RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
La commune de Lissieu demande à la Cour :
– d’annuler le jugement n° 1003512 du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé les marchés qu’elle a conclus les 20 octobre, 6 et 9 novembre 2009 avec les sociétés Despras TP (lot n° 1), Farjot Constructions (lot n° 2), SMAC (lot n° 3), Roche (lot n° 4), Menuiserie Dougnier (lot n° 5), Suscillon (lot n° 6), SRPB (lot n° 7), Carrelages Berry (n° 8), Sols Beaujolais (lot n° 9), Process Sols (lot n° 10), Celium Energies (lot n° 11), Baur (lot n° 14), Grandeurs Nature (lot n° 15), Espaces Verts des Monts d’Or (lot n° 16), Tambe (lot n° 17), Mussidan Sièges (lot n° 18), Scenetec (lot n° 19) et Cuny Professionnel (lot n° 20) en vue de la construction du pôle culturel et festif Le Lissiaco ;
– de rejeter la demande du préfet du Rhône tendant à l’annulation de ces marchés, ou, à titre subsidiaire, d’en prononcer la résiliation à compter du 4 octobre 2012 ;
Elle soutient que :
– l’analyse de la valeur technique des offres s’est faite uniquement au regard des critères mentionnés au dossier de consultation et n’a pas intégré l’appréciation des capacités techniques, professionnelles et financières des candidats ;
– c’est à tort que le Tribunal a estimé qu’il ne pouvait être recouru à la procédure négociée pour les marchés relatifs aux lots nos 5, 14 et 17 ; c’est à juste titre que la procédure initiale a été déclarée infructueuse ; la commune avait entendu déclarer sans suite la procédure relative au lot n° 17, compte tenu des risques contentieux inhérents à l’erreur de calcul de la société Tambe ; elle pouvait initier une nouvelle procédure après une nouvelle mesure de publicité avec d’autres entreprises et les conditions de la consultation n’ont pas été modifiées ; le montant du lot n° 17 justifiait le recours à la procédure négociée et une mesure de publicité adaptée ; à titre subsidiaire, le moyen ne pourrait être fondé que pour le lot n° 17 si la Cour rejetait la demande de substitution de motif ;
– les premiers juges n’ont pas tenu compte, pour déterminer la mesure qu’appelaient les vices constatés, de l’atteinte à l’intérêt général et aux droits des contractants découlant du fait que le bâtiment avait été livré et réceptionné, ce qui fait disparaître les garanties contractuelles, fait perdre toute possibilité d’assurer le bâtiment pour les éventuels vices de construction et, s’agissant de la responsabilité civile, fait perdre les subventions acquises ;
Elle soutient en outre que le maintien de l’annulation aurait des conséquences irrémédiables, car elle aggrave les risques pour la commune, en lui faisant perdre toute possibilité d’assurer le bâtiment, tant pour les vices de constructions que pour la responsabilité civile, en l’obligeant à restituer les subventions perçues, et en raison du risque de recours indemnitaires par des concurrents évincés et du risque de ne pas récupérer l’intégralité des sommes versées aux attributaires des marchés annulés ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 mars 2013, présenté pour la société SRPB, représentée par ses gérants ;
La société SRPB s’associe à la requête de la commune de Lissieu et demande à la Cour de condamner le préfet du Rhône à lui verser une somme de 1 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
La société s’associe aux moyens développés par la commune ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2013, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête ;
Le préfet soutient que :
– il y a eu confusion au cours des commissions d’appel d’offre des 18 septembre, 5 et 28 octobre 2009, entre les critères à prendre en compte pour la sélection des candidatures et ceux à retenir pour l’appréciation des offres, s’agissant des lots n°1 à 4, 6 à 11, 15, 16 et 18 à 20 ;
– il n’était pas possible de déclarer infructueuse la procédure pour les lots 5, 14 et 17, ce qui rend illégale la relance de la procédure dans un cadre négocié ; les modalités de la mise en oeuvre de la négociation ne sont pas connues ; s’agissant du lot n° 17, les précisions de la commune militent dans le sens d’une demande de précisions adressée aux candidats à la procédure initiale ;
