L’assassinat de Samuel Patty le 16 octobre 2020 nous invite à nous pencher sur un aspect méconnu du droit de la phaléristique (La phaléristique est la science auxiliaire de l’Histoire ayant pour objet l’étude des ordres, médailles et décorations) : l’attribution à titre posthume d’une décoration. En effet, Samuel Patty a été fait après sa mort chevalier de l’ordre de la Légion d’honneur et commandeur de l’ordre de Palmes académiques, en reconnaissance de sa défense de la liberté d’expression (Cf. https://www.challenges.fr/top-news/samuel-paty-recevra-la-legion-d-honneur-et-les-palmes-academiques-dit-blanquer_733403 (consulté le 27 nov. 2020)).
Ce témoignage post-mortem est habituel : c’est la reconnaissance par la Nation du plus grand sacrifice qui puisse être fait pour elle, à savoir le prix de sa vie. Il permet aussi d’assurer, au moins pour les enfants de sexe féminin du défunt décoré d’un des deux ordres nationaux ou de la médaille militaire (Pour les enfants de sexe masculin peut être attribuée la qualité de pupille de la Nation. Ce fut le cas pour le fils de Samuel Patty), la possibilité d’intégrer les maisons d’éducation de la Légion d’honneur (La disposition concerne aussi les petites-filles et arrière-petites-filles des décorés (art. R. 121 Code LH)).
Les exemples sont nombreux et souvent médiatisés, en écho à une vaste émotion populaire. On peut ainsi citer les treize militaires français morts au Mali dans le crash de leur hélicoptère le 25 novembre 2019 (chevaliers de la Légion d’honneur), les trois sauveteurs des Sables d’Olonne disparus en portant secours à un chalutier en détresse le 7 juin 2019 (chevaliers de la Légion d’honneur), ou encore le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame, tué lors de l’attaque terroriste du 23 mars 2018 à Tarbes (commandeur de la Légion d’honneur, médaillé de la Gendarmerie Nationale avec palme de bronze, médaillé pour acte de courage et de dévouement, médaillé de la sécurité intérieure échelon Or ; le tout à titre posthume), pour ne prendre que les exemples les plus récents.
D’un point de vue juridique, l’attribution à titre posthume d’une décoration repose sur une double dérogation : dérogation d’une part aux règles classiques de la personnalité (I) et dérogation d’autre part aux règles classiques d’attribution d’une décoration (II).
I – Récompenser les morts : l’expression ultime de la personnalité juridique ?
Le lien entre décoration et personnalité juridique ne semble pas aller de soi. En effet, le droit de la phaléristique est souvent vu comme se rattachant au droit public, l’attribution des décorations étant une prérogative régalienne (Cf. art. R. 214 Code LH et art. 433-14 C. pén.). Pourtant, le droit de la phaléristique trouve ses racines, ses origines dans le droit civil et plus particulièrement dans le droit de la personnalité.
D’un point de vue civiliste, les décorations sont l’apanage des personnes, les biens étant exclus de leur champ d’attribution (exception récente faite pour les animaux utilisés par l’armée et les forces de l’ordre (L’empathie actuelle envers les fidèles compagnons des hommes et l’exemple anglo-saxon font qu’il arrive que l’on décore des animaux par mimétisme. Si le comportement héroïque du pigeon Vaillant au Fort-de-Vaux en juin 1916 ne lui avait valu qu’une citation et une bague d’honneur (voir sur ce sujet : BARATAY (E.), Bêtes de tranchées, des vécus oubliés, CNRS éditions (Paris), 2013.), les temps changent et le chien policier Choc, de la police nationale de Marseille, s’est vu remettre la médaille d’argent pour actes de courage et de dévouement le 29 mars 2016 en récompense d’une carrière fructueuse de chien renifleur de drogues (https://www.francebleu.fr/infos/insolite/le-chien-policier-de-marseille-decore-de-la-medaille-d-honneur-1459261656, consulté le 27 nov. 2020). )). L’analyse des normes juridiques révèle le lien profond qui existe entre les décorations et les personnes. Ainsi, la Constitution du 4 octobre 1958, bien qu’elle ne fasse pas de référence expresse aux ordres et décorations (L’art. 13 fait toutefois référence au « grand chancelier de la Légion d’honneur », nommé en conseil des ministres.), réserve « les distinctions sociales » aux êtres humains (art. 1er DDHC « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ».). Le Code de la Légion d’honneur, de la médaille militaire et de l’ordre national du Mérite de 1962 (Décret n° 62-1472 du 28 novembre 1962, modifié par le décret n° 2018-1007 du 21 nov. 2018 (JO 22 nov. 2018)) mentionne explicitement les personnes comme seules récipiendaires possibles (Cf. art. R. 16 (Légion d’honneur), R. 136 (médaille militaire), R. 172 (ordre du mérite) Code LH) d’une décoration. La Cour de cassation a consacré en octobre 2018 (Civ. 1ère 24 oct. 2018, pourvoi n° 17-26.166. Cf. BEIGNIER (B.), « Le rouge et le noir – Du port des insignes des distinctions honorifiques sur la robe d’avocat », JCP-G 2018-1336 ; BOYER (P.-L.), « Justice et paix s’embrassent. Une éthique de l’avocat-citoyen », Lexbase Hebdo – Professions, 2018, n° 274) la non-opposition entre système de récompenses et principe d’égalité, principe propre aux personnes.
