Pour 2024, le taux de prélèvement obligatoire devrait s’établir à 44,1 du PIB1, la dette publique à 109 % du PIB et le déficit à 4,4 % du PIB2. Ces données chiffrées miroitent sensiblement avec celles données par la loi de programmation 2023-2027, quoiqu’ayant une portée normative limitée3, prévoyait que le solde structurel pour l’année 2024 s’établirait à 3,7 % du PIB4.
S’agissant des administrations publiques centrales, la loi de finances pour 2024 fait apparaître un besoin prévisionnel de financement de 297 milliards d’euros ; chiffre se composant principalement du montant prévisionnel du déficit budgétaire de 146 milliards d’euros auquel s’ajoutent 155 milliards d’euros d’amortissement de dette à moyen et long terme venant à échéance en 20245. Ce besoin devrait être couvert essentiellement par des émissions de dettes à moyen et long terme nettes de rachats pour 285 milliards d’euros et par des ressources affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement pour 6,5 milliards d’euros6.
La situation des administrations publiques locales, traditionnellement plus saine que celle des deux autres secteurs, n’est pas sans inquiéter la Cour des comptes s’agissant des départements et des régions. Si la situation financière des communes et des intercommunalités a continué de s’améliorer entre 2022 et 2023 (+ 1,2 Md€ d’épargne brut et + 1,4 Md€ d’épargne nette des remboursements d’emprunts)7, l’épargne brute des régions et surtout des départements a diminué (respectivement -0,4 mds et -4,7 mds pour l’exercice 2023)8. Cela s’explique en particulier, pour les départements, par la diminution des droits de mutation à titre onéreux, très dépendants de la conjoncture économique9 et, pour les deux échelons, par la stagnation des recettes de TVA. En parallèle, les dépenses de fonctionnement ont augmenté, compte tenu notamment de l’incidence de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique. Malgré cela, la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoit que les administrations publiques locales contribuent au redressement des finances publiques en réduisant leurs dépenses et leur endettement rapportés et en réalisant un important excédent de financement en 2026 et 202710.
Enfin, les comptes de la Sécurité sociale (régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale et fonds de solidarité vieillesse) ont dégagé un déficit de 10,8 Md€ pour l’exercice 2023. La Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 prévoit un déficit des régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse de 10,5 Md€, similaire donc à celui de 202311. Toutefois, pour atteindre ce chiffre, les dépenses de l’ONDAM devraient diminuer pour suivre une croissance de 3,2 % (à titre de comparaison, cette croissance était de 4,8 % en 2023)12, ce qui revient à 3,5 Md€ d’économies. La Cour des comptes s’inquiète des déficits qui se creusent après 2024, sans perspective de retour à l’équilibre13.
Ces données budgétaires sont d’autant plus inquiétantes que, suite à la suspension des règles du Pacte de stabilité et de croissance pendant la crise liée à la Covid-1914, les États membres se sont accordés pour réviser le pacte de stabilité et de croissance. Sur la forme, le plan budgétaire et structurel à moyen terme remplace les anciens programmes de stabilité et de convergence et programmes nationaux de réforme transmis par les États à la Commission européenne dans le cadre du Semestre européen15. Sur le fond, en cas de dépassement du plafond de déficit public (3 % du PIB) ou de dette publique (60 % du PIB) par un État, la Commission européenne publie une trajectoire de référence censée aider l’État à préparer son plan national et définir en particulier une trajectoire de retour au respect des critères du pacte de stabilité. Enfin, le volet répressif du pacte a également été renforcé puisque les amendes en cas de déficit excessif s’élèvent désormais à 0,05 % du PIB et s’accumulent tous les six mois, jusqu’à ce que l’État prenne des mesures efficaces pour résorber son déficit et sa dette.
La version révisée du Pacte de stabilité et de croissance prévoit qu’en cas de dépassement, un État dispose de quatre ans pour retrouver une trajectoire viable de réduction des dépenses publiques, période qui peut être prolongée de trois ans si certains critères sont respectés et si le Conseil l’accepte. Ce dernier peut également autoriser un État à s’écarter de sa trajectoire en cas de circonstances exceptionnelles, lesquelles, on le sait, ont de nombreuses fois justifié des dérogations et permis de s’écarter des exigences du Pacte de stabilité. On pense par exemple à l’assouplissement obtenu en 2005 par la France et l’Allemagne16 ou plus récemment à la crise sanitaire17.
