Vu la requête, enregistrée le 23 avril 2009 sous le n° 0900785, présentée pour la SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME dont le siège est et M. D., demeurant Théâtre … Paris , par Me Verdier ;
La SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME et M. D. demandent au juge des référés :
– d’enjoindre au maire de la commune de Reims de ne pas mettre à exécution l’arrêté en date du 17 avril 2009 par lequel il a interdit à M. D. de procéder à tout spectacle sur le territoire de la ville de Reims ;
– de condamner la commune de Reims lui payer une somme de 1.500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Les requérants soutiennent que la condition d’urgence est remplie dès lors que la décision litigieuse va leur causer un préjudice économique et qu’elle fait obstacle à ce que la conférence-débat qui devait initialement se tenir le 21 avril 2009 se tienne le 25 avril 2009, date à laquelle elle a été reportée ; que la saisine de la juridiction au titre de la sauvegarde des libertés fondamentales est justifiée, dès lors que l’arrêté du maire de Reims porte atteinte à la liberté d’expression et à la liberté du travail ; que la conférence de M. D. ne comporte rien qui puisse heurter la morale ou les bonnes mœurs et ne viole en rien des dispositions légales protectrices d’individus ou de groupes d’individus ; que l’atteinte portée à la liberté d’expression et à la liberté du travail est grave et manifestement illégale ; que le maire de Reims n’est pas fondé à invoquer la force majeure au soutien de sa décision ; qu’il n’a produit aucun élément à l’appui de sa position dont le contenu ne semble fait que de rumeurs ; que les risques de perturbation allégués de la part d’individus impossibles à identifier apparaissent purement imaginaires ; que des débordements probables consécutifs à un risque de trouble à l’ordre public non caractérisé ne peuvent servir de fondement à l’interdiction d’un spectacle ; que les éléments perturbateurs extérieurs ne pourraient se livrer à une action de perturbation que si on les laissait faire ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision en date du 1er septembre 2008, par laquelle le président du tribunal a désigné M. Declercq, vice président, pour statuer sur les demandes de référé ;
Après avoir convoqué à une audience publique :
– Me Verdier, représentant la SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME et M. D.;
– la commune de Reims ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 avril 2009 :
– le rapport de M. Declercq, juge des référés ;
– Me Lechesne représentant la commune de Reims qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir qu’il y a des limites à la liberté d’expression ; qu’il y a adéquation entre la mesure et le risque, dès lors que les conditions du déroulement de la conférence du 25 avril ne sont pas connues ; que la Cour de Cassation a, le 16 février 2007, sanctionné les propos de M. D.; que la conférence doit se tenir le jour de la journée nationale de la déportation ; que le climat sera explosif ; que la responsabilité de la commune pourrait être engagée si elle ne prenait pas les mesures nécessaires ;
Après avoir prononcé, à l’issue de l’audience la clôture de l’instruction ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » et qu’aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique (…) » ; qu’enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit (…) justifier de l’urgence de l’affaire » ;
Considérant en premier lieu que par arrêté en date du 17 avril 2009, le maire de Reims a interdit à M. D.de procéder à tout spectacle sur le territoire de la ville de Reims ; que cette décision interdit à M. D.de tenir, le 25 avril 2009, la conférence débat initialement programmée le 21 avril 2009 et lui causera également nécessairement, à lui, ainsi qu’à sa société de production, un préjudice économique ; qu’ainsi les requérants justifient de l’existence d’une situation d’urgence ;
Considérant en second lieu qu’en interdisant à M. D. de procéder à tout spectacle sur le territoire de la ville de Reims, l’arrêté attaqué porte une atteinte grave à la liberté d’expression, laquelle constitue une liberté fondamentale ;
Considérant par ailleurs que s’il incombe au maire, en vertu des dispositions des articles L. 2212-2 et suivants du code général des collectivités territoriales de prendre les mesures qu’exige le maintien de l’ordre, il doit concilier l’exercice de ses pouvoirs avec le respect des libertés fondamentales ; qu’en particulier il ne peut prononcer une mesure telle que l’interdiction pure et simple que si elle seule est de nature à prévenir un trouble à l’ordre public ;
Considérant qu’il résulte des motifs de l’arrêté du 17 avril 2009, ainsi que des débats de l’audience, que pour prononcer l’interdiction contestée le maire de Reims s’est fondé sur les troubles à l’ordre public, susceptibles de se produire lors de la conférence que M. D. a prévu de tenir le 25 avril 2009, dans un autobus, à la suite de l’annulation de son spectacle prévu le 21 avril 2009 et qui résulteraient de l’indignation suscitée par les propos tenus par M. D. ; que, toutefois, en l’absence de circonstances particulières à la ville de Reims et notamment de l’existence avérée d’éléments réputés pour leur volonté et leur capacité à troubler l’ordre public et nonobstant la circonstance qu’à la date d’intervention de l’arrêté litigieux les organisateurs n’avaient pas encore fait connaître l’endroit où stationnerait l’autobus, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des précisions apportées au cours de l’audience, que la tenue du spectacle litigieux présenterait pour l’ordre public des dangers auxquels l’autorité compétente ne serait pas en mesure de faire face par des mesures appropriées ; qu’en tout état de cause la commune de Reims ne justifie pas de la nécessité d’interdire définitivement à M. D.de se produire sur son territoire ; que par suite, en raison de l’atteinte grave et manifestement illégale portée à la liberté fondamentale en cause, les requérants sont fondés à demander au juge des référés d’enjoindre au maire de Reims de ne pas mettre à exécution son arrêté en date du 17 avril 2009 ;
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la commune de Reims à payer à la SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME et à M. D. une somme de 900 euros, au titre des frais irrépétibles ;
ORDONNE
Article 1er : Il est enjoint au maire de la commune de Reims de ne pas mettre à exécution son arrêté en date du 17 avril 2009.
Article 2 : La commune de Reims versera à la SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME et à M. D., une somme de 900 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SOCIETE PRODUCTION DE LA PLUME, à M. D. et à la commune de Reims.