CAA de BORDEAUX
N° 18BX02655
Inédit au recueil Lebon
BJMR Avocats, avocat
lecture du jeudi 14 février 2019
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B…F…a demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre / Les Abîmes à lui verser, en application des dispositions de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 20 000 euros en réparation des préjudices qu’il a subis.
Par ordonnance n° 1800205 du 26 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 juillet 2018, et un mémoire en production de pièces, enregistré le 30 août 2018, M.F…, représenté par MeC…, demande au juge des référés de la cour :
1°) d’annuler cette ordonnance du 26 juin 2018, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe ;
2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre / Les Abîmes (CHU) à lui verser, en application des dispositions de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, une provision de 20 000 euros en réparation des préjudices qu’il a subis ;
3°) de mettre à la charge du CHU une somme de 3 000 euros, s’agissant de la première instance et de 5 000 euros s’agissant de l’appel, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– c’est au prix d’une erreur de droit que le premier juge a rejeté sa demande au motif qu’elle n’avait pas été précédée d’une réclamation adressée au CHU ;
– par ailleurs, le rapport de l’expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe a conclu à l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité du CHU ;
– il est, par conséquent, en droit d’obtenir la réparation des préjudices que cette faute lui a fait subir ;
– ainsi, il est fondé à obtenir la condamnation du CHU à lui verser une somme de 20 000 euros à titre de provision sur les indemnités destinées à réparer l’ensemble de ses préjudices.
Par un mémoire, enregistré le 10 août 2018, le CHU et la société AM Trust International Underwriters, représentés par MeA…, concluent au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge de l’appelant la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de la justice administrative.
Ils soutiennent que :
– c’est à bon droit que le premier juge a rejeté comme irrecevable la demande M. F…, en ce qu’elle n’avait pas été précédée d’une réclamation adressée au CHU ;
– en effet, depuis le 1er janvier 2017 cette obligation est prescrite par les dispositions du second alinéa de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, y compris à l’égard des demandes de versement d’une provision adressées au juge des référés ;
– par ailleurs et à titre subsidiaire, l’obligation à laquelle se réfère l’appelant est sérieusement contestable, de sorte que sa demande ne saurait être accueillie ;
– il apparaît ainsi qu’aux dires mêmes de l’expert les séquelles que présentent l’intéressé sont en lien avec sa fracture de la cheville et non avec les interventions pratiquées au CHU ;
– de plus, ces interventions ont présenté des difficultés techniques dont l’expert n’a pas tenu compte ;
– en tout état de cause, il n’a pas à devoir supporter les conséquences d’une mauvaise prise en charge dans un autre établissement ;
– enfin, l’assureur du CHU au moment des faits était la société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), qui doit, par voie de conséquence, le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.
Par un mémoire, enregistré le 27 août 2018, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeD…, conclut à sa mise hors de cause.
Par un mémoire, enregistré le 5 septembre 2018, la société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), représentée par MeE…, conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire à sa mise hors de cause.
Il soutient que :
– l’ordonnance attaquée a à juste titre rejeté la demande de M. F…comme irrecevable en l’absence d’une réclamation préalable adressée au CHU, obligation qui découle, depuis le 1er janvier 2017, de l’article R. 421-1 du code de justice administrative ;
– en tout état de cause, l’obligation dont se prévaut l’appelant est juridiquement contestable, tant en raison de l’absence de faute commise que de l’absence de lien entre cette faute éventuelle et les préjudices qu’il allègue ;
– par ailleurs, il n’a pas à garantir le CHU, dont il n’est plus l’assureur depuis le 1er octobre 2013, dans la mesure, notamment, où M. F…n’a sollicité une expertise qu’en 2014.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Le président de la cour a désigné M. G…en application du livre V du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. F…a saisi, sur le fondement de l’article R. 541-1 du code de justice administrative, le 19 mars 2018, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe d’une demande tendant à obtenir la condamnation du centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre / Les Abîmes (CHU) à lui verser une somme de 20 000 euros à titre de provision. Il relève appel de l’ordonnance du 26 juin 2018 par laquelle ledit juge des référés a rejeté sa demande comme irrecevable.
Sur la demande de provision :
2. Aux termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative : » Le juge des référés peut, même en l’absence d’une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l’a saisi lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable (…) « . Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s’assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l’existence avec un degré suffisant de certitude.
3. Aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction applicable en l’espèce : » La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle « .
4. S’il résulte des termes de l’article R. 541-1 du code de justice administrative que l’office du juge des référés peut s’exercer en l’absence d’une demande au fond, l’article R. 421-1 du même code impose au requérant de rechercher, avant toute saisine du juge, la position de l’administration sur sa demande tendant au versement d’une somme d’argent. L’existence d’une procédure obligatoire de liaison du contentieux indemnitaire fait ainsi obstacle à ce que l’auteur d’une demande de provision saisisse directement le juge administratif, y compris le juge statuant en référé.
5. Il est constant que M. F…n’a saisi le CHU d’aucune demande indemnitaire avant de présenter sa demande au juge des référés de du tribunal administratif de la Guadeloupe. Par suite, c’est à bon droit que ce dernier a rejeté sa demande de provision comme manifestement irrecevable.
6. Il résulte de ce qui précède que M. F…n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés de du tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Sur les conclusions relatives à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. F…demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
8. Il n’y a pas lieu, par ailleurs et dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions du CHU et de la société AM Trust International Underwriters relatives aux frais exposés par eux et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : La requête n° 18BX02655 de M. F…est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du CHU et de la société AM Trust International Underwriters relatives aux frais exposés et non compris dans les dépens sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B…F…, au centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre / Les Abîmes, à la société AM Trust International Underwriters, à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à l’Établissement national des invalides de la Marine, à la société hospitalière des assurances mutuelles, et à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.
Fait à Bordeaux, le 14 février 2019.
Le juge des référés,
Éric Rey-Bèthbéder
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance.
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N° 18BX02655