Contexte : L’action en responsabilité dirigée contre un médecin de garde sollicité par le SAMU relève de la compétence du juge judiciaire et non du juge administratif. Tel est le principe que la Cour de cassation a énoncé dans une décision rendue le 4 février 2015.
Litige : En juin 2000, au cours de la nuit, un médecin libéral de permanence est sollicité par le médecin régulateur du centre de réception et de régulation des appels du Service d’aide médicale urgente (SAMU) afin d’effectuer une consultation au domicile d’une patiente qui présente une douleur du membre supérieur gauche avec sueurs, des nausées et des vomissements. Le médecin diagnostique une symptomatologie douloureuse se rapportant à une névralgie cervico-brachiale et lui a administre un traitement anti-inflammatoire et antalgique, avant de la laisser au repos à son domicile. Des examens pratiqués ultérieurement révèlent qu’en réalité, la patiente a été victime d’un infarctus du myocarde. Une action en responsabilité est engagée à l’encontre de ce médecin devant le juge judiciaire. L’exception d’incompétence des juridictions de l’ordre judiciaire au profit des juridictions administratives soulevée par le médecin est accueillie en appel, aux motifs que ce dernier « participait à une mission de service public d’aide médicale d’urgence, retient que la faute commise par un collaborateur occasionnel du service public est une faute de service et que la responsabilité civile de l’agent ne peut être engagée, seule la personne publique pouvant être mise en cause, sauf faute détachable du service nullement alléguée en l’espèce ».
Solution : La première chambre civile casse la décision de la cour d’appel de Rennes aux motifs que :
« si la permanence des soins constitue une mission de service public, les actes de diagnostic et de soins réalisés par un médecin d’exercice libéral lors de son service de garde engagent sa responsabilité personnelle, même lorsque son intervention a été sollicitée par le centre de réception et de régulation des appels du SAMU, la cour d’appel a violé » la loi des 16-24 août 1790, ensemble les articles 11 et 15 du décret n° 87-1005 du 16 décembre 1987 et les articles 69 et 77 du code de déontologie médicale, alors applicables et devenus respectivement les articles R. 6311-8, R. 6311-12, R. 4127-69 et R. 4127-77 du code de la santé publique.
Analyse : Manifestement, les conseillers bretons se sont mépris sur la portée d’une décision rendue dans des circonstances proches dans lesquelles étaient également en cause la médecine d’urgence mais néanmoins différentes. En effet, si la chambre criminelle avait alors retenu la compétence du juge administratif, c’est parce le médecin libéral mis en cause agissait dans l’exercice de ses fonctions de médecin régulateur du centre de réception et de régulation des appels du SAMU (Crim, 2 déc. 2003, n° 02-85.254, Bull. crim. n° 226).
En l’espèce, le médecin a été sollicité par le médecin régulateur pour se rendre au chevet d’une patiente qui avait fait appel au SAMU. Les conditions, dans lesquelles les soins ont été dispensés, étaient identiques à celles dans lesquelles il exerçait habituellement son art. Par ailleurs, même si son intervention a été sollicitée par le SAMU, elle s’inscrivait dans le cadre de son activité ordinaire de médecin de garde. Il n’y avait donc aucune raison de déroger à la compétence naturelle du juge judiciaire pour apprécier sa responsabilité personnelle.