Pour parler de la Terreur, Jules Michelet employait l’expression « mauvaise Révolution » et pour cause ; comment qualifier autrement un régime d’exception impliquant l’exercice d’un terrorisme d’État fondé sur des principes et des valeurs complètement détournés de leur finalité initiale et complice du meurtre organisé d’une bonne partie de sa population ? L’adjectif « mauvais » n’est sans doute pas assez fort en de telles circonstances. Certains diront qu’une telle période était inhérente et s’inscrivait dans la continuité des premiers évènements de la Révolution française laquelle portait en germe des idées trop fortes pour un peuple baignant dans l’euphorie du siècle et ayant perdu le sens commun de la réalité. D’autres l’approuveront et diront d’elle qu’elle était « le rouge creuset où s’élaborait la démocratie future sur les ruines accumulées de tout ce qui tenait à l’ancien ordre » (A. Mathiez). Les contre-révolutionnaires de la première heure y verront la manifestation d’une punition divine venant corriger l’homme pour avoir renversé l’ordre naturel des choses. Un courant plus libéral retiendra qu’elle était un possible malheureusement advenu mais en tous cas pas inévitable (B. Constant). Indépendamment du qualificatif dont on peut l’habiller, les désaccords sur la Terreur persistent et notamment ceux relatifs à la date de son commencement. Selon certains historiens, les premières exécutions faisant suite à la prise de la Bastille (Gouverneur de Launay ou encore le Prévôt des marchands Flesselles) en sont les signes avant-coureurs. Pour les autres, il faut attendre la création du Tribunal criminel extraordinaire (devenu ensuite Tribunal révolutionnaire) pour véritablement parler de sa mise en œuvre. Enfin, au sein même de la période que constitue la Terreur, on peut y déceler une gradation, surtout à partir de juin 1794 et l’adoption de la fameuse loi du 22 prairial (on parle alors de la « Grande Terreur »). Toujours est-il que ceux-là mêmes qui en étaient les promoteurs se rendirent compte que la situation dégénérait de sorte qu’il convenait de « légitimer » une politique que la seule raison humaine se devait de dénoncer pour mieux la condamner. Robespierre prit conscience de cela et c’est ce qui explique son intervention le 5 février 1794 à travers un discours qui souhaitait ajouter une strate supplémentaire à ce qui constituait d’ores et déjà le gouvernement de la Terreur : la morale.
I – Une constitution inappliquée
Après la chute de la monarchie suite aux évènements de la journée du 10 août 1792 l’immense majorité des hommes politiques réclamaient l’avènement de la République et la mise en place d’une Convention nationale qui, se substituant à la Législative incapable de faire face aux aléas de la vie politique, serait chargée de rédiger une nouvelle constitution pour la France. Celle-ci devait prévoir un exécutif collégial pour éviter de faire reposer sur un seul homme la tâche qui incombe à cette fonction, accorder une place centrale au peuple qui, avec l’aide de l’organe législatif, concourrait personnellement à la confection de la loi et enfin abandonner toute idée de communication entre les différents pouvoirs. En somme, la Convention nationale s’apprêtait à mettre en place un véritable régime d’assemblée.
La royauté abolie (21 septembre 1792) et les actes officiels datés à présent de l’An I de la République (22 septembre 1792), la Convention nationale invitait les Français à déposer auprès d’elle leurs projets de nouvelle Constitution.

