A l’occasion des 3èmes printemps « Droit et numérique » et dans le cadre du réseau « Smart Cities & Administration numérique, Droit et gouvernance », le laboratoire IRENEE de l’Université de Lorraine et la Chaire de droit public de l’Université de la Sarre organisent un colloque consacré au thème : « L’acte administratif numérique ».
Le colloque se tiendra à la faculté de droit de Metz, le 5 juin 2020.
L’événement est organisé avec le soutien du LUE Impact Digitrust, par le biais de la thèse de doctorat d’Alexandr Stepanov portant sur le thème « L’acte administratif numérique ».
Les actes du colloque seront publiés en octobre 2020 aux Editions juridiques franco-allemandes sous forme de livre et par voie numérique à la Revue générale du droit.
Le comité d’organisation est ainsi composé :
Jean-Bernard Auby, Philippe Cossalter, Pierre Tifine, Alexandr Stepanov.
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Modalités pratiques et délais
Les propositions d’intervention et d’article seront soumises, en format synthétique, en Word ou PDF à l’adresse philippe@cossalter.net au plus tard le 28 février 2020. Elles seront d’un maximum de 3 pages A 4 (environ 7500 signes).
Le comité d’organisation se réserve la possibilité, pour des raisons matérielles, de retenir des sujets qui ne seront traités que sous la forme d’article publié, sans intervention orale. Les candidats s’engagent par avance à accepter ces modalités de diffusion.
Les articles et interventions seront en langue française et exceptionnellement, en langue anglaise.
Les interventions et articles proposés en français pourront être des traductions d’interventions et articles déjà assurés dans une autre langue que le français.
La Chaire de droit public assurera la traduction des articles et interventions de langue italienne et allemande, dans la limite de ses capacités techniques.
Les versions écrites devront être rendues avant le 31 juillet 2020, délai impératif. Aucune dérogation ne sera accordée.
Argument
L’acte administratif est le principal instrument des relations entre l’administration et le citoyen.
Il intervient dans tous les domaines de la vie en société : pour obtenir une autorisation (occupation du domaine public, permis de construire), un avantage à discrétion (subvention) ou sur la base d’un droit acquis (nomination sur concours) ; pour se voir imposer une sujétion ou une interdiction (actes de police administrative). Il se rencontre dans tous les champs : police, urbanisme, construction, fonction publique.
L’analyse du résultat final du processus (l’acte) est classique et très bien documentée. L’étude du processus d’élaboration est plus récente.
La dématérialisation des procédures et plus encore l’intervention de l’algorithme et de l’intelligence artificielle changent fondamentalement le paradigme de l’étude de l’acte administratif.
L’intervention d’une « aide » à la décision rompt le lien direct qui existe entre la volonté humaine et l’expression de volonté s’imposant aux destinataires. C’est la principale problématique de l’acte administratif numérique.
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L’acte administratif numérique peut être appréhendé dans sa forme ou son processus d’élaboration.
La forme numérique ou électronique de l’acte pose d’importantes questions, concernant notamment la signature, la conservation et le mode de preuve. Mais le caractère statique de la problématique de l’acte administratif numérique permet son appréhension sous l’angle de la seule légalité externe (compétence du signataire, forme et procédure d’adoption), sans faire intervenir d’autres considérations.
C’est lorsque l’acte administratif est à « élaboration numérique » qu’émergent les difficultés véritables.
Le processus d’élaboration de l’acte administratif au moyen d’un ou de plusieurs algorithmes peut poser de nombreuses questions de légalité, aussi bien externe (forme, compétence, procédure) qu’interne (fondements légaux, motifs de la décision).
Sur le plan de la légalité externe toutes les questions posées par l’acte de forme numérique se posent à nouveau, de manière encore plus prégnante.
Quant à la légalité interne, tous les moyens du contrôle peuvent être impactés. Si le code est de la loi dans le sens où le code prédétermine strictement le résultat qui sera obtenu alors il est nécessaire de contrôler la conformité de cette « loi interne » à la loi en général. Si l’algorithme se fonde sur des données voire suffisamment de données pour que l’on parle de « big data » l’on sait que l’exactitude matérielle des faits fondant une décision fait normalement l’objet d’un contrôle de la part du juge administratif. Comment cela peut encore être le cas avec un jeu de données potentiellement illimité ou en tout cas non dénombrable ? Enfin, la décision adoptée, qu’elle le soit par l’algorithme ou sur son fondement, doit respecter les principes de la qualification juridique des faits. Or rapporter les faits au droits est, en raison des nombreux « biais » pouvant frapper le processus électronique de décision, parfois très difficile à établir.
D’un autre côté, la participation partielle ou complète de l’algorithme au processus de décision pourrait permettre de réduire une part d’arbitraire administratif, par l’abondance et la précision des données, qui peut permettre de mieux ajuster les décisions aux situations particulières et par la standardisation et la rigidification des critères décisionnels que permet l’algorithme (même si c’est sous une forme peu transparente pour le citoyen).
Les actes concernés. Les actes administratifs concernés peuvent être à première vue uniquement les actes administratifs individuels, c’est-à-dire les actes nominatifs. L’étude des actes réglementaires doit cependant être envisagée, ainsi que les actes planificateurs, comme les actes de planification urbaine.
La recherche pourra en effet éventuellement porter sur des actes pris pour l’administration d’une smart cities, comme l’ouverture ou la fermeture automatique de voies de circulation, des restrictions temporaires de fourniture d’énergie, etc. De telles décisions, si elles peuvent être considérées comme des actes administratifs, ne peuvent être que réglementaires.
Comparaison. L’approche comparée aura une importance fondamentale. L’étude de la théorie et du régime juridique concret de l’acte administratif numérique en Italie et en Allemagne sera en particulier très appréciée.
Interdisciplinarité. La connaissance intime des processus d’élaboration de l’acte administratif électronique est un impératif pour la recherche entreprise. Il s’agit de comprendre par quels processus un « algorithme » peut participer à un processus de décision. Il est également nécessaire de se consacrer aux procédures de conception des algorithmes pour savoir qui prend (ou qui ne prend pas) en charge la rédaction des cahiers des charges et comment ceux-sont sont « traduits » en code. Il est également nécessaire de prendre la mesure du caractère contrôlable (ou incontrôlable) du code source et du jeu de données utilisé pour aboutir à telle ou telle solution.
Mais il est nécessaire de rester très attentif à conserver au travail une exigence éminemment juridique. La recherche doit être utile aux juristes de droit public et à l’administration publique et ne pas être une cote mal taillée, un travail mal ajusté entre deux mondes qui s’ignorent et qu’il faut faire dialoguer. Les juristes appelés à analyser l’acte administratif numérique seront aussi bien des universitaires que des membres de l’administration ou des juristes d’entreprise.
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