La présente note a pour objet d’évoquer les PPP et la comptabilité publique et de répondre à deux questions en particulier :
- La dernière réforme de la commande publique modifie -t- elle les choses ?
- Quels sont les risques budgétaires des PPP saisis par le traitement des passifs éventuels ?
Il convient d’apporter une précision préalable aux différents développements de la note. Il est fait référence à l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et à son décret d’application n° 2016-360 du 25 mars 2016 mais le code de la commande est applicable depuis le 1eravril 2019. Toutes les dispositions citées sont valides, les dispositions de l’ordonnance ayant été reprises au sein du code.
L’organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) définit le partenariat public-privé comme un accord contractuel de long terme entre une autorité publique et un partenaire privé dans le cadre duquel ce partenaire assure et finance des services publics à partir d’un équipement avec un partage des risques associés.
L’avis du Conseil économique et social européen du 25 février 1998 sur la communication de la Commission relative au financement de projets du réseau européen de transport par des partenariats entre le secteur public et le secteur privé, le définit comme « un contrat à long terme conclu entre un certain nombre d’administrations et d’organismes publics d’une part, et de personnes juridiques relevant du droit privé d’autre part, ayant pour but de concevoir, planifier, financer, construire et/ou mettre en œuvre un projet d’infrastructure ».
Les intérêts principaux de ce partenariat résident donc dans la mobilisation de capitaux privés au service de besoins publics et le partage des risques entre l’acheteur et son cocontractant.
Ce PPP se distingue dès lors des autres contrats de la commande publique et en particulier du marché public « classique » puisqu’il suppose un investissement de la part du partenaire privé. En effet, le marché public « classique » implique le paiement immédiat par la personne publique, l’acheteur, tandis que le PPP fait peser sur l’opérateur privé la charge de l’investissement initial.
Le PPP d’hier recouvrait toutes les formes de partenariat public-privé, à savoir, le contrat de partenariat, le bail emphytéotique administratif (BEA), le bail emphytéotique hospitalier (BEH) ou encore l’autorisation d’occupation du domaine public (AOT).
Conçus à l’origine comme des techniques particulières d’occupation domaniale, le BEA et l’AOT ont été utilisés en pratique pour la réalisation d’opérations globales associant personnes publiques et personnes privées. Ces montages permettaient aux personnes privées de financer la construction d’équipements ou d’ouvrages répondant aux besoins de l’Administration. Ces contrats ont ainsi permis aux personnes publiques de bénéficier d’équipements d’intérêt public préfinancés par le secteur privé.
Le BET et l’AOT se sont développés en s’affranchissant d’un certain nombre de contraintes et particulièrement celles applicables aux contrats de la commande publique. Ces outils permettaient dès lors aux personnes publiques de contourner les règles liées à la commande publique en délivrant des titres d’occupation en contrepartie de la réalisation d’un ouvrage et surtout, son préfinancement par un partenaire privé. Il est à noter qu’il est aujourd’hui interdit d’utiliser le BEA ou l’AOT pour réaliser une opération de commande publique.
L’année 2008 a été perturbée par la crise financière qui s’est traduite par des difficultés de financement de la part des personnes publiques. Cette crise a donc eu d’importants effets sur les contrats publics. Face à cette situation, le Gouvernement a multiplié les dispositifs pour maintenir l’attractivité des PPP et en particulier, des contrats de partenariat. Ainsi, une enveloppe de 10 milliards d’euros a été mise en place pour faciliter la mobilisation des financements pour les PPP. De plus, une enveloppe de 8 milliards d’euros de prêt long terme sur fonds d’épargne gérée par la Caisse des Dépôts et Conciliation était destinée à soutenir les grands projets d’infrastructure dans les domaines des transports et de l’enseignement supérieur et notamment ceux réalisés sous forme de PPP.
L’achat public a pu apparaître comme un moyen de relancer l’activité économique. Un troisième cas de recours au contrat de partenariat a ainsi été institué dès 2008, à savoir, le bilan favorable par rapport aux autres contrats de la commande publique. En 2004, le contrat de partenariat était prévu pour les projets d’une particulière complexité ou revêtant un caractère urgent.
