RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°), sous le n° 325884, enregistré le 9 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le recours présenté par le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire par lequel il demande au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance n° 0900542-95 du 17 février 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de prendre en charge M. Kakhaber B, demandeur d’asile, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l’ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au titre du dispositif spécifique aux demandeurs d’asile ou, à défaut, dans le cadre du dispositif de veille sociale prévu à l’article L. 345-2 du code de l’action sociale et des familles ;
il soutient que son recours est recevable ; que la situation de M. B ne représente pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu’en effet, le droit des demandeurs d’asile à bénéficier pendant la durée d’examen de leur demande de conditions matérielles d’accueil leur assurant une vie décente ne peut pas être considéré comme étant le corollaire du droit d’asile et être ainsi élevé au rang de liberté fondamentale ; que l’ordonnance du juge des référés du Tribunal Administratif de Nice est insuffisamment motivée dans la mesure où l’existence d’un rapport direct entre l’illégalité relevée et la gravité de ses effets au regard de l’exercice de la liberté fondamentale en cause n’est pas démontrée ; que M. B et Mme C bénéficiaient en effet de l’allocation temporaire d’attente et donc de conditions de vie décentes ;
Vu 2°), sous le n° 325885, enregistré le 9 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le recours présenté par le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire par lequel il demande au Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance n° 0900545-95 du 17 février 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a ordonné au préfet des Alpes-Maritimes de prendre en charge Mme Tamara C, demandeur d’asile, dans un délai de 48 heures à compter de la notification de l’ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au titre du dispositif spécifique aux demandeurs d’asile ou, à défaut, dans le cadre du dispositif de veille sociale prévu à l’article L. 345-2 du code de l’action sociale et des familles ;
il soutient que son recours est recevable ; que la situation de Mme C ne représente pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu’en effet, le droit des demandeurs d’asile à bénéficier pendant la durée d’examen de leur demande de conditions matérielles d’accueil leur assurant une vie décente ne peut pas être considéré comme étant le corollaire du droit d’asile et être ainsi élevé au rang de liberté fondamentale ; que l’ordonnance du juge des référés du Tribunal Administratif de Nice est insuffisamment motivée dans la mesure où l’existence d’un rapport direct entre l’illégalité relevée et la gravité de ses effets au regard de l’exercice de la liberté fondamentale en cause n’est pas démontrée ; que M. B et Mme C bénéficiaient en effet de l’allocation temporaire d’attente et donc de conditions de vie décentes ;
Vu l’ordonnance attaquée ;
Vu, enregistrées le 11 mars 2009, les observations présentées par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ; il soutient que le présent litige ne relève pas de sa compétence et n’appelle pas d’observations de sa part ;
Vu, enregistré le 11 mars 2009, le mémoire en défense présenté pour Mme Tamara C, élisant domicile au cabinet de Me Zia Oloumi, 12 rue Gubernatis à Nice (06000), qui conclut au rejet du recours du ministre et à ce que l’Etat soit condamné à lui verser 3 000 euros en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que l’urgence est caractérisée par son état de santé ainsi que celui de son conjoint ; qu’elle résulte également de sa situation d’extrême précarité ; qu’il y a bien une atteinte à une liberté fondamentale ; qu’en effet le droit des demandeurs d’asile à bénéficier pendant la durée d’examen de leur demande de conditions matérielles d’accueil leur assurant une vie décente est consacré par la directive 2003/9 CE du 27 janvier 2003 ; que ce droit est nécessairement le corollaire du droit constitutionnel d’asile ; que la décision préfectorale porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit des demandeurs d’asile à bénéficier pendant la durée d’examen de leur demande de conditions matérielles d’accueil leur assurant une vie décente ; que l’illégalité du refus implicite du préfet des Alpes-Maritimes résulte de l’urgence telle qu’elle a été retenue par le juge des référés ; que l’atteinte à cette liberté fondamentale est manifeste dès lors que le refus d’hébergement la prive de l’accès à des conditions dignes de vie, ainsi qu’à des conditions matérielles rendant effective l’exercice du droit d’asile ; que le préfet n’a pas respecté son obligation de proposer à la requérante un logement ou un hébergement en centre d’accueil pour demandeur d’asile, dès lors qu’il s’est contenté de la renvoyer vers une association ; que la décision du directeur de la population et de la cohésion sociale rejetant implicitement sa demande d’accueil est manifestement illégale dans la mesure où aucune proposition d’orientation vers une structure d’hébergement d’urgence n’a été faite ; que l’allocation temporaire d’attente qu’elle a perçue, soit moins de 400 euros par mois ne peut suffire à lui assurer un hébergement et des conditions de vie décentes ;