Le préfet reprend les autres moyens invoqués en première instance, tirés de :
– l’absence de qualification de certains candidats, en particulier ceux des lots n° 2 et n° 9, qui amenait à les évincer au stade de l’examen des candidatures ;
– l’absence d’examen des candidatures par la commission d’appel d’offres ;
– la circonstance que l’offre de l’attributaire du lot n° 9 était incomplète et aurait dû être écartée ;
– l’imprécision et l’incohérence de l’analyse des offres ;
– l’évolution du barème mis en oeuvre pour l’analyse des offres entre le premier examen par la CAO, ayant donné lieu à une procédure infructueuse et le second, s’agissant du lot n° 18 ; le barème fixé dans le règlement de consultation n’a pas été respecté ; le classement de l’offre pour ce lot amène à retenir une entreprise qui n’a pas déposé l’offre économiquement la plus avantageuse ;
Le préfet soutient en outre que l’annulation des marchés ne porte pas d’atteinte excessive à l’intérêt général, dès lors que la perte des garanties de parfait achèvement et décennale est sans lien avec la possibilité d’assurer le bâtiment au titre de la responsabilité civile, qu’une telle atteinte n’a pas été alléguée en première instance, que la perte de subvention alléguée n’est pas établie ;
Vu l’ordonnance du 29 avril 2013 fixant la clôture de l’instruction au 30 mai 2013 ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 24 mai 2013, par lequel la commune de Lissieu conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;
La commune soutient en outre que le jugement est irrégulier, car le préfet devait dissocier sa demande en plusieurs requêtes, à tout le moins en distinguant les marchés passés en procédure négociée de ceux passés en appel d’offres et car les premiers juges n’ont pas suffisamment recherché si l’annulation des marchés allait porter ou non atteinte à l’intérêt général ; que l’examen des candidatures et des offres a eu lieu au cours de deux séances distinctes et que la maladresse rédactionnelle du rapport d’analyse des offres ne saurait caractériser une irrégularité ; que le préfet ne démontre aucune irrégularité substantielle ;
Vu le courrier adressé aux parties le 21 novembre 2013 en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative ;
La Cour a informé les parties qu’elle était susceptible de relever d’office l’irrecevabilité du moyen contestant la régularité du jugement (insuffisance de motivation), relevant d’une cause juridique distincte des moyens invoqués dans le délai d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 12 décembre 2013 :
– le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,
– les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,
– les observations de MeB…, représentant la commune de Lissieu, et de MeA…, représentant la société SRPB ;
1. Considérant que, par jugement du 4 octobre 2012, le Tribunal administratif de Lyon a annulé, à la demande du préfet du Rhône, les marchés conclus les 20 octobre, 6 et 9 novembre 2009 entre la commune de Lissieu et les sociétés Despras TP (lot n° 1), Farjot Constructions (lot n° 2), SMAC (lot n° 3), Roche (lot n° 4), Menuiserie Dougnier (lot n° 5), Suscillon (lot n° 6), SRPB (lot n° 7), Carrelages Berry (n° 8), Sols Beaujolais (lot n° 9), Process Sols (lot n° 10), Celium Energies (lot n° 11), Baur (lot n° 14), Grandeurs Nature (lot n° 15), Tambe (lot n° 17), Espaces Verts des Monts d’Or (lot n° 16), Mussidan Sièges (lot n° 18), Scenetec (lot n° 19) et Cuny Professionnel (lot n° 20) en vue de la construction du pôle culturel et festif Le Lissiaco, rejeté le déféré préfectoral en tant qu’il portait sur les marchés attribués aux sociétés ASDE et Espaces Verts des Monts d’Or (lots nos 12 et 13) et écarté les conclusions indemnitaires de la société SRPB ; que la commune de Lissieu relève appel de ce jugement, en tant qu’il annule les marchés précités ; que la société SRPB s’associe à cette requête ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant que le jugement attaqué a été régulièrement notifié à la commune de Lissieu le 17 octobre 2012 ; qu’elle n’a, dans sa requête enregistrée le 14 décembre 2012, soulevé que des moyens contestant le bien-fondé du jugement ; que le moyen tiré de l’insuffisante motivation du jugement, qui relève d’une cause juridique distincte et qui n’est pas d’ordre public, n’a été invoqué que dans son mémoire en réplique enregistré le 24 mai 2013, soit après l’expiration du délai d’appel ; que ce moyen est, par suite, irrecevable ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Lissieu au déféré préfectoral :