Quelles perspectives ?
La prévision de croissance sur laquelle s’établit la loi de finances pour 2024 a fait l’objet de discussions au cours de la période étudiée. Initialement prévue à 1,4 %18. Elle a été revue à la baisse dans le Programme de stabilité 2024-2027 à 1,0 %, prévision que le Haut Conseil des finances publiques a jugée « optimiste mais par hors d’atteinte »19. En effet, dans une note de conjoncture publiée en septembre 2024, l’INSEE prévoit que, sur l’ensemble de l’année 2024, la croissance atteindrait +1,1 %20.
Si la prévision de croissance est toujours sujette à caution, la Cour des comptes alerte sur plusieurs sources d’incertitudes. D’une part, « la programmation pluriannuelle des finances publiques n’intègre pas pleinement les enjeux liés au réchauffement climatique et à la transition énergétique »21. D’autre part, la Cour juge indispensable « d’engager résolument l’effort de réduction du déficit public pour replacer la dette sur une trajectoire descendante »22. Elle recommande ainsi de poser une trajectoire crédible, efficace et partagée et au moyen de diminution des dépenses publiques les moins pertinentes et d’augmentation de la fiscalité, en particulier la fiscalité du carbone.
Dans ce contexte, à la fois de plus en plus contraint et incertain, s’ajoutent désormais des incertitudes politiques tenant à la composition de la nouvelle Assemblée nationale. Le Premier ministre avait transmis le 20 août dernier un projet de budget pour 2025 avec des lettres plafonds à chaque ministère, projet prévoyant un niveau de dépenses publiques équivalant à celui prévu pour 202423. Le nouveau premier Ministre, Michel Barnier, n’a pas encore livré le contenu du projet de budget qu’il devra déposer sur le bureau de l’Assemblée nationale d’ici au 1er mardi du mois d’octobre. Tout cela augure une forte actualité juridique dans les semaines à venir.
- Article liminaire de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. [↩]
- Article liminaire de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. [↩]
- S. Damarey, « Le rejet de la loi de programmation pluriannuelle 2023-2027 : heurts et conséquences », RDP, n° 3, 2024, p. 154. [↩]
- Article 2 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. [↩]
- Article 166 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. [↩]
- Article 166 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024. [↩]
- Cour des comptes, Les finances publiques locales 2024, Fascicule 1, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements, p. 9. [↩]
- Cour des comptes, Les finances publiques locales 2024, Fascicule 1, Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements, p. 106. [↩]
- Rapport OFGL 2024, Fiche départements, p. 52. [↩]
- Article 17 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. [↩]
- Annexe A de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024. [↩]
- Cour des comptes, La sécurité sociale, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024, p. 49. [↩]
- Cour des comptes, La sécurité sociale, Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mai 2024, p. 48. [↩]
- Communication from the commission to the council on the activation of the general escape clause of the Stability and Growth Pact, 20.3.2020, COM(2020) 123 final. [↩]
- (10) Règlement (UE) 2024/1263 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2024 relatif à la coordination efficace des politiques économiques et à la surveillance budgétaire multilatérale et abrogeant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil. [↩]
- V. par exemple, P. Veroni. « Politiques budgétaires en Europe : stabilité programmée », Lettre de l’OFCE, 2005, 266, pp.1-4. [↩]
- V. Déclaration des ministres des finances de l’UE sur le pacte de stabilité et de croissance à la lumière de la crise du COVID-19, communiqué de presse n°173/20, 23/03/2020. [↩]
- Projet de loi de finances pour 2024, Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 27 septembre 2023, n° 1680. [↩]
- Avis n° HCFP-2024-2 du 16 avril 2024 relatif aux prévisions macroéconomiques associées au Programme de stabilité pour les années 2024 à 2027. [↩]
- INSEE, Point de conjoncture du 9 septembre 2024. [↩]
- Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juillet 2024, p. 14. [↩]
- Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juillet 2024, p. 14. [↩]
- F. Ribet, « Une loi de finances 2025 « introuvable » et un budget « réversible » ? », JCP A, n° 37, 16 septembre 2024, act. 460. [↩]