La réforme du droit de la commande publique a eu pour effet de rationaliser les outils de PPP. Aujourd’hui, le marché de partenariat est la seule formule contractuelle pouvant être utilisée par les acheteurs publics pour faire préfinancer et construire un ouvrage par un opérateur, en contrepartie d’une rémunération correspondant au versement d’un loyer étalé dans le temps.
La rigueur dans la rédaction du contrat sera essentielle pour sa réussite et en particulier les clauses relatives au partage des risques. C’est en effet sur une répartition optimale des risques que repose tout l’équilibre contractuel et qui permettra à l’entreprise d’obtenir des financements de la part des prêteurs.
Les PPP ont pu être perçus comme des montages permettant aux personnes publiques de s’affranchir de leurs contraintes budgétaires puisque dans leur plan comptable, ces loyers n’étaient pas considérés comme une dette. La dette liée aux PPP est aujourd’hui reconnue dans les comptes publics.
Dès lors, se pose la question de savoir si les PPP, depuis la réforme de la commande publique de 2015, constituent toujours des « bombes à retardement budgétaires » pour les personnes publiques ?
Pour tenter d’apporter une réponse à cette question, il convient d’étudier dans un premier temps le PPP d’hier, de vives critiques sur les risques budgétaires de ces montages (I) puis, d’évoquer les PPP d’aujourd’hui, avec des critiques atténuées par la dernière réforme de la commande publique (II).
I. Le PPP d’hier … : de vives critiques sur les risques budgétaires de ces montages
Le PPP d’hier recouvrait toute forme de montages « aller-retour » dans lesquels les personnes publiques utilisaient des titres d’occupation constitutifs de droits réels pour faire réaliser des ouvrages publics engendrant de vives critiques de la part des institutions. Il convient donc d’étudier le contrat de partenariat (A) avant d’analyser les critiques de déconsolidation budgétaire des PPP formulées par les institutions (B).
A. Le contrat de partenariat
La Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat du Ministère français de l’Économie et des finances rappelle que, selon l’exposé des motifs de l’ordonnance du 17 juin 2004, parmi les relations contractuelles conclues par les collectivités publiques, les contrats de partenariat sont une forme contractuelle qui vient s’ajouter aux deux formes traditionnelles que connaissait le droit français avant leur introduction à savoir, d’une part, les marchés publics et, d’autre part, les délégations de service publics.
Créé par l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariat et modifiée par la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008, le contrat de partenariat était un contrat administratif global, permettant à une personne publique (État, CT, EP) de confier à un tiers (donc éventuellement une société de BTP), la construction ou la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitation ou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public, et tout ou partie de leur financement à l’exception de toute participation au capital. Le contrat de partenariat pouvait également confier une mission de conception des ouvrages.
Pour vulgariser cette définition, le contrat de partenariat permettait au secteur public de confier, au secteur privé, la réalisation, le financement et l’exploitation d’un ouvrage en contrepartie du paiement d’un loyer.
Pour conclure un tel contrat, la personne publique devait procéder, préalablement à la phase de passation, à une évaluation préalable pour justifier du recours à ce contrat.
Le contrat de partenariat ne pouvait être conclu que si, au regard de cette évaluation, étaient démontrés :
- La complexitédu projet ou l’urgencedu projet,
- Qu’au regard des caractéristiques du projet ou des exigences du service public, le recours au contrat de partenariat était plus avantageux. Il fallait donc alors seulement démontrer que le recours à ce contrat était plus intéressant que d’autres contrats, notamment sur les plans juridique et financier. Ce critère du « bilan avantageux » a été introduit par la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat.
Pour réaliser cette évaluation, les collectivités territoriales pouvaient demander de l’aide à la Mission d’Appui aux Contrats de Partenariat Publics-Privés (MAPPP), composée d’experts juridiques, financiers et techniques. Pour les projets d’État, sa saisine était obligatoire. La MAPPP apportait son aide pour réaliser une analyse comparative en termes de coût global, de performance et de partage de risques conduisant au lancement d’une procédure de contrat de partenariat.
