Vu la requête, enregistrée le 10 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par l’ASSOCIATION LIBERTE, INFORMATION, SANTE, dont le siège est … ; l’ASSOCIATION LIBERTE, INFORMATION, SANTE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du 25 mai 2000 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l’abrogation de l’instruction du 2 septembre 1992 relative à la pratique des immunisations dans les armées en tant qu’elle rend obligatoires les vaccinations contre la méningite, les hépatites A et B et la typhoïde ;
2°) d’enjoindre sous astreinte au ministre de la défense d’abroger, dans cette mesure, ladite instruction ;
3°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 3 000 F (457,35 euros) au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 modifiée ;
Vu le décret n° 94-1106 du 20 décembre 1994 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. J. Boucher, Auditeur,
– les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l’ASSOCIATION LIBERTE, INFORMATION, SANTE demande l’annulation de la décision du 25 mai 2000 par laquelle le ministre de la défense a rejeté sa demande tendant à l’abrogation de l’instruction du 2 septembre 1992 relative à la pratique des immunisations dans les armées, en tant que cette instruction rend obligatoires, pour l’ensemble des militaires, les vaccinations contre la typhoïde et contre la méningite et, pour certaines catégories de personnels, les vaccinations contre les hépatites A et B ;
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l’article 3.1.1 de l’instruction du 2 septembre 1992 rendant obligatoire, pour l’ensemble des militaires, la vaccination contre la typhoïde ont, antérieurement à l’introduction de la requête, été abrogées par une nouvelle instruction du ministre de la défense du 22 décembre 1994, qui n’a laissé subsister cette obligation que pour les militaires appelés à servir outre-mer ou en opérations extérieures ; que, dans les limites de cette abrogation, les conclusions de l’ASSOCIATION LIBERTE, INFORMATION, SANTE sont sans objet et, par suite, irrecevables ;
Considérant, en deuxième lieu, que l’instruction litigieuse rend obligatoires, d’une part, pour l’ensemble des militaires, la vaccination contre la méningite, d’autre part, pour les militaires appelés à servir outre-mer ou en opérations extérieures, la vaccination contre la typhoïde et l’hépatite A, ainsi que, pour les militaires appelés à servir outre-mer ou en opérations extérieures et les plongeurs subaquatiques, la vaccination contre l’hépatite B ; que c’est sans méconnaître sa compétence que le ministre de la défense, responsable de l’emploi des militaires placés sous son autorité et du maintien de l’aptitude de ces derniers aux missions qui peuvent à tout moment leur être confiées, a édicté ces dispositions qui sont directement liées aux risques et exigences spécifiques à l’exercice de la fonction militaire ;
Considérant, en revanche, et en troisième lieu, que si, en vertu de l’article L. 3111-4 du code de la santé publique, les personnes exerçant, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, une activité professionnelle les exposant à des risques de contamination, ainsi que les élèves et étudiants s’y préparant à l’exercice des professions médicales et des autres professions de santé dont la liste est déterminée par arrêté du ministre chargé de la santé, doivent être immunisés contre l’hépatite B, seul un arrêté des ministres chargés de la santé et du travail, pris après avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, peut déterminer les catégories d’établissements et organismes intéressés ; que, dès lors, le ministre de la défense n’était pas compétent pour prescrire, à l’article 3.2.4 de l’instruction litigieuse – dont les dispositions présentent, contrairement à ce qu’il soutient, un caractère réglementaire – une mesure identique dans les établissements de prévention ou de soins relevant de son administration ; que le ministre était tenu, par suite, de déférer à la demande de l’association requérante tendant à l’abrogation des dispositions litigieuses, qui sont entachées d’excès de pouvoir ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’ASSOCIATION LIBERTE, INFORMATION, SANTE est seulement fondée à demander l’annulation de la décision attaquée en tant qu’elle a rejeté sa demande tendant à l’abrogation de l’article 3.2.4 de l’instruction du 2 septembre 1992, en ce qui concerne les personnels des établissements de prévention et de soins relevant du ministre de la défense et les élèves et étudiants s’y préparant à l’exercice des professions de santé ;
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution ;
Considérant que l’annulation de la décision du ministre de la défense du 25 mai 2000 en tant qu’elle a rejeté la demande de l’ASSOCIATION LIBERTE, INFORMATION, SANTE tendant à l’abrogation de l’article 3.2.4 de l’instruction du 2 septembre 1992, en ce qui concerne les personnels des établissements de prévention et de soins et les élèves et étudiants s’y préparant à l’exercice des professions de santé, implique nécessairement l’abrogation, dans cette mesure, des dispositions litigieuses ; qu’il y a lieu, par suite, d’enjoindre au ministre de la défense de procéder à une telle abrogation dans le délai de deux mois suivant la notification de la présente décision ; qu’il n’y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l’Etat à verser à l’ASSOCIATION LIBERTE, INFORMATION, SANTE une somme de 400 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du ministre de la défense du 25 mai 2000 est annulée en tant qu’elle a rejeté la demande de l’ASSOCIATION LIBERTE, INFORMATION, SANTE tendant à l’abrogation de l’article 3.2.4 de l’instruction du 2 septembre 1992, en ce qui concerne les personnels des établissements de prévention et de soins et les élèves et étudiants s’y préparant à l’exercice des professions de santé.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de la défense de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, à l’abrogation des dispositions précitées.
Article 3 : L’Etat versera à l’ASSOCIATION LIBERTE, INFORMATION, SANTE une somme de 400 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l’ASSOCIATION LIBERTE, INFORMATION, SANTE est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION LIBERTE, INFORMATION, SANTE et au ministre de la défense.