Conseil d’Etat
statuant
au contentieux
N° 267415
Publié au recueil Lebon
SECTION DU CONTENTIEUX
M. Labetoulle, président
M. Olivier Henrard, rapporteur
M. Lamy, commissaire du gouvernement
lecture du jeudi 15 juillet 2004
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu, enregistré le 11 mai 2004 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le jugement du 3 mai 2004, par lequel le tribunal administratif de Marseille, avant de statuer sur la requête de M. X… X tendant, d’une part, à l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 6 juillet 2000 par laquelle la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d’Azur n’a pas fait droit à sa nouvelle demande de rectification de la lettre d’observations définitives du 6 février 1997 sur la gestion de la Société d’économie mixte pour l’aménagement et le développement régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur (SEMADER), en tant que cette demande portait sur les appréciations formulées sur la gestion de cette société, d’autre part, à ce que soit mise à la charge de l’Etat la somme de 20 000 F (3 049 euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d’Etat, en soumettant à son examen la question suivante : quel contrôle le juge administratif doit-il exercer sur la décision prise par une chambre régionale des comptes statuant sur une demande de rectification d’observations définitives ‘
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des juridictions financières ;
Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 113-1 et R. 113-1 à R. 113-4 ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Olivier Henrard, Auditeur,
– les conclusions de M. Francis Lamy, Commissaire du gouvernement ;
REND L’AVIS SUIVANT :
I. Les observations formulées, même définitivement, par une chambre régionale des comptes sur la gestion d’une collectivité territoriale ou d’un ou plusieurs des établissements, sociétés, groupements et organismes mentionnés aux articles L. 211-4 à 211-6 et L. 211-8 du code des juridictions financières, ne présentent pas le caractère de décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
II. Toutefois, avant même que ce droit soit consacré par le législateur, les dirigeants des personnes morales contrôlées et les autres personnes nominativement ou explicitement mises en cause pouvaient demander à la chambre régionale des comptes la rectification de ses observations définitives. Ce droit de rectification figure désormais, depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes, à l’article L. 243-4 du code des juridictions financières qui dispose que La chambre régionale des comptes statue dans les formes prévues aux articles L. 241-13 et L. 241-14 sur toute demande en rectification d’observations définitives sur la gestion qui peut lui être présentée par les dirigeants des personnes morales contrôlées ou toute autre personne nominativement ou explicitement mise en cause .
En application de cette loi, le pouvoir réglementaire a déterminé avec précision, dans l’intérêt des personnes mises en cause, la procédure que doit suivre la chambre régionale des comptes pour l’examen d’une demande de rectification d’un rapport d’observations définitives. Ainsi, l’article 64 du décret n° 2002-1201 du 27 septembre 2002 portant modification du code des juridictions financières (partie réglementaire) a introduit dans le code des juridictions financières un article R. 241-31 qui précise : La demande en rectification du rapport d’observations définitives prévue à l’article L. 243-4 peut être adressée au greffe de la chambre dès que la communication de ce rapport à l’assemblée ou à l’organe délibérant permet à toute personne nominativement ou explicitement mise en cause d’avoir connaissance des observations définitives de la chambre et des réponses qui y ont été éventuellement apportées conformément à l’article L. 241-11./ Dans le délai d’un an suivant la communication du rapport d’observations définitives à l’assemblée délibérante de la collectivité ou de l’établissement qui a fait l’objet d’un examen de la gestion, une demande en rectification d’erreur ou d’omission dudit rapport peut être adressée au greffe de la chambre par les personnes mentionnées à l’article L. 243-4 du présent code./ La demande en rectification est transmise par lettre recommandée avec avis de réception. Elle doit comporter l’exposé des faits et les motifs invoqués et être accompagnée des justifications sur lesquelles elle se fonde./ Le président de la chambre régionale des comptes transmet la demande en rectification à toute personne nominativement ou explicitement concernée par ladite demande et, le cas échéant, aux ordonnateurs et dirigeants des personnes morales contrôlées. Il leur précise le délai, qui ne peut être inférieur à un mois, dans lequel ils peuvent présenter des observations écrites ou demander à être entendus par la chambre. Il informe également l’auteur de la demande de la date à laquelle il peut solliciter son audition par la chambre./ La chambre régionale des comptes se prononce sur la demande en rectification par une décision qui est notifiée par lettre du président au demandeur ainsi qu’à l’ordonnateur ou au dirigeant de l’organisme concerné. A compter de cette réception, cette décision est annexée au rapport d’observations définitives .