B. Les critiques formulées par les institutions : la déconsolidation budgétaire des PPP
Ces PPP ont fait l’objet de vives critiques de la part de la cour des comptes (à plusieurs reprises) et du Sénat, en particulier le rapport public annuel de la cour des comptes de février 2015 et des sénateurs M Sueur et M Portelli, dans un rapport d’information du Sénat du 16 juillet 2014(Rapport d’information n° 733 (2013-2014) de MM Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 juillet 2014).Dans ce rapport, ils qualifient les contrats de partenariat de bombes à retardement budgétaires pour les générations futures indiquant que « l’insuffisance de la prise en compte des enjeux financiers liés à un contrat de partenariat s’apparente à une bombe à retardement pour les générations futures ».
La cour des comptes insiste sur les risques budgétaires liés aux PPP. Les critiques portaient concrètement sur le recours par les personnes publiques aux PPP pour s’affranchir des contraintes budgétaires. L’acheteur public investirait au-delà de ce que ses ressources lui permettent en bénéficiant d’un paiement public différé.
Comme déjà indiqué, le PPP permet de faire financer par le privé, en contrepartie d’un loyer. Au plan comptable des personnes publiques, ces loyers n’étaient pas considérés comme une dette. Pour ses détracteurs, le PPP est donc un « moyen de planquer la dette ».
Le PPP était dès lors présenté comme participant d’une stratégie hors bilan. Il était dénoncé comme un instrument d’externalisation de la dette. Le PPP n’était pas inscrit dans le bilan de la collectivité, ce qui pouvait altérer la sincérité des comptes, puisque la dette qui est la contrepartie des actifs n’était pas reconnue dans les comptes. Certaines collectivités considéraient en effet que, pour la partie relative à l’investissement, ce contrat représentait une capacité d’emprunt supplémentaire.
La crise financière de 2008 étant passée par là, aujourd’hui, la dette liée aux PPP est reconnue dans les comptes publics, dans l’endettement public.
En effet, des arrêtés du 16 décembre 2010 sont venus corriger cette incohérence.
En pratique, comment cela se matérialise dans les comptes, par exemple, d’une collectivité territoriale ? Le budget de la collectivité territoriale, qui est l’acte qui prévoit et autorise les recettes et les dépenses, est préparé par le maire ou le Président et ses services et est voté par l’Assemblée délibérante. Ce budget est ce qui s’apparente au compte de résultat pour une entreprise privée.
Le budget se présente en plusieurs documents :
- Un budget primitif qui énonce aussi précisément que possible l’ensemble des recettes et des dépenses pour l’année.
- En cours d’année, des budgets supplémentaires ou rectificatifs sont nécessaires afin d’ajuster les dépenses et les recettes aux réalités de leur exécution.
- Des budgets annexes retracent les recettes et les dépenses de services particuliers.
Le budget se décompose en deux sections : une section de fonctionnement avec des dépenses et des recettes et une section d’investissement avec également des dépenses et des recettes. Le bilan se compose de l’actif et du passif de la collectivité.
Préalablement aux arrêtés du 16 décembre 2010, les flux concernant l’investissement acquis par une collectivité territoriale par l’intermédiaire d’un contrat de partenariat ne transitaient pas par un compte de dette. Le contrat n’était dès lors pas inscrit dans le bilan de la collectivité.
Les arrêtés du 16 décembre 2010 apportent une plus grande transparence en intégrant dans un compte de dette la part des investissements encore due par exemple par une collectivité territoriale sous forme de loyers à un partenaire privé. Dès lors, la valeur du bien (valeur initiale du bien prévu au contrat) sera inscrit dans l’actif du bilan tandis que les loyers restants dus seront inscrits au passif dudit bilan.
Ce contrat de partenariat a disparu au profit du marché de partenariat, expressément reconnu comme un marché public par la nouvelle réglementation de la commande publique. La transformation du régime juridique de ce contrat de partenariat doit permettre une meilleure utilisation de cet outil contractuel et faire taire ses détracteurs.