Appel du 19 octobre 1792 :
« La Convention nationale invite tous les amis de la Liberté et de l’Egalité à lui présenter, en quelque langue que ce soit, les plans, les vues et les moyens qu’ils croiront propres à donner une bonne Constitution à la France. »
Pas moins de 300 projets furent adressés aux conventionnels avec des contenus très hétéroclites. Si certains avançaient de bonnes idées, d’autres étaient beaucoup moins intéressants voire farfelus. Cependant, l’appel destiné à venir en aide au régime provisoire n’empêcha en rien la Convention de se mettre au travail puisqu’un Comité de constitution avait été créé pour l’occasion et avait déjà désigné (11 octobre 792) Nicolas de Condorcet rapporteur d’un projet de constitution.
Penseur caractéristique du siècle des Lumières, Condorcet bénéficia de l’aide de Thomas Paine, lequel s’il avait des difficultés à parler français, était l’un des plus fervents défenseurs des principes de la Révolution française (Les droits de l’homme, 1791) contrairement à son plus puissant adversaire Edmund Burke, plus conservateur (Réflexions sur la Révolution française, 1790).

En 402 articles, le projet était fortement antimonarchique. Il rejetait l’agencement entre les différents pouvoirs, prévoyait un suffrage universel sans restriction et la facilité de pouvoir réviser la Constitution (notamment par la voie populaire). Chargé d’adopter les lois, le Corps législatif serait une assemblée unique renouvelable par moitié tous les ans par suffrage universel direct à deux tours. Un référendum législatif est envisagé pour permettre au peuple de remettre en cause la législation qui ne serait pas en conformité avec ses vœux. Enfin, le Conseil exécutif de la République serait chargé, sans être assuré de son monopole, de la fonction exécutive sensu stricto. Composé de sept ministres et d’un secrétaire, ce dernier devait être un « conseil d’agents et non de représentants » selon les propres mots de Condorcet.
Présenté le 15 février 1793, le rapport préalable faisant office d’observations à sa nouvelle constitution fut tellement long que Condorcet, au bord de l’épuisement, dut se faire suppléer. Le projet fut rejeté de part et d’autre de l’hémicycle car les Montagnards étaient contre l’idée d’un Conseil exécutif composé de membres élus par le peuple (ce que prévoyait le projet de Condorcet) tandis que les Girondins axèrent leurs critiques sur ce que l’organisation de la République était trop centralisée, laissant trop peu de places aux départements nouvellement créés.

Comme on ne parvenait pas à se mettre d’accord sur le contenu de la nouvelle constitution et contrainte de composer avec un Conseil exécutif de vingt-quatre membres ainsi que la Commune de Paris la Convention nationale mit en place le Comité de Salut public (6 avril 1793). Organe collégial de douze membres à l’origine et renouvelé mensuellement, ce comité allait devenir la pièce maîtresse du régime.

Si la tournure des évènements (l’arrestation des girondins au mois de juin) annonçait déjà ce qui attendait les français jusqu’à sa chute, la question constitutionnelle demeurait toujours sans solution. La besogne devait finalement échoir à Hérault de Séchelles qui, alors même que le projet de Condorcet avait été rejeté quelques mois auparavant, s’inspirait pour une part de certaines de ses idées.
Le projet est présenté le 10 juin devant la Convention nationale. Le suffrage universel est maintenu ainsi que le référendum abrogatif d’initiative populaire pour les lois (et non pour les décrets). La procédure législative change cependant du tout au tout puisque le Corps législatif ne voterait qu’une « proposition » de loi, laquelle serait envoyée dans tous les départements et n’entrerait en vigueur qu’après une période de quarante jours si, dans la moitié des départements, le dixième des assemblées primaires n’avait pas réclamé la convocation de l’ensemble de l’électorat pour se prononcer sur la loi en question. Le Corps législatif ne se renouvellerait pas de moitié tous les ans mais en entier tous les deux ans. Le Conseil exécutif conserve sa composition d’origine (vingt-quatre membres) mais se trouve fortement affaibli ce qui ne fut pas pour déplaire à Saint-Just lequel avait dit que « le peuple n’a d’autre ennemi que son gouvernement ». Cette constitution serait accompagnée d’une déclaration des droits dont certaines dispositions, demeurent célèbres comme « Les secours publics sont une dette sacrée » (art. 21) ou encore « Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. » (art. 28).

