AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif d’Orléans le 17 février 2010, présentée par l’Association des irrigants des Deux-Sèvres et tendant :
1°) à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 18 novembre 2009 du préfet coordonnateur de bassin Loire-Bretagne portant approbation du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux de ce bassin et arrêtant le programme pluriannuel de mesures ;
2°) à ce que soit mis à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2° sous le n° 338160, l’ordonnance n° 1000642-2 du 24 mars 2010, enregistrée le 30 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président du tribunal administratif d’Orléans a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par l’Association France Nature Environnement, dont le siège est au 10, rue Barbier au Mans (72000), l’Association Pays de Loire Nature Environnement, dont le siège est au 14, rue Lionnaise à Angers (49100), l’Association Coordination des associations environnementales du littoral vendéen, dont le siège est au 62, rue des Normands aux Sables-d’Olonne (85100), et l’Association pour la protection de la nature au pays des Olonnes, dont le siège est au 8, rue du Maréchal Leclerc aux Sables-d’Olonne (85100) ;
Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif d’Orléans le
26 février 2010, présentée par l’Association France Nature Environnement, l’Association Pays de Loire Nature Environnement, l’Association Coordination des associations environnementales du littoral vendéen et l’Association pour la protection de la nature au pays des Olonnes et
tendant :
1°) à l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 18 novembre 2009 du préfet coordonnateur de bassin Loire-Bretagne portant approbation du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux de ce bassin et arrêtant le programme pluriannuel de mesures, d’une part, en tant qu’il comporte des dispositions dérogatoires à l’orientation visant à limiter et encadrer la création de nouveaux plans d’eau en faveur des réserves de substitution, des plans d’eau de barrages destinés à la production hydroélectrique, des plans d’eau de remise en l’état de carrières et des retenues collinaires pour l’irrigation et, d’autre part, en tant qu’il inscrit en annexe le projet de barrage sur la rivière Auzance en Vendée au titre des projets susceptibles de déroger au principe de non-détérioration de la qualité des eaux ;
2°) à ce que soit mis à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Raphaël Chambon, Maître des Requêtes,
– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même arrêté ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions tendant à la communication de documents :
2. Considérant que, par un mémoire enregistré le 6 août 2012, l’Association des irrigants des Deux-Sèvres déclare se désister purement et simplement de ces conclusions ; qu’il y a lieu de lui donner acte de ce désistement partiel d’instance ;
Sur les conclusions dirigées contre l’arrêté du 18 novembre 2009 dans son ensemble :
3. Considérant que la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau, dont les dispositions ont été transposées par la loi du 21 avril 2004, désormais codifiées aux articles L. 211-1 et suivants du code de l’environnement, pose le principe d’une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau qui doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population mais également de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences, d’une part, de la vie biologique du milieu récepteur, d’autre part, de la conservation et du libre écoulement des eaux ainsi que de la protection contre les inondations, enfin, de toutes les activités humaines légalement exercées ; qu’en application de l’article L. 212-1 du même code, chaque bassin ou groupement de bassins hydrographiques est doté d’un ou de plusieurs schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux qui fixe les orientations permettant de satisfaire à ce principe ainsi que les objectifs de qualité et de quantité des eaux ; que les requérants demandent l’annulation pour excès de pouvoir du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Loire-Bretagne, approuvé par un arrêté du préfet coordonnateur de bassin du 18 novembre 2009 ;
4. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte des dispositions du III de l’article L. 212-2 du code de l’environnement que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux est approuvé par l’autorité administrative après avoir été adopté par le comité de bassin dont la composition est fixée par l’article L. 213-8 de ce code ; que l’Association des irrigants des Deux-Sèvres n’apporte aucune précision de nature à apprécier le bien-fondé du moyen tiré de ce que des personnes étrangères au comité de bassin auraient participé au vote de la délibération du 15 octobre 2009 adoptant le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne ; que ce moyen doit, dès lors, être écarté ;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte des dispositions combinées des articles L. 212-2 et R. 212-25 du code de l’environnement que les premiers schémas directeurs pris en application de ces dispositions devaient être publiés avant le 22 décembre 2009, puis actualisés tous les six ans ; qu’il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que les délais ainsi fixés n’auraient pas été respectés manque en fait ;
6. Considérant, en troisième lieu, que la circonstance que l’arrêté attaqué ait été pris avant l’intervention de l’arrêté ministériel du 12 janvier 2010 relatif aux méthodes et aux critères à mettre en oeuvre pour délimiter et classer les masses d’eau et dresser l’état des lieux est sans incidence sur sa légalité ;
Sur les conclusions dirigées contre l’arrêté du 18 novembre 2009 en tant qu’il approuve certaines dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Loire-Bretagne :
7. Considérant qu’en application des dispositions mentionnées ci-dessus, le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne a défini les orientations générales de la gestion de la ressource en eau et fixé des dispositions en vue de maîtriser les prélèvements d’eau ; qu’à cet effet, il a défini un ensemble de » points nodaux » qui constituent des points clés pour la gestion des eaux dans le bassin considéré, auxquels sont associés notamment des zones d’influence et des valeurs de référence, dont la principale est le débit d’objectif d’étiage ;
