AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
1° Sous le n°438805, par une requête, un nouveau mémoire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 18 février et 4 mai 2020 ainsi que le 11 mai 2021 et le 10 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n°2019-1426 du 20 décembre 2019 pris pour l’application du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts et relatif au plafonnement des frais et commissions des intermédiaires intervenant lors d’une acquisition de logement bénéficiant de la réduction d’impôt prévue à cet article ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 438996, par une requête, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 21 février 2020, 11 mai 2021 et 10 février 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association française de l’immobilier locatif (AFIL) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le même décret ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
………………………………………………………………………..
3° Sous le n° 439013, par une requête, enregistrée le 22 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le syndicat ANACOFI-Immobilier (ANACOFI-IMMO) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir le même décret ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
– la Constitution ;
– la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 ;
– le code de commerce ;
– le code de la construction et de l’habitation ;
– le code général des impôts ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 ;
– la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 ;
– la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
– la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 ;
– la décision n° 2020-861 QPC du 15 octobre 2020 du Conseil constitutionnel ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Il résulte des dispositions du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, que la réduction d’impôt sur le revenu instituée par l’article 199 novovicies du code général des impôts au bénéfice des contribuables qui acquièrent, sous certaines conditions, un logement neuf ou en l’état futur d’achèvement qu’ils s’engagent à louer nu à usage d’habitation principale pendant une durée minimale, est calculée sur la base du prix de revient du bien immeuble, lequel comprend le montant des frais et commissions facturés par les professionnels de l’intermédiation commerciale qui sont intervenus lors de la vente, dans la limite d’un plafond fixé par décret. En vertu de ces mêmes dispositions, le vendeur est assujetti, dans le cas où le montant des frais et commissions correspondant au coût des prestations d’intermédiation commerciale est facturé à un montant supérieur à ce plafond, à une amende administrative.
2. La fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), l’association française de l’immobilier locatif (AFIL) et le syndicat ANACOFI-Immobilier (ANACOFI-IMMO) demandent l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 20 décembre 2019 pris pour l’application du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts et relatif au plafonnement des frais et commissions des intermédiaires intervenant lors d’une acquisition de logement bénéficiant de la réduction d’impôt prévue à cet article. Il y a lieu de joindre ces trois requêtes, qui présentent à juger des questions communes, pour statuer par une seule décision.
3. Selon l’article 1er du décret attaqué : » I. – Pour l’application du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts, le montant hors taxe des frais et commissions directs et indirects imputés au titre d’une même acquisition de logement ouvrant droit à la réduction d’impôt prévue au même article par les personnes mentionnées au premier alinéa du même X bis ne peut excéder 10 % du prix de revient, défini au V de ce même article, de ce même logement. / II. – Pour l’application du troisième alinéa du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts, l’acquéreur d’un logement ouvrant droit à la réduction d’impôt prévue audit article indique expressément son intention de demander ou non le bénéfice de la réduction d’impôt lors de la signature du contrat prévu à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation et dans l’acte authentique d’acquisition du logement ou, à défaut d’un tel contrat, dans l’acte authentique d’acquisition du logement « . L’article 2 du décret attaqué prévoit, pour sa part, que les dispositions de l’article 1er » s’appliquent aux contrats prévus à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation et, en l’absence de tels contrats, aux actes authentiques signés à compter du premier jour du quatrième mois suivant celui de la publication du présent décret au Journal officiel de la République française « .
Sur les moyens relatifs aux consultations préalables à l’intervention du décret attaqué :
4. En premier lieu, en vertu de l’article L. 462-2 du code de commerce, l’Autorité de la concurrence » est obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : (…) 3° D’imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente « . Le décret attaqué, qui a été pris pour permettre l’application des dispositions du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts, lesquelles prévoient le principe du plafond fixé par le décret, n’institue pas lui-même un régime nouveau ayant directement pour effet d’imposer des pratiques uniformes en matière de prix, au sens de l’article L. 462-2 du code de commerce. Il suit de là que, contrairement à ce qui est soutenu, l’Autorité de la concurrence n’avait pas à être consultée préalablement à son édiction.
5. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, préalablement à l’édiction du décret attaqué, le ministre chargé du logement a organisé, entre le 20 août et le 9 septembre 2018, une consultation du public sur le fondement des dispositions de l’article L. 132-1 du code des relations entre le public et l’administration, aux termes desquelles : » Lorsque l’administration est tenue de procéder à la consultation d’une commission consultative préalablement à l’édiction d’un acte réglementaire, elle peut décider d’organiser une consultation ouverte permettant de recueillir, sur un site internet, les observations des personnes concernées. / Cette consultation ouverte se substitue à la consultation obligatoire en application d’une disposition législative ou réglementaire. Les commissions consultatives dont l’avis doit être recueilli en application d’une disposition législative ou réglementaire peuvent faire part de leurs observations dans le cadre de la consultation prévue au présent article « . Cette consultation ouverte visait à se substituer à la consultation du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières (CNTGI), requise par l’article 13-1 de la loi du 2 janvier 1970 pour les projets de textes réglementaires relatifs aux conditions d’exercice des activités, telles que l’achat et la vente d’immeubles, mentionnées à l’article 1er de cette loi, en raison de la réforme alors envisagée de ce Conseil dans le cadre d’un projet de loi en cours de préparation et dans l’attente de la nomination de ses nouveaux membres. Toutefois, trois mois avant l’adoption du décret attaqué, le ministre chargé du logement a finalement soumis, le 2 octobre 2019, le projet de texte à la consultation du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, qui était alors en état de siéger après l’intervention de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dont l’article 151 avait modifié les dispositions le régissant.
6. Il est toujours loisible à l’autorité administrative qui a, préalablement à l’édiction d’un acte réglementaire, choisi d’organiser une consultation ouverte sur le fondement de l’article L. 132-1 du code des relations entre le public et l’administration, lui permettant de se dispenser de la consultation obligatoire d’une commission consultative, de renoncer à cette procédure et de procéder à la consultation de la commission consultative à laquelle elle est en principe tenue. Dans un tel cas, les irrégularités susceptibles d’entacher la consultation ouverte sont dépourvues d’incidence sur la légalité de l’acte réglementaire adopté après consultation de la commission consultative.
7. Il découle de ce qui précède que, d’une part, le moyen tiré de ce que le déroulement de la consultation préalable à l’adoption du décret attaqué serait entaché d’un détournement de procédure ne peut qu’être écarté et que, d’autre part, le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières ayant été consulté le 2 octobre 2019 conformément à ce qu’exige l’article 13-1 de la loi du 2 janvier 1970, le moyen tiré de ce que la consultation publique initialement menée aurait été mise en œuvre dans des conditions irrégulières est inopérant.
Sur les moyens tirés de la méconnaissance du droit de l’Union européenne :
8. La directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur vise à créer un véritable marché intérieur des services en interdisant ou en encadrant les restrictions à la liberté d’établissement et à la libre circulation des services entre les Etats membres. En vertu du paragraphe 7 de son article 4, les » exigences » auxquelles les Etats membres subordonnent l’accès à une activité de service ou son exercice sur leur territoire, susceptibles d’entrer dans le champ de ses dispositions, s’entendent de » toute obligation, interdiction, condition ou limite prévue dans les dispositions législatives, réglementaires ou administratives des Etats membres ou découlant de la jurisprudence, des pratiques administratives, des règles des ordres professionnels ou des règles collectives d’associations professionnelles ou autres organisations professionnelles adoptées dans l’exercice de leur autonomie juridique ; les normes issues de conventions collectives négociées par les partenaires sociaux ne sont pas en tant que telles, considérées comme des exigences au sens de la présente directive « .
9. Aux termes de l’article 15 de cette directive, relatif à la liberté d’établissement : » 1. Les Etats membres examinent si leur système juridique prévoit les exigences visées au paragraphe 2 et veillent à ce que ces exigences soient compatibles avec les conditions visées au paragraphe 3. (…) / 2. Les Etats membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect de l’une des exigences non discriminatoires suivantes : / (…) g) les tarifs obligatoires minimum et/ou maximum que doit respecter le prestataire ; (…) / 3. Les Etats membres vérifient que les exigences visées au paragraphe 2 remplissent les conditions suivantes : / a) non-discrimination : les exigences ne sont pas directement ou indirectement discriminatoires en fonction de la nationalité ou, en ce qui concerne les sociétés, de l’emplacement de leur siège statutaire ; / b) nécessité : les exigences sont justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général ; / c) proportionnalité : les exigences doivent être propres à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi, ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif et d’autres mesures moins contraignantes ne doivent pas permettre d’atteindre le même résultat. (…) « .
10. En tant qu’elles prévoient le plafonnement des frais de commercialisation versés aux intermédiaires pour la vente de logements éligibles à la réduction d’impôt, limitant ainsi la liberté de ces intermédiaires de fixer les tarifs de leurs prestations, les dispositions du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts, dont le décret attaqué porte application, constituent une exigence à laquelle l’exercice de l’activité d’intermédiaire commercial en matière immobilière en France est subordonné. Cette mesure de plafonnement, qui porte sur une prestation de service lié à l’immobilier, entre ainsi dans le champ de l’article 15 de la directive du 12 décembre 2006.
