours et dont cette dernière est affectataire ; que, dès lors, le moyen tiré de l’incompétence du maire de la commune de Tours doit être écarté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
4. Considérant qu’aux termes de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques : » Sans préjudice des dispositions applicable en matière de protection des biens culturels, font partie du domaine public mobilier de la personne publique propriétaire les biens présentant un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique, notamment : / (…) 8° Les collections des musées (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 2121-1 de ce code : » Les biens du domaine public sont utilisées conformément à leur affectation à l’utilité publique. / Aucun droit d’aucune nature ne peut être consenti s’il fait obstacle au respect de cette affectation » ; qu’aux termes de l’article L. 2122-1 du même code : » Nul ne peut, sans disposer d’un titre l’y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d’une personne publique mentionnée à l’article L. 1 ou l’utiliser dans des limites dépassant le droit d’usage qui appartient à tous » ;
5. Considérant que l’autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine ou à l’utiliser en vue d’y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation ou cette utilisation soit compatible avec son affectation et sa conservation ; que la décision de refuser une telle autorisation, que l’administration n’est jamais tenue d’accorder, n’est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, dont le respect implique, d’une part, que les personnes publiques n’apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi et, d’autre part, qu’elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d’un intérêt public ;
6. Considérant que la prise de vues d’oeuvres relevant des collections d’un musée, à des fins de commercialisation des reproductions photographiques ainsi obtenues, doit être regardée comme une utilisation privative du domaine public mobilier impliquant la nécessité, pour celui qui entend y procéder, d’obtenir une autorisation ainsi que le prévoit l’article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques ; qu’une telle autorisation peut être délivrée dès lors qu’en vertu de l’article L. 2121-1 de ce code, cette activité demeure compatible avec l’affectation des oeuvres au service public culturel et avec leur conservation ; qu’il est toutefois loisible à la collectivité publique affectataire d’oeuvres relevant de la catégorie des biens mentionnés au 8° de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans le respect du principe d’égalité, de ne pas autoriser un usage privatif de ce domaine public mobilier sans que, ainsi qu’il a été dit au point 5, puisse être utilement opposé à ce refus aucun droit, fondé sur le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, à exercer une activité économique sur ce domaine public ;
7. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la décision implicite de rejet en litige, le musée des Beaux-Arts de la commune de Tours faisait l’objet d’un règlement intérieur résultant d’un arrêté du maire en date du 26 juin 1984 ; qu’aux termes de l’article 25 de ce règlement : » Dans les salles d’expositions permanentes, seules les oeuvres peuvent être photographiées ou filmées pour l’usage privé de l’opérateur, à l’exclusion de toute utilisation collective ou commerciale. / (…) » ; qu’aux termes de l’article 28 du même règlement : » (…) la photographie professionnelle, le tournage de films, l’enregistrement d’émission radiophoniques ou de télévision sont soumis à une règlementation particulière » ; que, toutefois, ces dispositions s’appliquent sans préjudice de la possibilité pour l’autorité chargée de la gestion des oeuvres figurant dans les collections du musée des Beaux-Arts de Tours, dans le respect du principe d’égalité et sous le contrôle du juge, d’autoriser des photographes professionnels à réaliser des prises de vues de ces oeuvres à des fins de commercialisation des reproductions ainsi obtenues et ce, conformément aux règles générales applicables aux utilisations privatives de ce domaine public mobilier compatibles avec la conservation de ces oeuvres et leur affectation, non à une telle activité économique, mais au service public culturel ; que la décision implicite dont la requérante demande l’annulation trouve son fondement, non dans les dispositions de ce règlement intérieur, mais dans ces règles générales, découlant des dispositions du code général de la propriété des personnes publiques citées au point 4 ; qu’il en résulte que le moyen tiré par voie d’exception de l’illégalité de ce règlement intérieur est inopérant ;