Cette logique juridique ne doit pas surprendre puisque les décorations ont été instituées par les hommes pour les hommes en vue de récompenser les mérites éminents ou distingués rendus au service de la Nation, que ce soit à titre civil ou militaire (ordres), ou en vue de récompenser des actions d’éclats et des services fidèles ou de commémorer des participations à divers événements (médailles). Ces différentes actions à l’origine des récompenses relèvent de la catégorie des faits juridiques en tant qu’agissements accomplis par des personnes auxquels la loi attache des effets de droit. (Art. 1100-2 C. civ. ).
Si le lien entre droit de la phaléristique et droit des personnes est assez évident, il est plus délicat de trouver la place occupée par les décorations au sein du droit de la personnalité. Ce droit, ou plutôt ces droits -tant ils sont pluriels- résultent d’une construction déterminée par la doctrine à partir d’éléments législatifs et jurisprudentiels (Cf. SAINT-PAU (J.-Ch., dir.), Droits de la personnalité, éd. LexisNexis (Paris), 2013, p.467-468) et ignorent traditionnellement la question des médailles. Ni le droit au respect de la vie privée, ni le droit au secret des correspondances, ni le droit au respect du corps humain ne les prennent en considération. Le droit à l’honneur se centre quant à lui trop sur la diffamation et l’injure pour y inclure cette thématique.
Restent les droits sur l’identité. Les décorations, en venant reconnaître les mérites et les vertus, participent à l’identité publique d’un individu au même titre que son nom, ses différents titres (universitaire, nobiliaire, etc.) ou sa profession. A la différence d’un titre nobiliaire, les décorations ne peuvent pas être comprises comme un « accessoire honorifique du nom patronymique » (Cf. CAA PARIS 5 mars 2020, n°19PA02876, Inédit au recueil Lebon ; BRIN (H.-L.), « La survie des titres de noblesse dans le droit moderne », RTD civ., 1969.205 ; RENAULT-BRAHINSKY (C.), L’essentiel du droit des personnes, éd. Gualino (Paris), 2018, p. 67-68.) puisqu’elles ne sont pas -par nature- héréditaires.
Toutefois, à l’instar des titres de noblesse, les décorations peuvent figurer en marge des actes de l’état civil, qu’il s’agisse des actes de naissance ou reconnaissance, de mariage et de décès. Bien que non expressément prévues par l’article 34 et suivants du Code civil parmi les énonciations légales, la jurisprudence a admis depuis longtemps les énonciations qui aident à « mieux constater l’identité des personnes dénommées dans ces actes » (Cass. 1er juin 1863, S. 1863-1-447).
Les premiers textes régissant la mention des décorations dans les actes d’état civil sont assez anciens et émanent de la Grande Chancellerie de la Légion d’honneur : la circulaire du 3 mai 1807, amendée par les instructions du 7 avril 1904 imposent l’inscription systématique de la qualité de légionnaire et de médaillé militaire en marge des actes. La circulaire du 20 mai 1916 étend ce bénéfice aux médailles de la Croix de guerre. L’annexe de l’instruction générale du 11 mai 1999 relative à l’état civil règlemente actuellement la question en la matière (Point 128.4 de l’annexe à l’instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 (JO 28 juil. 1999)).
Si les décorations sont l’apanage des personnes (donc de sujets vivants pour se conformer à la définition classique du droit civil) auxquelles l’État entend manifester sa reconnaissance, est-il logique dès lors de récompenser les morts ?
