AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête enregistrée le 5 février 1985 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Belkacem X…, demeurant Carrière-Jobert Bab-el-Oued à Alger (Algérie), et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1°) annule le jugement du 5 décembre 1984 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté d’expulsion pris à son encontre le 29 février 1984 par le ministre de l’intérieur et de la décentralisation,
2°) annule ledit arrêté,
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi n° 81-973 du 29 octobre 1981 ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entendu :
– le rapport de Mme Leroy, Auditeur,
– les observations de la SCP Lemaitre-Monod, avocat de M. X…,
– les conclusions de M. Schrameck, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que le tribunal administratif de Paris s’est fondé notamment, pour rejeter la demande de M. X…, sur les éléments contenus dans le mémoire en défense et les pièces présentées par le ministre de l’intérieur et de la décentralisation le 16 novembre 1984 ; que ces documents n’ont été communiqués à l’avocat de M. X… que le 23 novembre 1984, soit deux jours après l’audience publique ; qu’il appartenait en l’espèce au tribunal, eu égard au contenu de ce mémoire et de ces pièces, de les communiquer à M. X… après avoir rouvert l’instruction pour permettre à celui-ci de présenter ses observations en réponse à ces éléments nouveaux ; que, par suite, M. X… est fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu sur une procédure irrégulière et à en demander l’annulation ;
Considérant que, dans les circonstances de l’afaire, il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par M. X… devant le tribunal administratif de Paris ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : « … doivent être motivées les décisions qui restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police » ; que, si l’article 4 de la même loi dispose que « lorsque l’urgence absolue a empêché qu’une décision soit motivée, le défaut de motivation n’entache pas d’illégalité cette décision », il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l’espèce, et en admettant même que la décision attaquée pût être légalement prise sur le fondement de l’article 26 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, l’expulsion de M. X…, prononcée par arrêté du 29 février notifié à l’intéressé le 8 mars 1984, ait présenté un caractère d’urgence absolue empêchant l’administration de motiver ledit arrêté ;
Consiérant qu’aux termes de l’article 3 de la loi susvisée du 11 juillet 1979 « la motivation … doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ; qu’en se bornant, pour motiver l’arrêté attaqué, à indiquer qu’il résultait des renseignements recueillis que M. X… « préparait des actions violentes » sans préciser aucun des éléments de fait retenus pour justifier cette décision, le ministre de l’intérieur et de la décentralisation n’a pas satisfait aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 ; que, par suite, M. X… est fondé à demander l’annulation de l’arrêté susvisé du 29 février 1984 ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 5 décembre 1984 et l’arrêté du ministre de l’intérieur et de la décentralisation du 29 février 1984 enjoignant à M. X… de quitter le territoire français sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X… et au ministre de l’intérieur.