La procédure d’adoption de la Constitution fut pour le moins expéditive, ce pour quoi d’ailleurs Hérault de Séchelles avait ardemment plaidé dès le début de son exposé devant les membres de la Convention : « De toutes les parties de la République, une voix impérieuse veut la Constitution. Jamais une plus grande nécessité n’a tourmenté un peuple ». Il avait suffi qu’il rajoute que « le Gouvernement français n’est représentatif que dans les choses que le peuple ne peut pas faire lui-même tandis que le Conseil exécutif n’aura aucun caractère de représentation » pour que les Montagnards applaudissent au projet et le mettent « aux voix » (sur les instances de Pierre Phillipaux). Le 24 juin 1793, sans débattre sérieusement sur son contenu, les conventionnels adoptaient la « Constitution de l’An I », celle-là même dont se revendiqueront les insurgés des journées révolutionnaires de l’An III (1er avril et 20 mai 1795) en réclamant « du pain et la Constitution de l’An I » et plus proche de nous les courants politiques de gauche (ex. Olivier Besancenot lors des élections présidentielles de 2007).

Le texte constitutionnel, contrairement à celui de Condorcet, ne contenait guère plus de 124 articles ce qui contrastait fortement avec le projet du philosophe et mathématicien (cf. supra). « La charte d’une République ne peut pas être longue » avait argué son rapporteur lequel mesurait toute la portée de sa critique. Néanmoins, force est de constater que la mise en œuvre de la Constitution de 1793 aurait entrainé de sérieux problèmes techniques, tout particulièrement au regard de la procédure législative qui, si elle répondait de prime abord à une véritable volonté de démocratie directe (la souveraineté populaire au sens de celle de J-J. Rousseau), était manifestement inadaptée au cadre dans lequel elle aurait dû s’appliquer. Un tel mécanisme n’est envisageable que dans les petites entités telles que certaines régions italiennes comme on les trouve aujourd’hui (article 75 de la Constitution italienne du 27 décembre 1947) ou les cantons suisses (référendum constructif) lesquels pratiquent des procédures qui répondent à cette logique.
Tout le prestige de la Constitution de l’An I est qu’on n’a malheureusement pas eu l’occasion de l’interroger pour voir si, effectivement, elle pouvait répondre aux défis qui l’attendaient. En effet, soumise au plébiscite le mois suivant, alors même que 1 800 000 Français se prononcèrent pour (face à 12 000 contre) son adoption, les conventionnels la placeront dans une arche de cèdre déposée dans la salle des séances de la Convention à côté d’un buste de Jean-Jacques Rousseau pour ne jamais la pratiquer. Elle jouit donc d’une aura érigée tel un mythe sacralisé.

Il faut sans doute accueillir la version de certains auteurs (F. Bluche – S. Rials – Jean Tulard) qui considèrent que les Montagnards étaient conscients de l’impraticabilité du texte qu’ils venaient de concocter. Cette constitution n’était finalement qu’un manifeste destiné à servir au mieux la propagande de ces derniers.

II – Les Terreurs sur fond de salut public
En 1792, Rabaut Saint-Etienne écrivait : « les révolutions humaines arrivent pour des hommes, pour des choses, ou pour des opinions, toutes sont cimentées par du sang ». Manifestement épouvanté par la violence des évènements, ce pasteur originaire de Nîmes, et auquel on doit notamment la rédaction de l’article 10 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789, estimait toutefois que la France avait connu de grands bouleversements sans verser véritablement beaucoup de sang : « si quelque chose doit exciter l’étonnement des étrangers, c’est le bonheur avec lequel a été conduite la Révolution française ». Nul ne sait s’il repensa à cette phrase le 5 décembre 1793 lorsqu’il fut sur l’échafaud dans l’attente d’être guillotiné. C’est sans doute par péché d’optimisme que Rabaut Saint-Etienne avait pu prononcer de telles prévisions.