Le droit civil n’est pas étranger à certaines extensions des effets de la personnalité une fois la mort arrivée. La perte de l’être aimé, ravi trop tôt à des proches épleurés, et le nécessaire respect qu’il convient d’avoir envers la dépouille mortelle qui fut autrefois vivante ont amené l’existence d’un certain nombre de droits accordés aux morts. Le respect dû au cadavre (art. 16-1-1 C. civ. (Loi n° 2008-1350 du 19 déc.2008 (JO 20 déc.2008))), et aux sépultures (art. 225-17 C. pén.), ou encore l’existence du mandat à effet posthume (art. 812 à 812-7 C. civ. (Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 (JO 24 juin 2006))) montre que le législateur s’est très tôt saisi de ces questions.
Si cette extension de la personnalité vise en premier lieu les restes mortels du défunt, elle produit aussi des effets concernant les vivants, notamment dans la manière dont le souvenir du défunt va être conservé dans la société. À ce titre, l’autorisation du mariage posthume (art. 171 C. civ. (Loi n°59-1583 du 31 décembre 1959 (JO 8 jan. 1960). Cf. aussi : HAUSER (J.), note sous CA Nancy 15 jan. 2016, RTDCiv. 2016, p. 323-324.)) est le mécanisme juridique le plus proche de l’attribution d’une décoration à titre posthume.
Légalisé en 1959 à la suite de la catastrophe du barrage de Malpasset, le mariage posthume permettait aux enfants naturels à naître et dont les pères étaient morts dramatiquement de pouvoir bénéficier de règles successorales plus avantageuses. Bien que la distinction entre enfants légitimes et naturels ait définitivement été abolie en 2005 (Ord. n° 2005-759 du 4 juillet 2005 (JO 6 juillet 2005)), le mariage posthume a été maintenu. Son utilité s’est déplacée de justifications purement économiques à des considérations d’ordre sentimental.
L’attribution de décoration à titre posthume répond à la même volonté d’ordre extrapatrimonial : il s’agit de récompenser les mérites d’une personne décédée avant que la République n’ait eu le temps de le faire, et d’accorder ainsi un honneur mérité.
II – Récompenser les morts : un régime dérogatoire d’attribution des décorations.
Lorsque les décorations furent instituées, il n’avait jamais été prévu qu’elles soient décernées à titre posthume. Les ordres religieux et hospitaliers ainsi que les ordres de chevalerie reposent sur l’idée d’une communauté de personnes fidèles à un idéal ou à un souverain. Les ordres de mérite -auxquels appartiennent l’ensemble des ordres de la République française- ont été institués pour récompenser les personnes méritantes, donc vivantes. Les morts, qui ont toujours existés pendant les guerres, n’avaient pas de récompenses particulières, si ce n’est l’éventuelle érection d’un monument.
C’est le traumatisme de la Grande guerre qui a amené la réflexion sur l’attribution de décorations à titre posthume. Le nombre de morts et d’actions héroïques furent tel qu’il était impossible de ne pas tenir compte du sacrifice de ces milliers de soldats. La création de la mention « mort pour la France » (Loi du 2 juillet 9115 et loi du 28 février 1922 (JO 1er mars 1922)) en 1915 participe à cet élan de reconnaissance nationale. L’innovation législative interviendra à l’extrême fin de la guerre sous l’impulsion de Louis Nail, ministre de la justice, et prendra la forme du décret du 1er octobre 1918 (Décret du 1er oct. 1918 relatif à l’attribution des décorations posthumes (JO 5 oct. 1918)) qui règlemente les cas de la Légion d’honneur et de la médaille militaire.
Dans le rapport qu’il fait au Président de la République, Louis Nail fixe les grandes lignes directrices qui fondent toujours le principe d’attribution des décorations à titre posthume : les militaires comme les civils peuvent être honorés, l’attribution de la décoration se fait aussi bien en temps de paix qu’en temps de guerre, et les décorations conférées aux défunts auront la même valeur que celles données aux vivants (« comme s’il s’agissait de croix conférées à des personnes vivantes » (Ibid.)). Toutefois, les décorations posthumes ne seront pas prélevées sur les contingents habituels de décorations : « ces décorations, appelées à grever les contingents semestriels mis à la disposition des ministres, priveront ces derniers d’un nombre égal de croix de chevalier de la Légion d’honneur réservées, en principe, aux vivants. » (Rapport au Président de la République, décret du 26 oct. 1920 modifiant le décret du 1er oct. 1918 (JO 4 nov.1920)).