3. Considérant que les marchés contestés, qui ont fait l’objet d’un appel d’offre commun, concernent la même opération de construction d’un pôle culturel et festif par le commune de Lissieu ; qu’ils présentent, dès lors, entre eux un lien suffisant alors même que certains ont, après avoir été déclarés infructueux, été attribués à l’occasion d’une procédure négociée ; que, par suite, le déféré préfectoral pouvait, sans encourir l’irrecevabilité, faire l’objet d’une requête unique ;
Sur la validité des marchés :
4. Considérant que le préfet peut, sur le fondement des dispositions des articles L. 2131-2 et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, saisir le juge administratif d’un déféré tendant à l’annulation d’un marché public passé avec formalités préalables ou de conventions portant concession ou affermage de services publics locaux ; qu’eu égard à son objet, un tel recours formé à l’encontre d’un contrat relève du contentieux de pleine juridiction ; qu’il appartient au juge, lorsqu’il constate l’existence de vices entachant la validité du contrat, d’en apprécier les conséquences, après avoir pris en considération la nature de l’illégalité commise, soit en décidant que la poursuite de l’exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues par les parties, soit en prononçant, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général, la résiliation du contrat ou son annulation ;
En ce qui concerne les lots nos 1 à 4, 6 à 11, 15 et 16, et 18 à 20 :
5. Considérant, d’une part, qu’aux termes du I de l’article 52 du code des marchés publics : » (…) Les candidatures (…) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l’avis d’appel public à la concurrence, ou, s’il s’agit d’une procédure dispensée de l’envoi d’un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. / L’absence de références relatives à l’exécution de marchés de même nature ne peut justifier l’élimination d’un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d’examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats. / L’appréciation des capacités professionnelles, techniques et financières d’un groupement est globale (…) » ; qu’aux termes du II de l’article 58 du même code, relatif à la procédure d’appel d’offres ouvert : » Au vu des seuls renseignements relatifs aux candidatures, les candidatures qui ne peuvent être admises en application des dispositions de l’article 52 sont éliminées. Cette élimination est effectuée par la commission d’appel d’offres pour les collectivités territoriales (…) » ; qu’aux termes du I de l’article 53 dudit code, dans sa version alors applicable : » Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde : / 1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l’objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l’environnement, les performances en matière d’insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d’utilisation, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l’assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d’exécution. D’autres critères peuvent être pris en compte s’ils sont justifiés par l’objet du marché (…) » ; qu’aux termes du II de l’article 59 de ce code, régissant la procédure d’appel d’offres ouvert : » Après classement des offres finales conformément au III de l’article 53, l’offre économiquement la plus avantageuse est choisie en application du ou des critères annoncés dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans le règlement de la consultation. Ce choix est effectué par la commission d’appel d’offres pour les collectivités territoriales (…) » ;
6. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 6 du règlement de la consultation : » Jugement des offres / Leur jugement sera effectué dans les conditions prévues aux articles 52 à 55 du code des marchés publics / 6-1 Sélection des candidatures / Les critères intervenant au moment de la sélection des candidatures sont les garanties, les capacités techniques et financières de l’entreprise ainsi que les références sur les trois dernières années. / Au vu des renseignements fournis par l’entreprise, le pouvoir adjudicateur élimine les candidatures qui, en application de l’article 52 du code des marchés publics, ne peuvent pas être admises. / L’offre des candidats ainsi éliminés est retournée sans avoir été analysée.(…) » ; que selon l’article 6-2 du même règlement, le jugement des offres devait s’opérer, pour déterminer l’offre économiquement la plus avantageuse, par application de deux critères d’égale importance, à savoir le prix des prestations et la valeur technique de l’offre, ce dernier critère, noté sur 10 points, étant lui-même subdivisé en trois sous-critères, tenant tout d’abord aux moyens humains et matériels prévus affectés au chantier, ensuite à la provenance des principales fournitures et aux fiches techniques correspondantes, et enfin aux procédés et moyens d’exécution envisagés, ces sous-critères étant notés selon un barème différencié selon les lots concernés ;
7. Considérant qu’il résulte tant des dispositions précitées du code des marchés publics que du règlement de la consultation que les capacités du candidat, établies notamment par ses références professionnelles, doivent être appréciées au moment de l’examen des candidatures et que les offres des seules entreprises dont la qualification professionnelle a été jugée satisfaisante doivent être ensuite examinées, la sélection se faisant entre ces offres par application des critères fixés en application du II de l’article 53 du code, précisés par les sous-critères énoncés par le règlement de la consultation et justifiés par l’objet du marché ou ses conditions d’exécution ; que par suite, la qualification professionnelle des candidats, qui figure au nombre des éléments d’appréciation permettant seulement de sélectionner les candidatures, ne peut plus légalement être prise en compte lors de la phase d’analyse des offres, afin de déterminer celle qui est économiquement la plus avantageuse ;
8. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la commission d’appel d’offres s’est réunie à trois reprises afin de procéder à la sélection des candidatures puis à l’analyse des offres et à l’attribution des lots ; que la séance du 18 septembre 2009 a été consacrée à l’ouverture des plis et à la vérification du caractère complet des offres et que ce n’est qu’au cours des séances du 5 octobre 2009 ainsi que, s’agissant du lot n°18, lors de la séance du 28 octobre 2009, que la commission a procédé à l’analyse des offres et à l’attribution des lots ; qu’il ressort des mentions portées dans le tableau d’analyse des offres, préparé par le maître d’oeuvre, annexé aux procès-verbaux, et que les membres de la commission d’appel d’offre doivent être regardés comme s’étant approprié qu’à cette occasion, il a été tenu compte, pour l’appréciation du mérite des offres, d’éléments relatifs aux références des entreprises ou à leurs qualification, s’agissant des lots nos 1, 2, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 15, 16 et 20 ; qu’en se fondant sur les références et qualifications des entreprises candidates, et non pas exclusivement sur la valeur intrinsèque des offres pour sélectionner pour chacun de ces lots l’offre économiquement la plus avantageuse, la commission d’appel d’offres a méconnu la procédure prévue par les articles précités du code des marchés publics et du règlement de la consultation ; que, dès lors, les marchés précités ont été attribués à l’issue d’une procédure irrégulière ; que, par suite, la commune de Lissieu n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que les premiers juges ont relevé cette irrégularité ;
9. Considérant toutefois que cette irrégularité, qui n’affecte ni le consentement de la personne publique ni le bien-fondé du contrat et, en l’absence de toutes circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, ne justifie pas que soit prononcée l’annulation de ces marchés ; que, par suite, la commune de Lissieu est fondée à soutenir qu’en absence d’irrégularité substantielle, c’est à tort que les premiers juges ont opté pour l’annulation de ces marchés ; qu’il appartient à la Cour, statuant par la voie de l’effet dévolutif, de se prononcer sur les conséquences qu’appellent les vices entachant ces marchés ;