III. Le législateur n’ayant pas limité l’objet de la demande de rectification, celle-ci – qu’elle ait été introduite antérieurement ou postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001- peut porter sur une simple erreur matérielle, sur une inexactitude, ou sur l’appréciation à laquelle la chambre régionale des comptes s’est livrée et dont il serait soutenu qu’elle serait erronée. Il appartient à la chambre régionale des comptes d’examiner l’ensemble des allégations contenues dans la demande de rectification et de leur donner la suite qu’elle estime convenable.
IV. La décision par laquelle la chambre régionale des comptes, soit refuse d’apporter la rectification demandée, soit ne donne que partiellement satisfaction à la demande, est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. Saisi d’un tel recours, le juge administratif peut contrôler la régularité de la procédure suivie et vérifier que la décision contestée ne repose pas sur des faits inexacts et n’est pas entachée d’une méconnaissance, par la chambre régionale, de l’étendue de son pouvoir de rectification. Il ne lui appartient pas, en revanche, eu égard à l’objet particulier de la procédure de rectification des observations définitives des chambres régionales des comptes, de se prononcer sur le bien-fondé de la position prise par la chambre en ce qui concerne l’appréciation qu’elle a portée, dans le cadre des attributions qui lui sont données par la loi, sur la gestion de la collectivité ou de l’organisme en cause.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Marseille, à M. X… X et au ministre d’Etat, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.
Analyse
Abstrats : 135-01-07-07 COLLECTIVITÉS TERRITORIALES – DISPOSITIONS GÉNÉRALES – DISPOSITIONS FINANCIÈRES – CONTRÔLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES PAR LES JURIDICTIONS FINANCIÈRES – OBSERVATIONS DÉFINITIVES DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES SUR LA GESTION D’UNE COLLECTIVITÉ LOCALE OU D’UN ORGANISME VISÉ AUX ARTICLES L. 211-4 À L. 211-6 ET L. 211-8 DU CODE DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES – A) ACTE NE PRÉSENTANT PAS LE CARACTÈRE D’UNE DÉCISION SUSCEPTIBLE DE RECOURS [RJ1] – B) DROIT À RECTIFICATION – OBJET DE LA DEMANDE DE RECTIFICATION NON LIMITÉ – C) REFUS PARTIEL OU TOTAL DE FAIRE DROIT À LA DEMANDE DE RECTIFICATION – ACTE PRÉSENTANT LE CARACTÈRE D’UNE DÉCISION SUSCEPTIBLE DE RECOURS – EXISTENCE – PORTÉE DU CONTRÔLE DU JUGE ADMINISTRATIF.
54-01-01-01 PROCÉDURE – INTRODUCTION DE L’INSTANCE – DÉCISIONS POUVANT OU NON FAIRE L’OBJET D’UN RECOURS – ACTES CONSTITUANT DES DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS – REFUS PARTIEL OU TOTAL DE FAIRE DROIT À UNE DEMANDE DE RECTIFICATION D’OBSERVATIONS DÉFINITIVES D’UNE CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES SUR LA GESTION D’UNE COLLECTIVITÉ LOCALE OU D’UN ORGANISME VISÉ AUX ARTICLES L. 211-4 À L. 211-6 ET L. 211-8 DU CODE DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES.
54-01-01-02-01 PROCÉDURE – INTRODUCTION DE L’INSTANCE – DÉCISIONS POUVANT OU NON FAIRE L’OBJET D’UN RECOURS – ACTES NE CONSTITUANT PAS DES DÉCISIONS SUSCEPTIBLES DE RECOURS – AVIS ET PROPOSITIONS – OBSERVATIONS DÉFINITIVES DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES SUR LA GESTION D’UNE COLLECTIVITÉ LOCALE OU D’UN ORGANISME VISÉ AUX ARTICLES L. 211-4 À L. 211-6 ET L. 211-8 DU CODE DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES [RJ1].
