AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le recours du MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 21 juillet 1998 ; le MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE demande que le Conseil d’Etat :
1°) annule sans renvoi l’arrêt du 30 avril 1998 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes, réformant le jugement du 13 janvier 1997 du tribunal administratif de Nantes, a annulé sa décision du 19 juillet 1994 déclarant irrecevable la demande de naturalisation de Mme X… ;
2°) rejette la demande présentée par Mme X… devant le tribunal administratif de Nantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la nationalité française ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes,
– les conclusions de M. Martin Laprade, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par décision du 19 juillet 1994, le ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville a déclaré irrecevable la demande de naturalisation présentée par Mme X… ; qu’en se fondant, pour admettre la recevabilité de la demande de l’intéressée tendant à l’annulation de cette décision sur ce que, eu égard aux circonstances de fait nouvelles tenant à la naissance d’un enfant, elle n’était pas confirmative d’une décision de rejet antérieure, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ;
Considérant qu’aux termes de l’article 61 du code de la nationalité française alors applicable : « Nul ne peut être naturalisé s’il n’a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation » ; qu’il résulte de ces dispositions que la demande de naturalisation n’est pas recevable lorsque l’intéressé n’a pas fixé en France, de manière stable, le centre de ses intérêts ;
Considérant que, pour apprécier si cette derniere condition est remplie, l’administration peut notamment se fonder, sous le contrôle du juge, sur la durée de la présence du demandeur sur le territoire français, sur sa situation familiale, sur le lieu où vivent ses enfants mineurs et sur le caractère suffisant et durable des ressources qui lui permettent de demeurer en France ;
Considérant qu’en relevant que le ministre avait fait une appréciation erronée des circonstances de l’affaire en estimant que Mme X… n’avait pas fixé en France de manière stable le centre de ses intérêts, alors que, si son époux vivait au Maroc faute pour lui d’avoir été autorisé à résider en France, elle était elle-même arrivée en France en 1965 à l’âge d’un an au titre du regroupement familial et y avait résidé depuis lors sans interruption, que six de ses huit frères et soeurs ont la nationalité française, qu’un enfant était né de son mariage à la date de la décision attaquée et vivait avec elle, et qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que l’intéressée ne disposait pas de revenus suffisants pour subvenir à ses besoins et à ceux de son enfant, la cour administrative d’appel s’est livrée à une appréciation souveraine des faits qui, en l’absence de dénaturation, ne peut être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt du 30 avril 1998 de la cour administrative d’appel de Nantes ;
Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L’EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre de l’emploi et de la solidarité et à Mme Aïcha X….