Malgré sa présence dans les facultés de droit depuis 1954, en dépit d’un exponentiel développement au point de devenir une des matières phares des facultés de droit et de concours et examens d’entrée dans des écoles de formation à des professions juridiques, le droit des libertés est toujours en cours de construction.
Preuve en sont les changements de son intitulé dans les programmes officiels : de Libertés publiques en 1954, il est devenu Droit des libertés fondamentales depuis les arrêtés du 19 février 1993 et du 30 avril 1997 relatifs aux études de droit. Il s’appelle Libertés et droits fondamentaux dans l’arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités d’accès au centre régional de formation professionnelle des avocats ; cette appellation est maintenue par l’arrêté du 2 octobre 2018 modifiant celui du 17 octobre 2016. Sans changer la dénomination de l’enseignement en troisième année de licence, l’arrêté du 4 février 2014 fixant la nomenclature des mentions du diplôme national de master introduit le « Droit des libertés » dans la liste des mentions de master en droit.
Les facultés de droit et la doctrine n’ont pas toutes repris, loin s’en faut, les intitulés officiels de l’enseignement des libertés. Les titres des manuels vont de Libertés publiques à Droit des libertés fondamentales en passant par Libertés publiques et droits de l’homme ou Droits et libertés fondamentaux ou encore Droits fondamentaux et libertés publiques. A cela il faut ajouter les cours de Droit international et européen des droits de l’homme, de droit européen des droits de l’homme, de droit comparé des droits fondamentaux. Ils sont généralement dispensés en master.
Il est incontestable qu’aucun consensus ne se dégage pour définir l’objet précis de cet enseignement. S’agit-il de l’étude des libertés publiques, des droits de l’homme, des droits fondamentaux ou des libertés fondamentales ou des libertés et droits fondamentaux ? C’est sans doute pour sortir de la querelle des notions que les auteurs de l’arrêté du 4 février 2014 ont choisi l’intitulé d’une mention Droit des libertés. Malgré son imperfection, cet intitulé a l’avantage de ramener le débat à l’origine de toutes les autres notions. En effet, ces différentes notions prennent toutes racines, au moins dans le monde occidental, dans la liberté. La liberté rattachée philosophiquement à l’homme, à l’être humain, est encadrée par le droit dans les rapports de l’homme avec le pouvoir. Cette liberté constitue « le fondement même et plus encore la condition de possibilité, objectivement nécessaire, de tous les droits » (E. Picard, « « Les droits et les libertés » : un couple paradoxal », Mélanges en l’honneur de Frédéric Sudre, Paris, Lexinexis, 2018, p. 547-558, spéc. p. 550) et de toutes les libertés qui découlent de la variété des rapports de l’homme avec le pouvoir. La diversité même des modèles de protection des libertés en raison de la variété des cultures juridiques incite à choisir « les libertés au pluriel » (O. Beaud, « Aperçus de droit comparé », Jurisclasseur Libertés, fasc. 15, n°8). A l’instar d’Olivier Beaud, on propose de retenir pour cette chronique l’appellation Droit des libertés.
Cette discipline juridique qui étudie et analyse les règles relatives à la protection des libertés est enseignée dans les facultés de droit, fait l’objet d’une recherche spécifique, développe ses propres méthodes et techniques. Ayant la particularité d’être au carrefour de nombreuses autres disciplines juridiques, elle est devenue indispensable pour comprendre les mécanismes généraux qui animent la protection des libertés dans les systèmes juridiques modernes.
Cette chronique a pour modeste ambition d’observer la dynamique de la protection des libertés à travers l’évolution même du droit des libertés. Dans cette optique, elle traitera à la fois des questions d’actualité du droit des libertés et des questions de fonds dans leurs différentes dimensions conceptuelle, notionnelle, conceptuelle, pratique et théorique. Le lecteur y trouvera une double observation et du droit positif et de la doctrine.
Dans cet esprit, la première chronique portera sur un nouveau manuel de Droit des libertés fondamentales.