11. Il résulte du paragraphe 1 de cet article 15 que les Etats membres sont autorisés à instituer une telle exigence sous réserve qu’elle soit conforme aux conditions de non-discrimination, de nécessité et de proportionnalité visées au paragraphe 3 du même article.
12. Or, en premier lieu, il ressort des termes du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts que le prix maximum qu’il institue s’applique indifféremment de la nationalité ou du lieu d’établissement de l’intermédiaire commercial qui participe à la réalisation de l’opération immobilière éligible à la réduction d’impôt. En outre, la FNAIM et l’AFIL n’apportent aucun élément de nature à établir qu’une telle mesure de plafonnement serait susceptible d’empêcher les ressortissants de l’Union européenne ou les sociétés établies dans un de ses Etats membres d’intégrer l’ensemble des coûts qu’ils auraient à supporter pour réaliser l’activité d’intermédiaire commercial, en particulier ceux de ces coûts auxquels les opérateurs français déjà installés ne seraient pas soumis. La mesure critiquée ne présente donc pas un caractère discriminatoire.
13. En deuxième lieu, en adoptant ces dispositions, le législateur a entendu lutter contre certaines tarifications abusives en matière de commercialisation conduisant au détournement de l’avantage fiscal accordé au contribuable au titre de l’investissement locatif en application de l’article 199 novovicies. Elles sont ainsi justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général et répondent à la condition de nécessité posée par le b) du 3 de l’article 15 de la directive du 12 décembre 2006.
14. En troisième lieu, d’une part, le champ d’application du plafonnement imposé aux intermédiaires est restreint aux frais de commercialisation qu’ils facturent au titre des acquisitions de logements neufs et en l’état futur d’achèvement situés dans une zone géographique où l’accès au parc locatif existant est en tension. D’autre part, le plafonnement s’applique uniquement lorsque l’acquéreur demande le bénéfice de la réduction d’impôt. Il ne concerne donc qu’une part limitée de l’activité d’intermédiation commerciale en matière immobilière. Enfin, le législateur a renvoyé à un décret le soin de fixer le plafond des frais et commissions d’intermédiation commerciale, lequel doit être proportionné au prix de revient du logement. Dans ces conditions, et alors que, par ailleurs, aucun élément versé au dossier n’établit que cet objectif pourrait être atteint dans les mêmes conditions par une mesure moins contraignante, ces dispositions répondent à la condition de proportionnalité prévue par le c) du 3 de l’article 15 de la directive du 12 décembre 2006.
15. La FNAIM et l’AFIL ne sont, dès lors et sans qu’il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne à titre préjudiciel, pas fondées à soutenir que les dispositions du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts, pour l’application desquelles le décret attaqué a été pris, méconnaîtraient les objectifs de l’article 15 de la directive du 12 décembre 2006.
Sur les moyens relatifs à la compétence du pouvoir réglementaire, à la violation de la loi et à la méconnaissance du principe de clarté et d’intelligibilité de la norme :
16. En premier lieu, il résulte du troisième alinéa du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts que les dispositions de cet article » s’appliquent à toutes les acquisitions de logements mentionnées au A du I, pour lesquelles l’acquéreur demande le bénéfice de la réduction d’impôt prévue au présent article « . En précisant, par les dispositions du II de l’article 1er du décret attaqué, que l’acquéreur d’un logement ouvrant droit à la réduction d’impôt indique expressément son intention de demander ou non le bénéfice de cette réduction lors de la signature du contrat préliminaire de vente d’un logement en l’état futur d’achèvement ou du contrat de vente, le Premier ministre a adopté des dispositions destinées à permettre au vendeur ou au promoteur de connaître si l’acquéreur a l’intention de bénéficier de la réduction d’impôt, afin que les intermédiaires puissent fixer les frais de commercialisation qu’ils sont autorisés à pratiquer sur les logements éligibles à la réduction d’impôt. Exerçant ainsi la compétence qu’il tient de l’article 21 de la Constitution pour assurer l’exécution des lois, il n’a ni empiété sur le domaine de la loi défini à l’article 34 de la Constitution, ni porté atteinte à la liberté contractuelle ou à la liberté d’entreprendre, ni méconnu les dispositions du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts.
17. En deuxième lieu, si le dernier alinéa du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts prévoit que le dépassement du plafond est passible d’une amende administrative, la circonstance que le décret attaqué n’indique pas l’autorité compétente pour prononcer cette amende ni ne précise la procédure applicable est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité des dispositions qu’il adopte.