II. … et d’aujourd’hui : critiques atténuées par la dernière réforme de la commande publique
Le contrat de partenariat a disparu pour laisser place au marché de partenariat (A). L’objectif de la réforme de la commande publique de 2015 était de sécuriser ce montage contractuel et de répondre aux critiques, sur la déconsolidation budgétaire des PPP, formulées par les différentes institutions. Il conviendra de voir que cette sécurisation budgétaire des PPP d’aujourd’hui, pour les personnes publiques, est à nuancer (B).
A. Le marché de partenariat
La réforme de la commande publique entamée en 2015, par l’ordonnance du 23 juillet 2015 et le décret du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics, est venue unifier les différents montages contractuels.
On parle aujourd’hui de marchés de partenariat.
Le marché de partenariat est, selon l’article L1112-1 du code de la commande publique, issus des articles 66 à 90 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, « la construction, la transformation, la rénovation, le démantèlement ou la destruction d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ou à l’exercice d’une mission d’intérêt général. Tout ou partie de leur financement.
Cette mission globale peut également avoir pour objet : Tout ou partie de la conception des ouvrages, équipements ou biens immatériels. L’aménagement, l’entretien, la maintenance, la gestion ou l’exploitation d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels ou une combinaison de ces éléments. La gestion d’une mission de service public ou des prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée ».
C’est ainsi un marché public qui permet à une personne publique, donc à l’acheteur (État, collectivité territoriale, établissement public), de confier à une entreprise ou à un groupement d’entreprises une mission globale sous maîtrise d’ouvrage privée.
Le marché de partenariat de 2015 est ce qui s’apparente le plus au contrat de partenariat de 2004. On peut donc se demander si la réforme de 2015 a réellement sécurisé ces contrats tant critiqués.
Ce marché de partenariat a 2 objectifs principaux :
- Soit la construction, la transformation, la rénovation, le démantèlement, la destruction d’ouvrages ou d’équipement voire de biens immatériels, nécessaires au service public ou à une mission d’intérêt général, et tout ou partie de leur financement.
Ces missions sont dites principales.
- Soit l’aménagement, l’entretien, la maintenance, la gestion ou l’exploitation d’ouvrages ou de biens immatériels (biens immatériels = par exemple les fichiers informatiques, les bases de données). De plus, l’entreprise peut se voir confier tout ou seulement une partie de la conception.
Ces missions sont dites complémentaires.
Ces missions sont devenues facultatives et non plus obligatoires comme elles l’étaient avant la réforme de 2015.
Le caractère global du contrat est donc susceptible d’être limité. Cette modulation met fin aux 3 éléments de globalité du contrat de partenariat qui jusqu’alors comportait nécessairement 3 missions relatives au financement, à la construction et à l’entretien.
Le marché de partenariat n’est pas un marché public comme les autres puisque c’est un contrat de longue durée, avec un financement privé et un paiement public différé.
- De longue durée parce que la durée est fonction de la durée d’amortissement des investissements (15/20/30 ans).
- Un financement privé parce que l’entreprise sera rémunérée par l’acheteur sous forme de loyers à compter de la mise à disposition des ouvrages construits.
Il est à noter que, dorénavant, l’ordonnance prévoit une possibilité de financement public qui peut émaner de l’acheteur public et d’autres personnes publiques avec par exemple le versement de subventions, la participation minoritaire au capital du titulaire lorsque celui-ci est constitué en société dédiée à la réalisation du projet.
Cette possibilité de financement public peut être un avantage pour l’entreprise : cela sécurise l’emprunt qu’elle va souscrire auprès de la banque. Toutefois, se posera la question de savoir si la société a envie de voir l’acheteur se mêler au capital et ces dispositions peuvent susciter quelques interrogations, notamment, quelle répartition des risques ? Comment prévenir les conflits d’intérêt ?
- Paiement différé parce que les prestations sont payées à partir de l’achèvement des travaux. Il est à noter que le marché de partenariat peut donner lieu à des versements à titre d’avances et d’acomptes.