10. Considérant qu’il n’est pas contesté que les marchés en question ont été entièrement exécutés ; que, par suite, il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation des marchés passés pour les lots nos 1, 2, 4, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 15, 16 et 20 ;
11. Considérant en revanche qu’il ne résulte pas de l’instruction, s’agissant des lots n°3, 18 et 19, que le pouvoir adjudicateur aurait apprécié les offres des concurrents en se fondant sur d’autres éléments que sur leur valeur intrinsèque ; qu’en particulier, dans les circonstances de l’espèce, l’expression » capacités techniques et financières « , utilisée dans le tableau d’analyse des offres, pouvait être regardée comme se rapportant aux sous-critères permettant d’apprécier la valeur technique, tels que le mode opératoire et les moyens humains et matériels ; qu’ainsi, la commune de Lissieu est fondée à soutenir que c’est à tort que le Tribunal a estimé que la procédure d’attribution de ces marchés était entachée d’une telle irrégularité ;
12. Considérant toutefois qu’il appartient à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par le préfet du Rhône ;
13. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées du I de l’article 53 du code des marchés publics que le pouvoir adjudicateur a l’obligation de choisir l’offre la plus avantageuse ;
14. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le marché relatif au lot n° 18 a été attribué à la société Mussidan Sièges, alors qu’il ressort du tableau annexé au procès-verbal de la commission d’appel d’offres du 28 octobre 2009 que cette société avait reçu la note de 10,5 sur 20, la société Signature F ayant pour sa part obtenu la note de 12 ; qu’en absence de toute explication, le pouvoir adjudicateur a méconnu l’obligation de désigner le candidat présentant l’offre la plus économiquement avantageuse ; qu’eu égard notamment au caractère grossier de cette erreur, la commune doit, dans les circonstances particulières de l’espèce, être regardée comme ayant eu la volonté de favoriser un candidat ; que, par suite, la commune de Lissieu n’est pas fondée à se plaindre de ce que le Tribunal a annulé le marché relatif au lot n° 18 ;
15. Considérant par ailleurs que le moyen tiré de l’absence de qualification des candidats n’est pas, s’agissant des lots nos 3 et 19, assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé ; qu’il ne résulte pas de l’instruction, et notamment des procès-verbaux des séances de la commission d’appel d’offres, que cette dernière se serait abstenue de toute analyse des qualifications et références professionnelles des offres ou qu’elle se serait cru liée par une proposition effectuée par le maître d’oeuvre ; que la commission d’appel d’offres, en s’appropriant les appréciations portées dans le tableau d’analyse des offres, a suffisamment motivé sa décision ; que, nonobstant les différences purement formelles de libellé, la commission a bien fait application des critères et sous-critères prévus par le règlement de la consultation ; que la circonstance qu’une même appréciation » mémoire sans intérêt » ait donné lieu à l’attribution d’une note de 1 ou de 2, qui correspond à l’utilisation par le pouvoir adjudicateur de sa marge de manoeuvre, en lui permettant d’affiner son évaluation des mérites respectifs des offres les unes par rapport aux autres, ne peut, de ce seul fait, être regardée comme constituant une irrégularité ; qu’il suit de là qu’aucun moyen n’est fondé, s’agissant des lots nos 3 et 19 ; que la commune de Lissieu est fondée à soutenir que c’est à tort que le Tribunal a annulé ces marchés ;
En ce qui concerne les lots nos 5, 14 et 17 :