18. En troisième lieu, ainsi que le Conseil constitutionnel l’a jugé par sa décision n° 2020 861 QPC du 15 octobre 2020 à propos des termes employés au X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts, les notions de » prix de revient » ou de » frais et commissions directs et indirects « , rapportés à l’activité d’intermédiation commerciale, ne présentent pas de caractère imprécis ou équivoque. En outre, il résulte des termes même du I de l’article 1er du décret attaqué que la notion de » prix de revient » est définie par renvoi au V de l’article 199 novovicies du code général des impôts. Les moyens tirés de ce que le décret attaqué porterait atteinte au principe de clarté et d’intelligibilité de la norme ou serait entaché d’incompétence négative, faute d’avoir défini ces notions, ne peuvent, par suite, qu’être écartés.
Sur les moyens portant sur le montant du plafond fixé par le décret attaqué :
19. Il ressort des pièces du dossier que, pour la majorité des structures concernées, le coût de commercialisation moyen est nettement inférieur au plafond de 10 % du prix de vente qui a été fixé par les dispositions du I de l’article 1er du décret attaqué. Dans ces conditions, ce plafond, qui a ainsi été fixé à un niveau suffisamment élevé pour éviter les seules tarifications abusives, ne peut être regardé comme portant une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre. Il s’ensuit que les moyens tirés de ce que ce montant serait disproportionné et entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ne peuvent qu’être écartés.
Sur le moyen tiré de l’atteinte au principe de non-rétroactivité des actes administratifs :
20. En premier lieu, une disposition législative ou réglementaire nouvelle ne peut s’appliquer à des situations contractuelles en cours à sa date d’entrée en vigueur, sans revêtir par là même un caractère rétroactif. Il suit de là que, sous réserve des règles générales applicables aux contrats administratifs, seule une disposition législative peut, pour des raisons d’ordre public, fût-ce implicitement, autoriser l’application de la norme nouvelle à de telles situations.
21. En adoptant les dispositions du X bis de l’article 199 novovicies du code général des impôts, le législateur a entendu lutter contre certaines tarifications abusives en matière de commercialisation conduisant au détournement de l’avantage fiscal accordé au contribuable au titre de l’investissement locatif en application de cet article 199 novovicies. A cette fin, il a expréssément prévu le principe d’un plafonnement du montant des frais et commissions facturés par les professionnels de l’intermédiation commerciale qui sont intervenus lors de la vente. Ce faisant, il a, contrairement à ce que soutient l’AFIL, nécessairement entendu régir non seulement les relations contractuelles entre le vendeur et l’acquéreur, qui doit faire connaître au vendeur au plus tard lors de la signature du contrat préliminaire ou de l’acte authentique son intention de bénéficier de la réduction d’impôt, mais aussi les conventions conclues entre le vendeur et l’intermédiaire, généralement appelées mandat, lesquelles doivent, en application de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d’exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, prévoir les conditions de détermination de la rémunération de l’intermédiaire.
22. En second lieu, il incombe à l’autorité investie du pouvoir réglementaire d’édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu’implique, s’il y a lieu, une réglementation nouvelle. Il en va ainsi en particulier lorsque les règles nouvelles sont susceptibles de porter une atteinte excessive à des situations contractuelles en cours qui ont été légalement nouées.
23. En l’espèce, si le plafonnement n’est devenu applicable qu’avec l’entrée en vigueur du décret attaqué en date du 20 décembre 2019, son principe en était connu depuis l’adoption de l’article 68 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, qui a inséré le X bis à l’article 199 novovicies du code général des impôts. En outre, le différé d’entrée en vigueur de quatre mois prévu par l’article 2 du décret attaqué pouvait permettre aux mandataires chargés de la commercialisation, même ayant conclu un mandat à la veille de la publication du décret, de trouver acquéreur avant l’entrée en vigueur du plafonnement. Il ressort des pièces du dossier que le délai ainsi retenu par le pouvoir réglementaire est raisonnable au regard des pratiques commerciales, dans la mesure où ces mandats prévoient généralement une durée irrévocable de trois mois. Le pouvoir réglementaire ayant ainsi concilié la nécessaire mise en œuvre de la loi dans un délai raisonnable avec le respect dû aux contrats en cours, le moyen tiré de l’atteinte au principe de non-rétroactivité des actes administratifs doit être écarté.
24. Il résulte de tout ce qui précède que la FNAIM, l’AFIL et l’ANACOFI-IMMO ne sont pas fondées à demander l’annulation pour excès de pouvoir du décret qu’elles attaquent. Leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu’être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de la fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) et autres sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la fédération nationale de l’immobilier (FNAIM), à l’association française de l’immobilier locatif (AFIL), à l’Anacofi-immobilier (ANACOFI-IMMO), au ministre de l’économie, des finances et de la relance, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au Premier ministre.
Délibéré à l’issue de la séance du 16 février 2022 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. G… F…, M. Frédéric Aladjidi, présidents de chambre ; Mme A… K…, M. D… E…, Mme H… B…, M. J… C…, M. Alain Seban, conseillers d’Etat et Mme Cécile Nissen, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.