L’intérêt du marché de partenariat pour l’acheteur résulte dans le fait que l’entreprise avance les fonds nécessaires à l’opération mais forcément, il y aura un coût pour l’acheteur qui sera retranscrit par les loyers qu’il devra à l’entreprise.
La principale différence entre les PPP et les autres contrats de la commande publique tient dans le partage des risques entre le partenaire public et le partenaire privé. Les risques devront en effet être recensés et répartis entre les parties. Ces risques sont par exemple le risque de conception, le risque de construction, le risque lié aux délais, à l’enveloppe financière, au respect des objectifs de performance ou énergétique de l’ouvrage, le risque lié à la maintenance… Un équilibre dans le partage des risques devra être trouvé. En principe, l’entreprise est responsable des risques liés à la conception, à la construction, à l’exploitation et à la maintenance des ouvrages. La personne publique prend généralement à sa charge les risques d’ordre réglementaire et politique.
L’entreprise pourra faire peser un surcoût sur la personne publique suite au transfert des risques ou disposer de garanties permettant de couvrir tout ou partie des risques (cf II B.). Certains transferts de risques ne seront peut-être pas pertinents de la part de l’acheteur mais l’entreprise pourra alors justifier de renchérir le coût du contrat. La bonne rédaction du contrat s’avère ainsi primordiale pour appréhender au mieux le prix des loyers que l’entreprise devra faire peser sur l’acheteur.
Financièrement, ce marché de partenariat est très lourd. L’acheteur devra donc, préalablement au lancement de la procédure de passation d’un marché de partenariat, procéder à certaines études soumises pour avis à l’autorité compétente :
- Une évaluation préalable du mode de réalisation du projet (EMRP) et avis de l’organisme expert : cette étude doit permettre de s’assurer que le marché de partenariat est la meilleure option possible pour réaliser le projet. L’EMRP est soumise pour avis à la mission d’appui au financement des infrastructures, placé auprès du ministre chargé de la réglementation de la commande publique. La mission se prononce dans un délai de 6 semaines à compter de sa saisine. Au-delà de ce délai et à défaut de réponse expresse, l’avis est réputé favorable.
La MAPPP laisse donc place à la mission d’appui au financement des infrastructures (dite Fin-Infra). Ce service est chargé de contrôler l’évaluation préalable de tous les projets de marchés de partenariat, c’est-à-dire également ceux des collectivités territoriales et non plus seulement ceux de l’État et de ses établissements publics comme c’était le cas jusqu’en 2015. Il s’agit cependant pour elle d’un avis obligatoire mais non conforme(Réponse ministérielle n° 75592, JOAN 12 mai 2015).
- L’étude de soutenabilité budgétaire et l’avis des services du ministre chargé du budget : cette étude va appréhender tous les aspects financiers du projet. Cette étude est réalisée en même temps que l’EMRP. Un avis motivé doit être rendu par le ministre chargé du budget. Le ministre se prononce dans un délai de 6 semaines à compter de sa saisine. Au-delà de ce délai et à défaut de réponse expresse, l’avis est réputé favorable.
L’étude de soutenabilité budgétaire va retranscrire la capacité de la personne publique contractante à faire face à l’ensemble des engagements budgétaires futurs liés à la réalisation du contrat. Cette étude apprécie donc les conséquences du contrat sur les finances publiques et la disponibilité des crédits. Cette mesure était préconisée par le Sénat et la Cour des comptes. L’avantage pour l’entreprise réside dans le fait qu’en principe, cette étude doit permettre de prendre en compte tous les coûts.
Ces études sont ainsi soumises à des organismes experts de l’État, ce qui peut laisser penser à une mise sous tutelle des collectivités territoriales malgré leur principe de libre administration.
- Un bilanest établi à partir des éléments développés dans l’EMRP. Ce bilan doit être favorable c’est-à-dire que pour avoir recours au marché de partenariat, l’acheteur doit prouver que de tous les montages contractuels, ce type de marché est la meilleure solution. L’acheteur doit procéder à une appréciation globale des avantages et des inconvénients du recours au marché de partenariat, compte tenu notamment de l’étendue du transfert de la maîtrise d’ouvrage du projet au titulaire du marché, du périmètre des missions susceptibles de lui être confiées, des modalités de partage des risques entre l’acheteur et l’entreprise et du coût global du projet.
