RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Requêtes de la société international Sales and support corporation tendant à :
1° l’annulation d’une décision du 27 juillet 1977 du ministre de l’économie et des finances informant l’association française des fournisseurs communautaires de cigarettes de son refus de revaloriser le prix de vente des produits tabagiques ;
2° l’annulation d’une décision implicite résultant du silence gardé par le ministre de l’économie et des finances à une demande d’indemnité de 11 720 000 F en réparation du préjudice subi par elle du fait du refus opposé par ledit ministre de réajuster les prix de vente des produits tabagiques, du 27 juillet 1977 au 16 mai 1978 ;
3° l’attribution de la somme de 9 907 500 F à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts de droit et les intérêts des intérêts échus depuis un an ;
Vu la loi n° 76-448 du 24 mai 1976 ; le décret n° 76-1324 a du 31 décembre 1976 ; le code des tribunaux administratifs ; l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ; la loi du 30 décembre 1977 ;
Considérant … jonction ; . .
Sur la légalité de la décision du ministre de l’économie et des finances en date du 27 juillet 1981 : Cons. que la loi n° 76-448 du 24 mai 1976 portant aménagement du monopole des tabacs manufacturés, qui a notamment pour objet de mettre en oeuvre les règles découlant du Traité de Rome, précisées en la matière par une directive du conseil des Communautés économiques européennes en date du 19 décembre 1972, dispose d’une part, en son article 3, que la » fabrication et la vente au détail des tabacs manufacturés sont réservés à l’Etat « , d’autre part, en son article 6, que » le prix de détail de chaque produit est unique pour l’ensemble du territoire. Il est fixé dans des conditions déterminées par le décret prévu à l’article 24 » ; qu’en décidant, par l’article 10 du décret n° 76-1324 du 31 décembre 1976, pris en application des dispositions législatives susrappelées, que les prix de vente au détail des tabacs sont fixés par arrêté du ministre de l’économie et des finances, le gouvernement s’est borné à tirer les conséquences des principes posés par le législateur et, notamment, du maintien du monopole de la vente au détail et de la règle de l’unicité du prix de chaque produit sur l’ensemble du territoire ;
Cons., en premier lieu, que la société requérante fait valoir que la Cour de Justice des Communautés européennes, en décidant, par son arrêt du 21 juin 1983, que » la République française, en fixant le prix de vente au détail des tabacs manufacturés à un niveau différent de celui déterminé par les fabricants ou importateurs, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité C.E.E. « , a entendu censurer le principe même de l’attribution à l’autorité réglementaire du pouvoir de fixation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ce pouvoir de réglementation, dont les modalités ont été fixées par le décret précité du 31 décembre 1976, trouve son fondement dans les principes posés par le législateur ; que le moyen articulé à l’encontre de la légalité de ce décret tend, en réalité, à faire apprécier la conformité de la loi précitée du 24 mai 1976 au traité de la Communauté économique européenne et à la directive du conseil des communautés de 1972 et qu’il ne saurait, dès lors, être accueilli ;
Cons., en second lieu, qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’imposait au ministre de l’économie et des finances de consulter des organismes professionnels avant de répondre à la demande de relèvement des prix de vente au détail des tabacs manufacturés, dont il était saisi ;
Cons., en troisième lieu, que le refus d’augmenter les prix des produits tabagiques, opposé par le ministre de l’économie et des finances le 27 juillet 1977 à la demande formée par l’association des fournisseurs communautaires de cigarettes, repose exclusivement sur des motifs d’intérêt général afférents à la lutte contre l’inflation et la hausse des prix ; qu’en fondant sa décision sur ces motifs, le ministre n’a ni fait un usage des pouvoirs qu’il tient des dispositions législatives et réglementaires susrappelées qui soit contraire aux dispositions des articles 30 et 37 du traité du 25 mars 1957 instituant la communauté économique européenne, ni méconnu les objectifs énoncés par la directive du conseil des communautés européennes du 19 décembre 1972 qui, au demeurant, réserve expressément, en son article 5, l’application des législations nationales sur le contrôle du niveau des prix et le respect des prix imposés ;
Cons. que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;
Cons. qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il y ait lieu à surseoir à statuer en application de l’article 177 du traité précité, que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision susvisée du 27 juillet 1977 est entachée d’excès de pouvoir ;
Sur la demande d’indemnité : Cons., d’une part, qu’aucune illégalité n’ayant été relevée dans la décision attaquée, la société international Sales and support corporation n’est pas fondée à demander l’indemnisation du préjudice qu’elle allègue sur le fondement d’une faute engageant la responsabilité de l’Etat ;
Cons., d’autre part, que des mesures de blocage des prix, établies dans un but d’intérêt général, sur le fondement des dispositions législatives et réglementaires susrappelées, ne sauraient ouvrir droit à réparation en l’absence d’une faute imputable à l’Etat ; que la demande d’indemnité présentée par la société requérante ne peut dès lors qu’être rejetée ;
rejet .N
1 Cf. Sect., Syndicat général des fabricants de semoules de France, 1er mars 1968, p. 149 ; Association des centres distributeurs Edouard X…, 8 févr. 1985, p. 26.
2 Cf. Fédération française des sociétés de protection de la nature, 7 déc. 1984, p. 480.
3 Cf. Secrétaire d’Etat aux affaires économiques c/ Société d’exploitation des chantiers d’Ajaccio, 16 nov. 1960, p. 621 ; Société Claude Publicité, 24 oct. 1984, p. 338 ; Comp. Ass., Ministre du commerce extérieur c/ Société Alivar, 25 mars 1984, p. 127.