Connaitre et essayer de comprendre la Révolution française, c’est aussi passer par l’une de ses phases les plus sombres : la Terreur. Loin de pouvoir prétendre arriver à l’expliquer mieux que ne l’ont fait bon nombre d’auteurs brillants, il s’agit ici d’éclairer le concept et voir comment il fut appliqué jusqu’au 9 Thermidor An II (27 juillet 1794).
Selon le Dictionnaire de l’Académie française, la Terreur est « une émotion causée dans l’âme par l’image d’un mal ou d’un péril prochain ; épouvante, grande crainte ». Claire, cette définition ne permet toutefois pas d’éviter l’amalgame que Patrice Gueniffey a su magistralement pointer du doigt. En effet, ce dernier indique qu’il convient de distinguer Terreur et violence car la seconde frappe au hasard ou du moins sans préméditation alors que la première est une violence délibérée sur une victime choisie en vue d’atteindre une cible.
On constate ainsi que les projets formés par les hommes se trouvant au pouvoir après la chute de la monarchie entrent parfaitement dans le cadre de la définition donnée par M. Gueniffey. Parvenus aux postes clefs dans un climat de peur (massacres des Suisses aux Tuileries, massacres de septembre ou encore émeutes dans les faubourgs) il était primordial pour ces politiques de le conserver afin de mieux se maintenir. Loin de rétablir la situation, la Terreur alimente le sentiment de crainte. Pour y parvenir, elle crée des exemples, adopte des « lois terroristes » ou substitut au régime légal un véritable régime d’exception.
La France de l’après 1789 fera l’expérience de toutes ces sortes de mesure. On peut même retenir qu’il y eut plusieurs Terreurs.
La Terreur était tout d’abord politique. Mise à l’ordre du jour par décret le 5 septembre 1793, son avènement était revendiqué par les Jacobins depuis de nombreux mois. Celle-ci consiste à encadrer très étroitement la société civile et à dessein car quiconque n’allait pas dans le sens préconisé par les promoteurs de la Terreur était éliminé. C’est une relecture extrémiste et orientée du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau (1762) qui soutenait que : « Quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie pas autre chose sinon qu’on le forcera à être libre ».
En ce sens, d’autres textes furent adoptés comme la fameuse « loi des suspects » du 17 septembre 1793 laquelle reposait sur le principe si souvent prononcé par Saint-Just : « Ceux qui n’ayant rien fait contre la liberté, n’ont aussi rien fait pour elle ». Il s’agissait donc de frapper quiconque était passif dans la République ce qui laissait un large panel de personnes qui, sans bénéficier d’un certificat de civisme et n’étant pas engagées politiquement, entraient dans la catégorie fixée par cette loi.

Que dire encore de la funeste loi du 22 prairial An II (10 juin 1794) rédigée par Couthon et qui participa à l’augmentation des exécutions ou « guillotinades » selon l’expression consacrée de l’époque, lesquelles croissaient toujours plus chaque mois jusqu’à ce que le régime parvienne à sa chute. On dénombrait ainsi 38 guillotinés par jour entre juin et juillet 1794, le tout soutenu par l’administration d’une justice expéditive depuis la création du Tribunal révolutionnaire (10 mars 1793).
La philosophie qui préside à cette Terreur revête elle aussi un caractère qu’on ne saurait négliger pour bien comprendre ce qui poussait les hommes à agir ainsi. Outre la Terreur décrétée en septembre 1793, une déclaration de la Commune de Paris puis un décret du 10 octobre de la même année disposait que « le gouvernement est révolutionnaire jusqu’à la paix ». Voilà ce qui explique l’inapplication de la Constitution de l’An I. La doctrine du « gouvernement révolutionnaire » est expliquée durant l’hiver 1793-1794 et plus particulièrement dans le discours du 5 février 1794 prononcé par Robespierre.
L’objectif de celui-ci est de renouer avec le modèle idéal de l’Antiquité (on parlait alors d’anticomanie) justifiant l’appel systématique à la notion de vertu. L’Homme doit ainsi se réaliser dans une société exigeante et globale. Selon les mots de l’Incorruptible « l’ordre révolutionnaire s’oppose à l’ordre constitutionnel ». Paradoxalement, cette théorie préconise de suspendre les libertés de l’individu pour mieux les préserver. Appuyé sur « la plus sainte de toutes les lois : le salut public », le gouvernement révolutionnaire ne souhaite pas protéger l’individu contre les abus de la puissance publique mais défendre la puissance publique contre les factions qui l’attaquent. La référence aux ennemis intérieurs/extérieures participe ardemment à cette politique.