- Seuil : Des seuils ont été mis en place en 2015. Le recours au marché de partenariat est interdit pour les opérations dont la valeur estimée est inférieure aux seuils fixés par le décret du 25 mars 2016 à savoir, 2 millions d’euros pour les systèmes d’information notamment ; 5 millions d’euros pour les infrastructures, construction ou rénovation de bâtiments sans entretien-maintenance et 10 millions d’euros pour les autres marchés.
L’objectif de la réforme de 2015 est donc de sécuriser le recours aux marchés de partenariat pour les personnes publiques en introduisant quelques nouveautés mais celles-ci restent assez peu nombreuses et ne traduisent pas une réelle fiabilité de l’encadrement de cet outil contractuel. La sécurisation budgétaire des PPP est dès lors à nuancer.
B. Une sécurisation budgétaire nuancée des PPP d’aujourd’hui pour les personnes publiques et les garanties pour l’entreprise
Ces études, la fixation de ces seuils, doivent permettre d’éviter les dérives de construire des bâtiments, juste à des fins politiques. En principe, aujourd’hui, le marché de partenariat ne peut être mis en œuvre que si son recours est la formule la plus avantageuse pour la personne publique. Il est donc impossible de passer un marché de partenariat en cas de situation urgente ou complexe comme c’était le cas en 2004 puisque tous les éléments du choix contractuel retenu doivent être analysés. De plus, aujourd’hui la dette des PPP est en principe reconnue dans les comptes publics.
Ces modifications sont-elles un frein pour les entreprises et la conclusion de ces contrats ? Ces modifications sont, à mon sens, plus sécures pour l’entreprise, pour obtenir les financements auprès des banques car cela engendre plus de garanties financières du paiement des loyers ; et toutes ces obligations pour les personnes publiques ne modifieront pas leur comportement puisque les acheteurs peuvent « orienter » les études. Les acheteurs publics ne concluront alors, à mon sens, pas moins de PPP.
La Cour des comptes, dans son rapport public de février 2015, indique d’ailleurs que, les collectivités territoriales ne respectent pas les obligations comptables. Elle cite plusieurs exemples retraçant le non-respect de ces obligations. Elle cite la Ville de Rouen qui n’a pas fait apparaître le contrat de partenariat (25 millions d’euros) dans l’encours de dette de la commune. La Cour précise que les communes échappent à leur obligation de comptabiliser la dette afférente au contrat de partenariat en créant des structures annexes (société d’économie mixte (SEM) pour la Ville de Biarritz ou encore transfert à un établissement public (EPCC) pour la Ville de Perpignan).
La Cour soulève l’insuffisance des évaluations préalables dressées par les personnes publiques. Elle indique que « le contrat de partenariat est souvent préféré aux formules classiques de la commande publique à partir d’une évaluation préalable orientée qui repose souvent sur une analyse comparative biaisée, tant en ce qui concerne l’analyse des risques et de la performance que les conditions financières ».
Pour la Cour des comptes donc :
- Les analyses sont contestables,
- Les règles de la concurrence sont parfois méconnues,
- Le suivi du contrat est insuffisant,
- Les obligations comptables et budgétaires ne sont pas respectées,
- …
Il est à noter que certains (en particulier des universitaires) pensent que cette réforme est un frein aux PPP et que de nombreuses collectivités lui préfèreront les concessions. C’est une possibilité mais encore faudra-t-il que l’acheteur transfère réellement le risque d’exploitation, critère déterminant de la concession, au titulaire du contrat. Pour qu’il y ait véritablement concession, le contrat ne devra pas pouvoir être requalifié de marché public.
Il convient de rappeler que dans le marché de partenariat, les risques vont être partagés entre l’acheteur et la société. Il faudra donc être vigilent à la rédaction du contrat. Le partage des risques doit être cohérent et l’entreprise être en mesure d’assumer les risques à sa charge.