Le décret du 27 février 1919 (Décret du 27 février 1919 relatif aux décorations posthumes (JO 5 mars 1919)) précise que les frais de chancellerie et le prix de l’insigne sont offerts : au deuil des familles ne devaient pas s’ajouter des considérations bassement pécuniaires.
Les dispositions relatives à l’attribution à titre posthume n’ont été codifiées dans le Code de la Légion d’honneur qu’en 1981 (Décret du n°81-998 du 9 novembre 1981, JO 11 nov. 1981) : art. R. 26 (Légion d’honneur), R. 141 (médaille militaire). La formulation légale utilisée, « personnes tuées ou blessées dans l’accomplissement de leur devoir et qui sont reconnues dignes de recevoir cette distinction », devient la formule standard de légistique pour l’attribution posthume. Il est à noter qu’aucun article ne prévoit l’attribution de l’ordre national du Mérite à titre posthume (La lecture de l’art. R. 202 a parfois été mal interprété (« L’administration de l’ordre national du Mérite est confiée à la grande chancellerie de l’ordre national de la Légion d’honneur, qui l’exerce selon les règles applicables à la Légion d’honneur »). L’administration de l’ordre fait ici référence aux attributions du chancelier et du conseil de l’ordre, ainsi qu’à son régime financier, et non à l’esprit de l’ordre (cf. R. 112 à R. 120 Code LH). Pour une erreur d’interprétation, voir : https://www.finistere.gouv.fr/Demarches-administratives/Medailles-et-decorations-officielles/Ordre-national-du-merite/Foire-aux-questions/Peut-on-decerner-l-ordre-national-du-Merite-a-titre-posthume (consulté le 27 nov. 2020)) : le législateur a estimé que le sacrifice d’une vie ne peut être récompensé que par le premier ordre national (Des initiatives privées existent pour attribuer l’ordre national du Mérite à titre posthume : par exemple, une pétition a circulé en avril 2020 en ligne pour demander cette attribution aux soignants et forces de l’ordre morts en fonction de la Covid-19. Voir : https://www.mesopinions.com/petition/politique/remise-ordre-nationale-merite-titre-posthume/84573 (consulté le 27 nov. 2020)). Nos recherches nous ont conduit à identifier une remise posthume de l’ordre national du Mérite, mais le défunt avait été nommé de son vivant et était mort avant sa réception (Voir : https://www.latribunerepublicaine.fr/849/article/2019-10-22/bellegarde-revivez-la-remise-de-la-medaille-de-l-ordre-du-merite-jacky-dessemme (consulté le 27 nov. 2020)), ce qui est différent d’une attribution à titre posthume.
L’attribution à titre posthume de la Légion d’honneur amène une conséquence inattendue : le défunt ne peut pas être considéré comme « membre » de l’ordre, cette qualité étant réservée aux vivants puisqu’elle se perd à la mort (Art. R. 50 Code LH). De ce fait, le défunt ne jouit pas des droits et privilèges qui y sont attachés (Art. R. 58 à R. 88 Code LH). Il ne peut pas refuser l’ordre national qui lui est proposé (pour les vivants, la qualité de membre s’opérant lors de la réception dans l’ordre, il est possible de refuser la Légion d’honneur entre la nomination et la réception), sauf à avoir fait connaître de son vivant son refus de principe d’être décoré. Le traitement est évident exclu. Les honneurs funèbres militaires pourraient être possibles, uniquement dans le cas où une dignité de l’ordre (grand-officier, grand’croix) est conférée lors de la cérémonie de funérailles (Art. R. 88 Code LH, et art. 45 et 48 du décret n° 89-655 du 13 septembre 1989 (JO 15 septembre 1989)).