Là encore, les écrits philosophique sont paraphrasés mais surtout détournés de leur sens originel. Robespierre, grand admirateur de Montesquieu, reprendra la classification des sortes de gouvernements développées dans l’« Esprit des lois » (1748) et notamment les principes qui les meuvent. Si la monarchie repose sur l’honneur, la République sur la vertu et le despotisme sur la crainte, le gouvernement révolutionnaire au sens de Robespierre reposera quant à lui à la fois sur la vertu parce qu’il est par essence républicain et sur la Terreur car il est despotique par nécessité. Ce dernier reprendra Blaise Pascal en déformant sa pensée : « la Terreur, sans laquelle la Vertu est impuissante ; la Vertu, sans laquelle la Terreur est funeste ».
Par ailleurs, un véritable régime s’est substitué à l’ancien. On crée ainsi une sorte de sphère réservée à l’ordre révolutionnaire. La Convention nationale demeure tout comme les ministres ainsi que les commissions de travail pour les lois ordinaires mais des comités qui émanent de la Convention sont chargés quant à eux de l’exécution des lois révolutionnaires : ce sont le Comité de Salut public (police politique) et le Comité de Sûreté général (justice révolutionnaire). Des représentants en mission seront envoyés dans les départements pour faire en sorte que les lois y soient bien appliquées (et pour pratiquer éventuellement quelques massacres comme ce fut le cas en Provence) tandis que les commissaires aux armées seront missionnées aux frontières lesquelles sont encerclées par les puissances étrangères en guerre avec la France depuis avril 1792. Enfin, au niveau local, des agents nationaux exerceront un contrôle pesant sur les personnels des communes et des districts.

Non contente de s’en prendre au régime politique, la Terreur devait encore s’étendre au secteur de l’économie ainsi qu’à la sphère relevant des affaires sociales. Ainsi, plusieurs lois furent adoptées dans ces différents domaines et notamment la loi sur l’abolition sans indemnité de tous les droits féodaux (17 juillet 1793), celle sur le Maximum des grains faisant suite aux émeutes parisiennes des 4 et 5 septembre 1793 ou encore la loi sur le Maximum des salaires toutes deux matérialisées par la législation du Maximum général du 29 septembre. Le 22 février 1794, un décret venait compléter cette dernière élargissant son champ d’application aux transports du lieu de fabrique et aux bénéfices des marchands en gros et en détail.
Cette économie dirigiste qui rappelle fortement celle pratiquée par Colbert un peu plus d’un siècle auparavant eut des effets néfastes pour le régime car la France, majoritairement rurale (on accuse alors un retard net dans le secteur industriel comparativement à nos voisins outre-manche), va voir ses paysans dissimuler leurs récoltes pour ne pas avoir à les vendre à perte. Les spéculateurs parvenant à acquérir tout ce qui pouvait encore subsister, il en résultat une grave pénurie.