54-07 PROCÉDURE – POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE – CONTRÔLE DU JUGE ADMINISTRATIF SUR LE REFUS DE RECTIFICATION PAR UNE CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES DES OBSERVATIONS DÉFINITIVES FORMULÉES SUR LA GESTION D’UNE COLLECTIVITÉ LOCALE OU D’UN ORGANISME VISÉ AUX ARTICLES L. 211-4 À L. 211-6 ET L. 211-8 DU CODE DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES – CONTRÔLE LIMITÉ À LA RÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE, LA MATÉRIALITÉ DES FAITS ET L’ABSENCE DE MÉCONNAISSANCE PAR LA CHAMBRE RÉGIONALE DE L’ÉTENDUE DE SON POUVOIR DE RECTIFICATION.
Résumé : 135-01-07-07 a) Les observations formulées, même définitivement, par une chambre régionale des comptes sur la gestion d’une collectivité territoriale ou d’un ou plusieurs des établissements, sociétés, groupements et organismes mentionnés aux articles L. 211-4 à 211-6 et L. 211-8 du code des juridictions financières, ne présentent pas le caractère de décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.,,b) Avant même que ce droit soit consacré par le législateur, les dirigeants des personnes morales contrôlées et les autres personnes nominativement ou explicitement mises en cause pouvaient demander à la chambre régionale des comptes la rectification de ses observations définitives. Ce droit de rectification figure désormais, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes, à l’article L. 243-4 du code des juridictions financières. Le législateur n’ayant pas limité l’objet de la demande de rectification, celle-ci – qu’elle ait été introduite antérieurement ou postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2001 mentionnée ci-dessus- peut porter sur une simple erreur matérielle, sur une inexactitude, ou sur l’appréciation à laquelle la chambre régionale des comptes s’est livrée et dont il serait soutenu qu’elle serait erronée. Il appartient à la chambre régionale des comptes d’examiner l’ensemble des allégations contenues dans la demande de rectification et de leur donner la suite qu’elle estime convenable.,,c) La décision par laquelle la chambre régionale des comptes, soit refuse d’apporter la rectification demandée, soit ne donne que partiellement satisfaction à la demande, est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. Saisi d’un tel recours, le juge administratif peut contrôler la régularité de la procédure suivie et vérifier que la décision contestée ne repose pas sur des faits inexacts et n’est pas entachée d’une méconnaissance, par la chambre régionale, de l’étendue de son pouvoir de rectification. Il ne lui appartient pas, en revanche, eu égard à l’objet particulier de la procédure de rectification des observations définitives des chambres régionales des comptes, de se prononcer sur le bien-fondé de la position prise par la chambre en ce qui concerne l’appréciation qu’elle a portée, dans le cadre des attributions qui lui sont données par la loi, sur la gestion de la collectivité ou de l’organisme en cause.
54-01-01-01 La décision par laquelle une chambre régionale des comptes, soit refuse d’apporter la rectification demandée, soit ne donne que partiellement satisfaction à la demande de rectification des observations définitives qu’elle a formulées sur la gestion d’une collectivité territoriale ou d’un ou plusieurs des établissements, sociétés, groupements et organismes mentionnés aux articles L. 211-4 à 211-6 et L. 211-8 du code des juridictions financières, est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.
54-01-01-02-01 Les observations formulées, même définitivement, par une chambre régionale des comptes sur la gestion d’une collectivité territoriale ou d’un ou plusieurs des établissements, sociétés, groupements et organismes mentionnés aux articles L. 211-4 à 211-6 et L. 211-8 du code des juridictions financières, ne présentent pas le caractère de décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
54-07 La décision par laquelle la chambre régionale des comptes, soit refuse d’apporter la rectification demandée des observations définitives qu’elle a formulées sur la gestion d’une collectivité territoriale ou d’un ou plusieurs des établissements, sociétés, groupements et organismes mentionnés aux articles L. 211-4 à 211-6 et L. 211-8 du code des juridictions financières, soit ne donne que partiellement satisfaction à la demande, est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. Saisi d’un tel recours, le juge administratif peut contrôler la régularité de la procédure suivie et vérifier que la décision contestée ne repose pas sur des faits inexacts et n’est pas entachée d’une méconnaissance, par la chambre régionale, de l’étendue de son pouvoir de rectification. Il ne lui appartient pas, en revanche, eu égard à l’objet particulier de la procédure de rectification des observations définitives des chambres régionales des comptes, de se prononcer sur le bien-fondé de la position prise par la chambre en ce qui concerne l’appréciation qu’elle a portée, dans le cadre des attributions qui lui sont données par la loi, sur la gestion de la collectivité ou de l’organisme en cause.
[RJ1] Cf. 8 février 1999, Commune de La Ciotat, T. p. 658.