Comme déjà indiqué, ce marché de partenariat est très lourd financièrement et repose sur la société qui va s’endetter. Ce marché peut s’avérer sensible aux risques contentieux et plus largement à l’insécurité juridique. L’entreprise va toutefois disposer de certaines garanties.
La société n’a pas les fonds nécessaires pour avancer le prix du marché. Elle va donc faire appel à des fonds externes. Pour obtenir l’emprunt, la société va pouvoir céder au financeur les créances futures, c’est-à-dire les loyers dont elle dispose sur la personne publique. Ce montage est le mécanisme de la cession Dailly. En consentant à cette cession, la personne publique s’engage à payer directement les prêteurs. Les risques financiers sont ainsi neutralisés pour l’organisme prêteur. Attention, toutefois, l’acceptation de cette cession ne peut intervenir qu’au moment de la livraison des ouvrages conformément à l’article L 313-29-1 du Code Monétaire et Financier. Or, c’est surtout pendant la phase de conception-construction que la société va engager le plus de dépenses. Depuis la réforme, le marché de partenariat peut donner lieu à des avances et acomptes pour faire face à ces dépenses mais cela devra être prévu au contrat.
Le mécanisme de la cession Dailly n’est donc pas parfait. Pour y pallier, la société pourra mettre en place ce que l’on appelle l’accord autonome qui est un contrat conclu entre la société, la personne publique et le prêteur et qui va prévoir qu’en cas d’annulation du contrat, l’indemnité due par la personne publique au titulaire couvrira bien tous les postes, en particulier le capital restant dû, les frais financiers… L’accord autonome a donc fondamentalement pour objet de faire obligation à la personne publique de verser aux banques, en cas d’annulation du contrat, les indemnités auxquelles elles avaient droit en application du contrat annulé. En contrepartie, les prêteurs acceptent de rendre immédiatement disponibles les financements. L’accord autonome répond ainsi à la préoccupation des établissements bancaires qui apportent au titulaire du contrat les fonds nécessaires à la réalisation du projet. Le Conseil d’État a jugé qu’un accord autonome régissant les conséquences indemnitaires de l’annulation d’un contrat public constitue l’accessoire d’un tel contrat et relève donc du juge administratif (CE 11 mai 2016 n° 383768).
Enfin, la société va disposer de garanties en cas d’annulation, de résolution ou de résiliation du contrat par le juge faisant suite au recours d’un tiers. En effet, dans ce cas, la société pourra prétendre à l’indemnisation des dépenses engagées conformément au contrat dès qu’elles ont été utiles à l’acheteur au regard de l’article L 2235-1 et 2 du Code de la Commande Publique. Cela apporte les garanties nécessaires aux prêteurs puisque dans les dépenses utiles, on va retrouver la prise en compte des frais liés au financement. Il convient de préciser que si une clause du marché de partenariat fixe les modalités d’indemnisation du titulaire en cas de fin du contrat décidée par le juge, elle est réputée divisible des autres stipulations du contrat. Est ainsi consacrée une sécurité juridique des parties au contrat et de leurs prêteurs. Toutefois, ce dispositif de sécurisation juridique se trouve limité aux seuls cas d’annulation, résolution faisant suite aux recours de tiers. Sont ainsi exclus les litiges inter partes mais il convient de préciser que les contentieux relatifs aux marchés de partenariat résultent quasiment toujours de recours de tiers.
Une fois de plus, l’entreprise devra être vigilante dans la rédaction du contrat.
C’est de la bonne rédaction des contrats que l’entreprise sera protégée et qu’elle engendrera le plus de profits.
Conclusion
Cette présentation des PPP et de la comptabilité publique peut soulever une réflexion : la société ne doit-elle pas se poser une question sur l’attractivité des territoires avant de se lancer dans un projet de PPP, qui est un projet de long, voire très long terme… Le service public proposé à la population peut être attractif et faire venir du monde sur le territoire mais à l’inverse, il peut faire fuir les habitants si la collectivité augmente les impôts pour faire face à ses loyers par exemple. Cela sous-entend la question : une personne publique est-elle réellement un payeur fiable ?
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