16. Considérant qu’aux termes de l’article 34 du code des marchés publics : » Une procédure négociée est une procédure dans laquelle le pouvoir adjudicateur négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs opérateurs économiques » ; qu’aux termes de l’article 35 du même code, dans sa version alors applicable : » Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer des marchés négociés dans les cas définis ci-dessous. / I.-Peuvent être négociés après publicité préalable et mise en concurrence : / 1° Les marchés et les accords-cadres pour lesquels, après appel d’offres ou dialogue compétitif, il n’a été proposé que des offres irrégulières ou inacceptables que le pouvoir adjudicateur est tenu de rejeter. Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l’avis d’appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. Une offre est inacceptable si les conditions qui sont prévues pour son exécution méconnaissent la législation en vigueur, ou si les crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer. / Les conditions initiales du marché ne doivent toutefois pas être substantiellement modifiées. / Le pouvoir adjudicateur est dispensé de procéder à une nouvelle mesure de publicité s’il ne fait participer à la négociation que le ou les candidats qui, lors de la procédure antérieure, ont soumis des offres respectant les exigences relatives aux délais et modalités formelles de présentation des offres ; / (…) II. – Peuvent être négociés sans publicité préalable et sans mise en concurrence : / (…) 3° Les marchés et les accords-cadres passés selon la procédure de l’appel d’offres, pour lesquels aucune candidature ou aucune offre n’a été déposée ou pour lesquels seules des offres inappropriées ont été déposées, pour autant que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées et qu’un rapport soit communiqué, à sa demande, à la Commission européenne. Est inappropriée une offre qui apporte une réponse sans rapport avec le besoin du pouvoir adjudicateur et qui peut en conséquence être assimilée à une absence d’offre (…) » ; qu’il suit de là que, sauf disposition particulière, le pouvoir adjudicateur ne peut recourir à la procédure négociée que lorsqu’aucune offre n’a été déposée ou que seules des offres inappropriées, irrégulières ou inacceptables ont été proposées ;
17. Considérant, en premier lieu, s’agissant du lot n° 5, qu’il résulte de l’instruction que l’unique offre reçue s’est vu attribuer une note de 15/20 par la commission d’appel d’offre ; que, si la commune allègue que le prix apparaissait particulièrement bas, elle ne démontre pas que cette offre pouvait effectivement être qualifiée d’anormalement basse et n’allègue au demeurant pas avoir mis en oeuvre la procédure exigée par l’article 55 du code des marchés publics ; que, par ailleurs, l’absence de références relatives à l’exécution de marchés de même nature ne pouvait justifier à elle seule, l’élimination d’un candidat ; que, si la commune allègue que le mémoire technique n’apportait pas de précision sur des éléments importants du projet, elle ne l’établit pas ; que, dans ces conditions, il ne résulte pas de l’instruction que cette offre pouvait être qualifiée d’inappropriée, d’irrégulière ou d’inacceptable ; que, dès lors, c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le recours à la procédure négociée était irrégulier ;
18. Considérant, en deuxième lieu, que, s’agissant du lot n° 17, la commune de Lissieu soutient que les quatre offres reçues étaient difficilement comparables et comportaient des erreurs dans leur formulation, notamment du fait de confusions entre les ouvrages prévus en base et ceux prévus en option ; que, toutefois, le caractère peu comparable des offres est en lui-même sans incidence sur l’appréciation du caractère inapproprié, irrégulier ou inacceptable de celles-ci ; que, si la commune soutient en appel que l’offre la plus avantageuse était entachée d’une erreur de calcul, celle-ci était, d’après le maître d’oeuvre, demeurée sans incidence sur le classement final ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que cette erreur était de nature à faire regarder cette offre comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable ; que le pouvoir adjudicateur, qui a choisi de relancer le marché en procédure négociée pour l’attribuer immédiatement après que la commission d’appel d’offres ait déclaré le marché infructueux, alors même qu’a été mise en oeuvre une procédure de publicité, ne peut utilement soutenir que la procédure pouvait être déclarée sans suite compte tenu des risques contentieux, dès lors qu’une déclaration sans suite n’aurait pu permettre une telle attribution du marché en question et qu’une déclaration sans suite pour un tel motif, tenant à des considérations d’intérêt général, nécessitait une décision prise par le pouvoir adjudicateur, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce, et non par la seule commission d’appel d’offres ; que, par suite, c’est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le marché en question avait été conclu suite à un recours irrégulier à la procédure négociée ;