Vu, enregistré le 12 mars 2009, le mémoire en réplique présenté par le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, par lequel le ministre maintient ses conclusions ; il soutient en outre qu’il existe, à côté des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, un dispositif d’hébergement généraliste qui comprend les centres d’hébergement d’urgence ainsi que les centres d’hébergement et de réinsertion sociale ; que ces centres accueillent toute personne en situation de détresse économique ; il fait valoir qu’en versant l’allocation temporaire d’attente à Mme C dans l’attente de son admission en centre d’accueil pour demandeurs d’asile, l’Etat a respecté les dispositions de l’article 13.5 de la directive 2003/9/CE relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile, qui laissent une marge d’appréciation aux Etats membres entre prestations en nature et allocations financières, ainsi que les dispositions des articles L. 5423-8 et L. 5423-9 du code du travail ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;
Vu le code de l’action sociale et des familles ;
Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l’ordonnance attaquée ;
Vu, enregistrées le 11 mars 2009, les observations présentées par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ; il soutient que le litige ne relève pas de sa compétence et n’appelle pas d’observations de sa part ;
Vu, enregistré le 11 mars 2009, le mémoire en défense présenté pour M. Kakhaber B, élisant domicile au cabinet de Me Zia Oloumi, 12 rue Gubernatis à Nice (06000), qui conclut au rejet du recours du ministre et à ce que l’Etat soit condamné à lui verser 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; il soutient que l’urgence est caractérisée par son état de santé ainsi que celui de sa femme ; qu’elle résulte également de sa situation d’extrême précarité ; qu’il y a bien une atteinte à une liberté fondamentale ; qu’en effet le droit des demandeurs d’asile à bénéficier pendant la durée d’examen de leur demande de conditions matérielles d’accueil leur assurant une vie décente est consacré par la directive 2003/9 CE du 27 janvier 2003 ; que ce droit est nécessairement le corollaire du droit constitutionnel d’asile ; que la décision préfectorale porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit des demandeurs d’asile à bénéficier pendant la durée d’examen de leur demande de conditions matérielles d’accueil leur assurant une vie décente ; que l’illégalité du refus implicite du préfet des Alpes-Maritimes résulte de l’urgence telle qu’elle a été retenue par le juge des référés ; que l’atteinte à cette liberté fondamentale est manifeste dès lors que le refus d’hébergement le prive de l’accès à des conditions dignes de vie, ainsi qu’à des conditions matérielles rendant effective l’exercice du droit d’asile ; que le préfet n’a pas respecté son obligation de proposer au requérant un logement ou un hébergement en centre d’accueil pour demandeur d’asile, dès lors qu’il s’est contenté de le renvoyer vers une association ; que la décision du directeur de la population et de la cohésion sociale rejetant implicitement sa demande d’accueil est manifestement illégale dans la mesure où aucune proposition d’orientation vers une structure d’hébergement d’urgence n’a été faite ; que l’allocation temporaire d’attente qu’il a perçue, soit moins de 400 euros par mois ne peut suffire à lui assurer un hébergement et des conditions de vie décentes ;
Vu, enregistré le 12 mars 2009, le mémoire en réplique présenté par le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, par lequel le ministre maintient ses conclusions ; il soutient en outre qu’il existe, à côté des centres d’accueil pour demandeurs d’asile, un dispositif d’hébergement généraliste qui comprend les centres d’hébergement d’urgence ainsi que les centres d’hébergement et de réinsertion sociale ; que ces centres accueillent toute personne en situation de détresse économique ; il fait valoir qu’en versant l’allocation temporaire d’attente à M. B dans l’attente de son admission en centre d’accueil pour demandeurs d’asile, l’Etat a respecté les dispositions de l’article 13.5 de la directive 2003/9/CE relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile, qui laissent une marge d’appréciation aux Etats membres entre prestations en nature et allocations financières, ainsi que les dispositions des articles L. 5423-8 et L. 5423-9 du code du travail ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire et, d’autre part, M B et Mme C et le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville;
Vu le procès-verbal de l’audience publique du jeudi 12 mars 2009 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
– les représentants du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire ;
– Me Roger, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat des requérants ;
Considérant que les recours du ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire présentent à juger les mêmes questions ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ; qu’au sens de ces dispositions, la notion de liberté fondamentale englobe, s’agissant des ressortissants étrangers qui sont soumis à des mesures spécifiques réglementant leur entrée et leur séjour en France, et qui ne bénéficient donc pas, à la différence des nationaux, de la liberté d’entrée sur le territoire, le droit constitutionnel d’asile qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, dont l’obtention est déterminante pour l’exercice par les personnes concernées des libertés reconnues de façon générale aux ressortissants étrangers ; que la privation du bénéfice des mesures prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d’asile des conditions matérielles d’accueil décentes jusqu’à ce qu’il ait été statué définitivement sur leur demande est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté ;
Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l’accueil des demandeurs d’asile : Définitions. Aux fins de la présente directive, on entend par :… j) conditions matérielles d’accueil : les conditions d’accueil comprenant le logement, la nourriture et l’habillement, fournis en nature ou sous forme d’allocation financière ou de bons, ainsi qu’une allocation journalière… ; qu’aux termes de son article 13 : …2. Les États membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d’accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d’assurer la subsistance des demandeurs. …5. Les conditions d’accueil matérielles peuvent être fournies en nature ou sous la forme d’allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules. Lorsque les États membres remplissent les conditions matérielles d’accueil sous forme d’allocations financières ou de bons, l’importance de ces derniers est fixée conformément aux principes définis dans le présent article. ; qu’aux termes de l’article 14 : modalités des conditions matérielles d’accueil :… 8. Pour les conditions matérielles d’accueil, les États membres peuvent, à titre exceptionnel, fixer des modalités différentes de celles qui sont prévues dans le présent article, pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque : … -les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées… ; qu’en application des dispositions des articles L. 348-1 et suivants et R. 348-1 et suivants du code de l’action sociale et des familles les demandeurs d’asile peuvent être admis à l’aide sociale pour être accueillis dans les centres pour demandeurs d’asile, et que ceux qui ne bénéficient pas d’un niveau de ressources suffisant bénéficient d’une allocation mensuelle de subsistance, dont le montant est fixé par l’article 3 de l’arrêté du 31 mars 2008 portant application de l’article R. 348-4 du code de l’action sociale et des familles ; qu’ils ont également vocation à bénéficier du dispositif de veille sociale prévu par l’article L. 345-2 du code de l’action sociale et des familles, lequel peut conduire à leur admission dans un centre d’hébergement d’urgence ou un centre d’hébergement et de réinsertion sociale ; qu’enfin, en vertu des articles L. 5423-8-1° et L. 5423-9-2° du code du travail les demandeurs d’asile qui ont demandé à bénéficier du statut de réfugié peuvent bénéficier, sous condition d’âge et de ressources, d’une allocation temporaire d’attente à condition de ne pas être bénéficiaires d’un séjour en centre d’hébergement pris en charge au titre de l’aide sociale ; qu’il n’appartient pas au juge des référés d’apprécier si ces dispositions méconnaissent les objectifs de la directive précitée ;
Considérant que, par les ordonnances attaquées du 19 février 2009, dont le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire fait appel, le juge des référés du tribunal administratif de Nice, après avoir estimé que la condition d’urgence était satisfaite, a jugé que le refus implicite du préfet des Alpes-Maritimes d’assurer l’hébergement effectif de M. B et de Mme C portait dans les circonstances de l’espèce une atteinte grave et immédiate à leur droit de bénéficier , en leur qualité de demandeurs d’asile, d’un hébergement décent pendant l’examen de leur demande et a enjoint sous astreinte au préfet de prendre les intéressés en charge, dans le délai de 48 heures à compter de la notification de son ordonnance, au titre du dispositif spécifique aux demandeurs d’asile ou, à défaut, dans le cadre du dispositif de veille sociale prévu à l’article L. 345-2 du code de l’action sociale et des familles ;
Considérant qu’après avoir mis les intéressés en possession d’un document provisoire de séjour, le préfet des Alpes-Maritimes a proposé à M. B et Mme C, qui ont accepté, un accueil en centre d’accueil pour demandeurs d’asile et les a orientés vers une plate-forme d’accueil ; que dans l’attente d’une place disponible dans un tel centre, attribuée selon l’ordre des priorités relatives compte tenu de l’écart actuel entre le nombre des demandeurs d’asile et la capacité des établissements d’accueil, ou encore d’une place disponible dans un centre d’hébergement d’urgence ou dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, les intéressés ont été admis au bénéfice de l’allocation temporaire d’attente ; que, dans ces conditions, les requérants ne justifient pas d’une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile ;
Considérant que le droit au logement, également invoqué par M. B et Mme C, n’est pas au nombre des libertés fondamentales au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, alors même qu’il constitue un objectif à valeur constitutionnelle ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Nice s’est fondé sur le motif que l’absence d’accueil immédiat de M. B et de Mme C dans un centre portait dans les circonstances de l’espèce une atteinte grave et immédiate à leur droit de bénéficier, en leur qualité de demandeurs d’asile, d’un hébergement décent pendant l’examen de leur demande ; qu’il est par suite fondé à en demander l’annulation ainsi que le rejet de la demande des intéressés ;
Considérant que l’Etat n’a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante et ne saurait par suite devoir verser à M. B et Mme C la somme qu’ils demandent au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
——————
Article 1er : Les ordonnances susvisées nos 0900542-95 et 0900545-95, en date du 17 février 2009, du juge des référés du tribunal administratif de Nice sont annulées.
Article 2 : Les demandes présentées par M. Kakhaber B et Mme Tamara C devant le tribunal administratif de Nice ainsi que leurs conclusions devant le Conseil d’Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, à M. Kakhaber B et à Mme Tamara C.
Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.