8. Considérant, en deuxième lieu, que la société Photo J.L. Josse EURL ne peut utilement se prévaloir à l’encontre du refus qui lui a été opposé d’exercer son activité économique sur les oeuvres des collections du musée des Beaux-Arts de la commune de Tours d’aucun droit, fondé sur le principe de la liberté du commerce et de l’industrie, d’exercer cette activité sur ce domaine public mobilier ; qu’il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe par la décision contestée doit être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, que, si la société Photo J.L. Josse EURL se prévaut du principe de libre concurrence ou du droit de la concurrence, elle n’assortit toutefois ce moyen, qui d’ailleurs dans ses écritures ne se distingue pas de ceux tirés de la méconnaissance du principe de la liberté du commerce et de l’industrie ou du principe général d’égalité, d’aucune précision ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de refus contestée participerait d’une méconnaissance de l’article L. 420-1 du code de commerce ou placerait automatiquement un occupant du domaine public, concurrent de la société requérante, en situation de méconnaître l’article L. 420-2 du même code ; que le moyen doit être écarté ;
10. Considérant, en quatrième lieu, que le principe d’égalité de traitement ne s’oppose pas à ce que l’autorité administrative règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l’un comme l’autre cas, en rapport avec l’objet de la décision qui l’établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ;
11. Considérant, tout d’abord, qu’il ressort des pièces du dossier que la commune de Tours autorise des photographes professionnels à réaliser, à sa demande, des prises de vues d’oeuvres relevant des collections du musée des Beaux-Arts pour ses propres besoins ou ceux d’autres administrations publiques auxquelles elle est liée ; qu’il en va notamment ainsi pour la confection de catalogues d’exposition de musées de la ville de Tours ou d’autres publications émanant des services de la commune ; que les photographes professionnels souhaitant réaliser des clichés de telles oeuvres à des fins de commercialisation pour leur propre compte des reproductions ainsi obtenues sont dans une situation qui n’est pas analogue et qui est ainsi différente de celle des photographes aux prestations de services desquels la commune de Tours peut être amenée à recourir pour la satisfaction de ses propres besoins et ce, alors même que ces photographes, titulaires de droits d’auteur sur les photographies ainsi réalisées sur commande de la commune, pourraient ensuite, le cas échéant, commercialiser ces reproductions ; que la différence de traitement entre les premiers et les seconds est en rapport avec l’objet de la décision d’autoriser des photographes prestataires de la commune à réaliser des prises de vues d’oeuvres relevant des collections du musée des Beaux-Arts et n’est pas manifestement disproportionnée au regard de la nécessité pour la commune de Tours d’avoir le cas échéant recours à de tels prestataires pour la satisfaction de ses propres besoins ; que, dès lors et à ce premier titre, la société Photo J.L. Josse EURL ne saurait valablement soutenir que la décision contestée méconnaîtrait le principe d’égalité de traitement ;
12. Considérant, ensuite, qu’il ressort des pièces du dossier qu’au bénéfice du plus vaste public sont, que ce soit sur des supports papier ou des supports électroniques, disponibles des reproductions photographiques de nombreuses oeuvres exposées au musée des Beaux-Arts de Tours ; que les crédits photographiques de ces clichés sont attribués, soit à la Réunion des musées nationaux, qui est un établissement public à caractère industriel et commercial qui, à ce titre et notamment, exploite commercialement des fonds photographiques, soit à des agences photographiques privées parmi lesquelles la requérante elle-même, soit, dans certains cas, tant à la Réunion des musées nationaux qu’à des agences privées ; que, toutefois, aucune des pièces du dossier ne permet de déterminer à quelles époques ont été réalisées ces photographies ; que les pièces produites par la commune de Tours sont de nature à établir qu’au moins depuis 1984, elle n’autorise pas la prise de vues des oeuvres relevant des collections de ce musée aux seules fins de commercialisation des photographies ainsi obtenues mais, lorsqu’elle est saisie de demandes en ce sens, renvoie les pétitionnaires vers les dépositaires de clichés déjà existants des oeuvres concernées ; que, dans ces conditions, il n’est pas établi que la commune de Tours aurait refusé à la société requérante une autorisation d’utilisation privative de ce domaine public mobilier qu’elle accorderait néanmoins à d’autres photographes se trouvant dans une situation analogue à la sienne ; qu’en outre, à supposer qu’en particulier avant 1984, la commune de Tours autorisait des photographes placés dans une situation analogue à celle de la société requérante à réaliser à leur demande des clichés de ces oeuvres en vue de la commercialisation de ces derniers pour leur propre compte, le principe d’égalité ne faisait toutefois pas obstacle à ce que cette commune décidât, pour des raisons d’intérêt général, de ne plus accorder d’autorisations de cette nature ; que, dès lors, le moyen tiré d’une méconnaissance de ce principe doit être écarté ;