En ce qui concerne les autres ordres de la République, la situation n’est pas homogène. Les dispositions régissant l’ordre de la Libération sont muettes sur la possibilité d’attribution à titre posthume (Ord. du 16 nov. 1940 créant l’Ordre de la Libération (JO de la France Libre 10 fév.) ; décret du 29 jan.1941 réglant l’organisation de l’Ordre de la Libération (JO de la France Libre du 25 fév. 1941) ; ord. du 7 jan. 1944 relative à l’attribution de la Croix de la Libération (JO 22 janv. 1944)). La pratique montra que De Gaulle en fit pourtant un grand usage (270 croix sur 1061 compagnons) dans le cours laps de temps d’octroi de l’ordre. L’ordre territorial de Tahiti Nui prévoit quant à lui depuis 2007 (Arrêté n° 1155 CM du 14 août 2007 portant modification de l’arrêté n° 660 CM du 24 juin 1996 modifié portant statut de l’ordre de Tahiti Nui) la possibilité d’une concession posthume, ce qui a été le cas effectif en 2015 (Cf. MARTIN (M.), « L’ordre de Tahiti Nui », Bull SAMNLHOC n° 23, 2020, à paraître).
Pour les ordres ministériels, si l’ordre du Mérite maritime peut être conféré de manière posthume depuis sa création en 1930 (Art. 6 décret du 16 mai 1930 (JO 20 mai 1930) et art. 11 décret n° 2002-88 du 17 jan. 2002 (JO 19 jan. 2002).), l’ordre des Palmes académiques (créé en 1955), l’ordre du Mérite agricole (créé en 1883) et l’ordre des Arts et Lettres (créé en 1957) ont dû respectivement attendre 2002 (Art. 6 du décret n° 2002-563 du 19 avril 2002 modifiant l’art. 8 du décret n° 55-1323 du 4 octobre 1955 (JO 24 avril 2002) ; désormais art. D. 911-70 Code de l’éducation), 2013 (Nouvel art. 5-4 du décret n° 59-729 du 15 juin 1959 modifié ; instauré par le décret n° 2013-555 du 26 juin 2013 (JO 28 juin 2013)) et 2015 (Nouvel art. 4-1 du décret n° 57-549 du 2 mai 1957 modifié, instauré par le décret n° 2015-263 du 6 mars 2015 (JO 8 mars 2015)) pour connaître cette possibilité. L’ordre du Mérite maritime pouvant être accordé à des militaires de la marine nationale, la faculté de pouvoir l’attribuer à titre posthume avait été commandée par les leçons de la Première Guerre mondiale. Les autres ordres ministériels ne présentaient pas la même nécessité (il est rare qu’un artiste ou un agriculteur meure dans « l’accomplissement de son devoir »), et c’est l’esprit égalitaire du début du XXIe qui a remédié à cette situation.
Un certain nombre de médailles peuvent elles-aussi être données à titre posthume (médaille de l’aéronautique, médaille de la gendarmerie nationale, médaille d’honneur pour actes de courage et de dévouement, etc.) ; il s’agit essentiellement de décorations à caractère militaire -les forces armées étant davantage susceptibles de mourir pendant une action- ou distinguant des actes de bravoure.
L’instruction du 6 juin 1979 (Instruction n° 24693/DEF/C/K du 6 juin 1979, modifiée) fixe le cérémonial pour la remise de la décoration posthume : l’insigne est déposé sur le cercueil au cours de la cérémonie des funérailles. Si l’attribution a lieu après la cérémonie, il est possible pour un parent du défunt de recevoir la décoration, qui lui sera alors déposé dans les mains, écrin ouvert. Comme pour les vivants, l’attribution de la médaille amène le prononcé d’une formule rituelle. Lorsque la remise a lieu lors des obsèques, la même formule que les vivants est employée, prolongeant de manière visible la personnalité juridique du défunt, comme si cette reconnaissance était un ultime acte au seuil de l’autre monde. Lorsque la remise a lieu postérieurement aux obsèques, une formule différente est utilisée, ne laissant aucune ambiguïté sur le caractère posthume de l’attribution (« au nom de…, nous remettons à [veuve, veuf, fils, fille, selon le cas] l’insigne de… qui lui a été décerné »).
Pour terminer cette étude consacrée à cette expression singulière et outre-tombe de la personnalité, il est remarquable de constater que l’attribution à titre posthume est le seul cas qui permet de mentionner des décorations sur un acte d’état civil déjà dressé. La règle habituelle veut que l’on n’indique pas en marge d’un acte de l’état civil les décorations attribuées postérieurement à la réception de cet acte. Il en va évidemment différemment pour les décorations posthumes : si l’acte de décès a déjà été dressé ou transcrit, il peut être complété par voie de rectification, à la requête des intéressés. Témoignage pour l’éternité de la reconnaissance étatique à une personnalité juridique trop tôt éteinte.
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