Conseil d’État
N° 401352
ECLI:FR:CECHS:2018:401352.20180214
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
M. Paul-François Schira, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE, avocats
lecture du mercredi 14 février 2018
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
L’association des propriétaires de la zone d’aménagement concerté (ZAC) » Les coteaux de Sainte-Musse » a demandé au tribunal administratif de Toulon de dire et juger qu’il y a lieu de statuer sur la demande de communication des bilans relatifs à la mise en oeuvre de la concession d’aménagement de la ZAC » Les coteaux de Sainte-Musse » par la société SAGEM en l’absence de production des pièces dans le cadre de l’instance, d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus du maire de La Garde, et enfin d’enjoindre à la commune de La Garde de lui communiquer une copie de ces documents, selon les modalités préconisées par la commission d’accès aux documents administratifs dans son avis du 10 avril 2014, dans le délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé ce délai. Par un jugement n° 1402885 du 21 avril 2016, le tribunal administratif de Toulon a, d’une part, prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de la requête de l’association des propriétaires de la ZAC » Les coteaux de Sainte-Musse » tendant à la communication du bilan concernant la mise en oeuvre de la concession d’aménagement conclue par la commune de La Garde avec la société SAGEM et, d’autre part, rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par une ordonnance n° 16MA02422 du 30 juin 2016, enregistrée le 11 juillet 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la cour administrative d’appel de Marseille a transmis au Conseil d’Etat, en application des dispositions de l’article R. 811-1 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 20 juin 2016 au greffe de cette cour, présenté par l’association des propriétaires de la ZAC » Les coteaux de Sainte-Musse « . Par ce pourvoi et un mémoire complémentaire enregistré le 29 décembre 2016, l’association des propriétaires de la ZAC » Les coteaux de Sainte-Musse » demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler ce jugement du 21 avril 2016 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) d’enjoindre à la commune de procéder à la communication sollicitée ;
4°) de mettre à la charge de la commune de La Garde la somme de 5 000 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Paul-François Schira, auditeur,
– les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la commune de La Garde ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’association des propriétaires de la zone d’aménagement concerté (ZAC) » Les coteaux de Sainte-Musse » a, par courrier du 24 janvier 2014, demandé à la commune de La Garde de lui communiquer une liste de documents relatifs à l’aménagement de la ZAC » Les coteaux de Sainte-Musse « , confié par la commune à la société d’économie mixte SAGEM par une convention de concession signée le 5 février 2009. Cette demande étant restée sans réponse, l’association a demandé au tribunal administratif de Toulon d’annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de refus du maire et d’enjoindre à la commune de lui communiquer une copie de ces documents, selon les modalités préconisées par la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) dans son avis favorable du 10 avril 2014, dans le délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 150 euros par jour de retard. L’association des propriétaires de la zone d’aménagement concerté (ZAC) » Les coteaux de Sainte-Musse » se pourvoit contre le jugement du 21 avril 2016 par lequel le tribunal administratif de Toulon a, d’une part, prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de la requête de l’association tendant à la communication du bilan concernant la mise en oeuvre de la concession d’aménagement conclue par la commune de La Garde avec la société SAGEM et, d’autre part, rejeté le surplus des conclusions de cette requête.
Sur le jugement en tant qu’il concerne les bilans de la mise en oeuvre de la concession d’aménagement conclue avec la société SAGEM :
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu’alors que la demande de communication de l’association requérante portait sur l’ensemble des bilans successifs relatifs à la mise en oeuvre de la concession d’aménagement conclue par la commune de La Garde avec la société SAGEM, tels qu’ils figuraient en annexe des comptes-rendus annuels présentés en conseil municipal depuis la signature de la concession, la commune n’a transmis en cours d’instance à la requérante que le seul bilan de la mise en oeuvre de cette concession pour l’année 2014. Alors même que ce dernier aurait incorporé des éléments récapitulatifs se rapportant aux années antérieures, le tribunal administratif ne pouvait dès lors, sans dénaturer les conclusions tendant à la communication des bilans concernant la mise en oeuvre de la concession d’aménagement, juger qu’il n’y avait plus lieu d’y statuer, au seul motif que le bilan 2014 avait été transmis. Le jugement attaqué doit, dans cette mesure, être annulé.
Sur le jugement en tant qu’il concerne les autres documents relatifs à l’opération d’aménagement de la ZAC » Les Coteaux de Sainte-Musse » :
3. Aux termes, d’une part, du deuxième alinéa de l’article 1er de la loi du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, dans sa version applicable à l’espèce : » Sont considérés comme documents administratifs, au sens des chapitres Ier, III et IV du présent titre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions « . S’agissant des documents produits ou reçus par un organisme privé chargé d’une mission de service public qui exerce également une activité privée, seuls ceux qui présentent un lien suffisamment direct avec sa mission de service public peuvent être regardés comme des documents administratifs.
4. Aux termes, d’autre part, de l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme : » L’Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d’aménagement prévues par le présent code à toute personne y ayant vocation. / (…) / Le concessionnaire assure la maîtrise d’ouvrage des travaux et équipements concourant à l’opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution. Il peut être chargé par le concédant d’acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l’opération, y compris, le cas échéant, par la voie d’expropriation ou de préemption. Il procède à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l’intérieur du périmètre de la concession « .
5. Après avoir indiqué que toutes les opérations confiées à une société d’économie mixte ne relevaient pas d’une mission de service public et, qu’il convenait donc de déterminer la nature de l’opération d’aménagement poursuivie par la SAGEM, le tribunal administratif de Toulon s’est borné, sans procéder à cette détermination, à constater que les acquisitions de terrains effectuées par cette société n’avaient pas donné lieu à la mise en oeuvre du droit de préemption, qu’aucune d’entre elles n’avait nécessité l’accord de la commune puisque toutes s’étaient déroulées au sein de la ZAC, et, en outre, que les marchés conclus par la SAGEM avec d’autres personnes privées étaient régis par le droit privé. Il en a déduit que les documents sollicités par l’association requérante n’entraient pas dans le champ d’application de l’article 1er précité de la loi du 17 juillet 1978. En se fondant ainsi sur la nature des actes pris par la SAGEM auxquels se rapportent les documents sollicités sans rechercher si ces documents présentaient un lien suffisamment direct avec une mission de service public confiée à la SAGEM, le tribunal administratif a entaché son jugement d’erreur de droit. Le jugement attaqué doit, dès lors, dans cette mesure aussi, être annulé.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que l’association des propriétaires de la ZAC » Les coteaux de Sainte-Musse » est fondée à demander l’annulation du jugement qu’elle attaque. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de La Garde la somme de 3 000 euros à verser à l’association des propriétaires de la ZAC » Les coteaux de Sainte-Musse » au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de La Garde.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 21 avril 2016 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée au tribunal administratif de Toulon.
Article 3 : La commune de La Garde versera à l’association des propriétaires de la ZAC » Les coteaux de Sainte-Musse » une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de La Garde présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’association des propriétaires de la zone d’aménagement concerté (ZAC) » Les coteaux de Sainte-Musse » et à la commune de La Garde.