13. Considérant, en cinquième lieu, qu’il était loisible à la commune de Tours, dont, ainsi qu’il vient d’être dit, il n’est pas établi qu’elle aurait, ce faisant, méconnu le principe d’égalité, de refuser à la société requérante une autorisation de se livrer à une utilisation du domaine public mobilier ; que la commune fait valoir qu’elle entend conserver un contrôle sur les conditions dans lesquelles sont établies et diffusées des reproductions photographiques des oeuvres exposées dans son musée des Beaux-Arts et qu’une diffusion excessive de telles reproductions pourrait préjudicier à l’attractivité de ce musée et nuire à sa fréquentation par le public ; que de tels motifs, qui se rapportent à l’intérêt de ce domaine public et de son affectation, ne sont pas empreints d’une erreur de droit ; qu’il ne ressort pas non plus du dossier qu’ils procèderaient d’une erreur manifeste d’appréciation ;
14. Considérant, en sixième et dernier lieu, qu’aux termes de l’article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle : » L’auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter son oeuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. / Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent » ; que ces dispositions législatives sont sans influence sur l’application des dispositions, distinctes et indépendantes ainsi que législatives, du code général de la propriété des personnes publiques ; qu’il en résulte qu’à l’exception des auteurs d’oeuvres ou de leurs ayants droits visés à l’article L 123-1 précité, il est loisible à la collectivité publique affectataire d’oeuvres relevant de la catégorie des biens mentionnés au 8° de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques de ne pas autoriser des tiers à user privativement, pour les besoins de l’exercice de leurs activités économiques, de ce domaine public mobilier ; qu’il est constant que la société Photo J.L. Josse EURL n’est ni l’auteur, ni un ayant droit des auteurs des oeuvres énumérées dans sa demande du 11 mai 2006 ; qu’il en résulte que le moyen tiré de ce que, s’agissant des oeuvres énumérées dans cette demande, la période de soixante-dix années mentionnée par les dispositions de l’article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle est échue et de ce que, à l’expiration dès lors du monopole d’exploitation résultant de ces dispositions, l’exploitation de ces oeuvres est libre et gratuite, de sorte que la commune de Tours, qui ne justifie pas du trouble anormal que cette exploitation pourrait lui causer, ne saurait y faire obstacle, doit être écarté ;
15. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par la commune de Tours à la demande de première instance, la société Photo J.L. Josse EURL n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
16. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d’annulation, n’implique aucune mesure d’exécution ; que, dès lors, les conclusions tendant à ce qu’il soit ordonné à la commune de Tours de prendre toutes dispositions propres à garantir à la société Photo J.L. Josse EURL des conditions d’accès au sein du musée des Beaux-Arts de Tours ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Tours, qui n’a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par la société Photo J.L. Josse EURL et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette société le versement de la somme de 2 000 euros que cette commune demande au même titre ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Photo J.L. Josse EURL est rejetée.
Article 2 : La société Photo J.L. Josse EURL versera à la commune de Tours la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Photo J.L. Josse EURL et à la commune de Tours.
Délibéré après l’audience du 7 février 2014, à laquelle siégeaient :
– M. Iselin, président de chambre,
– M. Millet, président-assesseur,
– M. Durup de Baleine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 28 février 2014.
Le rapporteur,
A. DURUP de BALEINELe président,
B. ISELIN
Le greffier,
F. PERSEHAYE
La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.