19. Considérant toutefois que l’irrégularité affectant la procédure d’attribution des lots nos 5 et 17, qui n’affecte ni le consentement de la personne publique ni le bien fondé du contrat et, en l’absence de toutes circonstances particulières révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, ne justifie pas que soit prononcée l’annulation de ces marchés ; que, par suite, la commune de Lissieu est fondée à soutenir qu’en absence d’irrégularité substantielle, c’est à tort que les premiers juges ont opté pour l’annulation de ces marchés ; qu’il appartient à la Cour, statuant par la voie de l’effet dévolutif, de se prononcer sur les conséquences qu’appellent les vices entachant ces marchés ;
20. Considérant qu’il n’est pas contesté que les marchés en question ont été entièrement exécutés ; que, par suite, il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation des marchés passés pour les lots nos 5 et 17 ;
21. Considérant, en troisième lieu, s’agissant du lot n° 14, qu’il résulte des mentions portées sur le tableau d’analyse des offres, non contestées par le préfet, que l’offre de l’entreprise Baur ne comportait pas le planning exigé par le règlement de la consultation et que l’autre offre, présentée par la société Dejean, n’était pas conforme au cahier des clauses techniques particulières quant à la mise en oeuvre de fixation de plaques ; qu’ainsi, l’ensemble des offres présentées était irrégulier ; que, dès lors, c’est à juste titre que la procédure a été déclarée infructueuse ; que les autres moyens invoqués par le préfet du Rhône doivent être écartés s’agissant du lot n°14, par les mêmes motifs que ceux formulés au point 15 ; que, dans ces conditions, la commune de Lissieu est fondée à soutenir que c’est à tort que le Tribunal a annulé le marché correspondant à ce lot ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société SRPB sur ce fondement ;
DÉCIDE :
Article 1 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 1003512 du 4 octobre 2012 est annulé en tant qu’il procède à l’annulation des marchés conclus les 20 octobre, 6 et 9 novembre 2009 par la commune de Lissieu et, respectivement, les sociétés Despras TP (lot n° 1), Farjot Constructions (lot n° 2), SMAC (lot n° 3), Roche (lot n° 4), Menuiserie Dougnier (lot n° 5), Suscillon (lot n° 6), SRPB (lot n° 7), Carrelages Berry (n° 8), Sols Beaujolais (lot n° 9), Process Sols (lot n° 10), Celium Energies (lot n° 11), Baur (lot n° 14), Grandeurs Nature (lot n° 15), Espaces Verts des Monts d’Or (lot n° 16), Tambe (lot n° 17), Scenetec (lot n° 19) et Cuny Professionnel (lot n° 20).
Article 2 : Il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation des marchés conclus les 20 octobre, 6 et 9 novembre 2009 par la commune de Lissieu et, respectivement, les sociétés Despras TP (lot n° 1), Farjot Constructions (lot n° 2), Roche (lot n° 4), Menuiserie Dougnier (lot n° 5), Suscillon (lot n° 6), SRPB (lot n° 7), Carrelages Berry (n° 8), Sols Beaujolais (lot n° 9), Process Sols (lot n° 10), Celium Energies (lot n° 11), Grandeurs Nature (lot n° 15), Espaces Verts des Monts d’Or (lot n° 16), Tambe (lot n° 17) et Cuny Professionnel (lot n° 20).
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Lissieu, aux sociétés Despras TP, Farjot Constructions, SMAC, Roche, Menuiserie Dougnier, Suscillon, SRPB, Carrelages Berry, Sols Beaujolais, Process Sols, Celium Energies, ADSE, Baur, Espaces Verts des Monts d’Or, Tambe, Mussidan Sièges, Scenetec, Cuny Professionnel, Fontainerie E2A Grandeur Nature et au ministre de l’intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Rhône.
Délibéré après l’audience du 12 décembre 2013, où siégeaient :
– M. Wyss, président de chambre,
– M. Gazagnes, président-assesseur,
– Mme Samson-Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 2 janvier 2014.