8. Considérant, en premier lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que l’auteur de l’arrêté attaqué aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en fixant le débit d’objectif d’étiage sur la Sèvre niortaise, à la Tiffardière, à deux mètres cubes par seconde et en définissant la zone d’influence qui y est associée ; que si ce niveau est moins élevé que celui retenu par le précédent schéma directeur, il ressort des pièces du dossier qu’il a été déterminé en tenant compte des apports en eau nécessaires au Marais poitevin ;
9. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte des dispositions combinées des articles R. 212-7 et R. 212-11 du code de l’environnement que le préfet coordonnateur de bassin doit porter à la connaissance du comité de bassin les projets répondant à des motifs d’intérêt général mais qui sont de nature, par les modifications qu’ils apportent à une masse d’eau, à compromettre la réalisation des objectifs poursuivis par le schéma directeur ; que le schéma, arrêté notamment au vu de ces éléments, doit indiquer l’emplacement des masses d’eau qui sont susceptibles d’être affectées par de tels projets d’intérêt général ainsi que les motifs justifiant les choix ainsi effectués ;
10. Considérant que les dispositions mentionnées ci-dessus du code de l’environnement et celles de la directive du 23 octobre 2000 qu’elles transposent imposent de vérifier que les avantages associés à un projet d’intérêt général affectant la masse d’eau ne sont pas susceptibles d’être atteints, dans des conditions équivalentes, par des projets portant une moindre atteinte à la ressource en eau ; que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Loire-Bretagne a inscrit, au titre des projets d’intérêt général susceptibles de déroger à l’objectif de non-détérioration de la qualité des eaux, un projet de barrage sur la rivière Auzance visant à satisfaire les besoins en eau potable du département de la Vendée ; que, d’une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet alternatif de création d’une conduite d’eau brute entre la Loire et la Vendée, examiné préalablement à l’inscription du projet litigieux au schéma directeur, permettrait, eu égard à ses caractéristiques et notamment à son coût plus élevé, d’atteindre l’objectif d’intérêt général poursuivi dans des conditions équivalentes mais avec une moindre atteinte à la ressource en eau ; que, d’autre part, le projet litigieux ne sera définitivement inscrit au schéma directeur comme répondant à des motifs d’intérêt général que si, ainsi que le précise ce document, les résultats des études de faisabilité et de coût portant sur une prolongation du transfert d’eau potable produite en Loire-Atlantique jusqu’en Vendée s’avèrent moins favorables que ceux portant sur la réalisation du barrage ; qu’il suit de là, et sans qu’il soit besoin de poser une question préjudicielle sur ce point à la Cour de justice de l’Union européenne, que les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l’inscription du barrage sur l’Auzance au schéma directeur méconnaîtrait les dispositions des articles R. 212-7 et R. 212-11 du code de l’environnement ou celles de la directive du 23 octobre 2000 qu’elles transposent ;
11. Considérant, en troisième lieu, que les auteurs du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Loire-Bretagne ont fixé une orientation générale tendant à limiter et à encadrer, dans le bassin, la création de plans d’eau ; qu’afin de permettre l’atteinte de cet objectif, le schéma directeur subordonne la délivrance des autorisations relatives à de tels ouvrages au respect de différentes conditions ; qu’il prévoit néanmoins des exceptions à ce régime, notamment s’agissant des plans d’eau de barrages destinés à l’alimentation en eau potable et à l’hydroélectricité, des plans d’eau créés aux fins de constitution de réserves de substitution, des plans d’eau de remise en état des carrières et des retenues collinaires ; qu’il ressort des pièces du dossier, que, contrairement à ce qui est soutenu, les plans d’eau créés aux fins de constitution de réserves de substitution et de retenues collinaires doivent être regardés comme contribuant à l’atteinte de l’objectif de gestion équilibrée de l’eau que poursuit tout schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux ; qu’en outre, le schéma directeur contesté encadre la délivrance des autorisations de création des plans d’eau de remise en état des carrières, notamment en ce qui concerne les extractions de granulats alluvionnaires, afin de garantir le respect de l’objectif rappelé ci-dessus ; que les exceptions prévues en faveur des types de plans d’eau retenus par le schéma critiqué répondent à des utilisations spécifiques de la ressource en eau ; qu’il suit de là que le moyen tiré de ce que le schéma directeur méconnaîtrait, sur ce point, le principe de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau défini par l’article L. 211-1 du code de l’environnement ainsi que le principe d’égalité doit être écarté ;
12. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’Association des irrigants des Deux-Sèvres et l’association France Nature Environnement et autres ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêté du 18 novembre 2009 ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font, par suite, obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il est donné acte du désistement d’instance des conclusions de l’Association des irrigants des Deux-Sèvres tendant à la communication des documents qu’elle avait demandés.
Article 2 : La requête n° 338160 et le surplus des conclusions de la requête n° 338159 sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’Association des irrigants des Deux-Sèvres, à l’Association France Nature Environnement, à l’Association Pays de Loire Nature Environnement, à l’Association Coordination des associations environnementales du littoral vendéen, à l’Association pour la protection de la nature au pays des Olonnes et à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.