Un tas d’autres mesures prises par le gouvernement révolutionnaire joueront, malheureusement pour lui mais fort heureusement pour d’autres, en sa défaveur. Ce fut notamment le cas pour la loi du 23 août 1793 qui prévoyait la levée en masse pour faire face aux ennemis de l’extérieur alors que le pays avait déjà fort à faire avec ses propres ressortissants puisque la même mesure, appliquée en février de la même année, provoqua un soulèvement populaire et notamment en Vendée. Excédés par ce nouveau régime, les Vendéens n’accepteront pas de se mettre au service d’une République qui viole les principes de 1789 et pis, s’en prend sévèrement aux prêtres ce qui, pour une contrée très religieuse, passait pour inacceptable. La lutte durera plus d’un an puisque la défaite vendéenne au Mans (12-13 décembre 1793) et à Savenay (23 décembre) n’empêcha pas la Convention nationale de laisser carte blanche à Turreau et ses colonnes infernales au-delà de l’année 1793 pour réprimer avec le plus grand zèle entre 20 000 et 30 000 Vendéens (femmes et enfants compris).
Devenu insupportable aux yeux des Français, le gouvernement révolutionnaire, la Terreur et ses plus célèbres représentants (Robespierre, Saint-Just ou Couthon) seront très rapidement décrédités au point de subir un destin aussi tragique que celui qu’ils offraient à la France depuis près de deux ans.

III – La revanche Thermidorienne
Dans le discours de février 1794 mais également au cours de la cérémonie du culte de l’Être Suprême (8 juin 1794), le nouvel objectif que s’étaient fixés les hommes aux commandes de cette « machinerie politique » de la mort était de lui donner un aspect moral de sorte à parvenir à mieux la faire accepter par l’opinion. L’échec fut néanmoins cuisant.
Depuis l’exécution de Desmoulins et Danton le 5 avril 1794, les critiques envers Robespierre se font de plus en plus entendre. Désormais on en est sûr, ce dernier cherche à briguer un mandat de dictateur. Ni ses discours qu’il prononcera inlassablement et devant la Convention nationale et devant le Club des Jacobins, ni son relatif effacement ne parviendront à le reconsidérer entièrement auprès du peuple. Absent à de multiples reprises, car vraisemblablement épuisé par ses interventions à répétition, le bruit court que c’est « le sang de ses victimes qui l’étouffe ».

Ridiculisé au sein de son propre parti (le Comité de Sureté générale n’hésitera pas à grossir les traits de l’affaire Catherine Théot se prétendant être la mère de Dieu qui annonçait la venue d’un messie que l’on pouvait confondre avec Robespierre) il s’isole et sait, selon ses biographes, que sa tête ne tardera pas à tomber. Son dernier discours, d’aucuns diront son testament politique, sera prononcé mais pas jusqu’au bout au perchoir de la Convention nationale le 26 juillet 1794. S’en prenant à nouveau aux ennemis de la République et de la Vertu, les conventionnels demandèrent des noms avant de l’agonir d’injures. Pris d’un malaise, il fut néanmoins arrêté par la sur mandat délivré par la Convention nationale tout comme Saint-Just, Couthon, Augustin Robespierre (qui s’était lui-même rendu) et Lebas.
Un dernier sursaut se produira entre le 8 et le 9 Thermidor car les prisonniers réussirent à convaincre une faction d’insurgés de Paris de leur venir en aide. Voyant la fin arriver, ce soutien désorganisé se dispersera. Robespierre sera même atteint par une balle de pistolet dans la joue ce qui lui déchiqueta le visage mais ne le laissait pas moins en vie. Mis tous hors la loi pour insurrection, ils furent exécutés sans jugements le 10 Thermidor an II (28 juillet 1794).
Sources :
BLUCHE (F) RIALS (S) TULARD (J) La Révolution française Ed. PUF, Collection Que sais-je ?, 2003, p. 124
GUENIFFEY (P) La politique de la Terreur, Ed. Gallimard, 2003, p. 378
LEUWERS (H) Robespierre, Ed. Fayard, 2014, p. 480
Hyperlien du discours du 5 février 1794 => http://www.legrandsoir.info/robespierre-sur-les-principes-de-morale-politique.html